On peut en dire autant de Saint-Amand lorsqu’il peint un petit enfant qui, au passage de la mer Rouge, va, saute, revient : Et joyeux à sa mère offre un caillou qu’il tient. […] J’engloutis les cités sous les sables mouvants ; Je renverse les monts sous les ailes des vents ; Mon pied infatigable est plus fort que l’espace ; Le fleuve aux grandes eaux se range quand je passe, Et la voix de la mer se tait devant ma voix. […] L’astre-roi se couchait calme, à l’abri du vent ; La mer réfléchissait ce globe d’or vivant, Ce monde, âme et flambeau du nôtre ; Et dans le ciel rougeâtre, et dans les flots vermeils, Comme deux rois amis, on voyait deux soleils Venir au-devant l’un de l’autre.
« Quel sera le crime de l’homme du roi, qui, trompé dès le début de son expédition, frustré de la moitié des forces qu’on s’était engagé à lui fournir, enchaîné bientôt par une puissance absolue, dépourvu de tous moyens, sans vivres, sans argent, sans vaisseaux, sans soldats, traversé par mille obstacles, oublié de sa cour, tandis que les ennemis recevaient des renforts multipliés de la leur ; malgré l’excessive infériorité de ses forces, malgré l’esprit de sédition et de vertige répandu dans une armée qui n’a ni solde, ni nourriture ; malgré la désertion journalière et la défection totale de cette armée sans cesse quittant ses drapeaux pour aller joindre l’ennemi, trouve moyen de faire la guerre pendant trois ans sans interruption ; prend dix places, en manque une, et la manque parce que son escadre l’abandonne et laisse la mer libre à l’escadre ennemie ; gagne dix batailles, en perd une, et la perd, parce qu’une partie de ses troupes disparaît au commencement de l’action, et le laisse sur le champ de bataille, au moment où il fond sur l’ennemi ; dispute le terrain pied à pied ; lorsqu’il ne peut plus se défendre, tient pendant cinq mois en échec des forces vingt fois supérieures aux siennes ; et après avoir épuisé toutes les ressources que son zèle et son imagination pouvaient lui suggérer, après avoir payé et nourri de son argent le peu de troupes qui lui restait, est enfin obligé de rendre une ville2 bloquée par terre et par mer, une ville prise par la famine, où il ne restait pas un grain de riz, où l’on avait mangé les arbres et le cuir, sans autre défense, en un mot, que quelques canonniers, et une poignée de soldats, qui n’avaient plus la force de remuer un canon, même pas celle de se trainer jusqu’aux remparts.
Ainsi, lorsque des monts séparés par Alcide Les aquilons fougueux fondent d’un vol rapide, Soudain les flots émus de deux profondes mers D’un choc impétueux s’élancent dans les airs : La terre au loin gémit, le jour fuit, le ciel gronde, Et l’Africain tremblant craint la chute du monde2. […] vous passez les mers Pour soulager nos maux et pour briser nos fers ?
Ier du livre IV de Quinte-Curce : « Darius, tanti modo exercitus rex, qui, triumphantis magis quam dimicantis more, curra sublimis, inierat prælium, per loca, quœ prope immensis agminibus compleverat, jam inania et ingenti solitudine vasta, fugiebat. » Opposez à ce passage une construction toute différente de Justin, pour exprimer la même idée, à propos de Xerxès, livre II, chap. 13 : « Erat res spectaculo digna, et œstimatione sortis humanœ verum varietate miranda, in exiguo latentem videre navigio, quem paullo ante vix æquor omne capiebat ; carentem etiam omni servorum ministerio, cujus exercitus propter multitudinem terris graves erant. » Et voyez cependant malgré le defaut de désinences significatives, la construction française, maniée par un grand écrivain, égale, si elle ne la surpasse, toute la puissance de la construction latine ; rapprochez, en effet, de Quinte-Curce et de Justin la phrase magnifique de Bossuet, toujours sur la même idée : « O voyage bien différent de celui qu’elle avait fait sur la même mer, lorsque, venant prendre possession du sceptre de la Grande-Bretagne, elle voyait pour ainsi dire les ondes se courber sous elle et soumettre toutes leurs vagues à la dominatrice des mers !
Et dans cet exorde du discours d’un bon père capucin : J’embarque ce discours sur le galion de mes lèvres, pour passer la mer orageuse de vos attentions, et arriver au port fortuné de vos oreilles. […] Le nom des dieux du paganisme se prend pour la chose à laquelle ils présidaient : Vulcain pour le feu, Mars pour la guerre, Neptune pour la mer, les Muses pour les beaux-arts, Apollon pour la poésie, etc. […] Aimé Martin s’exprime ainsi : Du haut de ses coteaux chargés de vignes, des fleuves de vin coulent éternellement dans la coupe de tous les peuples, tandis que ses larges plaines, les moissons ondoient, comme les flots de la mer sous le vent qui les courbe, sous le soleil qui les mûrit. […] Regardez à l’horizon lointain… Ne craignez rien, filles timides : C’est sans doute par l’onde entraîné vers les mers.
Mon vaisseau fit naufrage aux mers de ces sirènes2 ; Leur voix flatta mes sens, ma main porta leurs chaînes ; On me dit : « Je vous aime », et je crus comme un sot Qu’il était quelque idée attachée à ce mot. […] Il est semblable au feu, dont la douce chaleur Dans chaque autre élément en secret s’insinue, Descend dans les rochers, s’élève dans la nue, Va rougir le corail dans le sable des mers, Et vit dans les glaçons qu’ont durcis les hivers1.