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77. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre VIII. Petites pièces anciennes. »

La grandeur humaine Est une ombre vaine                Qui fuit : Une âme mondaine À perte d’haleine                La suit ; Et pour cette reine, Trop souvent se gêne,                Sans fruit.

78. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voiture, 1598-1648 » pp. 21-25

Il connaît que les plus nobles et les plus anciennes conquêtes sont celles des cœurs et des affections, que les lauriers sont des plantes infertiles qui ne donnent au plus que de l’ombre, et qui ne valent pas les moissons et les fruits dont la paix est couronnée.

79. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Molière 1622-1672 » pp. 379-400

Mais aux ombres du crime on prête aisément foi, Et ce n’est pas assez de bien vivre pour soi. […] Là, votre pruderie et vos éclats de zèle Ne furent pas cités comme un fort bon modèle ; Cette affectation d’un grave extérieur, Vos discours éternels de sagesse et d’honneur, Vos mines4 et vos cris aux ombres d’indécence Que d’un mot ambigu peut avoir l’innocence, Cette hauteur d’estime où vous êtes de vous, Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous, Vos fréquentes leçons et vos aigres censures5 Sur des choses qui sont innocentes et pures, Tout cela, si je puis vous parler franchement, Madame, fut blâmé d’un commun sentiment.

80. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Si, en l’amitié de quoy ie parle, l’un pouvoit donner à l’aultre, celuy qui recevroit le bienfaict obligeroit son compaignon : car, cherchant l’un et l’aultre plus que toute aultre chose, de s’entre-bien faire, celuy qui en preste la matiere et l’occasion est celuy-là qui faict le liberal, donnant ce contentement à son amy d’effectuer en son endroict ce qu’il desire le plus… L’ancien Menander disoit celuy-là heureux, qui avoit peu rencontrer seulement l’ombre d’un amy : il avoit certes raison de le dire, mesme s’il en avoit tasté. […] La peine suit le peché d’aussi pres que l’ombre le corps ; voire ils sont de mesme date et de mesme aage. […] Cela certainement non pour le defaut de la nature d’elle, aussi apte à engendrer que les autres, mais pour la coulpe de ceux qui l’ont euë en garde, et ne l’ont cultivee à suffisance, ains comme une plante sauvage, en celuy mesme desert, où elle avoit commencé à naistre, sans jamais l’arrouser, la tailler, ni defendre des ronces et espines, qui luy faisoyent ombre, l’ont laissee envieillir et quasi mourir. […] Vous m’avez voulu faire passer pour simple traducteur, sous ombre de soixante et douze vers que vous marquez sur un ouvrage de deux mille, et que ceux qui s’y connoissent n’appelleront jamais de simples traductions ; vous avez déclamé contre moi, pour avoir tu le nom de l’auteur espagnol, bien que vous ne l’ayez appris que de moi, et que vous sachiez fort bien que je ne l’ai célé à personne, et que même j’en ai porté l’original en sa langue à Monseigneur le Cardinal votre maître et le mien ; enfin vous m’avez voulu arracher en un jour ce que près de trente ans d’étude m’ont acquis ; il n’a pas tenu à vous que, du premier lieu où beaucoup d’honnêtes gens me placent, je ne sois descendu au-dessous de Claveret321 ; et pour réparer des offenses si sensibles, vous croyez faire assez de m’exhorter à vous répondre sans outrage, de peur, dites-vous, de nous repentir après, tous deux, de nos folies, et de me mander impérieusement que, malgré nos gaillardises passées, je sois encore votre ami, afin que vous soyez encore le mien ; comme si votre amitié me devoit être fort précieuse après cette incartade, et que je dusse prendre garde seulement au peu de mal que vous m’avez fait, et non pas à celui que vous m’avez voulu faire.

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