Plus heureux dans l’éloge de Voltaire, La Harpe l’a jugé en homme de goût, et la plupart de ses décisions sont devenues des arrêts dont le temps a déjà confirmé la plus grande partie. […] La langue de Platon lui devint familière comme la sienne ; l’éloquence lui apprit à parler aux hommes ; l’histoire lui apprit à les juger ; l’étude des lois lui montra la base et le fondement des états : il parcourut toutes les législations, et compara ensemble les lois de tous les peuples. […] Je vis que, pour bien gouverner, j’aurais besoin d’une intelligence presque divine, qui aperçût d’un coup d’œil tous les principes et leur application ; qui ne fût dominée ni par son pays, ni par son siècle, ni par son rang ; qui jugeât tout d’après la vérité, rien d’après les conventions.
On en jugera par le discours de l’un et de l’autre, que je vais rapporter. […] « Mon Seigneur, permettez, je vous prie, à votre serviteur de vous dire un mot, et ne vous mettez pas en colère contre votre esclave ; car vous jugez aussi souverainement que Pharaon1. […] « Je suppose que ce soit ici notre dernière heure à tous ; que les cieux vont s’ouvrir sur nos têtes ; que le temps est passé, et que l’éternité commence ; que Jésus-Christ va paraître, pour nous juger selon nos œuvres, et que nous sommes tous ici, pour attendre de lui l’arrêt de la vie ou de la mort éternelle.
« S’il est écrit qu’au milieu de cet orage je doive être outragé dans ma personne, emprisonné pour une querelle particulière ; s’il est écrit que l’usurpateur de mon bien profite de ma détention pour faire juger notre procès au parlement, et si je suis destiné de toute éternité à tomber à cette époque entre les mains d’un rapporteur inabordable, j’oserais désirer qu’il me fût interdit de sortir de prison pour solliciter ce rapporteur, sans être suivi d’un homme public et assermenté, dont le témoignage pût servir un jour à me sauver des misérables embûches de mes ennemis. […] Comment juger pareille question ? […] Je n’ai nulle considération pour des femmes qui se permettent de voir un spectacle qu’elles jugent malhonnête, pourvu qu’elles le voient en secret ; je ne me prête point à de pareilles fantaisies.
*** On vous a mal jugés, mais jugez-vous vous-même, Votre borne flottante est de vos lois l’emblème. […] Il sait votre dessein ; jugez de ses alarmes. […] Un bruit assez étrange est venu jusqu’à moi, Seigneur ; je l’ai jugé trop peu digne de foi. […] J’y ai jeté, autant que j’ai pu, la magnificence des mots ; et, à l’exemple des anciens poètes dithyrambiques, j’y ai employé les figures les plus audacieuses, jusqu’à y faire un astre de la plume blanche que le roi porte ordinairement à son chapeau, et qui est, en effet, comme une espèce de comète fatale à nos ennemis, qui se jugent perdus dès qu’ils l’aperçoivent.
C’est bien moins encore à lui à donner des leçons à ceux qui gouvernent : il y a un peu trop loin de la science qui étudie les hommes, du talent même qui les connaît, au grand art qui les gouverne ; et Thomas lui-même l’avait dit : « Le philosophe, par sa vie obscure, doit mieux juger les choses que les hommes ». […] L’on en va juger.