On peut cependant lui reprocher parfois un tour paradoxal, trop d’irrévérence pour les opinions consacrées, du scepticisme, et une sécheresse qui se refuse l’éclat de la couleur, par scrupule de conscience érudite, par aversion pour la tirade, la phrase, et tout ce qui paraît artificiel ou convenu.
L’élocution, qui n’est que la convenance du discours avec le sujet, de l’expression avec la pensée, doit donc avoir un tour, une couleur dominante pour chaque genre, et de plus quelque chose de propre à chaque partie et à chaque pensée. Celui-là seul est éloquent, dit Cicéron, qui sait donner à chaque sujet la couleur qui lui convient. […] En effet, outre le talent naturel qui est extrêmement rare outre cette multitude de connaissances variées qu’il est difficile d’acquérir, il faut une bien grande habitude de l’art de la parole, un goût bien pur, un style bien rompu sur toutes sortes de matières pour donner au discours tous les tons, toutes les couleurs, toutes ces nuances légères presque imperceptibles, cette flexibilité enfin qui se prête sans effort à tous les sujets, à toutes les circonstances : Oratio mollis et tenera et ita flexibilis Ut sequatur quòcumque torqueas. […] non, sans doute ; mais en conservant le fond du tableau qui est vrai, la convenance exigerait qu’il en adoucît les traits et les couleurs. […] « Autant je les charmais par ma dextérité, « Dérobant à leurs yeux la triste vérité ; « Prêtant à leur fureur des couleurs favorables, « Et prodigue surtout du sang des misérables.
Tout est peint dans un détail de circonstances affreuses : l’image du danger est exprimée dans chaque parole de l’historien ; et jamais tableau n’a paru plus fini dans l’histoire, ni touché de plus fortes couleurs et avec de plus grands traits. […] C’est à lui qu’il appartient de distinguer le vrai et le faux mérite, la véritable et la fausse gloire, les actions réellement vertueuses et celles qui ne le sont qu’en apparence ; de démasquer hardiment le vice, d’exposer la vertu dans tout son jour, et de les peindre l’un et l’autre avec les seules couleurs qui leur sont propres ; en un mot de ne louer que ce qui mérite les éloges de l’homme honnête et éclairé.
Ses descriptions ont de la couleur, de l’éclat et un charme pénétrant ; peintre ému, il mêle à ses tableaux un accent domestique et bourgeois qui est une importante nouveauté dans notre littérature. […] Il avait fait très-chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l’herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l’air était frais sans être froid ; le soleil, après son coucher, avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l’eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols, qui se répondaient de l’un à l’autre.
On connaît le talent de Bossuet pour les portraits ; on sait de quelles couleurs il a peint celui de Cromwell, et combien sa nerveuse concision et la vérité énergique de son pinceau se rapprochent, en général, de la manière de Tacite, c’est-à-dire, de ce qu’il y a de plus parfait dans ce genre.
L’œil s’exerce à connaître l’étendue et la distance dans les corps, l’alliance et les contrastes dans les couleurs ; l’oreille, à distinguer le plus ou moins d’éloignement, d’intensité, d’harmonie ou de discordance des sons ; le goût et le tact, à apprécier la nature et les degrés de la saveur, l’aspérité ou le mœlleux des surfaces ; tout le monde convient qu’il faut longtemps regarder pour voir, et écouter pour entendre.
N’est-ce pas là, en effet, comme agissent Aristote, par exemple, quand il dit, à propos des contraires : « si l’on vous allègue les lois, appelez-en à la nature, et si l’on fait parler la nature, rangez-vous du côté des lois ; » et Quintilien, quand il développe la théorie et les règles du mensonge oratoire, qu’il appelle, par euphémisme, une couleur, colorent ?
Couleurs et tours habilement contrastés avec le reste de cette pièce.
Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux.
Ne se soutenant que d’apparence, et n’étant animée que de couleur, elle agit principalement sur l’esprit du peuple, parce que le peuple a tout son esprit dans les yeux et dans les oreilles3 ; et, faute de raisons et d’autorité, elle use de charmes et de flatterie : elle est creuse et vide de choses essentielles, bien qu’elle soit claire et résonnante de tons agréables.
