Mais que les grands, que les heureux du monde, à qui tout rit, et que les joies et les plaisirs accompagnent partout, prétendent tirer de leur félicité même un privilége qui excuse leurs chagrins bizarres et leurs caprices ; qu’il leur soit plus permis d’être fâcheux, inquiets, inabordables, parce qu’ils sont plus heureux ; qu’ils regardent comme un droit acquis à la prospérité d’accabler encore du poids de leur humeur des malheureux qui gémissent déjà sous le joug de leur autorité et de leur puissance ; grand Dieu !
Déchue de sa puissance terrestre, elle semble, dans son orgueil, avoir voulu s’isoler ; elle s’est séparée des autres cités de la terre ; et, comme une reine tombée du trône, elle a noblement caché ses malheurs dans la solitude5.
L’aigle en cage a les ailes aussi vastes que l’aigle en liberté : ce n’est pas la puissance qui lui manque, c’est le libre essor et l’espace infini.
Et c’est cet art inventé, cultivé, élevé dans la Grèce à un si haut degré île gloire et de puissance, adopté, agrandi, et, à ce qu’il me semble, perfectionné chez les Romains, cet art qui faisait l’étude la plus assidue et la plus sérieuse des Périclès, des Démosthène, les plus sublimes entretiens des Crassus, des Antoine, des Cicéron et des Brutus ; c’est cet art que dans nos collèges nous croyons enseigner à des écoliers de douze ans. […] Personne n’ignore qu’il y a deux entrées par où les opinions sont reçues dans l’âme, qui sont ces deux principales puissances : l’entendement et la volonté. […] Je sais qu’il a voulu qu’elles entrent du cœur dans l’esprit, et non pas de l’esprit dans le cœur, pour humilier cette superbe puissance du raisonnement qui prétend devoir être juge des choses que la volonté choisit ; et pour guérir cette volonté infirme, qui s’est toute corrompue par ses sales attachements. […] Ces puissances ont chacune leurs principes et les premiers moteurs de leurs actions. […] Voilà pour ce qui regarde les puissances qui nous portent à consentir.