Mais Périclès eut encore une fortune plus étonnante, car il avait au plus haut degré toutes les qualités qui constituent le génie oratoire : élévation des pensées, éclat des images, vigueur de l’expression, rien ne lui manquait, sans parler de la voix et du geste ; pendant quarante ans cet homme d’État accompli, cet orateur incomparable jouit de la faveur des Athéniens et exerça une autorité souveraine sur la République. […] Comme Lucilius, les souvenirs des vieilles gloires de Rome lui font maudire la corruption au milieu de laquelle il vit : il n’y a plus de famille, plus de liberté d’aucune sorte ; la gloire, le crédit, la fortune, ne sont pas plus sûrs, car ils sont à la discrétion du pouvoir : le seul refuge de quiconque veut rester libre est la vertu. […] À la ville, à la campagne, en voyage, dans la bonne ou mauvaise fortune, celui qui aime les lettres porte cette passion partout, partout il cherche à la satisfaire. […] Il ne s’agit pas de venir en aide à la médiocrité de la fortune de Corneille, c’est une misère à secourir.
La fortune ne l’entraîne point dans le tumulte des hasards, etc.
Outre que cette lettre contient des idées qui depuis ont fait fortune, elle éclaire le caractère de Fénelon.
Plutus, dieu des richesses, suivant la fable, et que quelques-uns font fils de Cérès, et d’autres de la fortune On le représente boiteux, lorsqu’il vient aux hommes ; aveugle, lorsqu’il distribue les richesses, et avec des ailes, lorsqu’il s’en va.
Des jeunes gens disent quelquefois en songeant à leur avenir : Un homme de ma connaissance a fait une fortune brillante et rapide en entrant dans le commerce ; donc, en entrant dans le commerce et en m’appliquant à la même industrie, j’aurai le même succès. Cette conclusion est fausse, parce que le succès dont il s’agit n’est pas lié essentiellement à telle carrière ou à telle industrie ; mais il a dépendu du talent, de l’aptitude, de l’habileté ou du crédit de celui qui a fait une prompte fortune. […] La différence des conditions et des fortunes produit aussi de grandes différences dans les dispositions des esprits, et par conséquent dans la méthode que l’on doit suivre pour agir sur eux. […] Réduit bientôt à se défendre, il lutte seul contre la disette et la rébellion : il immole son repos, sa fortune, sa santé ; il brave la pauvreté, la faim, le poison, l’assassinat, pour servir la France.