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46. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

mes frères, si nous sentions les misères de notre âme, comme nous sentons celles de notre corps ; si notre salut éternel nous intéressait autant qu’une fortune de boue, ou une santé fragile et périssable, nous serions habiles dans l’art divin de la prière ; nous ne nous plaindrions pas que nous n’avons rien à dire en la présence d’un Dieu à qui nous avons tant à demander ; il ne faudrait pas donner la gêne à notre esprit, pour trouver de quoi nous entretenir avec lui ; nos maux parleraient tout seuls ; notre cœur s’échapperait malgré nous-mêmes en saintes effusions, comme celui de la mère de Samuel devant l’arche du Seigneur ; nous ne serions plus maîtres de notre douleur et de nos larmes ; et la plus sûre marque que nous n’avons point de foi, et que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes, c’est que nous ne savons que dire au Seigneur dans le court intervalle d’une prière. — Faut-il apprendre à un malade à demander sa guérison ; à un homme pressé de la faim, à solliciter de la nourriture ; à un infortuné battu de la tempête, et sur le point d’un triste naufrage, à implorer du secours ? […] Voyez ce tableau du pécheur mourant : « Alors le pécheur mourant ne trouvant plus dans le souvenir du passé que des regrets qui l’accablent ; dans tout ce qui se passe à ses yeux, que des images qui l’affligent ; dans la pensée de l’avenir, que des horreurs qui l’épouvantent : ne sachant plus à quoi avoir recours, ni aux créatures qui lui échappent, ni au monde qui s’évanouit, ni aux hommes qui ne sauraient le délivrer de la mort, ni au Dieu juste qu’il regarde comme un ennemi déclaré, dont il ne doit plus attendre d’indulgence, il se roule dans ses propres horreurs ; il se tourmente, il s’agite pour fuir la mort qui le saisit, ou du moins pour se fuir lui-même.

47. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XX. des qualités accidentelles du style. — élégance, finesse, naiveté, enjouement  » pp. 274-288

Quand Marivaux fit jouer ses pièces, leur finesse, fatigante d’ailleurs, parce qu’elle est continue, échappait aux premières représentations. […] » Que Piron n’y eût pas mis de malice, la réponse serait ce qu’on nomme une naïveté, un mot qui échappe spontanément, soit à l’ignorance, soit à la franchise, et qu’on voudrait reprendre, quand on a réfléchi ou appris.

48. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

Mais j’avoue que je suis un peu comme la Claire de Jean-Jacques, à qui, à travers les larmes, le rire échappait quelquefois. […] Gazetier, rédacteur de la Renommée ; la verve l’emporte : il ne se contient plus, et les noms lui échappent.

49. (1883) Morceaux choisis des classiques français (prose et vers). Classe de troisième (nouvelle édition) p. 

Tel, d’un coup incertain par le prêtre frappé, Mugit un fier taureau de l’autel échappé, Qui, du fer suspendu victime déjà prête, À la hache trompée a dérobé sa tête. […] Fuis ; calme un vain courroux : fuis ; c’en est fait, ta mère Va protéger tes pas, et te rendre à ton père. » Elle dit, et dans l’ombre échappe à mes regards. […] Ces astres teints de sang, et cette horrible guerre            Des vents échappés de leurs fers, Hélas ! […] Attendait mes derniers tableaux, Quand près de moi la mort errante Vint glacer ma main expirante, Et fit échapper mes pinceaux. […] Mais il est instruit de la guerre des Géants, il en raconte le progrès et les moindres détails ; rien ne lui échappe.

50. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

Enfin, heureux d’avoir échappé à tous les périls, il revient à la demeure de son ami où il trouve, avec la sécurité, le véritable bonheur. […] Le lacs était usé ; si bien que de son aile, De ses pieds, de son bec, l’oiseau le rompt enfin : Quelque plume y péril ; et le pis du destin Fut qu’un certain vautour à la serre cruelle Vit notre malheureux, qui, traînant la ficelle, Et les morceaux du lacs qui l’avait attrapé,     Semblait un forçat échappé. […] Les armes seules ont un pouvoir qui bientôt devait leur échapper. […] L’Harmonie est la qualité du style la plus séduisante la plus capable de lui donner le nombre et la cadence, la dignité et la grâce, la majesté et la douceur qui captivent les auditeurs, et exercent sur les âmes un charme puissant et presque toujours vainqueur : aussi les anciens représentaient-ils ingénieusement le dieu de l’éloquence, Mercure, parlant à ses auditeurs, et laissant échapper de ses lèvres, non des paroles, mais des chaînes d’or, emblème du pouvoir irrésistible de cet art sur les âmes.

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