Voilà le modèle de l’éloquence entraînante de la tragédie, comme nous venons de voir, dans Salluste, le modèle de la précision que commande l’éloquence historique. Dans l’un et l’autre écrivain, Catilina dit ce qu’il doit dire ; la manière seule de le dire devait offrir les différences relatives du genre ; et c’est parce que l’historien et le poète les ont si heureusement saisies, que ces deux discours sont, chacun à sa place, un modèle parfait de l’éloquence de la chose, et du style de l’histoire et de la tragédie. […] On voit que, soutenu par un grand modèle, il a fait des efforts pour s’élever même au-dessus de lui, s’il était possible, et ses efforts n’ont pas été malheureux pour cette fois. […] Mais où Silius Italicus s’est montré vraiment digne de son modèle, c’est dans cette belle pensée rendue par une image si imposante : Fallit te mensas inter quòd credis inermem : Tot bellis quæsita viro, tot cædibus armat Majestas æterna ducem.
Lorsque, joignant la réflexion, la combinaison à la mémoire, elle compose avec les traits et les circonstances que lui fournit cette dernière faculté des tableaux dont l’ensemble n’a point de modèle dans la nature, elle devient créatrice ; et c’est alors qu’elle appartient au génie. […] Dans les compositions littéraires, elle rappelle les modèles en même temps que les règles, et présente aux facultés dont nous avons parlé plus haut les matériaux dont elles ont besoin. […] Le goût, étant une faculté éminemment perfectible, se développe par un exercice fréquent, par l’étude des règles, par la connaissance des modèles, par la comparaison et l’appréciation des chefs-d’œuvre.
L’Écriture sainte nous offre d’admirables modèles de la vie pastorale dans le tableau de l’existence des patriarches. […] Admirable dans son style, il lui manque la naïveté qui caractérise son modèle.
Dans tous les arts, les modèles ont devancé les préceptes. […] On y trouve des préceptes utiles et des détails pleins de justesse et de goût sur les études du poète, sur son travail, sur les modèles qu’il doit suivre.
1 Dans le petit nombre d’années où Racine travailla pour le théâtre, il composa douze tragédies, qui sont presque toutes demeurées l’honneur et le modèle de la scène française. […] Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance : Appliqué sans relâche au soin de me punir, Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir : Ta haine a pris plaisir à former ma misère ; J’étais né pour servir d’exemple à ta colère, Pour être du malheur un modèle accompli : Hé bien ! […] Ce qu’on peut dire avec vérité, c’est que généralement inférieur à Corneille pour la grandeur des idées et des caractères autant que pour la fécondité de l’invention, Racine lui est, en revanche, supérieur par la manière dont il traite la passion et par l’emploi des images dans le style, où il est avec Boileau, notre modèle le plus soutenu. […] Dans tout ce passage, on sent, comme le remarque La Harpe, que Virgile a servi de modèle à Racine.