Disons un mot de celles qui sont relatives aux lecteurs et aux auditeurs. […] Les passions en littérature, c’est l’emploi que l’on fait des sentiments de l’âme pour émouvoir et intéresser ; l’orateur s’en sert pour toucher ses auditeurs et entraîner leur conviction.
2° Dans les louanges, lorsqu’il est dangereux de blesser l’amour propre des auditeurs en parlant de soi exclusivement. […] Pour l’employer convenablement l’écrivain considère une idée sous ses divers aspects et les présente tour à tour à l’auditeur. […] (Bossuet.) » A cette exclamation, les sanglots des auditeurs éclatèrent de toutes parts. […] La communication est une figure par laquelle l’orateur semble interroger ses auditeurs, les prendre eux-mêmes pour juges, s’en rapporter à leur décision, comme dans ces phrases : Répondez-moi, qu’auriez-vous fait en telle position ? […] Par elle l’orateur ou le poète ne poursuit pas le propos qu’il a commencé ; il passe subitement à un autre, mais de manière que l’auditeur puisse facilement suppléer ce que son silence laisse sous-entendu.
La raison de cet arrangement, c’est que l’auditeur étant frappé tout d’abord par la mise en scène de l’objet principal, si le verbe, ou d’autres mots essentiels sont renvoyés à la fin, il est obligé de soutenir son attention jusqu’au terme final, qui est comme la solution ou le dénouement de tout ce qui précède. […] Par la différente disposition qu’il leur donne, tantôt le discours marche avec une gravité majestueuse, ou coule avec une prompte et légère rapidité ; tantôt il charme l’auditeur par une douce harmonie, ou le pénètre d’horreur et de saisissement par une cadence dure et âpre, selon la différence des sujets qu’il traite. […] Au commencement, parce que l’auditeur, prêtant une attention toute nouvelle, remarque mieux les beautés et les défauts des premières expressions. […] Les compléments accessoires sont rangés au milieu, où ils frappent suffisamment l’attention, et où ils produisent le plus d’effet, comme force secondaire unie de la manière la plus intime à la force principale, et agissant de concert avec elle sur l’esprit et les oreilles de l’auditeur. […] La période est une phrase composée de plusieurs membres disposés avec symétrie, de manière à former des espaces à peu près égaux, à la fin desquels l’esprit et la voix se reposent agréablement, pour arriver à un dernier repos qui satisfait également la pensée et l’oreille des auditeurs.
La parole de Dieu Oui, mes frères, c’est aux auditeurs de faire3 les prédicateurs ; ce ne sont pas les prédicateurs qui se font eux-mêmes. […] Ce sont les auditeurs fidèles qui font les prédicateurs évangéliques, parce que les prédicateurs étant faits pour les auditeurs, les uns reçoivent d’en haut ce que méritent les autres : Aimez donc la vérité, chrétiens, et elle vous sera annoncée : ayez appétit de ce pain céleste, et il vous sera présenté.
Comment parvenir à persuader, à instruire, à attendrir, à récréer, selon les divers sujets, et toujours à intéresser l’auditeur ou le lecteur : voilà le problème qu’il se propose. […] Cela ne signifie pas qu’il doive entièrement oublier ses auditeurs pour ne songer qu’à ses lecteurs.
Voilà Ctésiphon assez odieux d’avance, pour que tout ce que l’orateur va dire trouve un accès facile dans la croyance des auditeurs. […] On sent bien, d’après cela, qu’il lui devient presque superflu de réfuter des inculpations, que les auditeurs ont déjà perdues de vue, et dont l’impression est effacée.