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225. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. […] Les réveils de la nuit ont été noirs, et le matin je n’étais point avancée d’un pas pour le repos de mon esprit. […] C’est ici la malédiction de grandes fortunes ; c’est ici que l’esprit du monde paraît le plus opposé à l’esprit du christianisme : car qu’est-ce que l’esprit du christianisme ? esprit de fraternité, esprit de tendresse et de compassion, qui nous fait sentir les maux de nos frères, entrer dans leurs intérêts, souffrir de tous leurs besoins. […] (De l’Esprit des Lois, livre X, chap. 

226. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre X. Petits poèmes. »

Ceux qui ont donné son histoire ont peut-être exagéré la difformité de son corps pour donner plus de relief à son esprit. […] Un poème de cette espèce, si on y met de l’esprit, sera nécessairement froid, fade, langoureux, ou chargé d’ornements frivoles non moins ridicules que déplacés. […] Les images sont sublimes quand elles élèvent notre esprit au-dessus de toutes les idées de grandeur qu’il pouvait avoir. […] On sait quelle est la vitesse de l’esprit. […] Elles ne se tiennent que de loin, et laissent, par conséquent, entre elles quelques vides qu’un lecteur remplit aisément quand il a de l’âme et qu’il a saisi l’esprit du poète.

227. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

. — figures par rapprochement d’idées opposées Observez ici comme tout se lie dans l’esprit humain. […] Connaissez-vous rien de plus grand que l’antithèse de Socrate s’adressant à ses juges : « Maintenant retirons-nous, moi pour mourir, et vous pour vivre ; » rien de plus touchant que celle d’Hérodote : « Préférez toujours la paix à la guerre ; car pendant la paix, les enfants ensevelissent leurs pères, et pendant la guerre, ce sont les pères qui ensevelissent leurs enfants ; » rien de plus gracieux que celle de Quinault : Vous juriez autrefois que cette onde rebelle Se ferait vers sa source une roule nouvelle, Plus tôt qu’on ne verrait votre cœur dégagé : Voyez couler ces flots dans cette vaste plaine, C’est le même penchant qui toujours les entraîne ; Leur cours ne change point, et vous avez changé… L’antithèse est la vraie expression du sentiment, toutes les fois que l’esprit est tellement frappé d’un contraste qu’il ne peut le rendre d’une autre manière. […] M. de la Rochefoucauld avait dit : « Nous n’avons pas assez de force pour suivre toute notre raison. » Madame de Grignan retourna la pensée : « Nous n’avons pas assez de raison pour employer toute notre force. » Ces contrastes symétriques plaisent à l’esprit, pourvu qu’ils soient présentés sobrement et à propos. […] Ceux qui ont eu l’heur de l’entendre se rappellent de quel ton il disait à Flaminius : Attale a le cœur grand, l’esprit grand, l’âme grande, Et toutes les grandeurs dont on fait un grand roi… Et si Flaminius en est le capitaine, Nous pourrons lui trouver un lac de Trasimène… à Attale : Vous avez de l’esprit, si vous n’avez du cœur… à Laodice, après son entretien avec l’ambassadeur de Rome, Vous a-t-il conseillé beaucoup de lâchetés, Madame ?

228. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Voltaire est le plus parfait représentant de l’esprit français à cette époque. […] Elle a toutes les perfections secondaires ; il ne lui manque que cette énergie divine, ces traits de feu, ce pathétique, ce sublime qui ne viennent pas de l’esprit mais du cœur, et que les grands sentiments seuls peuvent enfanter. […] Voilà les maîtres vers lesquels il faut sans cesse porter ses regards, quand on a quelques sentiments de l’art véritable, et qu’on aime cette admirable langue française, fidèle image de l’esprit et du caractère national, qui ne peut se soutenir et durer que par le perpétuel renouvellement des causes qui l’ont formée et élevée, à savoir les grands sentiments et les grandes pensées, ces foyers immortels du génie des écrivains et des artistes, aussi bien que de la puissance des nations. […] Mon esprit épuisé ne sert plus ni mon cœur ni ma pensée ; ma plume est aussi faible que ma main ; elle a tracé péniblement chacune de ces lignes : il n’y en a pas une qui ne m’ait déchiré le cœur, et je n’aurais pas souffert davantage si j’eusse creusé moi-même la fosse de Santa-Rosa. […] Au coin de son feu, dans sa chambre d’étudiant, qui ne l’a vu se lever à demi-vêtu, et, marchant à grands pas, développer avec une émotion persuasive, avec une verve toujours renaissante, les pensées qui l’agitaient, évoquer en causant tous les maîtres de l’esprit humain, et les opposer l’un à l’autre ou les concilier ensemble, comme s’il eût espéré s’en faire écouter ?

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