Boileau a fort bien caractérisé les satiriques latins dans les vers suivants : Lucile, le premier, osa la faire voir ; Aux vices des Romains présenta le miroir, Vengea l’humble vertu de la richesse altière, Et l’honnête homme à pied du faquin en litière.
D’où vient qu’avec cent pieds, qui semblent inutiles, Cet insecte tremblant traîne ses pas débiles ? […] Les anciens appelaient vers élégiaques ou distiques, la réunion de deux vers dont le premier avait six pieds et le second cinq, avec un repos après le second ; et une élégie était avant tout, pour eux, une pièce de vers écrite en distiques. […] Empruntons quelques vers touchants à celle de ces élégies que le poète a consacrée à la mort de Jeanne d’Arc : Du Christ, avec ardeur, Jeanne baisait l’image ; Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents : Au pied de l’échafaud, sans changer de visage, Elle s’avançait à pas lents. […] Il peuple leurs déserts d’astres étincelants ; Les eaux autour de lui demeurent suspendues ; Il foule aux pieds les nues Et marche sur les vents.
Les vers d’Empédocle et de Parménide, les Thériaques de Nicandre et les Sentences de Théognis sont des discours qui empruntent seulement à la poésie le ton sublime et le mètre, et, en quelque sorte, son char pour ne pas marcher à pied. » En composant une imitation.]
Point d’ennuyeux causeur, de témoin importun ; Lui seul, de ma maison exacte sentinelle, Mon chien, ami constant et compagnon fidèle, Prend ci mes pieds sa part de la douce chaleur. […] Il nous a du moins montré là ce que peut être ce style, quelle vivacité, quel mouvement le distinguent, quelle propriété d’expression, quelle harmonie continue en relèvent la majesté : Au pied du mont Adule, entre mille roseaux, Le Rhin, tranquille et fier du progrès de ses eaux, Appuyé d’une main sur son urne penchante, Dormait au bruit flatteur de son onde naissante, Lorsqu’un cri, tout à coup suivi de mille cris, Vient d’un calme si doux retirer ses esprits. […] Le Roland amoureux de Boïardo fournit à L’Arioste, né à Reggio, en 1474, l’idée de son Roland furieux, poème où toutes les règles sont foulées aux pieds, mais admirable dans ses détails et dans son style, et plein de tableaux tour à tour sublimes et riants.
Denys d’Halicarnasse, qui s’en est spécialement occupé, distingue dans l’harmonie oratoire, comme dans la musique, la mélodie, le nombre, la variété, la convenance ; il calcule la portée de la voix, les intervalles, les chutes, la mesure composée d’un certain nombre de pieds, formés eux-mêmes d’un certain nombre de syllabes longues ou brèves, et présentant chacun leur caractère spécial, si bien que tout l’effet est manqué, même en prose, si vous mettez un dactyle au lieu d’un spondée, et un trochée au lieu d’un ïambe, etc. […] Assurément les deux rhéteurs latins ne négligent pas l’harmonie ; l’un, dans le Traité de l’orateur, l’autre, au livre IX des Institutions, dissertent longuement aussi sur la valeur des pieds, dans la poésie comme dans la prose, sur l’arrangement des syllabes, sur le pouvoir d’une longue ou d’une brève mise en sa place, sur le charme des ïambes, des pæons, des crétiques, habilement distribués.