Dans ce qui concerne les mots, on distingue l’élément, la syllabe, la conjonction, l’article, le nom, le verbe, le cas, enfin l’oraison. […] Le verbe est un mot significatif qui marque les temps, et dont les parties séparées ne signifient pas plus que celle du nom : homme, blanc, ne marquent point le temps : Il marche, il a marché, signifient, l’un le présent, l’autre le passé. Le cas appartient au nom et au verbe : il marque les rapports, de, à, etc., les nombres, un ou plusieurs, l’homme ou les hommes ; ou les manières de dire, l’interrogation, le commandement, etc. Il est parti, partez, sont des cas du verbe. […] Car tout discours n’est pas composé de noms et de verbes, comme la définition de l’homme : le discours peut être sans verbes ; mais chacune de ses parties a toujours sa signification particulière : dans Cléon marche, Cléon a une signification.
L’affirmation semble être ce qui distingue principalement le verbe des autres parties du discours ; elle lui donne toute sa force ; aussi, sans un verbe quelconque, une phrase ou une proposition n’est jamais complète ; car, dans tout ce qu’on peut dire, on affirme toujours qu’une chose est ou n’est pas, et le mot qui emporte avec lui cette assertion, c’est le verbe. […] Il paraît probable, selon l’opinion du docteur Smith, que le verbe radical, ou la forme première qu’il prit dans toutes les langues, fut celle du verbe que nous appelons impersonnel. […] Mais lorsque, avec les progrès des langues, les verbes auxiliaires, déjà inventés et connus, eurent des temps et des modes comme les autres verbes, on trouva qu’attendu qu’ils portaient avec eux cette force d’affirmation qui distingue les verbes, on pourrait, en les joignant au participe qui indique la nature de l’action, remplacer les signes auxquels on reconnaissait les modifications des modes et des temps. […] Nous exprimons bien moins que les langues grecque et latine par un verbe ou par un nom substantif. […] Deux ou plusieurs substantifs liés par une conjonction copulative exigent que les pronoms ou les verbes auxquels ils se rapportent soient mis au pluriel ; autrement le rapport commun qu’ils ont avec ces pronoms et ces verbes ne serait point marqué.
La pureté bannit de cette citation le verbe avoir qui rend faiblement la pensée ; les objets extérieurs ne reçoivent pas, mais font naître la pensée ; et l’expression secoués doit être remplacée par l’expression propre tancés ou dispersés. […] » Gardons-nous donc de nous attirer ce reproche de La Bruyère ; nous l’éviterons en surveillant sévèrement notre langage, en nous montrant difficiles envers centaures formes de verbes surtout qui manquent de grâce et d’élégance, et qui ne donnent l’expression que de la pesanteur, de l’embarras. Nous pouvons citer, comme écueil à éviter, l’emploi du Passé défini et de l’Imparfait du subjonctif dans les verbes de notre langue. […] Mais qui aimerait cette succession de verbes de la même désinence ?
Cet emploi actif du verbe échapper, et le sens métaphorique qu’il présente ici, ne subsistent plus. […] Ce verbe fort goûté de Montaigne et de Pascal a, peu après eux, presque entièrement cessé d’être en usage, quoiqu’il fût plus vif et plus gracieux que tromper.