Les plus justes et les plus sensibles reçoivent la première impression ; ils la communiquent aux plus faibles, et l’étendent en la redoublant de proche en proche ; la conscience agit dans tous, dans les uns, le courage dit tout haut : oui, dans les autres, la honte craint de dire : non ; et s’il reste un petit nombre de rebelles opiniâtres, ils sont renversés, attérés, étouffés par cette irrésistible impulsion, par ce rapide contre-coup qu’ébranle toute la masse d’une assemblée, et comme la première lame des mers du nouveau-monde pousse le dernier flot qui vient frapper les plages du nôtre, de même la vérité partant de l’extrémité d’un vaste espace, accrue et fortifiée dans sa route, vient frapper à l’extrémité opposée son plus violent adversaire, qui, lorsqu’elle arrive avec toute cette force, n’en a plus assez pour lui résister. […] Sa parole ressemble au flot soulevé par une tempête qui, pour reprendre son mouvement naturel, vient à intervalles inégaux, caresser mollement le rivage de la mer.
» Ce n’est pas seulement une armée de mer, une armée faible, qu’il faut conduire contre une telle puissance ; il faut aussi des troupes de terre considérables, si nous voulons que l’exécution réponde au projet, et qu’une forte cavalerie ne nous arrête pas au débarquement. — Quelle honte pour nous, Athéniens, si nous étions contraints de nous retirer, ou de faire revenir des troupes, pour avoir mal calculé les obstacles, et mal pris nos mesures !
L’orateur romain plaide en plein air, dans le vaste forum, en présence d’une foule qui s’agite comme une mer au souffle de sa parole.
Puisque les assemblées délibérantes ont à faire des lois, à se prononcer sur les relations du dehors, sur les armées de terre et de mer, sur l’industrie et le commerce, l’agriculture et les impôts, l’orateur de tribune ne doit être étranger à aucune de ces connaissances. […] « Plus puissante que la voix des orateurs, la voix des écrivains, dit Timon, est si rapide qu’elle vole pardessus les monts et les mers, et si perçante qu’elle traverse les murs des palais » (Voir le nº xxxix). […] En rappelant les guerres civiles où avait échoué la fidélité de Turenne, Fléchier a ainsi recours aux précautions oratoires : Souvenez-vous, messieurs, de ce temps de désordre et de trouble, où l’esprit ténébreux de discorde confondait le, droit avec la passion, le devoir avec l’intérêt, la bonne cause avec la mauvaise, où les astres les plus brillants souffrirent presque tous quelque éclipse, et les plus fidèles sujets se virent entraînés malgré eux par le torrents des partis, comme ces pilotes qui, se trouvant surpris de l’orage en pleine mer, sont contraints de quitter la route qu’ils veulent tenir et de s’abandonner, pour un temps, au gré des vents et de la tempête. […] Dieu permit aux vents et à la mer de gronder et de s’émouvoir, et la tempête s’éleva. […] Il n’est borné ni par les montagnes ni par les mers.