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2. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

Voilà le génie qui créa les sciences ; et lui seul pourra les enrichir, et lui seul pourra les élever à la perfection. […] » Au génie de réflexions, comme à son principe, doit se rapporter cette liberté et cette hardiesse de penser, cette noble indépendance des idées vulgaires, qui forme, selon moi, un des plus beaux traits de l’esprit philosophique. […] Voici le portrait qu’il trace de ce père de la philosophie : « Enfin parut en France un génie puissant et hardi qui entreprit de secouer le joug du prince de l’école. […] Il fallait aux sciences un homme de caractère, un homme qui osât conjurer tout seul, avec son génie, contre les anciens tyrans de la raison ; qui osât fouler aux pieds ces idoles que tant de siècles avaient adorées. […] Il n’appartient qu’à ces génies rapides qui s’élancent tout d’un coup aux premières causes, de traiter les sciences, les arts et la morale, d’une manière également noble et lumineuse.

3. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Qu’est-ce que le génie ? Le génie est le don d’inventer et d’exécuter d’une manière neuve et originale. […] Les rapports que trouve le génie doivent être justes et naturels, c’est-à-dire être des vérités, et avoir une haute importance. […] Le génie et le talent sont le produit des autres facultés de l’âme. […] Si nous voulons maintenant comparer le goût au génie, nous dirons que le génie est la faculté de créer, d’inventer, tandis que le goût est le don de sentir et de juger.

4. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

Écrire n’est pas créer dans le sens propre du mot ; c’est presque toujours se souvenir, et combiner les idées que l’on a acquises dans la société, dans la lecture, dans l’étude ; il n’y a que les hommes de génie qui créent véritablement, et les hommes de génie sont rares. […] Du talent, du génie. […] Il ne faut pas confondre le talent avec le génie. Le génie est le talent porté à sa plus haute puissance. […] Mais cette inspiration du génie, sorte d’exaltation mystérieuse et puissante, ne peut être que momentanée ; voilà pourquoi le génie s’élève et s’abaisse tour à tour : Corneille nous en offre de fréquents exemples.

5. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

Son talent, son génie propre consistent à dégager la substance morale des livres où il cherche les éléments d’un caractère. […] raison qui finement s’exprime ; Le goût n’est rien qu’un bon sens délicat, Et le génie est la raison sublime. […] Cette théorie a du vrai, si l’on n’use qu’avec à propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique, et ne faire qu’un avec lui dans une épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si diversement créateur dans l’expression des passions qui conviennent au drame et à l’épopée1. […] En fait de classiques, les plus imprévus sont encore les meilleurs et les plus grands : demandez-le plutôt à ces mâles génies vraiment nés immortels, et perpétuellement florissants. […] C’est le propre des plus grandes œuvres du génie en tout genre qu’à la première vue on est généralement désappointé.

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

S’il n’a pas créé de système, ou de méthode nouvelle, il a suscité un mouvement considérable de recherches savantes, et appliqué une critique éloquente aux plus grands génies de la philosophie ancienne et moderne. […] Depuis les Provinciales, la prose française est à ce point constituée, que, sans fléchir, elle peut recevoir l’impression des génies les plus divers. […] Ni son temps, ni son génie ne le destinaient à la poésie ; aussi n’a-t-il excellé que dans la poésie légère. […] Il ne s’agit point de la forcer d’obéir contre nature à un génie étranger ; il s’agit de lui rapprendre en quelque sorte son propre génie. […] Cette magie, c’est le génie même de l’art.

7. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Une imitation trop servile éteint le génie, ou plutôt en décèle le dénuement. […] C’est une conception sublime, qui décèle un grand génie. […] Une description donne la mesure de l’imagination d’un poète, et fait discerner le génie supérieur et original du génie secondaire et imitateur. […] Mais on doit, je pense, autant d’éloges au jugement du poète qu’à son génie. […] Son génie a de la force, mais jamais de douceur, jamais d’aménité, jamais de grâce.

8. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Le génie des hommes est dirigé davantage vers l’admiration et l’étonnement. […] Dans Homère, ces éclairs du génie brillent plus fréquemment et avec plus d’éclat que chez la plupart des autres hommes de génie ; mais nul écrivain n’est toujours sublime. […] L’homme de génie conçoit fortement. […] Né observateur, ses réflexions avaient plus formé son génie que l’étude. […] J’en laisserai le choix aux prédicateurs, suivant leur génie.

9. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

Les premiers poètes formèrent le génie de leur langue ; les Grecs et les Latins employèrent d’abord la poésie à peindre les objets sensibles de toute la nature. […] D’où vient ce grand effet de la poésie, de former et fixer enfin le génie des peuples et leurs langues ? […] Après Corneille sont venus, je ne dis pas de plus grands génies, mais de meilleurs écrivains ». […] C’est précisément parce qu’il y a beaucoup d’esprit en France, qu’on y trouvera dorénavant moins de génies supérieurs ». […] Son immensité les effraya avec raison ; et ils avaient trop de génie pour se supposer celui qu’elle exigeait.

10. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre premier. Beautés de détail. »

Voilà tout ce que le génie du grand poète a pu faire, pour nous donner une idée de la colère d’un Dieu, et de la vengeance terrible qu’il s’apprête à exercer. […] Les poètes anciens ont beau tout remplir de leur Jupiter, Jovis omnia plena, l’idée de l’immensité les accable, et leur génie étonné s’y perd. […] Un écrivain du plus grand mérite, l’auteur du Génie du Christianisme, a rapproché plusieurs morceaux d’Homère et de la Bible, et cet endroit n’est pas le moins intéressant de son ouvrage. Il a très bien vu et parfaitement établi les différences sensibles qui mettent un si prodigieux intervalle entre ces deux monuments, l’un du génie de l’homme, l’autre de l’esprit divin. Il a fait sentir pourquoi Homère et les prophètes ne sont jamais plus différents que lorsqu’ils semblent le plus se rapprocher par le fond ou les détails du sujet qu’ils traitent ; et nous ne saurions trop inviter les maîtres et les disciples à se pénétrer de l’esprit qui a dicté le Génie du Christianisme, le plus beau trophée que le génie de la sensibilité et l’enthousiasme du vrai beau aient élevé depuis longtemps à la morale et à la religion.

11. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Pour le sublime, il n’y a même entre les grands génies que les plus élevés qui en soient capables. […] Tout cela est du même génie. […] J’aurais trouvé des dénouements plus heureux ; j’aurais moins fait descendre mon génie au bas comique. […] Combien peu de génies ont-ils su exprimer ces nuances que tous les auteurs ont voulu peindre ! […] Je connais peu de génies variés tels que Pope, Addison » Machiavel, Leibnitz, Fontenelle.

12. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Cette étude doit être soutenue et tempérée par la méditation attentive de nos écrivains, et par l’examen des ressemblances de génie, et des différences de situation, de mœurs, de lumières, qui les rapprochent ou les éloignent de l’antiquité. […] Ce génie devint grave, élégant et poli. […] Les diverses couleurs des différents âges de l’antiquité dominaient en eux, suivant l’inclination particulière du génie de chacun. […] Vive expression des temps modernes, et reproduction originale de l’antiquité dans ses âges divers, voilà donc les deux caractères distinctifs et dominants que nous présente le génie du dix-septième siècle. […] Son expression est grave, brillante, légère, éloquente, selon le génie des divers membres de cette glorieuse tribu d’écrivains qu’il passe en revue.

13. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Aussi M. de La Harpe n’a-t-il jamais été plus loin que dans ce rôle de Philoctète où, soutenu par le génie de Sophocle, il surpassa ce même Warvick qui avait été le présage, et fut longtemps le terme de ses succès dramatiques. […] Mais, me dira-t-on, imite-t-on le génie ? […] Il faut donc ouvrir les yeux des jeunes gens sur les vices brillants d’une composition dont l’éclat leur déguise le danger, et leur prouver que le génie du style est un don particulier de la nature, aussi admirable et plus rare encore que le génie des choses. […] Mais au milieu des critiques et des éloges également exagérés de part et d’autre, l’observateur impartial put remarquer dans Atala tout ce qui caractérise la marche du génie. […] On n’imitera que trop facilement les défauts de M. de Châteaubriand : mais aura-t-on son génie, pour les compenser comme lui par des beautés du premier ordre ?

14. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Les principes qui rendent le génie capable d’exécuter, nous apprennent à exercer une juste critique sur les productions du génie. […] L’opinion générale doit nous guider dans ce qui concerne les ouvrages du génie. […] Cela découvre un dénuement total, ou du moins une grande pauvreté de génie. […] Mais c’est dans le génie même de ces langues qu’il faut en chercher la raison. […] Aussi chaque nation a un style différent suivant son caractère et son génie.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Racine, 1639-1699 » pp. 150-154

Il s’y adresse de préférence à Euripide, qui, par son intelligence des passions tendres, a le plus d’afrinité avec son génie. […] Racine appartient à la famille des génies studieux, tendres et épris de la perfection, qui ont cherché le naturel dans les formes les plus nobles et les plus choisies : c’est notre Virgile français. […] On croira même ajouter quelque chose à la gloire de notre auguste monarque, lorsqu’on dira qu’il a estimé, qu’il a honoré de ses bienfaits cet excellent génie ; que même, deux jours avant sa mort, et lorsqu’il ne lui restait plus qu’un rayon de connaissance, il lui envoya encore des marques de sa libéralité ; et qu’enfin les dernières paroles de Corneille ont été des remercîments pour Louis le Grand. […] Il n’a pas seulement reçu du ciel un génie merveilleux pour la satire, mais il a encore avec cela un jugement excellent, qui lui fait discerner ce qu’il faut louer et ce qu’il faut reprendre. […] Hippolyte Rigault, si justement regretté : « Il fut un temps où l’on s’imaginait en France qu’un homme de génie, un grand poëte était un homme comme un autre, et ne se distinguait du commun des mortels que par l’excellence de son esprit.

16. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre II. Des différentes espèces de Discours Oratoires. »

de Neuville est un des plus beaux génies qui aient brillé dans la chaire. […] Ce genre de discours demande beaucoup d’élévation dans le génie, une grandeur majestueuse qui tient un peu à la poésie. […] Il n’est peut-être pas de discours en ce genre, dont le plan seul fasse connaître autant que celui-là, l’homme de génie et le grand Orateur. […] Quelle vaste et brillante carrière pour le génie de l’orateur ! […] Eh pourquoi veut-on que ce génie soit si frivole ?

17. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

Enfin, les Etats-généraux, sollicités par tant de vœux, ouvrirent au génie et à l’éloquence cette carrière si vivement désirée, et où les esprits ne tardèrent pas à s’élever à la hauteur des circonstances et des choses. […] Son goût pour l’intrigue était excessif, et l’on ne doit en chercher la cause que dans ses besoins pécuniaires ; de sorte que ces éclairs brillants de génie, ces expressions de sentiment qui auraient honoré l’homme le plus vertueux, n’étaient pour ce profond machiavéliste qu’une simple spéculation. […] À peine le Démosthène français eut-il rencontré, dans ce nouvel Eschine, un rival de génie et d’éloquence, que la tribune, presque sans cesse occupée par ces deux illustres antagonistes, présenta le spectacle le plus imposant dont les fastes de l’éloquence française puissent garder la mémoire. […] Que penseront nos neveux de cet homme qui soutint presque seul les assauts multipliés d’un si puissant adversaire ; et qui, vaincu même, et accablé malgré lui de toutes les forces réunies de l’éloquence et de la raison, trouvait encore, dans son inépuisable génie, les ressources nécessaires pour pallier sa défaite, ou la tourner au profit de la cause qu’il défendait ? […] Le succès, il est vrai, n’a pas toujours égalé le courage des orateurs ; il n’a pas toujours suffi d’avoir raison, pour obtenir gain de cause ; c’est que le nombre des sophistes l’emportait déjà sur celui des sages, et que le génie du mal, à qui le choix des armes est indifférent, triomphe trop aisément du génie du bien, qui n’est que franchement courageux.

18. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

Mais en quoi consistent réellement l’esprit et le génie ? […] Lui aussi s’habitue par l’usage à saisir des rapports inappréciables pour les masses, à les combiner, à les exprimer ; il s’exerce réellement à l’esprit et au génie. De là l’axiome si souvent cité : le génie n’est que la patience. […] Si des génies exceptionnels les ont devinées, ce n’est pas un motif, pour ceux qui viennent ensuite, de ne pas les étudier, de ne pas mettre à profit, dans leur intérêt, les mérites et même les défauts de leurs prédécesseurs. […] Ce n’est pas rendre un service aux génies que de les dégager de l’assujettissement à la méthode ; elle est pour eux ce que les lois sont pour l’homme libre. » Seulement j’ajouterai avec Montesquieu : « Comme les lois sont toujours justes dans leur être général, mais presque toujours injustes dans l’application, de même les règles, toujours vraies dans la théorie, peuvent devenir fausses dans l’hypothèse.

19. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

C’est pourquoi l’entreprise n’a pas été tentée par les poètes de génie qui auraient pu s’en tirer honorablement, mais qui auraient laissé une œuvre inutile. […] D’ailleurs, certains génies ont le don rare et supérieur d’être leur propre critique, et de l’être avec impartialité et désintéressement. […] J’espère que vous ne tarderez pas à rendre cet hommage au génie de notre ami et vous verrez que je n’exagère rien dans cette lettre. […] N’est-ce pas là une merveille que seul un génie aussi original pouvait trouver ? […] Et, non content d’avoir fondé chez nous la comédie, Molière s’est encore montré acteur de génie en interprétant lui-même tous les rôles difficiles de ses pièces.

20. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Il put dire avec fierté : « J’ai passé cinquante ans à mon bureau », et il songeait sans doute à lui-même, en définissant le génie, une longue patience. […] Son génie fut égal à la majesté de la nature. […] Génie veut dire ici invention. […] Nous retrouvons ici le génie du naturaliste philosophe. […] Cette page justifie par son air grandiose ce mot appliqué à Buffon, comme à Pline : « son génie égale la majesté de la nature ».

21. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Précis des quatre âges de la Littérature. »

Homère s’élevant par l’effort de son seul génie, aux plus sublimes hauteurs de la poésie, en déploya dans l’épopée tout le feu, tout le coloris, toutes les richesses. […] Lucrèce, né avec un génie des plus poétiques, l’employa, malheureusement, à préconiser un système non moins absurde qu’impie. […] Machiavel se distingua par la profondeur de son génie, et par l’élégance de sa diction. […] Mais ces hommes de génie ne connurent point tous les agréments, dont notre langue était susceptible. […] Pascal fit éclater dans ses divers écrits le génie le plus pénétrant, le plus sublime et le plus vigoureux.

22. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

Il y a plusieurs différences entre le génie et le talent. […] On a du génie pour la guerre, pour la politique, pour les arts, pour les sciences ; mais on ne donne le nom de génie qu’à un homme très supérieur. Démosthène, dit le P. de Boylesve, a plus de génie que de talent ; Cicéron, plus de talent que de génie. […] Le talent politique de Philippe prépare la voie au génie d’Alexandre : le talent si brillant de Pompée succombe sous le foudroyant génie de César. […] Nisard, est un don charmant, le premier après le génie.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre V. Des sermons de Bossuet. »

En effet, dit-il, le jeune orateur qui saura se pénétrer du génie de Bossuet, sentir, penser, s’élever avec lui, n’aura pas besoin de se dessécher sur les préceptes des rhéteurs, pour se former à l’éloquence. […] Dès son exorde, dès sa première phrase, vous voyez son génie en action : il ne marche pas, il court dans un sentier nouveau que son imagination lui ouvre ; il se précipite vers son but, et vous emporte avec lui. […] voilà le sujet et le texte qui fournissent à Bossuet l’occasion de développer avec toute l’éloquence du génie les plus grandes vérités de la morale de tous les temps et de tous les pays ; de cette morale qui a été celle de Platon, de Socrate et de Cicéron, comme de Bourdaloue et de Bossuet, et qui doit être celle de tous les hommes qui ne sont ni dans le délire ni dans l’enfance. […] Tout est marqué, dans Bossuet, au coin de cette heureuse originalité qui caractérise le génie, et qui vaut bien, sans doute, la régularité froide et monotone du bel esprit. […] La lecture des grands modèles est autant au-dessus de l’étude des règles, que le talent de créer des beautés de génie est supérieur à l’art d’éviter les fautes de goût.

24. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

Lorsque ce siècle aura réglé sa curiosité et tempéré sa fougue, personne ne peut prévoir sa grandeur, comme rien ne peut arrêter son génie. […] Le génie ne s’imite pas ; il faut avoir reçu de la nature les plus beaux dons de l’esprit et les plus fortes qualités du caractère pour diriger ses semblables, et influer aussi considérablement sur les destinées de son pays. Mais si Franklin a été un homme de génie, il a été aussi un homme de bon sens ; s’il a été un homme vertueux, il a été aussi un homme honnête ; s’il a été un homme d’État glorieux, il a été aussi un citoyen dévoué. […] Ce n’est point sans difficulté qu’il a cultivé son génie, sans effort qu’il s’est formé à la vertu, sans un travail opiniâtre qu’il a été utile à son pays et au monde. […] En effet, au bout de quelques générations, ce qui était le génie d’un homme devient le bon sens du genre humain, et une nouveauté hardie se change en usage universel.

25. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre III. De l’Éloquence chez les Romains. »

Brigands disciplinés, plutôt qu’hommes de génie, ils n’eurent, pendant l’espace de cinq cents ans, ni goût, ni imagination, ni sensibilité, ni éloquence. […] Il fallut que les vaincus prissent le soin de polir et de former leurs vainqueurs ; et les Romains durent tous les arts du génie à ces mêmes Grecs, dont ils furent en tous les disciples, les admirateurs et les tyrans. C’est à leur école qu’ils s’instruisirent ; mais ils leur furent toujours fort inférieurs du côté du génie. […] Aussi, quand on compare les productions de la Grèce et de Rome, trouve-t-on dans les premières plus de génie et d’invention ; dans les autres, plus de régularité et de perfection. […] Né dans un rang obscur, on sait qu’il devint, par son génie, l’égal de Pompée, de César ou de Caton.

26. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Musset 1810-1857 » pp. 564-575

Alfred de Musset, il faut faire la part du bon et du mauvais génie. […] Recevant d’âge en âge une nouvelle vie, Ainsi s’en vont à Dieu les gloires d’autrefois ; Ainsi le vaste écho de la voix du génie Devient du genre humain l’universelle voix… Et de toi, morte hier, de toi, pauvre Marie, Au fond d’une chapelle il nous reste une croix ! […] ……………… N’était-ce pas hier qu’enivrée et bénie Tu traînais à ton char un peuple transporté, Et que Londre et Madrid, la France et l’Italie, Apportaient à tes pieds cet or tant convoité, Cet or deux fois sacré qui payait ton génie, Et qu’à tes pieds souvent laissa ta charité ? […] Il dira plus tard : J’ai perdu ma force et ma vie Et mes amis et ma gaîté : J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie. […] Sans ravissement, point de génie.

27. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Le génie d’un peuple artiste ne se montre pas seulement dans ses œuvres, il éclate dans tous les détails de sa vie. […] Avaient-ils moins de génie que leurs devanciers ? […] — Qu’appelez-vous éloquence, génie de la parole ? […] Heureusement le génie triomphe de toutes les règles. […] Je ne trouve qu’un mot pour définir le caractère de son génie : Démosthène, c’est la raison passionnée.

28. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Mais, comme tous les instruments, la versification ne vaut que par le génie du poëte. […] — Enfin, après ces quatre grandes familles, il faut citer, dans un rang inférieur, quelques genres consacrés par le génie. […] Par le génie créateur et l’inspiration originale, l’art dramatique appartient surtout à la poésie. […] S’il est sûr de son génie, il perce l’adversaire à jour par la plaisanterie, il le terrasse par la passion. […] Ajoutons, d’ailleurs, qu’il y a des originalités plus humaines et des génies moins désespérants : Massillon, par exemple.

29. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VIII. L’éloquence militaire. »

Un héros plus voisin de nous, et qui a plus d’un rapport avec les grands hommes que nous venons de citer, a déployé, dans une foule de circonstances, cette concision énergique, premier caractère du génie, qui compte les mots pour prodiguer les pensées. […] Nous en avons dit assez pour accoutumer les jeunes gens à distinguer, dans l’art oratoire, ce qui appartient au génie, de ce qui est le résultat de la méditation et de l’application raisonnée des règles. […] Admirons donc le génie ; mais respectons et pratiquons les règles : c’est toujours honorer le génie.

30. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre II. Des qualités essentielles du poète » pp. 16-21

Le nom de poète, dit Horace, ne doit être donné qu’à celui qui possède un génie divin, à celui dont l’esprit est sublime, et dont la bouche fait entendre de grandes choses. […] D’après ces paroles, et ce que nous avons dit dans le chapitre précédent, il est facile de découvrir les qualités indispensables pour réussir dans la poésie, et dont la réunion constitue le génie poétique. […] L’imagination, même la plus puissante, ne suffit pas pour constituer le génie poétique. […] C’est un grand fond de génie, une justesse d’esprit exquise, une imagination extrêmement féconde, et surtout un cœur plein de feu noble et qui s’allume aisément à la vue des objets.

31. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre III. Du genre épique » pp. 207-250

Aussi cet ouvrage exige-t-il toute la vigueur, toute la hardiesse, tout le feu, toute l’étendue du génie. […] C’est surtout dans le développement de ces sortes de caractères que le génie se déploie et montre toute sa puissance. […] La peinture du génie des tempêtes, Adamastor, dans la Lusiade, réunit au contraire toute la grandeur et toute la vraisemblance qui convient à ce genre de poésie. […] La difficulté qu’il faut vaincre a l’avantage d’élever le génie et de repousser la médiocrité. […] Le merveilleux qu’il emploie consiste dans le ministère plaisant de quelque divinité païenne ou de quelque génie allégorique.

32. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

C’est que Buffon, sans avoir jamais écrit un vers, fut, dans son immense ouvrage, un poëte sublime et varié ; c’est qu’Horace, en se laissant emporter au vol de Pindare, fut en même temps le génie le plus sensé de l’antiquité ; c’est qu’enfin tous deux se rencontraient ici sur leur terrain commun, la vérité et la raison. […] « Pour peu que le sujet soit vaste ou compliqué, je reviens toujours à Buffon, il est bien rare qu’on puisse l’embrasser d’un coup d’œil, ou le pénétrer en entier d’un seul et premier effort de génie ; et il est rare encore qu’après bien des réflexions, on en saisisse tous les rapports. […] Faire jaillir d’un sujet cette pensée unique qui en est l’âme n’appartient qu’au génie fécondé par la méditation, et non-seulement peu d’écrivains y parviennent, mais il n’est pas même donné à tout lecteur de saisir, là où elle se trouve, cette unité qui ajoute à l’ouvrage, quel qu’il soit, dramatique ou oratoire, historique ou philosophique, une haute valeur et un puissant intérêt. […] Dominant du point de vue d’un père de l’Eglise tout l’ensemble des faits humains, et les enchaînant l’un à l’autre avec une merveilleuse puissance de génie, il leur assigna pour loi unique et éternelle leur concours à l’accomplissement des desseins de Dieu sur son Eglise. […] On croirait presque que ce morceau a été fait à plusieurs reprises ; le poëte aurait d’abord écrit le commencement à part, mais n’ayant pas trouvé matière à toute une ode dans cette sentence pourtant si féconde, le génie ne s’acquiert qu’à force de travail, il l’aurait ensuite renouée à l’éloge de son protecteur.

33. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

En suivant cette comparaison, j’ajouterai que le Génie du christianisme (1802) fut l’arc-en-ciel, le signe brillant d’alliance et de réconciliation entre la religion et la société française. […] Souvent aux rayons de cet astre qui alimente les rêveries, j’ai cru voir le génie des souvenirs assis tout pensif à mes côtés. […] (Génie du christianisme, Ire partie, 5e livre.) […] (Génie du christianisme.) […] Il méditait déjà le Génie du Christianisme.

34. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Tous peuvent penser et dire que tout est vanité dans ce monde, mais si cette triste vérité apparaît à un puissant roi, homme de génie ; si au milieu des grandeurs, des plaisirs, des études, chaque découverte, chaque succès, chaque volupté nouvelle la lui confirme, ce n’est plus une idée qu’il formulera, c’est un cri presque involontaire qui lui échappera : « O vanité des vanités ! […] La construction est-elle fondée sur la nature même de l’esprit humain, ou n’est-elle que le résultat du génie de chaque langue ? […] Le Batteux, Chompré, Pluche, Condillac117, soutenaient que tout dépend du génie de la langue ; Dumarsais et l’Encyclopédie étaient d’un avis contraire ; et la raison, ce me semble, est pour eux, comme l’autorité. […] C’est que, tout en admettant la nécessité originelle de cette construction, on conçoit aussi que l’obligation de s’y conformer partout et toujours blesserait le principe de l’harmonie et celui de la variété ; et que la variété et l’harmonie étant, aussi bien que la clarté, des besoins de notre esprit, le génie de chaque langue a fait une loi d’introduire les unes toutes les fois qu’on le peut sans nuire à l’autre. […] Mais ignorant à la fois et le principe de la construction et le génie de la langue, ils sont tombés dans tous les excès du ridicule.

35. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Joubert, 1754-1824 » pp. 388-398

Conseils à M. de Chateaubriand sur le Génie du christianisme 1 Fragment … Qu’il se souvienne bien que toute étude lui est inutile ; qu’il ait pour seul but, dans son livre, de montrer la beauté de Dieu dans le Christianisme, et qu’il se prescrive une règle imposée à tout écrivain par la nécessité de plaire et d’être lu facilement, plus impérieusement imposée à lui qu’à tout autre par la nature même de son esprit, esprit à part, qui a le don de transporter les autres hors et loin de tout ce qui est connu. […] Nous trouvons dans ces conseils d’un ami une critique fine, juste, tempérée, exquise et définitive du Génie du Christianisme. […] Il citait de génie. […] On peut affirmer qu’il collabora indirectement aux meilleures pages du Génie du christianisme. […] « Il n’y a qu’un pécheur larmoyant qui ait pu appeler la mort un squelette, dit, dans l’Intrigue et l’amour de Schiller, l’héroïne de la pièce, Louise, se préparant au suicide et l’excusant d’avance ; c’est un doux et aimable enfant, au visage rose comme le dieu de l’amour, mais moins trompeur ; un génie silencieux et secourable, qui offre son bras à l’âme fatiguée du pèlerin, qui la fait monter sur les degrés du temps, lui ouvre le magique palais, lui fait un signe amical et disparaît. » Cette définition de la mort ressemble, trait pour trait, à celle qu’en fait le P.

36. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre lII. »

Le génie le féconda et le fit éclore dans le Paradis Perdu. […] Quelle belle et vaste carrière pour le génie du poète ! […] M. de Chateaubriand, dans son Génie du Christianisme, a prouvé que la religion chrétienne est poétiquement supérieure à l’Olympe païen, et, pour confirmer cette doctrine par l’exemple, il a composé son beau poème des Martyrs. […] Le poème épique n’est borné ni par le temps, ni par le lieu, ni par l’espace ; c’est la plus vaste des compositions humaines : il n’est aucun genre où le génie du poète puisse prendre un plus sublime essor. […] Le poème épique est la plus vaste des compositions humaines : le génie seul peut parvenir à l’embrasser ; aussi toutes les richesses de l’imagination et du style doivent concourir à son ornement ; toutes les connaissances sur Dieu, sur l’homme, sur la nature, peuvent y entrer : c’est ainsi qu’Homère est universel, et que ses poèmes sont le tableau complet de son époque.

37. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Vauvenargues parle des livres anciens qui l’ont passionné 1 Les Vies de Plutarque2 sont une lecture touchante ; j’en étais fou dans mon enfance ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce et même de celle de Rome3. […] Cependant, cet aimable stoïcien, que sa constante vertu, son génie, son humanité, son inflexible courage me rendaient infiniment cher, m’a fait verser bien des larmes sur la faiblesse de sa mort : c’est une extrême pitié de voir tant de vertu, tant de force et de grandeur d’âme vaincues, en un moment, par le plus léger revers au milieu de tant de ressources, et de tant de faveurs de la fortune ! […] Sa pénétration et son goût, joints au bonheur de sa mémoire, se portaient avec une indifférente facilité sur toutes choses ; mais il n’avait point cette véritable étendue de génie qui, saisissant les objets avec leurs rapports, les embrasse tout entiers et réunis ; et c’est ainsi qu’il avait des connaissances presque universelles, sans qu’on pût dire qu’il eût l’esprit vaste, contrariété assez ordinaire. […] Il n’est guère sympathique aux Ménalques ; voulez-vous voir son idéal secret, lisez cette page : « Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très-hautes mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur, je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. […] « Je vais lire vos Portraits, lui écrivait Voltaire ; si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. » Vauvenargues disait ailleurs : « On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur. » Citons encore de lui quelques pensées détachées : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » « Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants. » « Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. » « La servitude abaisse l’homme jusqu’à s’en faire aimer. » « La liberté est incompatible avec la faiblesse. » « Le fruit du travail est le plus doux plaisir. » « C’est un grand signe de médiocrité que de louer toujours modérément. » « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rend plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère. » « Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d’hiver. » « Les longues prospérités s’écoulent quelquefois en un moment, comme les chaleurs de l’été sont emportées par un jour d’orage. » 1.

38. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Villemain 1790-1870 » pp. 251-256

Réunissant une imagination plus hardie, un enthousiasme plus élevé, une fécondité plus originale, une vocation plus haute, tu sembles ajouter l’éclat de ton génie à la majesté du culte public, et consacrer encore la religion elle-même1. […] Cette étude doit être soutenue et tempérée par la méditation attentive de nos écrivains, et par l’examen des ressemblances de génie, et des différences de situation, de mœurs, de lumières, qui les rapprochent ou les éloignent de l’antiquité. […] Son expression est grave, brillante, légère, éloquente, selon le génie des divers membres de cette glorieuse tribu d’écrivains qu’il passe en revue. […] Qui veut connaître le vrai génie de Bossuet doit lire avant tout ses sermons.

39. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Thiers Né en 1797 » pp. 265-270

Tout cela peut sans doute se faire médiocrement, comme toute chose, d’ailleurs ; car on est poëte, savant, orateur médiocre aussi ; mais si le génie s’en mêle, on devient sublime. […] De même que le soldat français, par son ardeur, son énergie, sa promptitude, sa disposition à tout braver, était l’instrument prédestiné du génie de Napoléon, le soldat solide et lent de l’Angleterre était fait pour l’esprit peu étendu, mais sage de sir Arthur Wellesley1. […] Aussitôt, et sans intervalle, sont précipitées les têtes les plus précieuses et les plus illustres : génie, héroïsme, jeunesse, succombent sous la fureur des factions, qui s’irrite de tout ce qui charme les hommes. Les partis se suivent, se poussent à l’échafaud, jusqu’au terme que Dieu a marqué aux passions humaines ; et de ce chaos sanglant sort tout à coup un génie extraordinaire qui saisit cette société agitée, l’arrête, lui donne à la fois l’ordre, la gloire, réalise le plus vrai de ses besoins, l’égalité civile, ajourne la liberté qui l’eût gêné dans sa marche, et court porter à travers le monde les vérités puissantes de la révolution française.

40. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

L’histoire ecclésiastique a été écrite par des hommes aidés de leur seul génie. […] Il ne nous en reste que les onze premiers, qui vont jusqu’à l’an 312 de la fondation de Rome, c’est-à-dire, à l’an 442 avant Jésus-Christ L’auteur y montre une grande exactitude, un génie facile, et un bon jugement. […] L’objet de l’orateur historien est de faire voir le rapport des grandes révolutions avec l’établissement de la religion chrétienne ; idée la plus vaste et la plus sublime peut-être que le génie puisse enfanter. […] Le style en est inégal ; mais il y a bien des endroits où l’auteur se montre, par la force des expressions et la profondeur du génie, le digne rival de Salluste. […] Le principal devoir de l’historien est de distinguer le ton, le talent, le génie particulier de chaque auteur, de les peindre tous et de les caractériser d’après leurs ouvrages, dont il doit donner une analyse exacte, avec une critique judicieuse et impartiale.

41. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Règles pour les ouvrages de littérature »

En fait d’ouvrages de littérature, l’esprit est dans l’homme la faculté de penser et de raisonner ; le génie, la faculté d’imaginer et d’inventer ; le goût, la faculté de discerner et de sentir. Quoique ces trois facultés de l’âme concourent toutes ensemble et en même temps à la composition d’un bon ouvrage, il est cependant vrai de dire que la principale fonction de l’esprit est de choisir le sujet ; celle du génie, de créer le plan ; celle du goût, de fournir les embellissements. Or les règles aident l’esprit dans le choix du sujet, soutiennent le génie dans la création du plan, dirigent le goût dans la distribution des ornements.

42. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Nous avons donné, en parlant des sermons de Bossuet, une idée du génie de ce grand homme. […] Un roi puissant précipité du trône dans les fers, et traîné des fers à l’échafaud ; une reine illustre par ses vertus et par son courage, contrainte de fuir à travers les mers et les orages le ressentiment injuste de ses propres sujets, et échappant comme par miracle à leurs fureurs rebelles : quelle matière pour le génie de Bossuet, et pour l’instruction des peuples et des rois ! […] et avec quel génie les grands écrivains ont tiré parti de tout ce que présente d’imposant la pensée de la mort ! […] Mais la marche nécessairement froide de la dialectique y est fréquemment interrompue par quelques-uns de ces traits qui caractérisent d’autant mieux le génie, qu’ils lui échappent plus facilement, et, pour ainsi dire, à son insu. […] Étudions le grand peintre dans un tableau d’un caractère tout opposé, et nous allons y trouver le même génie, malgré les différences essentielles du ton, des nuances et des détails.

43. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Racine. (1639-1699.) » pp. 83-90

Dans cette enfance ou, pour mieux dire, dans ce chaos du poëme dramatique parmi nous, votre illustre frère, après avoir quelque temps cherché le bon chemin et lutté, si je l’ose ainsi dire, contre le mauvais goût de son siècle, enfin, inspiré d’un génie extraordinaire et aidé de la lecture des anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable, accorda heureusement la vraisemblance et le merveilleux, et laissa bien loin derrière lui tout ce qu’il avait de rivaux, dont la plupart, désespérant de l’atteindre, et n’osant plus entreprendre de lui disputer le prix, se bornèrent à combattre la voix publique déclarée pour lui, et essayèrent en vain, par leurs discours et par leurs frivoles critiques, de rabaisser un mérite qu’ils ne pouvaient égaler1. […] On croira même ajouter quelque chose à la gloire de notre auguste monarque, lorsqu’on dira qu’il a estimé, qu’il a honoré de ses bienfaits cet excellent génie ; que même deux jours avant sa mort, et lorsqu’il ne lui restait plus qu’un rayon de connaissance, il lui envoya encore des marques de sa libéralité3, et qu’enfin les dernières paroles de Corneille ont été des remercîments pour Louis le Grand. […] Il n’y a point de génie un peu élevé au-dessus des autres, dans quelque profession que ce soit, que le roi, par ses largesses, n’ait excité à travailler1. […] Mais ce ne sont point les seuls bienfaits du roi qui ont produit tant de miracles, et qui ont porté toutes choses à ce degré de perfection : la finesse de son discernement y a plus contribué que ses libéralités : les plus grands génies, les plus savants artistes, ont remarqué que, pour trouver le plus haut point de leur art, il leur suffisait d’étudier le goût de ce prince2. […] Partout on peut constater, ce qui est le caractère des hommes de génie, que Louis XIV ne négligeait aucun détail, qu’il voulait tout voir et tout savoir, et qu’il y réussissait.

44. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Thiers. Né en 1797. » pp. 513-521

Elles nous font aimer un esprit alerte, étendu, vigoureux et pratique dont le génie est un bon sens profond. […] C’est là ce qui s’appelle l’intelligence, et bientôt, à la pratique, cette simple qualité, qui ne vise pas à l’effet, est de plus grande utilité dans la vie que tous les dons de l’esprit, le génie excepté, parce qu’il n’est, après tout, que l’intelligence elle-même, avec l’éclat, la force, l’étendue, la promptitude. […] Aussitôt, et sans intervalle, sont précipitées les têtes les plus précieuses et les plus illustres : génie, héroïsme, jeunesse, succombent sous la fureur des factions, qui s’irrite de tout ce qui charme les hommes. Les partis se suivent, se poussent à l’échafaud, jusqu’au terme que Dieu a marqué aux passions humaines ; et de ce chaos sanglant sort tout à coup un génie extraordinaire qui saisit cette société agitée, l’arrête, lui donne à la fois l’ordre, la gloire, réalise le plus vrai de ses besoins, l’égalité civile, ajourne la liberté qui l’eût gêné dans sa marche, et court porter à travers le monde les vérités puissantes de la révolution française. […] Sa dernière opération est la plus belle, car ici le bonheur est uni au génie.

45. (1882) Morceaux choisis de prosateurs et de poètes des xviii e et xix e siècles à l’usage de la classe de rhétorique

Henry, on passe à ceux du dix-huitième, on serait tenté de croire que le génie même de Racine a porté malheur à la tragédie. […] Le succès même du Voyage du jeune Anacharsis, montre un temps qui avait peu encore 1’intelligence du génie antique. […] Le génie vif et impatient de la France devait-il s’accommoder de ces lenteurs ? […] « Une force d’inertie peu ordinaire, dit Thiers, s’était emparée du génie national. […] La carrière des lettres, et surtout celle du génie, est plus épineuse que celle de la fortune.

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