Buffon fait ici son propre éloge 2.
Comparez l’éloge de Démosthène, qui est dans le Ier Dialogue sur l’Éloquence, et un beau passage sur les Discours de Cicéron, au commencement du IIe Dialogue.
Celui dont le cœur est sec ou dépravé, celui qui est incapable d’admirer ce qui est vraiment noble et digne d’éloge, celui qui est indifférent aux sentiments les plus doux et les plus tendres, doit être complètement insensible aux grandes beautés de l’éloquence et de la poésie. […] De justes raisonnements sur de semblables sujets corrigeront les caprices d’un goût peu exercé, et fourniront des principes d’après lesquels nous pourrons distinguer et apprécier ce qui est digne d’éloge ; mais la raison finit toujours par en référer au sentiment. […] Aussi, à cet égard, nous a-t-il été permis de ne pas sentir tous de la même façon ; on peut discuter à l’infini sur le degré d’éloge que mérite une production du génie. […] Un écrivain anglais, pour faire l’éloge d’un grand homme, s’exprimerait ainsi : « Il m’est impossible de passer sous silence cette douceur inaltérable, cette bonté inouïe et cette rare modération dans l’exercice du pouvoir suprême. » Ici c’est la personne qui parle qui se présente la premiere : « Il m’est impossible ; » vient ensuite l’action qu’elle va faire : il lui est « impossible de passer sous silence ; » puis en dernier lieu la cause qui la fait agir, savoir : « la douceur, la clémence et la moderation » de l’homme qu’elle veut louer. […] La phrase eût été bien plus complète, si l’auteur l’avait tournée de cette manière : « Les jeunes théologiens sont plus familiers avec ses écrits qu’avec ceux de Démosthène, qui, du moins comme orateur, l’emportait sur lui de beaucoup. » Dans la phrase suivante de sir William Temple, la circonstance ajoutée est tout à fait étrangère au sens ; c’est en parlant de la Théorie de la terre de Burnet et de la Pluralité des mondes de Fontenelle : « Le premier, dit-il, n’a pu finir son savant traité sans faire le panégyrique de la science moderne, en la comparant à la science ancienne ; mais l’autre censure si grossièrement la poésie ancienne pour donner la préférence à la poésie moderne, que je n’ai pu lire ni l’éloge ni la critique sans indignation, sentiment que rien ne me fait plus vivement éprouver que la suffisance. » Le mot indignation terminait la phrase ; « sentiment que rien ne me fait plus vivement éprouver que la suffisance » est une proposition toute nouvelle, ajoutée à la phrase lorsqu’elle était complètement finie.
Origine et éloge de la poésie. — 408. […] Timide et glacé en toutes choses, remettant sans cesse, espérant peu, sans énergie, tremblant pour l’avenir, quinteux, maussade, il n’a d’éloges que pour le bon vieux temps !
Par la forme, par le fond, il fut le précurseur de Montaigne ; et cet éloge dispense de tout autre.