La conduite de Verrès en cette occasion est décrite de la manière la plus frappante, avec les couleurs les plus propres à soulever contre lui l’indignation publique. […] Il doit changer ses couleurs et nous présenter souvent des images nouvelles. […] Chaque circonstance est retracée de main de maître et sous les couleurs les plus touchantes. […] Ils nous représentent, sous les couleurs les plus belles, la valeur, la vérité, la justice, la fidélité, l’amitié, la pitié, la grandeur d’âme. […] Pâris lui-même, l’auteur de tant de calamités, y paraît sous les couleurs les plus convenables.
Non moins que l’orateur, le poëte, le peintre et le musicien cherchent un sujet et fixent leur objet, leurs moyens, leurs effets ; ils disposent dans un ordre général les conceptions, les personnages ou les motifs une fois trouvés ; c’est alors que le poëte compose ses vers, que le peintre place ses couleurs, que le musicien écrit ses mélodies : ce dernier travail est pour eux ce que le style est pour l’écrivain. […] Le lieu de la scène présenté avec les couleurs et les détails qui le mettent sous nos yeux est un cadre naturel où viennent se placer et se grouper les personnages du drame ; c’est un fond sur lequel ils se détachent avec agrément et harmonie, au lieu de se dessiner sur une teinte neutre et banale. […] Bossuet indique les signes précurseurs de la mort dans une admirable allégorie24 : Déjà tout commence à s’effacer : les jardins moins fleuris, les fleurs moins brillantes, leurs couleurs moins vives, les prairies moins riantes, les eaux moins claires ; tout se ternit, tout s’efface ; l’ombre de la mort se présente ; on commence à sentir l’approche du gouffre fatal.
Ceux-ci se peuvent comparer à un squelette dont toutes les parties se produisent à nu, exactement liées et fidèlement rapportées, tandis que l’art oratoire réprouve cette contexture sèche et osseuse qui n’inspirerait que le dégoût ; il aime à dessiner un beau corps dont les chairs fraîches et délicates laissent entrevoir des muscles vigoureux, des formes bien prises, où tout est relevé par une agréable fusion de couleurs. […] Ce que le peintre fait par les couleurs, l’écrivain le fera par le mérite du style. […] c’est sous de pareilles couleurs qu’il nous le fait voir : Monstrum horrendum, informe, ingens… Veut-il nous dire l’effroi qui va terrifiant les peuples ? […] On ne peint pas un incendie des mêmes couleurs qu’on peint un naufrage. […] Et Brébeuf après lui : C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux, Et, par cent traits divers de figures tracées, Donner de la couleur et du corps aux pensées.
Delille : Des couleurs du sujet je teindrai mon langage, et s’efforcer surtout de remplir, comme lui, l’étendue de la promesse.
Mais que nos romanciers aient poussé le fétichisme de la couleur locale jusqu’à salir leurs récits de ce hideux jargon ; qu’à la suite d’un homme d’imagination, la tourbe servile des imitateurs se soit ruée dans cette voie : voilà ce qui était indigne et abominable, ce qu’aucune théorie d’art ne peut justifier, ce que la rhétorique, comme la morale, repousse avec dégoût !
L’auteur y répand des trésors d’élégance ; il peint la nature, il en égale les richesses et les couleurs par l’éclat de son style : souvent il laisse échapper cette abondance de sentiments tendres et passionnés, langage naturel de son cœur.
Descartes fait allusion à la délicatesse de sa santé : il avait hérité de sa mère, dit Baillet, une toux sèche et une pâle couleur, qu’il a gardée jusqu’à plus de vingt ans, et tous les médecins qui le voyaient avant ce temps-là le condamnaient à mourir jeune.
