La précision et la justesse des pensées, l’élégance des termes, l’harmonie des vers, la richesse des rimes n’y doivent rien laisser à désirer ; en un mot, tout doit y être d’une beauté achevée.
Homère Je ne suis qu’un Scythe, et l’harmonie des vers d’Homère, cette harmonie qui transporte les Grecs, échappe souvent à mes organes trop grossiers ; mais je ne suis plus maître de mon admiration, quand je vois ce génie altier planer, pour ainsi dire, sur l’univers, lançant de toutes parts ses regards embrasés, recueillant les feux et les couleurs dont les objets étincellent à sa vue, assistant au conseil des dieux, sondant les replis du cœur humain, et bientôt, riche de ses découvertes, ivre des beautés de la nature, et, ne pouvant plus supporter l’ardeur qui le dévore, la répandre avec profusion dans ses tableaux et dans ses expressions ; mettre aux prises le ciel avec la terre, et les passions avec elles-mêmes ; nous éblouir par ces traits de lumière qui n’appartiennent qu’aux talents supérieurs ; nous entraîner par ces saillies de sentiment qui sont le vrai sublime, et toujours laisser dans notre âme une impression profonde qui semble l’étendre et l’agrandir. […] L’astre des nuits, la triple Hécate, qui répète par des harmonies plus douces celles de l’astre du jour, en se levant sur l’horizon, dissipa l’empire de la lumière et fit régner celui des ombres. […] Mais s’éveiller à minuit, aux cris de la tempête, être assailli dans les ténèbres par une harmonie sauvage et furieuse qui bouleverse le paisible empire de la nuit, c’est quelque chose d’incomparable en fait d’impressions étranges ; c’est la volupté dans la terreur. […] La terre s’enivrait de ta large harmonie ; Pour parler dans la brise, elle a créé les bois : Quand elle veut gémir d’une plainte infinie, Des chênes et des pins elle emprunte la voix. […] Qu’importe à l’œuvre que les instruments sachent ce qu’ils font : vingt ou trente automates, agissant ensemble, produisent une pensée étrangère à chacun d’eux ; le mécanisme aveugle est dans l’individu : le calcul ingénieux, l’imposante harmonie sont dans le tout.
Rien de plus aisé à comprendre : « Il étudiait l’art qui enseigne les propriétés du mouvement, qui mesure les temps et les espaces, qui calcule les vitesses et commande aux éléments dont il s’assujétit les forces ; l’art de faire mouvoir tous ces vastes corps, d’établir un concert et une harmonie de mouvement entre cent mille bras, de combiner tous les efforts qui doivent concourir ensemble, de calculer l’activité des forces et le temps de l’exécution. — Maurice écartait les barrières du préjugé pour reculer les limites de son art : après avoir trouvé le bien, il cherchait le mieux. — Il s’élançait au-delà du cercle étroit des événements, et créait des combinaisons nouvelles ; imaginait des dangers pour trouver des ressources ; étudiait surtout la science de fixer la valeur variable et incertaine du soldat, et lui donner le plus grand degré d’activité possible ».
beautés qui n appartiennent point exclusivement, comme l’Iliade ou l’Énéide, à telle ou telle contrée, mais qui sont le patrimoine universel du genre humain, parce qu’Abraham, Jacob, Joseph, sont des hommes : au lieu qu’Achille, Hector, Priam, Ulysse, Agamemnon, sont des Grecs : beautés qui ne tiennent point absolument à l’idiome primitif, puisqu’elles sont belles et attachantes dans tous les idiomes ; au lieu qu’une grande partie du charme des poètes anciens dépend de l’harmonie du vers et du choix heureux de l’expression, mérite qui disparaît presque entièrement dans une traduction, quelque bien faite qu’elle soit d’ailleurs.
C’est peu d’aimer les vers, il les faut savoir lire ; Il faut avoir appris cet art mélodieux De parler dignement le langage des dieux ; Cet art qui, par les tons des phrases cadencées, Donne de l’harmonie et du nombre aux pensées ; Cet art de déclamer dont le charme vainqueur Assujettit l’oreille et subjugue le cœur.
Avant lui et après lui, cette parfaite harmonie, qui dure si peu dans la vie littéraire d’un peuple, ou n’est pas encore ou bientôt n’est plus… » Le texte original des Pensées avait été fort altéré par ses premiers éditeurs : M.