Misère de l’homme Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent, qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ; que la terre lui paraisse comme un point, au prix du vaste tour que cet astre décrit1, et qu’il s’étonne de ce que ce vaste tour lui-même n’est qu’un point très-délicat à l’égard de celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent2. […] C’est elle en qui la puissance est dispensée par les lumières de la science, et la science relevée par l’éclat de l’autorité.
Il faut que tout y tende à porter la plus vive lumière et la plus forte conviction dans les esprits. […] Il s’agit des couleurs qu’offrent à nos yeux les fils de la lumière séparés par la réfraction. […] La pensée, éclatante lumière, Ne peut sortir du sein de l’épaisse matière. […] N’a-t-il point quelque ami qui pût, sur ses manière, D’un charitable avis lui préter les lumières ? […] Et croyez-vous les gens si privés de lumières ?
Combien de gens, en effet, qui, avec du goût et des lumières, et tout ce qu’il faut enfin pour apprécier le génie des grands hommes, ne se font point à l’idée de trouver de l’éloquence et de voir de grands orateurs dans un Bossuet, dans un Massillon ; et qui, tout en en demandant un ironique pardon à ces hommes illustres, ont peine à ne pas s’endormir en les lisant !
N’est-ce pas aller contre ses propres lumières, et contredire sa raison ?
Il faut bien connaître le peuple à qui l’on parle, et être bien sûr de son ascendant, pour tenir un pareil langage ; mais c’est précisément avec cette noble confiance, avec ce ton ferme et tranchant, que l’on établit cet ascendant, et que l’on commande, par le droit le mieux fondé et le moins humiliant pour ceux qui obéissent, la supériorité des lumières et le courage du génie. […] Si celui qui joindrait au mérite des lumières le talent de les communiquer, avait de mauvaises intentions, jamais il ne vous donnerait un bon conseil ; et, en lui supposant même de bonnes intentions, s’il était susceptible de céder à l’appât de l’or, il serait bientôt capable de trafiquer lâchement des intérêts de la patrie.