/ 226
49. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

Les orateurs et les poëtes ont précédé, il est vrai, les poétiques et les rhétoriques ; mais ce fait ne prouve pas contre l’utilité de ces dernières. […] « Ce n’est point aux traités de rhétorique, dit Quintilien, qu’on doit l’invention des arguments ; ils ont tous été connus avant les règles : la rhétorique n’est qu’un recueil d’observations faites sur ce qui existait déjà ; et la preuve, c’est que les rhéteurs ne se servent que d’exemples plus vieux que leurs traités, et empruntés aux orateurs, sans rien dire de nouveau et qui n’ait été pratiqué avant eux. Les véritables auteurs de l’art sont donc les orateurs ; mais nous devons pourtant quelque reconnaissance à ceux qui ont aplani les difficultés ; car toutes les vérités que, grâce à leur génie, les orateurs ont découvertes une à une, les rhéteurs nous ont épargné la peine de les chercher et les ont rassemblées sous nos yeux. » Tous ceux qui écrivent reconnaissent d’ailleurs qu’il est dans leur art, comme dans tous les autres, certains procédés de composition, certains secrets de métier, une sorte de mécanisme littéraire, que l’on ne devine point, que l’on n’apprend qu’à l’user, après bien des essais et des tâtonnements. […] La scène, la tribune, le barreau étaient déjà ce qu’ils sont encore, des lieux où le poëte et l’orateur communiquaient oralement leurs idées et leurs impressions à leurs concitoyens assemblés. […] voilà donc l’instrument qu’il importe le plus de savoir manier pour celui-là même à qui le nom d’orateur semblerait mieux convenir que le nom d’écrivain.

50. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

il faut que le poëte, le romancier, l’orateur éprouvent ou aient éprouvé toutes les passions qu’ils veulent communiquer ou exprimer ! […] Et grâces soient rendues à l’auteur de la nature qui l’a permis ainsi ; car on conçoit que, s’il en était autrement, la vie de l’écrivain et de l’orateur serait la plus intolérable existence qu’on pût imaginer. […] Que l’orateur soit circonspect dans l’usage de la passion ; c’est ici surtout que du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas. […] Il n’en va pas ainsi de l’orateur. L’orateur est l’esclave de son auditoire ; il doit en étudier les dispositions, les flatter, les caresser d’abord, s’il veut ensuite les gouverner à son gré.

51. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Définition et division. »

Si tel auteur profite d’un talent incontestable pour faire l’éloge du vice et tâcher de décrier la vertu, je suis en droit de dire que cet homme ne sera jamais orateur. […] Ainsi, l’orateur qui me parlera des douceurs du crime et des fadeurs de la vertu corrompra son art, au lieu de l’améliorer ; il sera indigne du titre qu’il prend, du beau nom d’orateur. Ce n’est pas qu’on ne puisse être en même temps vicieux et bon orateur ; nous en avons plus d’un exemple dans l’histoire de notre littérature. Mais l’homme ainsi organisé ne sera orateur que quand il parlera bien de choses morales ; il ne le sera plus quand il obéira, en écrivant, à la corruption de son cœur.

52. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre I. — Rhétorique »

C’est là que doivent tendre tous les efforts, tout le travail des orateurs ; et ceux qui l’ont cultivée avec succès ont toujours tenu Je premier rang parmi leurs concitoyens. […] Mais la mission d’un orateur habile est une des plus belles qui aient jamais été confiées à l’homme. Faire prévaloir tout ce qui est bon et honnête, le juste sur l’injuste ; assurer le triomphe de la vérité et de la vertu ; défendre la pureté et la sainteté de la morale et de la religion ; étendre l’empire des lettres, des sciences et des arts ; raffermir l’existence des sociétés ébranlées ; travailler à l’utilité ou au bien général : tel est le domaine de l’orateur, telle est la gravité de la mission qu’il est appelé à remplir parmi ses concitoyens. […] L’orateur s’y propose de détourner ses auditeurs de ce qui est mal, ou de les porter vers ce qui est bien, et développe les raisons qui doivent les déterminer. […] Quand un orateur, par exemple, loue la vertu, il ne le fait que pour la conseiller et nous exciter à la pratiquer : voilà le démonstratif et le délibératif réunis ; d’où il suit qu’il est certains discours qu’il serait fort difficile de classer ; on leur donne ordinairement, lorsqu’il est possible, le nom du genre qui y domine et qui en fait le principal objet.

53. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Son style, « poli et aiguisé sur le marbre de la tribune », a les qualités ardentes et fortes que l’orateur confère et communique à l’écrivain. […] Cet homme était né orateur ; sa tête énorme, grossie par son énorme chevelure ; sa voix âpre et dure, longtemps traînante avant d’éclater ; son débit d’abord lourd, embarrassé, tout, jusqu’à ses défauts, impose et subjugue. […] En 1759, élu pour la première fois à la chambre des bourgeois de Virginie, au moment où il prenait place dans la salle, l’orateur, M. […] Wasinghton se leva pour remercier de tant d’honneur ; mais tel était son trouble qu’il ne put prononcer une parole ; il rougissait, balbutiait, tremblait ; l’orateur vint à son secours : « Asseyez-vous, M. […] On n’est bien jugé que par ses pairs. — C’est aux orateurs à parler de l’éloquence et de ses maîtres.

/ 226