En publiant le Lutrin, qui prouve que l’imagination ne lui fait pas défaut, il donne encore une leçon littéraire aux partisans du burlesque. […] de Fontanes a jugé ainsi Boileau : « Quand il parut, la poésie retrouva ce style qu’elle avait perdu depuis les beaux jours de Rome ; ce style toujours clair, toujours exact, qui n’exagère ni n’affaiblit, n’omet rien de nécessaire, n’ajoute rien de superflu, va droit à l’effet qu’il veut produire, ne s’embellit que d’ornements accessoires puisés dans le sujet, sacrifie l’éclat à la véritable richesse, joint l’art au naturel, et le travail à la facilité ; qui, pour plaire toujours davantage, s’allie toujours de plus près au bon sens, et s’occupe moins de surprendre les applaudissements que de les justifier ; qui fait sentir enfin, et prouve, à chaque instant, cet axiome éternel : Rien n’est beau que le vrai. » (Discours préliminaire de l’essai sur l’homme.) […] Tournemme, que je l’ai demandé lui-même pour examinateur de cette préface, où je tâche de lui prouver son tort à chaque ligne ; et il a lui-même approuvé ma petite dissertation polémique.
Il se présente donc trois manières d’envisager un sujet : la première décrit les faits : elle s’adresse à l’Imagination ; la deuxième consiste à les prouver ; elle s’adresse à la Raison ; la troisième excite les passions ; elle s’adresse au Cœur. […] La Fontaine, dans Philémon et Baucis, voulant prouver que ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux, met en opposition le sort de l’ambitieux et celui du sage : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux : Ces deux divinités n’accordent à nos vœux Que des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille ; Des soucis dévorants c’est l’éternel asile, Véritables vautours que le fils de Japet Représente, enchaîné sur son triste sommet, L’humble toit est exempt d’un tribut si funeste, Le sage y vit en paix et méprise le reste ; Content de ces douceurs errant parmi les bois, Il regarde à ses pieds les favoris des rois ; Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environne Que la fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne. […] Le Raisonnement consiste à prouver une chose qui paraît douteuse par une autre qui est admise comme certaine. […] Rousseau voulant prouver que le duel n’est qu’un préjugé barbare, qui n’a point sa racine dans le cœur humain, cite d’abord des exemples tirés de l’histoire des peuples anciens : César envoya-t-il un cartel à Caton, ou Pompée à César pour tant d’affronts réciproques, et le plus grand capitaine de la Grèce fut-il déshonoré pour s’être laissé menacer du bâton ? […] Nous ne trouvons pas meilleur non plus le raisonnement que Sganarelle fait à son maître don Juan, pour lui prouver que sa vie dissipée le fera inévitablement damner.
— L’homme qui écrit ou qui parle se propose toujours de persuader ; or, pour persuader, il faut, dit Cicéron, plaire, prouver et toucher. […] — Prouver est l’œuvre principale de l’orateur et de l’écrivain. […] Prouvons-leur que la vérité de la religion est incontestable. […] — La Confirmation est la partie de la composition littéraire qui prouve la vérité avancée dans la Proposition. […] De même, dans le Misanthrope, Oronte prouve que son sonnet est bon parce qu’il lui plaît ; resterait à prouver que tout ce qui plaît à Oronte est bon.
Mais dans des moments plus tranquilles, dans la peinture des émotions de l’âme, l’éloquence française a prouvé mille fois le pouvoir et le charme de l’harmonie. […] Il y a harmonie dans le style, qui est rapide ou lent, coupé ou périodique, serré ou développé, selon qu’il s’agit de prouver ou de peindre, de toucher ou de raisonner.