La foule est immense : elle s’agite, se presse, comme les flots de la mer… Les portes s’ouvrent : l’Océan ne s’est pas précipité avec plus de violence dans le bassin de Cherbourg ; la tourbe inonde en un moment le péristyle, les escaliers, les corridors, le parterre et les loges ; l’aspect de la salle est tout à fait changé.
Timide et faible à son début, il cherche sa pente : à peine l’a-t-il trouvée, le raisonnement s’anime, il se fortifie de ses affluents, qui sont les preuves ; il devient lui aussi un fleuve qui renverse tous les obstacles et les emporte avec lui dans a mer.
Nous disons, tant de voiles, pour une flotte de tant de vaisseaux ; tant de têtes, pour tant de personnes ; le pôle, pour la terre ; la vague, pour la mer. […] Un autre vice du style est ce qu’on appelle métaphores mêlées, lorsque deux métaphores se rencontrent dans un même objet, comme dans cette phrase : « opposer le glaive à une mer de trouble. » C’est un des plus grossiers abus du style figuré, il opère le plus ridicule mélange et confond l’imagination. […] Je ne m’arrêterai pas aux circonstances de la vie de cet orateur ; elles sont toutes parfaitement connues : l’ambition excessive qu’il montra d’exceller dans l’art oratoire, le peu de succès de ses premières tentatives, sa persévérance infatigable à vaincre les difficultés que lui opposaient la nature et son organisation physique ; le dessein qu’il exécuta de se renfermer dans une caverne pour étudier sans distraction, son habitude de déclamer près des rivages de la mer pour s’accoutumer au bruit d’une assemblée tumultueuse, en plaçant des cailloux dans sa bouche pour corriger un défaut de prononciation, et de suspendre au-dessus de ses épaules, lorsque renfermé chez lui il s’exerçait à l’action, une épée nue, pour vaincre un mouvement vicieux auquel il était enclin ; toutes ces circonstances, que nous retrace Plutarque, sont fort encourageantes pour ceux qui étudient l’éloquence, et montrent combien l’étude et l’application sont puissantes pour nous faire acquérir des qualités supérieures que la nature semblait nous refuser.
* A Rome, la philosophie se détacha de l’éloquence, en même temps que des affaires ; et Cicéron compare ce divorce à celui des fleuves qui, des sonnets de l’Apennin, vont se jeter, les uns dans cette heureuse mer de la Grèce, où l’on trouve partout des ports favorables et assurés ; les autres dans cette mer étrusque, pleine d’orages et d’écueils. […] Sire, on vous conseille de monter sur mer, comme s’il n’y avait pas d’autre moyen de conserver votre royaume que de le quitter ! […] Non, non, Sire, il n’y a ni couronne ni honneur pour vous au-delà de la mer : si vous allez au-devant du secours d’Angleterre, il reculera ; si vous vous présentez au port de la Rochelle en homme qui se sauve, vous n’y trouverez que des reproches et du mépris. […] Il écrit au cardinal de La Valette que, ni dans les déserts de la Libye, ni dans les abîmes de la mer, il n’y eut jamais un si furieux monstre que la sciatique ; et que si les tyrans dont la mémoire nous est odieuse eussent eu de tels instruments de leur cruauté, c’eût été la sciatique que les martyrs eussent endurée pour la religion.