Celui qui leur inspirait ce venin avec plus d’artifice était Longueil, conseiller en la grand’chambre, lequel, poussé d’un esprit d’ambition de rendre sa fortune meilleure dans les divisions publiques, avait depuis quelques années, en des assemblées secrètes, préparé plusieurs de ses confrères à combattre la domination des favoris, sous couleur du bien du royaume : de sorte que, dans la naissance de ces mouvements et dans leurs progrès, il était consulté comme l’oracle de la Fronde, tant qu’il a été constant dans son parti. […] L’âme voit la couleur par l’organe de l’œil, et entend les sons par l’organe de l’oreille ; mais elle peut cesser de voir ou d’entendre, quand ces sons ou ces objets lui manquent, sans que pour cela elle cesse d’être, parce que l’âme n’est point précisément ce qui voit la couleur ou ce qui entend les sons : elle n’est que ce qui pense. […] Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés qu’il sème dans les détails, comme l’ensemble choquera ou ne se fera pas assez sentir, l’ouvrage ne sera point construit ; et en admirant l’esprit de l’auteur, on pourra soupçonner qu’il manque de génie367. […] Mais lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume, il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire : les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile ; la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra partout et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur ; et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux. […] Mais le ton de l’orateur et du poète, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît, et que, devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent aussi partout employer toute la force et déployer toute l’étendue de leur génie.
Outre les figures grammaticales dont nous venons de parler, il en est d’autres qui tiennent, si l’on peut dire ainsi, moins au corps qu’à l’âme du discours, et que l’on emploie pour donner plus de couleur, plus de variété au style ; plus de grâce, plus de noblesse, plus de vivacité à la pensée. […] Ainsi, quand on dit que le mensonge se pare souvent des couleurs de la vérité, le mot couleurs n’a plus sa signification primitive, il ne désigne plus cette lumière qui nous fait voir les objets ou blancs, ou rouges, ou jaunes, etc. ; il exprime les dehors, les apparences morales, et cela par analogie avec le sens propre du mot couleur et les dehors d’un homme qui nous en impose sous le masque de la sincérité. […] Les antithèses employées avec goût plaisent infiniment dans les ouvrages d’esprit ; elles y font à peu près le même effet que dans la peinture les ombres et les couleurs qu’un peintre habile sait disposer convenablement, ou dans la musique les voix hautes et basses qui, en se combinant avec art, forment une délicieuse harmonie.
Mais le ton de l’orateur et du poëte, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce qu’ils sont les maîtres de joindre à la grandeur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d’illusion qu’il leur plaît, et que devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent aussi partout employer toute la force et déployer toute l’étendue de leur génie. » Maintenant, il nous reste à étudier les qualités essentielles de l’élocution, c’est-à-dire celles qui conviennent à tous les tons ; les qualités accidentelles, c’est-à-dire celles qui ne conviennent que dans tel ou tel ton ; et enfin les ornements dont l’élocution est susceptible, et que l’on comprend sous le nom général de figures.
8° II veille à ce qu’il n’y ait rien de disparate dans tous ses arrangements à ce que tout concoure à la beauté, à la perfection de son palais — C’est l’harmonie de la disposition, 9° Enfin, il pose ses ornements, taille avec élégance ses colonnes, sculpte ses statues et ses vases, il couvre les murs intérieurs de riches tentures, de peintures agréables ; l’œil s’y repose satisfait sur des tableaux magnifiques et sur des couleurs séduisantes. — C’est le style, ce sont les figures, c’est, en un mot l’élocution dont nous allons parler avec étendue, parce que c’est, à proprement parler, toute la rhétorique de la jeunesse.
Vous verrez comment les mêmes idées prennent la couleur des caractères différents, et changent de ton, suivant les écrivains.
C’est ce que l’école romantique appelle la couleur locale.
Sûr désormais de tenir la vérité, il force à dessein ses couleurs, il sent qu’il triomphe, que la conscience de l’homme s’émeut, que la vérité va sortir de sa bouche.
La pensée est hardie, lorsque l’objet, dont elle est l’image, se peint dans l’esprit avec des couleurs extraordinaires. […] C’est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux, Et par des traits divers de figures tracées, Donner de la couleur et du corps aux pensées.
Partout Massillon persuade, parce que l’intérêt de ses auditeurs est le seul qui l’occupe ; parce qu’il semble n’être monté en chaire que pour les prévenir du danger qui les menace ; et ce danger, il en est lui-même si pénétré, il le peint de couleurs si vraies, soutenues de preuves si convaincantes, toujours puisées dans la nature et dans le cœur de l’homme, que l’on ne peut pas ne pas rester convaincu avec lui de la réalité et de l’importance des vérités qu’il annonce.
