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74. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre lII. »

Là où les imaginations ont perdu cette première candeur, le poète épique ne saurait naître ; il appartient à la jeunesse des nations et des idiomes ; seulement, si la nation est rude et l’idiome grossier, on a ces longs récits en vers qui amusaient nos aïeux ; si, au contraire, la nouvelle langue est belle et forte dès son origine, on entend la voix du Dante. […] La Jérusalem délivrée a dû naître en Italie, sur la terre privilégiée du catholicisme. […] Nous préférons de beaucoup le poème germanique des Niebelungen, tout rude et barbare qu’il est ; on y trouve au moins la peinture d’une époque, l’héroïsme, la grandeur, et ce cachet d’originalité nationale qui doit être l’essence de l’épopée. — Ainsi doit naître le poème épique y plus rare encore que cette fleur qui, ne couronne qu’une fois dans un siècle la cime de l’aloès.

75. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Vauvenargues, 1715-1747 » pp. 336-343

Il changeait sans peine d’application et de travail ; il paraissait pour remplir avec distinction les emplois subalternes, qui renferment beaucoup de minuties. […] pour des chagrins plus secrets, il a eu de la hauteur et de l’ambition dans la pauvreté. […] Et qui doit, en effet, servir Votre Majesté avec plus de zèle qu’un gentilhomme qui, n’étant pas à la cour, n’a rien à espérer que de son maître et de ses services ?

76. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

[Notice] à Aix, en Provence, le 8 mai 1796, lié d’une étroite amitié avec M. […] Enseignements qu’offre la vie de Franklin «  dans l’indigence et dans l’obscurité, dit Franklin en écrivant ses Mémoires, et y ayant passé mes premières années, je me suis élevé dans le monde à un état d’opulence, et j’y ai acquis quelque célébrité. […] Elle offre surtout des enseignements et des espérances à ceux qui, nés dans une humble condition, sans appui et sans fortune, sentent en eux le désir d’améliorer leur sort, et cherchent les moyens de se distinguer parmi leurs semblables.

77. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre II. — Choix des Pensées »

2° Pensées naturelles Les pensées naturelles sont peu différentes des pensées simples : elles sont renfermées dans le sujet et en naissent tout naturellement. […] 9° Pensées enjouées La pensée enjouée a quelque chose de plus riant que les précédentes : elle fait naître le sourire sur les lèvres, et amuse agréablement l’esprit : Andrieux dans une charmante imitation de la fable de La Fontaine, le Rat de ville et le Rat des champs, fait parler ainsi l’un des deux personnages :       Pouvez-vous bien végéter tristement Dans un trou de campagne enterré tout vivant ? […] Elles naissent sans effort dans l’esprit de tout écrivain, et celui-ci, pour leur donner du prix, doit, recourir aux agréments du style. […] Semez les bienfaits : il en naîtra d’heureux souvenirs.

78. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

— La poésie lyrique, née du chant et de la lyre, apparaît à l’origine des peuples, et peut les suivre toute leur vie. […] La poésie lyrique, chez les Grecs, était née également de la religion. […] De la nécessité d’y suffire est née la phrase complexe et soutenue qu’on appelle période. […] Chez les grands écrivains, elle naît presque toute seule de la vérité des pensées et de la propriété des termes. […] C’est alors que naissent les langues techniques, faites pour seconder la mémoire et faciliter le travail.

79. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Henri IV, 1553-1610 » pp. -

Antoine de Roquelaure, seigneur de Roquelaure en Armagnac, en 1543, eut près de Henri IV le crédit dont il jouissait auprès de Jeanne d’Albret. […] Le futur roi de France, le 27 septembre 1601, avait alors six ans.

80. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Racine. (1639-1699.) » pp. 83-90

Racine, trois ans après que la merveille du Cid avait ouvert en France des voies nouvelles à l’art dramatique, paya ainsi à celui qui lui avait frayé la carrière un noble tribut de reconnaissance. […] à la Ferté-Milon en 1639, Racine mourut en 1699. […] Enfin, ce qui lui est surtout particulier, une certaine force, une certaine élévation qui surprend, qui enlève, et qui rend jusqu’à ses défauts, si on lui en peut reprocher quelques-uns, plus estimables que les vertus des autres : personnage véritablement pour la gloire de son pays ; comparable, je ne dis pas à tout ce que l’ancienne Rome a eu d’excellents poëtes tragiques, puisqu’elle confesse elle-même qu’en ce genre1 elle n’a pas été fort heureuse, mais aux Eschyle, aux Sophocle, aux Euripide, dont la fameuse Athènes ne s’honore pas moins que des Thémistocle, des Périclès, des Alcibiade, qui vivaient en même temps qu’eux2.

81. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Buffon 1707-1788 [Notice] Fils d’un conseiller au parlement, Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, naquit à Montbard, en Bourgogne, et fut élevé au collège de Dijon. […] C’est surtout dans les yeux3 qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnaître : l’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher, et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent : l’œil reçoit, et réfléchit en même temps la lumière de la pensée, et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit, et la langue de l’intelligence4. Le style C’est faute de plan, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d’idées, et, comme il ne les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres ; il demeure donc dans la perplexité ; mais, lorsqu’il se sera fait un plan, lorsqu’une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apercevra aisément de l’instant auquel il doit prendre la plume ; il sentira le point de maturité de la production de l’esprit, il sera pressé de la faire éclore, il n’aura même que du plaisir à écrire ; les idées se succéderont aisément, et le style sera naturel et facile1 ; la chaleur naître de ce plaisir, se répandra partout, et donnera de la vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus ; le ton s’élèvera, les objets prendront de la couleur, et le sentiment, se joignant à la lumière, l’augmentera, la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce que l’on va dire, et le style deviendra intéressant et lumineux.

82. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Musset 1810-1857 » pp. 564-575

O toi que nul n’a pu connaître, Et n’a renié sans mentir, Réponds-moi, toi qui m’as fait naître, Et demain me feras mourir ! […] Célèbre cantatrice, née à Séville, 1807, morte en 1836. […] Naître obscur et mourir illustre, ce sont les Jeux termes de l’humanité.

83. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Thiers. Né en 1797. » pp. 513-521

C’est cette qualité, appliquée aux grands objets de l’histoire, qui, à mon avis, convient essentiellement au narrateur, et qui, lorsqu’elle existe, amène bientôt à sa suite toutes les autres, pourvu qu’au don de la nature on joigne l’expérience, née de la pratique. […] La fin de la campagne avait relevé toutes les espérances que son commencement avait fait naître. […] « Je ne sais pas de plus mémorable élan que l’espèce d’épilogue qui termine le huitième volume, et couronne le récit des victoires toutes républicaines de la première campagne d’Italie. « Malheur à qui, jeune et dans les rangs nouveaux, n’a pas senti un jour, en lisant cette page, un battement de cœur et une larme. » (Sainte-Beuve.)

84. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre Ier. Des exercices préparatoires à la composition » pp. 209-224

Ces grandes idées d’honneur, de vertu, de magnanimité, de dévouement, les seules capables dans tous les temps d’exciter l’admiration, l’enthousiasme, s’altèrent ou ne naissent jamais dans l’esprit des jeunes gens dont le cœur est vicié de bonne heure par la lecture d’auteurs dangereux ou suspects. […] C’est toi, quand le jour naît, toi, quand le jour expire, Toi que nomment ses pleurs, toi que chante sa lyre. […] Il est en effet indispensable pour quiconque veut se rendre entièrement maître de son sujet, et l’approfondir de manière à en faire naître les éléments nécessaires pour un développement naturel et intéressant, c’est-à-dire pour une belle amplification.

85. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Saint François de Sales, 1567-1622 » pp. -

Saint François de Sales 1567-1622 [Notice] Issu d’une ancienne famille de Savoie, au château de Sales, voué à Dieu par sa pieuse mère, Françoise de Sionas, il fit ses études au collége d’Annecy, sa rhétorique à celui de Clermont, sa philosophie en Sorbonne. […] Les esprits bien nés ne s’amusent pas à ces menus fatras3 de rang, d’honneur, de salutations, ils ont d’autres choses à faire ; c’est le propre des esprits fainéants.

86. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bossuet. (1627-1704.) » pp. 54-68

à Dijon en 1627, quelques années avant Louis XIV, il accompagna, comme pour les célébrer dignement, toutes les splendeurs de ce règne ; nommé évêque de Meaux, il mourut en 1704 au moment où la prospérité et la gloire du vieux roi avaient trouvé leur terme. […] Telle est l’institution de l’Académie5 : elle est née pour élever la langue française à la perfection de la langue grecque et de la langue latine. […] Née en 1644, elle avait épousé, en 1661, Monsieur, duc d’Orléans, frère de Louis XIV : ce qui fait qu’on l’appelait aussi Madame. […] Louis II de Bourbon, le héros, comme l’appelle habituellement Saint-Simon, en 1621, arrière-petit-fils de Louis Ier de Condé, qui périt en 1569 à Jarnac. — Cette oraison funèbre fut prononcée à Notre-Dame, le 10 mars 1687 : Condé était mort le 9 décembre de l’année précédente.

87. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Molière 1622-1673. » pp. 27-43

Je trouve que toute imposture est indigne d’un honnête homme, et qu’il y a de la lâcheté à déguiser ce que le ciel nous a fait naître, à se parer, aux yeux du monde, d’un titre dérobé, à se vouloir donner pour ce qu’on n’est pas. Je suis de parents, sans doute, qui ont tenu des charges honorables : je me suis acquis dans les armes l’honneur de six ans de service, et je me trouve assez de bien pour tenir dans le monde un rang assez passable ; mais, avant tout cela, je ne veux pas me donner un nom où d’autres en ma place croiraient pouvoir prétendre, et je vous dirai franchement que je ne suis point gentilhomme1. […] Ainsi vous descendez en vain des aïeux dont vous êtes  ; ils vous désavouent pour leur sang, et tout ce qu’ils ont fait d’illustre ne vous donne aucun avantage : au contraire, l’éclat n’en rejaillit sur vous qu’à votre déshonneur, et leur gloire est un flambeau qui éclaire aux yeux d’un chacun la honte de vos actions. […] Non, insolent, je ne veux point m’asseoir, ni parler davantage, et je vois bien que toutes mes paroles ne font rien sur ton âme ; mais sache, fils indigne, que la tendresse paternelle est poussée à bout par tes actions ; que je saurai, plus tôt que tu ne penses, mettre un terme à tes déréglements, prévenir sur toi le courroux du ciel, et laver, par ta punition, la honte de t’avoir fait naître.

88. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Voltaire 1694-1778 » pp. 445-463

dépourvu, dans la foule jeté, Germe naissant par le vent emporté, Sur quel terrain puis-je espérer de croître ? […] Il est pour aimer : l’élite des Français Est l’exemple du monde, et vaut tous les Anglais. […] il naquit, il règne eu vos remparts. […] Marmontel, littérateur connu surtout par ses œuvres critiques, naquit en 1723, et mourut en 1799.

89. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Ponsard 1814-1868 » pp. 583-600

Ponsard 1814-1868 [Notice] à Vienne, dans l’Isère, M. […] Lucrèce, écoutez-moi ; car vous n’oubliez pas Que je vous ai longtemps portée entre mes bras1 : Votre mère mourut quand vous veniez de naître ; Je vous donnai mon lait, sur l’ordre de mon maître2 ; Je ne vous quittai plus ; je bénis le destin, Lorsqu’il vous fit entrer au lit de Collatin ; C’est pourquoi laissez-moi parler. — Que vos esclaves Filent pour votre époux les robes laticlaves3 ; Je les ferai veiller jusqu’au chant de l’oiseau De qui la voix sacrée annonce un jour nouveau. […] On entendait par ce mot un comité révolutionnaire qui, de l’insurrection, se substitua au conseil des échevins, et prit l’Hôtel de Ville pour lieu de ses séances. […] à Genève en 1744, il vint à Paris exercer la profession de médecin, et avait été aux écuries du comte d’Artois.

90. (1858) Exercices latins adaptés à la Grammaire latine d’après Lhomond. Deuxième partie : Cours gradué de versions latines sur la syntaxe, à l’usage des classes de sixième, cinquième et quatrième. Livre du maître pp. -370

L’homme est pour la vertu. — 7. […] L’homme paraît pour souffrir. — 15. […] Jupiter naquit de Saturne et d’Ops. — 3. Bacchus naquit de Jupiter et de Sémélé. — 4. […] Cicéron a jugé pernicieuse la puissance tribunitienne ; en effet, née au milieu d’une sédition, elle paraissait née pour la sédition.

91. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VIII. L’éloquence militaire. »

Vous êtes nés Français, et je suis votre roi, Voilà vos ennemis, marchez et suivez-moi. […] L’éloquence, dit Voltaire, est née avant les préceptes de la rhétorique, et Voltaire a raison : il en est de même en tout genre ; c’est d’après les modèles que les leçons ont été tracées, comme l’on tire, sur le vêtement déjà fait, le patron destiné à en faire d’autres.

92. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre II. Des qualités essentielles du poète » pp. 16-21

Quoi de plus propre à faire naître l’inspiration que l’aspect d’un vieux château à demi écroulé, dont les tours crénelées, les fortifications, les ponts-levis, les portes sombres, rappellent les scènes de la chevalerie, les tournois, les batailles, le courage des paladins, et les chansons des troubadours ? […] Si la nature, si les monuments du passé, tels que les tombeaux, les ruines, sont des sujets très propres à faire naître l’inspiration, que sera-ce quand le poète prendra pour sujet de ses chants Dieu lui-même, ses perfections, sa grandeur, sa majesté, ses bienfaits ?

93. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVI. des qualités essentielles du style. — clarté, pureté  » pp. 217-229

L’obscurité, comme la diffusion, naît le plus souvent de la précipitation ou de la paresse. […] Le plus souvent elle n’affecte que les détails, et naît de diverses causes. […] En définitive, il n’est pas d’hier.

94. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXI. des figures  » pp. 289-300

A mesure que l’homme a découvert un plus grand nombre d’objets, à mesure que des rapports plus multipliés avec ses semblables ou avec ces objets ont fait naître en lui des sentiments nouveaux, il lui a fallu créer des mots pour rendre les uns et les autres, et il a procédé à ces nouvelles créations par la méthode déjà employée. […] Celle fraîcheur d’émotions que faisait naître en lui le spectacle tout neuf des phénomènes du monde extérieur, ce relief énergique de sentiment que le frottement social n’avait point encore usé, donnaient à son expression un coloris, une vivacité, un pittoresque, une spontanéité de rapprochements, une énergie de tours qui nous semblent aller jusqu’à l’exagération. […] Voici une remarque aussi juste que profonde d’un des plus savants hommes de notre siècle : « Dès que l’homme, en interrogeant la nature ne se contente pas d’observer, mais qu’il fait naître des phénomènes sous des conditions déterminées ; dès qu’il recueille et enregistre les faits pour étendre l’investigation au delà de la courte durée de son existence, la philosophie de la nature se dépouille des formes vagues et poétiques qui lui ont appartenu dès son origine ; elle adopte un caractère plus sévère, elle pèse la valeur des observations, elle ne devine plus, elle combine et raisonne.

95. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

[Notice] en 1646 à Dourdan (Seine-et-Oise), La Bruyère, dont les talents devaient tant occuper la postérité, vécut, par l’effet de sa modestie, presque obscur : de là beaucoup d’incertitude sur tout ce qui le concerne et même sur la date de sa naissance1. […] Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.

96. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Montesquieu. (1689-1755.) » pp. 130-139

[Notice] Lorsque Montesquieu naquit, la dynastie des Stuarts venait de succomber en Angleterre, et Jacques II cherchait un asile auprès de Louis XIV ; lorsqu’il mourut, Louis XVI était dans sa première année, et la guerre désastreuse de Sept ans allait éclater : déjà fermentaient dans la France ces vagues désirs de réformes qui aboutirent à des bouleversements. […] Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun ; ils n’avaient de différends que ceux qu’une douce et tendre amitié faisait naître ; et, dans l’endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille : la terre semblait produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains. […] Les accidents de la fortune se réparent aisément : on ne peut pas parer à des événements qui naissent continuellement de la nature des choses.

97. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Jean-Jacques Rousseau 1712-1778 [Notice] à Genève, orphelin élevé presque à la grâce de Dieu, tour à tour apprenti, musicien ambulant, laquais, copiste, précepteur, secrétaire, commis de caisse, Rousseau promena d’aventures en aventures, de mécomptes en mécomptes une jeunesse vagabonde, indigente et humiliée, dont les souffrance romanesques aigrirent son cœur passionné. […] Oui, je le soutiens, et je ne crains point d’être démenti par l’expérience, un enfant qui n’est pas mal , et qui a conservé jusqu’à vingt ans son innocence, est, à cet âge, le plus généreux, le meilleur, le plus aimant et le plus aimable de tous les hommes4. […] Les mets seraient servis sans ordre, l’appétit dispenserait des façons4 ; chacun, se préférant ouvertement à tout autre, trouverait bon que tout autre se préférât de même à lui : de cette familiarité cordiale et modérée, naîtrait sans grossièreté, sans fausseté, sans contrainte, un conflit badin, plus charmant cent fois que la politesse, et plus fait pour lier les cœurs.

98. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

Le dix-huitième siècle a certes vu naître de brillants écrivains, et le nôtre n’est point déshérité des talents qui ont établi, dans le passé, la gloire littéraire de la France. […] Ni l’un ni l’autre n’ont pensé à rendre excusable et digne de compassion la conduite de Phèdre, Racine ne doit qu’à lui-même l’idée si dramatique de faire naître un grand intérêt d’une passion coupable. […] Ce dessein vous surprend, et vous croyez peut-être Que le seul désespoir aujourd’hui le fait naître. […] Beaux arbres qui m’avez vu naître, Bientôt vous me verrez mourir. […] Tour à tour religieux pour édifier les gens d’Église, et licencieux pour égayer les soupers des débauchés de la cour, il ne témoigne, en définitive, que d’un cœur bas, d’un caractère louche, tracassier, pour la domesticité des grands seigneurs.

99. (1881) Rhétorique et genres littéraires

. — En dépit de la maxime de Quintilien ( nascuntur poetæ, fiunt oratores ), on naît orateur comme on naît poète. […] Nés en — Morts en Ouvrages. […] Cette sorte d’harmonie est quelquefois cherchée ; elle naît presque toujours de la propriété des expressions. […] Le Français, malin, forma le vaudeville. […] Chez les Grecs, elle est également née de la religion (Linus et Orphée).

100. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

La vertu, les mœurs, ne donnent guère plus d’idées que la logique ; mais, par elles, après avoir distingué le bien du mal, pour adopter l’un et rejeter l’autre, nous ajoutons à nos idées cette autorité et ce charme qui naissent de l’alliance de la moralité et du talent, et dont nous avons parlé à propos du choix du sujet. […] Les pensées que fait naître cette infinie variété de physionomies, de costumes, de poses, ne sont-elles pas plus fertiles en instruction réelle que tous les livres et toutes les leçons possibles ? […] Un exemple seulement pour montrer que d’idées et quelle variété d’idées et par là même d’expressions fait naître l’observation approfondie du caractère d’un peuple, modifié par l’opinion dominante, religieuse ou politique, de l’époque.

101. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

Ce qu’on a droit d’exiger dans toute fiction, drame ou roman, c’est d’abord que le dénoûment soit amené, c’est-à-dire, comme le veut Aristote, que les événements ne viennent pas simplement les uns après les autres, mais qu’ils naissent les uns des autres ; c’est ensuite qu’autant que possible il soit imprévu ; le premier élément de l’intérêt, c’est pour ainsi dire ce balancement de l’âme suspendue entre la crainte et l’espoir jusqu’à ce que D’un secret tout à coup la vérité connue Change tout, donne à tout une face imprévue. […] De l’ordre naissent la lumière et la chaleur ; la lumière, par l’unité du dessein, qui, bien comprise, répand sur toutes les idées le même jour avec des teintes variées, et donne à chacune sa valeur ; la chaleur, par l’étroit enchaînement de toutes les idées, qui, en les rapprochant, les fortifie et les échauffe l’une par l’autre. […] Passant ensuite aux diverses parties, elle trace les règles du début, montre comment il dépend de l’ensemble, quelles dispositions il doit faire naître dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur ; elle en indique les différentes espèces, les sources, les mérites et les défauts.

102. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

Elle prend le singulier pour le pluriel : — Le Français, malin, forma le vaudeville24 ; Le nom de la matière pour celui de la chose qui en est faite : Le bronze tonne. […] Pénétrez-vous bien de votre sujet ; à mesure que vous vous échaufferez en le développant, les images naîtront d’elles-mêmes. […] L’antithèse. — Tous les développements naissent des similitudes ou des contrastes.

103. (1885) Morceaux choisis des classiques français, prose et vers, … pour la classe de rhétorique

La clarté ne naît pas du soin de détacher tous les mots et de les prononcer tous avec la même force ; cette uniformité de débit engendre la fatigue et l’ennui, elle émousse toute attention et détruit tout intérêt. […] Je vous salue, enfants, venus de Jupiter ; Heureux sont les parents qui tels vous firent naître ! […] Il était sous le soleil de la Provence, et issu d’une famille noble. […] L’éloquence politique est née en France avec la politique. […] pour des chagrins plus secrets, il a eu de la hauteur et de l’ambition dans la pauvreté.

