Elle était riche, couverte de gloire, et l’on pouvait dire que sa fortune était faite.
S’agit-il, dit Quintilien, d’un crime affreux, d’un assassinat, par exemple, je verrai l’assassin attaquer un homme à l’improviste, lui mettre le poignard sur la gorge, celui-ci supplier, faire de vains efforts pour se défendre, et enfin tomber percé de coups ; je verrai son sang qui coule, la pâleur qui couvre son visage, ses yeux qui s’éteignent pour jamais ; et c’est ainsi qu’en me représentant vivement les objets, je parviendrai à les peindre avec force et chaleur. […] Mais, sans vouloir excuser ce qu’il a hautement condamné lui-même, disons, pour n’en parler jamais, que, comme dans la gloire éternelle, les fautes des saints pénitents, couvertes de ce qu’ils ont fait pour les réparer et de l’éclat infini de la divine miséricorde, ne paraissent plus ; ainsi dans des fautes si sincèrement reconnues et dans la suite si glorieusement réparées par de fidèles services, il ne faut plus regarder que l’humble reconnaissance du prince qui s’en repentit, et la clémence du grand roi qui les oublia. […] Cet homme, qui portait la gloire de sa nation jusqu’aux extrémités de la terre ; qui couvrait son camp du bouclier et forçait celui des ennemis avec l’épée ; qui donnait à des rois ligués contre lui des déplaisirs mortels, et réjouissait Jacob par ses vertus et par ses exploits dont la mémoire doit être éternelle ; cet homme, qui défendait les villes de Juda, qui domptait l’orgueil des enfants d’Ammon et d’Ésaü, qui revenait chargé des dépouilles de Samarie, après avoir brûlé sur leurs propres autels les dieux des nations étrangères ; cet homme que Dieu avait mis autour d’Israël comme un mur d’airain où se brisèrent tant de fois toutes les forces de l’Asie, et qui, après avoir défait de nombreuses armées, déconcerté les plus fiers et les plus habiles généraux des rois de Syrie, venait tous les ans, comme le moindre des Israélites, réparer avec ses mains triomphantes les ruines du sanctuaire, et ne voulait d’autres récompenses des services qu’il rendait à sa patrie que l’honneur de l’avoir servie ; ce vaillant homme, poussant enfin, avec un courage invincible, les ennemis qu’il avait réduits à une fuite honteuse, reçoit le coup mortel, et demeure comme enseveli dans son triompha. […] Venez, peuples, venez maintenant ; mais venez plutôt, princes et seigneurs ; et vous qui jugez la terre, et vous qui ouvrez aux hommes les portes du ciel ; et vous, plus que tous les autres, princes et princesses, nobles rejetons de tant de rois, lumières de la France, mais aujourd’hui obscurcies et couvertes de votre douleur comme d’un nuage ; venez voir le peu qui nous reste d’une si auguste naissance, de tant de grandeur, de tant de gloire. […] Il se dépouille de sa robe pour les couvrir ; il se jette entre les hommes de guerre ; il a horreur du sang ; il ne se préoccupe pas de la différence des intérêts, des alliances, des langues, des climats, des couleurs de l’étendard, des nuances de la peau, ni même de ce que la vanité appelle la gloire ; il ne voit dans tous les malheureux que des frères, dans les étrangers comme dans les concitoyens, que des enfants également chers à Dieu, et dans le ciel, que la patrie commune de tous les hommes.
Ajoutez-y cette multitude assemblée sur les gradins d’un vaste édifice aux lignes harmonieuses et régulières ; le soleil éclairant la scène ; le chœur la remplissant de sa mélodie ; les acteurs grandis par le cothurne, et couverts d’un masque qui grossissait la voix : vous aurez une idée de l’art grec dans toute sa majesté.
Vainement vous auriez sur un sujet de hautes pensées et de nobles sentiments : si vous ne savez pas les couvrir de ce vêtement extérieur qui fera presque tout leur prix, vous ne posséderez jamais l’art de parler ou d’écrire. […] Voyez : la neige tombe, et la terre est glacée, J’ai froid : le vent se lève, et l’heure est avancée, Et je n’ai rien pour me couvrir. […] Quoique ses yeux soient couverts d’un bandeau, ses regards pénètrent l’avenir. […] Toutefois, il faut se garder de couvrir tellement sa marche que l’esprit du lecteur ne puisse plus suivre le progrès et l’ensemble de l’action : il y aurait alors confusion et obscurité, et l’effet serait manqué. […] La mort, déployant ses ailes, Couvrait d’ombres éternelles La clarté dont je jouis, Et, dans cette nuit funeste, Je cherchais en vain le reste De mes jours évanouis.
Rousseau l’a fort bien imitée dans ces beaux vers de l’Ode au prince Eugène, en parlant de la Renommée : Quelle est cette Déesse énorme, Ou plutôt ce monstre difforme, Tout couvert d’oreilles et d’yeux, Dont la voix ressemble au tonnerre, Et qui des pieds touchant la terre, Cache sa tête dans les cieux ?