Cette transition mène naturellement la description de la guerre des pirates ; et de quelles couleurs l’orateur se sert pour la peindre !
Aussi l’Orateur, dit-il2, y emploie les couleurs les plus fortes et les plus vives.
On appelle ainsi un tableau peint d’une seule couleur.
À la vérité, ces tissus brillants se faneront vite ; la trame en est légère et la couleur peu solide.
Fontanes3, en son temps, paraissait un classique pur à ses amis : voyez quelle pâle couleur cela fait à vingt-cinq ans de distance.
Presque toujours, au temps où chaque peuple voit se constituer son individualité, il se passe quelque événement remarquable accompli par un héros qu’on s’accorde à regarder comme le fondateur de l’unité nationale, et il se rencontre toujours alors des poètes pour célébrer ces hauts faits on les ornant des couleurs de la poésie et transformer l’histoire en légende ; telle est l’épopée, et si tous les peuples n’ont pas aujourd’hui la leur, c’est apparemment qu’il ne s’est pas trouvé, à l’époque de leurs origines, un poète de génie pour les chanter sous une forme durable et digne de passer à la postérité. […] Burnouf, l’écrivain qui pénétra le plus avant dans les replis du cœur humain est peut-être encore celui qui a trouvé, pour peindre la nature, les couleurs les plus riches et les plus habilement nuancées. » « La vérité de ses portraits n’est pas moins saisissante, dit encore M. […] Quand l’écrivain se sera fait un plan sévère, « il n’aura que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et la chaleur naîtra de ce plaisir : les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera. » Pour conserver au style son véritable mouvement, Buffon conseille d’éviter les pensées fines, les idées légères, déliées, « qui comme la feuille de métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité. » Cette recherche de l’expression ne peut qu’éteindre la chaleur de la composition et nuire par conséquent au mouvement. […] « Il y a un abîme entre la valeur littéraire des deux pièces, qui diffèrent entièrement par la couleur générale, la conception, la marche de l’action, l’expression de sentiments qui ne sont les mêmes qu’en apparence. […] Malherbe. — Sans doute, les patois sont bien le langage du peuple, mais ne voyez-vous pas qu’en empruntant à tous indistinctement, vous ne saviez composer qu’une langue bigarrée, sans analogie, sans couleur et sans caractère.
Mais enfin, il faut céder…, etc. » Mettons de côté pour un moment la suite et la convenance du récit, la couleur et l’énergie de l’expression ; n’examinons que le rhythme et le mouvement, et nous verrons quelle valeur l’harmonie bien comprise ajoute au discours.
La magnificence est à l’esprit ce que le sublime est au sentiment, les plus hautes conceptions du génie revêtues des plus brillantes couleurs de l’imagination.
Souvent on résume les principales preuves en les groupant avec de nouvelles couleurs et une nouvelle force, pour frapper vivement les esprits et achever de les convaincre-, ou bien, si le sujet prête à l’émotion, l’orateur met en œuvre toutes les ressources du pathétique pour frapper un grand coup ; il emploie les tours animés, les figures hardies, les expressions énergiques, pour toucher, ébranler, subjuguer les auditeurs.
La difficulté de ce genre consiste dans la variété même des couleurs qu’il emploie : car il faut, dans leur mélange, un parfait accord que le talent le plus flexible ne peut espérer, s’il n’est dirigé par un goût exquis. » — Ajoutons que le cinquième chant, qui renferme une très-amusante description de combat et le portrait de la Chicane, n’est nullement indigne de ceux qui le précèdent.
Excellent aussi dans le poëme didactique, l’un de ses principaux mérites fut de revêtir des couleurs d’une imagination inspirée les plus hautes idées de la science, et, pendant que Fontenelle en propageait l’intelligence par la clarté de sa prose facile, de la populariser également par le prestige des beaux vers.
