Que si vous craignez les hivers du septentrion, dites-moi quelles ombres, quel éventail, quelles fontaines vous pourraient si bien préserver à Rome des incommodités de la chaleur5, comme un poêle et un grand feu vous exempteront ici d’avoir froid.
Cette qualité distingue particulièrement les écrits de La Fontaine et de Racine ; en lisant ces deux auteurs si parfaits, il semble que l’on va soi-même parler et écrire avec la même facilité, le même talent ; mais on est réduit bientôt à les admirer, en reconnaissant l’impuissance où l’on se trouve de pouvoir égaler le charme de leur style. Quelques fragments de La Fontaine et de Racine pris au hasard nous offriront des modèles de Naturel. […] Que bien que mal elle arriva Sans autre aventure fâcheuse ; Voilà nos gens rejoints : et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines… La Fontaine.
Je vis ce dieu qu’en vain j’implore, Ce dieu charmant que l’on ignore Quand on cherche à le définir ; Ce dieu qu’on ne sait point servir Quand avec scrupule on l’adore ; Que La Fontaine fait sentir, Et que Vadius cherche encore. […] Cette admirable fontaine, qu’on regarde si peu, et qui est ornée des précieuses sculptures de Jean Goujon, mais qui le cède en tout à l’admirable fontaine de Bouchardon64, et qui semble accuser la grossière rusticité de toutes les autres. […] La Fontaine, qui avait conservé la naïveté de son caractère, et qui, dans le Temple du Goût, joignait un sentiment éclairé à cet heureux et singulier instinct qui l’inspirait pendant sa vie, retranchait quelques-unes de ses tables. […] La Fontaine, dans ses opéras, emploie le même genre qui lui est si naturel dans ses contes et dans ses fables. […] Dites-moi si Racine a persiflé Boileau, si Bossuet a persiflé Pascal, et si l’un et l’autre ont mystifié La Fontaine, en abusant quelquefois de sa simplicité ?
C’est ainsi que sont écrites presque toutes nos fables, depuis La Fontaine.
Comparez la fable de La Fontaine sur le combat des Rats et des Belottes.
Sans parler de notre siècle, où les Ailes d’Icare ne sont pas seulement un roman, mais l’histoire de chaque jour, Boileau, oubliant ses propres préceptes, ne méconnaissait-il pas son génie, ne s’ignorait-il pas lui-même, quand il composait l’Ode sur la prise de Namur ; Molière, quand il se faisait le panégyriste du Val de Grâce ; la Fontaine, quand il chantait le quinquina ou la captivité de Saint-Malc ; Corneille, quand il luttait contre Racine, dans Tite et Bérénice, ou contre le mystique anonyme du moyen âge, dans la traduction en vers de l’Imitation de Jésus-Christ ?