Les phrases suivantes pèchent par le défaut de clarté. […] L’harmonie du style résulte, en général, du choix des mots et de leur arrangement dans la phrase. […] Elle consiste dans la texture, la coupe et l’enchaînement des phrases et des périodes. […] Pour la peindre, Cicéron n’emploie que des mots courts, des phrases coupées, et beaucoup de syllabes brèves. […] Les hardiesses qui, sans ôter à la phrase sa clarté, la rendent plus vive, sont permises à l’orateur comme au poète.
Toujours abondant, toujours harmonieux, jamais brusque, son sujet s’étend à son gré sous sa plume ; ses périodes s’enchaînent, et sa phrase marche avec une pompe et une magnificence qui sent trop, quelquefois, la recherche et le travail. […] Ses phrases sont toujours harmonieusement cadencées, jamais monotones cependant, parce qu’il en sait habilement varier la cadence.
Le Style élégant « Le style élégant choisit les coupes de phrases les plus vives et les plus rapides, les chutes harmonieuses et variées, et se montre partout fidèle au goût le plus pur et le plus délicat. […] Il s’occupe surtout du choix des mots, de l’arrangement des phrases et des artifices de l’élocution, au reste, il descend presque jusqu’au familier ou s’élève presque jusqu’au sublime, suivant la dignité des sujets qu’il traite. […] Ce défaut est celui des esprits cultivés, mais stériles ; ils ont des mois en abondance, point d’idées : ils travaillent donc sur des mots, et s’imaginent avoir combiné des idées, parce qu’ils ont arrangé des phrases, et avoir épuré le langage, quand ils l’ont corrompu en détournant les acceptions. […] Il peut se trouver dans une phrase, dans un mot, très simple en apparence, si cette phrase ou ce mot expriment une grande image, un grand sentiment ou une grande pensée. […] Le style sublime ne peut se montrer que sous le pompeux appareil des expressions et des figures les plus brillantes ; tandis que le sublime se trouve souvent dans la phrase, ou dans l’expression la plus simple.
N’est-il pas ridicule de voir l’abbé Desfontaines, qui n’avait aucune connaissance en physique, prendre parti dans les querelles des newtoniens et des cartésiens, et écrire ces phrases singulières ou plutôt insensées : Quoique le newtonianisme soit une doctrine qui renverse toute la physique et éteint toutes les lumières que Dieu nous a données sur les propriétés de la matière, sur l’ordre et le mécanisme de la nature, et qu’il soit presque inconcevable qu’il puisse y avoir un homme qui soit newtonien de bonne foi, il faut avouer, cependant, que cette philosophie, hérissée de calculs géométriques et armée de fines observations, ne laisse pas, en plusieurs points, de donner de l’embarras aux cartésiens, et de les mettre souvent sur la défensive. […] Dans un autre endroit, après avoir cité un certain nombre de phrases très injurieuses, il résume ainsi ce point : Ridicule, impertinence, témérité aveugle, bévues grossières, folies, ignorances entassées, ces beaux mots sont semés dans le livre de madame Dacier, comme ces charmantes particules grecques qui ne signifient rien, mais qui ne laissent pas, à ce qu’on dit, de soutenir et d’orner les vers d’Homère. Madame Dacier est peut-être surprise de m’en avoir tant dit ; car, puisqu’elle avait promis d’abord de ne me point dire d’injures (p. 10), il y a apparence que ces phrases lui sont échappées comme un style polémique, sans qu’elle y fît assez d’attention ; mais je l’avertis que ce n’en est pas là la trentième partie, et que quand elles ne choqueraient pas par le défaut de bienséance, elles ennuieraient encore beaucoup par la répétition.
De la succession des mots naissent les phrases, qui sont les membres du discours. […] Ainsi l’histoire, se bornant à raconter, veut une phrase alerte et rapide comme la marche des faits qu’elle expose. […] » Retranchez un membre à cette phrase où tout s’enchaîne et se rattache logiquement à l’idée principale : Milon n’est pas coupable, la démonstration cesse d’être complète. […] La forme périodique ne satisfait pas seulement l’esprit : elle a, comme la phrase musicale, son rythme et ses repos réglés par la respiration de l’orateur : elle prend les cœurs en charmant les oreilles. […] Ému, courroucé, impatient du dieu qu’il portait dans son sein, il avait une manière de jeter cette phrase, en secouant sa crinière, qui faisait dire à chacun : Silence !