Voici le passage dont se plaint madame de Sévigné : « Madame de Sévigné est inégale jusques aux prunelles des yeux et jusques aux paupières ; elle a les yeux de différentes couleurs, et les yeux étant les miroirs de l’âme, ces inégalités sont comme un avis que donne la nature à ceux qui l’approchent, de ne pas faire un grand fondement sur son amitié. » 2.
Le maître du chien n’a ni âge, ni condition, ni fortune ; le faible est pour le chien le seul puissant de ce monde ; le vieillard lui est un enfant aux fraîches couleurs ; le pauvre lui est roi.
Pour connaître l’homme, l’écrivain doit d’abord s’étudier lui-même, puis étudier les autres dans les diverses modificacations que leur font subir les éléments suivants : l’âge, le sexe, le tempérament, le climat, le pays, le siècle, la religion, les institutions politiques et sociales, l’éducation, les travaux et les habitudes journalières, enfin, la combinaison de tous ces éléments avec les objets naturels ou artificiels qui les environnent, ce qui constitue la couleur locale.
C’est avec des couleurs opposées qu’il doit peindre ses adversaires, pour peu que leur conduite et leur caractère donnent lieu à la censure. […] Mais, sans détruire la substance du fait, il le présente sous des couleurs favorables ; il insiste sur les circonstances qui lui sont avantageuses, et les met dans le plus beau jour ; il adoucit celles qui seraient odieuses ou choquantes. […] Toute épithète qui n’est pas nécessaire, ou du moins appelée pour la clarté, l’énergie, la couleur ou l’harmonie, et qui ne figure point sensiblement dans une période, ne doit jamais y trouver place. […] L’hypotypose peint l’objet avec des couleurs si vives et des images si vraies, qu’elle le met en quelque façon sous les yeux. […] Qu’on change en effet quelques mots, et qu’on en dérange d’autres, en mettant stetit Verres in littore, … cum muliere colloquens, cet excellent tableau perdra une grande partie de sa vivacité et de ses couleurs.
Il use avec discrétion de la couleur locale, sans sacrifier le principal à l’accessoire.
On ne peut peindre avec des couleurs plus fortes les horreurs de la société humaine3 dont notre ignorance et notre faiblesse se promettent tant de consolations.
Ma mère, dont la joue avait repris couleur, Ma mère, dont la force, un moment ranimée, Empruntait de la vie à cette terre aimée, Parcourant du regard et le ciel et les lieux, Voyait tout son passé remonter sous ses yeux ; Le nuage des pleurs qui flottaient sur sa vue Laissait à chaque aspect percer son âme émue.
Dès lors, la parole, qui doit être l’expression fidèle de nos pensées, se produit avec des couleurs aussi vives, et en un style aussi animé. […] Leurs écrits ressemblent à une vaste prairie émaillée de mille fleurs qui charment d’autant plus les regards que les couleurs en sont plus variées.
C’est qu’il nous est impossible de séparer nos destinées des leurs ; c’est que leurs misères deviennent les nôtres, ainsi que leurs espérances ; c’est que l’auteur a peint à grands traits l’homme présent et l’homme futur, et que les couleurs sont si vraies, la ressemblance si frappante, que nous nous y reconnaissons malgré nous.
Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés qu’il sème dans les détails, comme l’ensemble choquera, ou ne se fera pas assez sentir, l’ouvrage ne sera point construit… C’est par cette raison que ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu’ils parlent bien, écrivent mal ; que ceux qui s’abandonnent au premier feu de leur imagination prennent un ton qu’ils ne peuvent soutenir ; que ceux qui craignent de perdre des pensées isolées, fugitives, et qui écrivent en différents temps des morceaux détachés, ne les réunissent jamais sans transitions forcées ; qu’en un mot il y a tant d’ouvrages faits de pièces de rapport, et si peu qui soient fondus d’un seul jet. » Les interruptions, les repos, les sections peuvent être utiles au lecteur, elles le délassent et lui indiquent les temps d’arrêt, mais il ne doit pas y en avoir dans l’esprit de l’auteur.
Il s’adresse de préférence à Euripide, qui, par son intelligence des passions tendres, a le plus d’affinité avec son génie ; il donne à ses emprunts une couleur chrétienne, et accommode ses réminiscences mythologiques aux mœurs d’un âge raffiné.