Personne ne lui refuse cette qualité ; mais qu’on aille jusqu’à trouver son éloquence plus mâle, plus vive, plus riche que celle de Cicéron, c’est ce que personne ne pourra souffrir. […] Votre Majesté ne souffrirait jamais qu’on dise qu’un cadet de la maison de Lorraine lui aurait fait perdre terre, encore moins qu’on la vit mendier à la porte d’un prince étranger. […] mais vos passions souffrent-elles de la misère publique ? […] Une pensée est juste, quand elle exprime un fait existant, quand elle l’exprime tel qu’il est, comme lorsque j’énonce ces faits au moment où ils se passent : je veux, je pense, je souffre, je jouis. […] On trouve dans ce dernier des pages entières de ce genre : « On vit la duchesse d’Aiguillon souffrir, mais on ne l’entendit pas se plaindre ; elle fit des vœux pour son salut, et n’en fit pas pour sa santé.
Le cœur humain est lui-même le théâtre d’un drame sans cesse renaissant : il passe alternativement du calme à la tempête ; il aime et il hait ; il se laisse enthousiasmer, tromper, séduire ; il résiste, il souffre, il fait souffrir les autres ; ce sont des alternatives sans fin ; c’est la vie elle-même avec toutes les péripéties de son drame : océan mobile et jamais dompté.
Cela n’a même rien de ce qui doit être dans une tragédie : il n’y a ni pitié, ni terreur, ni exemple pour l’humanité ; ce ne sera pas non plus un homme très méchant, qui d’heureux deviendrait malheureux : il pourrait y avoir un exemple, mais il n’y aurait ni pitié ni terreur : l’une a pour objet l’innocent, l’autre notre semblable qui souffre ; car la pitié naît du malheur non mérité, et la terreur, du malheur d’un être qui nous ressemble. […] L’expression de celui qui est dans l’action est toujours plus persuasive : on s’agite avec celui qui est agité ; on souffre, on s’irrite avec celui qui souffre, qui est irrité.
Quand le cœur souffre, dit-elle, on se plaint à ceux qu’on aime. — Est-on parfaite ? […] Que souffrons-nous au dedans de nous-mêmes ? Que souffrons-nous à l’extérieur ? […] Justes, qui souffrez — … courage ! […] Ombre vénérable, si tu n’es pas vengée par cet excès d’infortune et de misère où je me suis précipité, sois-le du moins par tout ce que je souffre dans cet instant.
« Souvenez-vous, messieurs, dit-il, de ce temps de désordres et de trouble, où l’esprit ténébreux de discorde confondait le devoir avec la passion, le droit avec l’intérêt, la bonne cause avec la mauvaise : où les astres les plus brillants souffrirent presque tous quelque éclipse, et les plus fidèles sujets se virent entraînés malgré eux par le torrent des partis, comme ces pilotes qui se trouvent surpris de l’orage en pleine mer, sont contraints de quitter la route qu’ils veulent tenir, et de s’abandonner pour un temps au gré des vents et de la tempête.