104. (1873) Principes de rhétorique française

Des arguments naissent la clarté et la précision sans les quelles la parole est stérile comme la graine jetée au vent ; des mœurs et des passions naît la chaleur, faute de laquelle une composition n’a nul mérite littéraire, nul crédit moral et n’est pas plus propre à persuader qu’un traité de dessin Linéaire n’est propre à former un Raphaël ou un Titien. […] Les plus passion nés sont accessibles à la voix de la raison, sans quoi ce seraient des brutes ; les plus raisonnables peuvent céder aux,    entraînements de la passion, car ce ne sont pas des anges. […] Elle naît des mêmes sources que la clarté, c’est-à-dire des circonstances, du temps, du lieu, et surtout de l’accord constant entre le caractère et les actes des personnes. […] Rousseau a fondé toutes ses utopies sociales sur un cercle vicieux : il prouve ; que l’homme n’est pas pour l’état de société ; parce que l’homme a vécu, à l’état sauvage, et il prouve que l’homme a dû vivre à l’état sauvage, parce qu’il n’est pas pour l’état social14. […] Sur la fin du règne d Auguste, par une froide nuit d’hiver, naissait sur la paille, débile, souffrant et dénué de tout, un enfant destiné à sauver le monde.

105. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre VI. D’Aguesseau et Séguier. »

» L’étude de la morale et celle de l’éloquence sont nées en même temps, et leur union est aussi ancienne dans le monde que celle de la pensée et de la parole. […] «  pour la patrie beaucoup plus que pour lui-même, depuis le moment solennel où, comme un esclave volontaire, la république l’a chargé de chaînes honorables, le vrai magistrat ne s’est plus considéré que comme une victime dévouée, non seulement à l’utilité, mais à l’injustice du public.

106. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. —  Voiture. (1598-1648.) » pp. 7-11

[Notice] Voiture, quatre ans après Balzac, en 1598, a, de son temps, obtenu une aussi brillante réputation que lui, par un talent d’une tout autre nature. […] à Chambéry, il avait toujours gardé quelque chose de l’accent de son pays.

107. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Rochefoucauld. (1613-1680.) » pp. 15-19

[Notice] La Rochefoucauld, que l’on connut dans sa jeunesse sous le nom de prince de Marsillac, naquit à Paris en 1613. […] Il faut être facile à1 excuser nos amis, quand leurs défauts sont nés avec eux, et qu’ils sont moindres que leurs bonnes qualités.

108. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre I. Du style. » pp. 181-236

Elle est née, pour ainsi dire du sujet même, parce qu’elle s’y rapporte entièrement et directement. […] Ces sortes de pensées se présentent en foule à tout homme d’un sens droit, et naissent sans effort du sujet que traite l’écrivain. […] Rien de plus juste que de s’assujettir aux lois de la langue qu’on parle ; lois fondées sur une dialectique très fine et très solide, sur cette logique naturelle, avec laquelle naissent tous les hommes bien organisés ; lois qui accoutument l’esprit à une marche toujours droite et toujours ferme, dans les diverses routes qu’il peut se frayer. […] Elle naît ordinairement du trop grand désir de briller, ou de l’excès d’une imagination déréglée. […] il leur naît des divinités jusques dans leurs jardins. » Boileau, en parlant de quelques Auteurs médiocres du siècle de Louis XIV, dit ironiquement : Pradon, comme un soleil en nos ans a paru.

109. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IV. Du Beau et des Plaisirs du Goût. »

Le sublime fait naître des sensations trop fortes pour être durables ; celles qui résultent du beau sont susceptibles d’une plus longue durée. […] Tel est l’avantage particulier des discours éloquents ou des compositions achevées : le champ qu’ils parcourent est aussi vaste que fécond ; ils présentent dans tout leur jour tous les objets capables de flatter le goût ou l’imagination, soit que son plaisir naisse du sublime ou d’un genre de beauté quelconque.

110. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre II. De l’Éloquence chez les Grecs. »

Celui qui, le premier, donna cet exemple à Athènes, fut le célèbre Gorgias, en Sicile. […] Nul n’a moins employé les figures de diction, et s’il s’en sert quelquefois, elles semblent naître de son sujet.

111. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Retz 614-1679 » pp. 22-26

M. le prince est capitaine, ce qui n’est jamais arrivé qu’à lui, à César et à Spinola3. […] Ambroise, marquis de Spinola, à Gênes en 1571 et mort en 1630, n’embrassa la carrière des armes qu’à trente ans, et se montra sur-le-champ doué des plus grands talents militaires.

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