Ils virent dans les préfaces de Racine un crime de lèse-majesté cornélienne.
Quand un roi fainéant, la vergogne des rois, Laissant à ses flatteurs le soin de ses provinces, Entre les voluptés indignement s’endort, Quoique l’on dissimule, on en fait peu d’estime ; Et si la vérité se peut dire sans crime, C’est avec plaisir qu’on survit à sa mort. […] Par un merveilleux artifice du poète français, chaque crime qu’elle rappelle diminue l’horreur du sien, et amène ce terrible aveu que les lois de la décence ne semblaient pas devoir permettre : elle connaît, elle avoue tous ses crimes ; le silence même qu’elle garde sur l’innocence d’Hippolyte est rendu naturel et supportable par l’égarement et le désespoir furieux où la jette la comparaison qu’elle fait du bonheur d’Hippolyte et d’Aricie avec les maux qu’elle-même a soufferts. […] L’Arabe les menace ; et Malc, dans un moment de désespoir et d’illusion, croit pouvoir échapper au crime qu’on lui propose en se donnant la mort. […] Sa beauté lui donnait d’éternelles alarmes : Ses mains avec plaisir auraient détruit ses charmes ; Mais, n’osant attenter contre l’œuvre des cieux, Le soleil se chargeait de ce crime pieux. […] Je te perds pour jamais, ami tendre et Adèle, Toi dont le cœur, toujours conforme à mes désirs, Goûtait avec le mien la douceur mutuelle De partager nos maux ainsi que nos plaisirs : Flatté que ta bonté ne me fît point un crime De mes vices, de mes défauts, Je te les confiais sans perdre ton estime, Ni que cela m’ôtât rien de ce que je vaux.
Qu’on nomme crime ou non ce qui fait nos débats, Sire, j’en suis la tête, il n’en est que le bras. […] Mon cœur en un moment Étant de ses regards charmé si puissamment, Le choix que vos bontés avaient fait de Clarice, Sitôt que je le sus, me parut un supplice : Mais comme j’ignorais si Lucrèce et son sort Pouvaient avec le vôtre avoir quelque rapport, Je n’osai pas encor vous découvrir la flamme Que venaient ses beautés d’allumer dans mon âme ; Et j’avais ignoré, monsieur, jusqu’à ce jour Que l’adresse d’esprit fût un crime en amour.
Il porte, il est vrai, la richesse, en ce genre, jusqu’à la prodigalité ; mais qui pourrait lui faire un crime, ou même un reproche, d’un défaut qui devient à chaque instant pour nous la source d’un nouveau plaisir !
« L’unique crime d’Euryale, s’écrie Nisus, c’est d’avoir trop aimé son ami », Nisus seul est coupable : Tantum infelicem nimium dilexit amicum. […] Ma femme et mes enfants que je vouerais à la mort pour votre gloire, je les soustrais, maintenant à vos fureurs, afin que les crimes dont nous sommes menacés ici, n’aient d’autre expiation que mon sang ; que le meurtre de l’arrière-petite-fille d’Auguste, l’assassinat de la bru de Tibère ne vous rendent plus coupables encore. […] Les serpents se montrent hardis de toute la frayeur de ceux qui fuient ; ils se montrent hardis de l’inspiration peut-être de la divinité, vengeresse du crime de Laocoon. […] Mes crimes désormais ont comblé la mesure : Je respire à la fois l’inceste et l’imposture. […] que c’est un crime de fuir, de céder, de déserter le poste qu’elle t’assigne ?
Cette droiture d’âme peut se rencontrer avec des fautes considérables, même avec des crimes, pourvu que ce soient des crimes où l’on tombe par imprudence, par faiblesse, par emportement.