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2. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre premier. Beautés de détail. »

Nous avons admiré le dieu d’Homère, qui, du seul mouvement de ses sourcils, ébranle l’Olympe ; c’est en effet nous donner d’un seul trait l’idée la plus complète de la puissance du Jupiter poétique. […] Dans les airs agités, qui devant lui s’ouvrirent, Les traits de son carquois sur son dos retentirent. Il arrive, pareil à la plus sombre nuit, S’assied près des vaisseaux, tend son arc ; le trait fuit, etc. […] Qu’il y a cependant loin encore du pinceau d’Homère au burin énergique de Moïse, et quelle différence de l’homme poétiquement parfait, à la conception divine du créateur ; différence qui tient surtout à l’infériorité du trait primitif ! […] Voilà des traits qui ne varient point, et c’est du plus ou moins de fidélité à nous les reproduire, que dépendent le mérite de l’ouvrage, et le plaisir que nous en peut faire la lecture.

3. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre I. Des Poésies fugitives. »

La métaphore et l’antithèse sont les principales figures propres à ce genre de poésie, qui doit être court, précis, et piquer surtout la curiosité du lecteur par quelque trait qui semble désigner le mot, ou par les contrastes singuliers que présente l’énigme. Quoique chacun de ces traits puisse s’appliquer à différents objets, il faut néanmoins que tous ces traits réunis conviennent uniquement à la chose, dont le nom est le mot cherché : c’est la première et la plus essentielle règle de l’énigme. […] Le sel de l’épigramme consiste dans un trait plaisant, ingénieux et inattendu ; dans une pensée qui pique, qui intéresse, qui est rendue d’une manière vive et agréable, et qu’on appelle la pointe ou le bon mot. […] Je me sers de ses traits pour percer mon tonneau. […] Les images et les traits de la fable ; que le poète a soin d’y répandre avec goût et avec justesse, en font un des plus beaux agréments.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre V. Des sermons de Bossuet. »

Encore une rature laisserait-elle quelques traces du moins d’elle-même, au lieu que ce dernier moment qui effacera d’un seul trait toute votre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant ; il n’y aura plus sur la terre aucuns vestiges de ce que nous sommes. […] « Pensez, maintenant, comment aurait pu prendre un tel ascendant une créature si faible, et si exposée, selon le corps, aux insultes de toutes les autres, si elle n’avait en son esprit une force supérieure à toute la nature visible, un souffle immortel de l’esprit de Dieu, un rayon de sa face, un trait de sa ressemblance : non, non, il ne se peut autrement. […] Il ne rapporte pas sèchement des passages, mais des traits qui forment des tableaux ; et il fond si bien les pensées de l’Écriture avec les siennes, qu’on croirait qu’il les crée, ou du moins qu’elles ont été conçues exprès pour l’usage qu’il en fait. […] Quel rapport, en apparence, avec ce trait de l’Écriture et l’objet que se propose l’orateur ? […] C’est là que les impies se retranchent comme dans une forteresse imprenable : c’est de là qu’ils jettent hardiment des traits contre la sagesse qui régit le monde, se persuadant faussement que le désordre apparent des choses humaines rend témoignage contre elle.

5. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Sans cela, le meilleur écrivain s’égare, sa plume marche sans guide, et jette à l’aventure des traits irréguliers et des figures discordantes. […] Ce trait bien dégagé, cette idée énergiquement conçue devient, en quelque sorte, la séve qui circule jusque dans la moindre feuille, l’âme qui vivifie tout le corps de l’ouvrage, mens agitat molem. […] Les traits d’Apollon sont donc autre chose que les trésors des doctes sœurs ?  […] Plus exposés que les autres hommes à ses séductions et à ses piéges, il commence de bonne heure à leur en préparer, et comme leur chute lui répond de presque tous ceux qui dépendent d’eux, il rassemble tous ses traits pour les perdre. […] Il continue par l’adulation, et c’est un trait encore plus dangereux dont il empoisonne leur âme.

6. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre III. Du Sublime dans les Compositions littéraires. »

Ses descriptions de combats, le feu dont il les anime, l’intérêt qu’il y répand, offrent au lecteur de l’Iliade une foule de traits et d’images sublimes. […] Non, sans doute ; mais il faut choisir dans cette foule de traits plus ou moins saillants, ceux qui peuvent faire sur les âmes une impression plus profonde. […] L’univers ébranlé s’épouvante… Le Dieu, D’un bras étincelant dardant un trait de feu, De Rhodope ou d’Athos met les rochers en poudre. […] C’est là que le génie de Corneille devzit s’arrêter : mais, séduit par un mauvais modèle, il s’égare sur ses pas, et affaiblit, en la paraphrasant à son exemple, la simplicité sublime de ce grand trait de caractère. […] Ce dernier trait est admirable, et les deux traducteurs l’ont emprunté de Virgile, trepidentque immisso lumine Manes .

7. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

Mais nous entendons spécialement ici ces traits qui émeuvent puissamment la sensibilité, qui vont au cœur, parce qu’ils en sont partis, et qui nous affectent à proportion que nous y retrouvons plus ou moins l’expression vraie de nos propres sentiments. […] Mais où est le trait essentiel, le cri du sentiment, l’accent vrai de la douleur, presque abattue par le désespoir, et si bien exprimée dans ce peu de mots : du matin au soir, tu vas finir mon existence ; de manè usque ad vesperam finies me. […] Combien de traits sublimes, de comparaisons heureuses, de mouvements pleins d’énergie ou de sensibilité elles peuvent fournir au poète ou à l’orateur capable d’en profiter ! […] Le plus saint des devoirs, celui qu’en traits de flamme La nature a gravé dans le fond de notre âme, C’est de chérir l’objet qui nous donna le jour. […] Ce dernier trait est charmant : celui de l’original est cependant encore au-dessus : « Voilà ce que je demande au ciel, dit Ruth ; et puisse-t-il y ajouter le bienfait de ne point séparer l’instant de notre mort !

8. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre II. De l’emploi des figures dans les écrivains sacrés. »

Tout ce morceau est charmant, respire la plus douce sensibilité, et le trait implumes qui complète le tableau et arrête si délicieusement le cœur sur l’image la plus intéressante, nous paraît au-dessus de l’éloge. […] Voyez comme chacun des traits de ce petit tableau a son caractère de justesse et de vérité : comme cette image est naturelle, et comme les circonstances qui la développent concourent à en rendre l’effet plus touchant ! […] Quand la tendre sollicitude d’un père et ses soins multipliés pour ses enfants ont-ils été rendus par des images plus vraies et sous des traits plus touchants que ce qu’on va lire ? […] Le traducteur ne borne point ici son mérite à une fidélité pleine d’élégance et d’harmonie : il ajoute quelquefois à la force de l’expression originale, et tire souvent une image magnifique d’un trait qui n’était qu’indique en passant. […] Ils avaient lu, ils sentaient le mérite de pareils traits, les écrivains qui nous les ont si heureusement reproduits dans leurs ouvrages.

9. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Lorsque l’Ame est tranquille, toutes les parties du visage1sont dans un état de repos ; leur proportion, leur union, leur ensemble, marquent encore assez la douce harmonie des pensées, et répondent au calme de l’intérieur ; mais lorsque l’âme est agitée, la face humaine devient un tableau vivant où les passions sont rendues avec autant de délicatesse que d’énergie, où chaque mouvement de l’âme est exprimé par un trait, chaque action par un caractère, dont l’impression vive et prompte devance la volonté, nous décèle, et rend au dehors par des signes pathétiques2 les images de nos secrètes agitations. C’est surtout dans les yeux3 qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnaître : l’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher, et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvements les plus doux et les sentiments les plus délicats ; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre âme le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent : l’œil reçoit, et réfléchit en même temps la lumière de la pensée, et la chaleur du sentiment : c’est le sens de l’esprit, et la langue de l’intelligence4. […] Rien ne s’oppose plus à la chaleur que le désir de mettre partout des traits saillants ; rien n’est plus contraire à la lumière qui doit faire un corps et se répandre uniformément dans un écrit, que ces étincelles qu’on ne tire que par force en choquant les mots les uns contre les autres, et qui ne nous éblouissent pendant quelques instants, que pour nous laisser ensuite dans les ténèbres. […] L’âme éclaire les traits du visage. […] « Pensez maintenant comment aurait pu prendre un tel ascendant une créature si faible, et exposée, selon le corps, aux insultes de tous les autres, si elle n’avait en son esprit une force supérieure à toute la nature visible, un souffle immortel de l’Esprit de Dieu, un rayon de sa face, un trait de sa ressemblance : non, non, il ne se peut autrement.

10. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VIII. L’éloquence militaire. »

Qu’ils apprennent donc à distinguer ces traits de caractère, ces expressions échappées à l’âme d’un grand homme, dans un moment décisif, ou dans une circonstance importante, de ces harangues composées à loisir, et placées par le poète ou par l’historien dans la bouche d’un héros. L’histoire nous a conservé, et la poésie a mis habilement en œuvre une foule de ces traits précieux, de ces mots vraiment éloquents, puisqu’ils n’ont jamais manqué de produire de grands effets. […] On voit qu’il suffit quelquefois du trait historique pour constituer une véritable beauté poétique ; et Lucain, qui vient de nous en fournir un exemple, n’a pas toujours été aussi sage, il s’en faut de beaucoup. […] L’histoire moderne nous offre le même trait.

11. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Là, ce sont des traits rapides, frappants et même sublimes. […] Ce sera une peinture qu’animeront les traits les plus vifs et les plus frappants. […] Tantôt ce sont des traits historiques ou fabuleux, que le poète mêle tout à coup à son sujet. […] Non : il revient au voyage du roi, et lui promet la victoire par ce beau trait d’imagination. […] Le poète peut dans cette espèce d’ode répandre avec grâce des traits de morale, et y entremêler des louanges délicates.

12. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois ; sans cela, le meilleur écrivain s’égare, sa plume marche sans guide, et jette à l’aventure des traits irréguliers et des figures discordantes. […] L’ouvrage étonne, mais c’est l’empreinte divine dont il porte les traits, qui doit nous frapper. […] Dieu de bonté, auteur de tous les êtres, vos regards paternels embrassent tous les objets de la création ; mais l’homme est votre être de choix : vous avez éclairé son âme d’un rayon de votre lumière immortelle ; comblez vos bienfaits en pénétrant son cœur d’un trait de votre amour. […] On le voit s’arrêter ainsi quelques instants devant une fleur, et partir comme un trait pour aller à une autre ; il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein, les flattant de ses ailes, sans jamais s’y fixer, mais aussi sans les quitter jamais. […] Il y a un peu de fadeur sentimentale dans ces traits.

13. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre II. De l’Éloquence. » pp. 318-338

Le pathétique, en effet, est un trait d’une énergie et d’une véhémence extraordinaire qui émeut et agite l’âme ; le sublime, un trait d’une noblesse et d’une grandeur extraordinaire qui la transporte et l’élève ; l’éloquence, un trait d’une vivacité et d’une rapidité extraordinaire qui la pénètre, la subjugue et la maîtrise. […] L’éloquence consiste, comme je viens de le dire, dans un trait vif et rapide, qui part d’un sentiment profond. Mais il est impossible que ces sortes de traits soient en bien grand nombre dans un Ouvrage : ils n’y paraissent que rarement et par intervalles. […] » Ce morceau, dit Voltaire 1, est un des plus beaux traits d’éloquence qu’on puisse lire chez les Nations anciennes et modernes ; et le reste du discours n’est pas indigne de cet endroit si saillant.

14. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre IX. Poésies fugitives. »

Le sel de l’épigramme consiste dans le trait plaisant et inattendu, dans la pensée piquante ou moqueuse, et rendue d’une manière vive et agréable, et qu’on appelle le trait, la pointe ou le bon mot 72. […] Ajoutons à ce que nous venons de dire sur toutes ces petites pièces, qu’on donne aussi très souvent, et assez improprement, le nom d’épigrammes à quelques contes très courts, et dont le sel consiste principalement dans le trait final. […] Quant aux Français, le nombre est presque infini de ceux qui se sont distingués dans ces petites pièces par l’agrément de la pensée, la précision de l’exposé, et la finesse ou la délicatesse du trait. […] La Motte savait bien qu’en réunissant tous ces traits, la pensée se porterait d’abord sur l’Amour, auquel ils paraissent convenir. […] On y souffre cependant les traits brillants d’une imagination hardie, un style noble et animé, et un certain enthousiasme.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — De Maistre, 1753-1821 » pp. 377-387

Sous ses idées fixes, sous ses paradoxes, sous ses jugements absolus, il y a du trait, du mordant, des vues hardies, neuves et profondes, l’accent d’une voix vibrante qui porte au loin, des airs de prophète qui lance la foudre. […] Au moins, si vous n’agissiez que sur vous-mêmes, on vous laisserait faire ; mais le penchant, le besoin, la fureur d’agir sur les autres, est le trait le plus saillant de votre caractère. On pourrait dire que ce trait est vous-mêmes. […] Il y a mille traits de ce genre. […] Pareillement ceux qui sont en l’air ; car le vol ne sauve l’aigle du trait de l’homme, combien que de loing il jette sa vend.

16. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Première section. Des genres secondaires de poésie — CHAPITRE PREMIER. Du genre léger on des poésies fugitives » pp. 75-95

La pensée ou pointe qui consiste dans un trait plaisant, ingénieux ou inattendu, et qui constitue ce qu’on appelle le sel de l’épigramme, doit être rendue d’une manière vive et agréable. […] La pensée de l’épigramme, avons-nous dit, doit toujours être intéressante ; c’est même le trait distinctif de ce petit poème. […] L’épitaphe (ἐπὶ et τάφος, tombeau) est une inscription renfermant ordinairement un trait de louange, de morale ou de satire, et destinée à être gravée sur un tombeau. Le poète y fait le plus souvent l’éloge du mort ; et il doit alors y mettre les grâces et les délicatesses du madrigal, en prenant cependant un ton plus noble et plus élevé, et en résumant d’un trait la vie et le caractère de la personne qui en est l’objet. […] Quoique chacun des traits pris séparément puisse s’appliquer à différents objets il faut cependant que tous ces traits réunis désignent exclusivement la chose dont le nom est cherché.

17. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VI. Analyse du discours sur l’esprit philosophique, par le P. Guénard. »

Le premier trait que j’en vois sortir, c’est l’esprit de réflexion, le génie d’observation ; caractère plus grand et plus singulier qu’il ne semble d’abord, et qu’on doit regarder comme la racine même du talent de penser, comme le germe unique de la vraie philosophie ». […] » Au génie de réflexions, comme à son principe, doit se rapporter cette liberté et cette hardiesse de penser, cette noble indépendance des idées vulgaires, qui forme, selon moi, un des plus beaux traits de l’esprit philosophique. […] Un trait manque encore, pour achever de caractériser l’esprit philosophique. […] L’éloquent défenseur de la vraie philosophie va concentrer maintenant en un seul et même point tous les traits de lumière dispersés jusqu’ici dans la première partie de son discours. […] Profitez de ses idées originales et hardies, c’est la source du grand et du sublime ; mais donnez du corps à ces pensées trop subtiles ; adoucissez par le sentiment la fierté de ses traits ; abaissez tout cela jusqu’à la portée de nos sens : nous voulons que les objets viennent se mettre sous nos yeux ; nous voulons un vrai qui nous saisisse d’abord, et qui remplisse toute notre âme de lumière et de chaleur.

18. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Delille 1738-1813 » pp. 464-472

Je ne sais quoi nous plaît dans ces traits indécis, Que la beauté n’a point dans ses contours précis1. […] Prête donc à mes vers, ô fille de Vénus, Ta molle négligence, et tes traits ingénus. […] Joseph Chénier a rimé contre Delille la satire dont voici quelques traits : Virgile, en de riants vallons, A célébré l’agriculture ; Vous, l’abbé, c’est dans les salons Que vous observez la nature. […] Que de mignardise dans ce trait de bel esprit mythologique ! […] Il y a un peu de fadeur dans tous ces traits de sensibilité trop larmoyante.

19. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre second. De la narration. »

A part ces cas de premier ordre, un peintre de caractères doit veiller à ce que les traits qu’il dessine soient applicables aux hommes en général, et non point à un homme en particulier. […] Dans la forme, il examinera les détails et fera ressortir les traits qui lui plairont le plus. […] Certes, le trait est noir. […] Choisissez vos détails ; rejetez ce qui est vulgaire, insignifiant ; arrêtez-vous aux traits caractéristiques, originaux. […] Simple narrateur, historien, vous vous contenterez de quelques traits saillants ; orateur, vous présenterez plus de détails ; mais vous vous arrêterez dès que vous jugerez votre but atteint.

20. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — La Fontaine (1621-1695.) » pp. 194-204

    Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; Peut-être il obtiendra la guérison commune : L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents     On fait de pareils dévoûments. […] J’ai beau les évoquer, j’ai beau vanter leurs traits ; On me laisse tout seul admirer leurs attraits. […] Périphrase bien expressive ; ou plutôt trait charmant de sensibilité, qui prépare l’effet du troisième avant-dernier vers. […] La conversation du savetier et du financier est digne de Molière, et il en a sans doute envié plus d’un trait : au reste, notre fabuliste excelle habituellement dans les dialogues. » — Cette fable semblait aussi à La Harpe, qui l’a transcrite et commentée dans son Cours de littérature, l’une des plus heureuses de La Fontaine. […] « Ce sont là, dit Chamfort, des traits qui valent un tableau tout entier. » 4.

21. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Je souperais gaiement au bout de leur longue table ; j’y ferais choses au refrain d’une vieille chanson rustique, et je danserais dans leur grange, de meilleur cœur qu’au bal de l’Opéra1 Le lever du soleil On voit le soleil s’annoncer de loin par les traits de feu qu’il lance au-devant de lui. […] Quand Platon peint son juste imaginaire couvert de tout l’opprobre du crime et digne de tous les prix de la vertu, il peint trait pour trait Jésus-Christ ; la ressemblance en est si frappante, que tous les Pères l’ont senti, et qu’il n’est pas possible de s’y tromper2. […] Commes tous les traits sont naturels et sentis. […] Ce trait est spirituel et juste.

22. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Notions préliminaires. »

Le poète rassemble les plus beaux traits de la même espèce, qu’il voit épars dans la nature, et qui peuvent former un tout parfait en son genre. […] Il observa les plus beaux traits dans différentes belles personnes, les rassembla, en forma un tout, et parvint à montrer sur la toile une beauté dans sa plus grande perfection. […] Mais il observa attentivement différents avares ; il saisit les plus grands traits d’avarice qu’ils avaient faits ; il y ajouta, d’après la connaissance profonde qu’il avait du cœur humain, d’autres traits qu’il imagina qu’un avare est capable de faire : il réunit tous ces traits, les attribua à son personnage, et, par là, vint à bout d’en composer un caractère parfait dans son genre. […] Il est aisé de juger que ce que je viens de dire des circonstances d’une action et des différents traits qui composent un caractère, doit s’appliquer à un tableau, à un édifice, à un monument présentés dans toute la beauté, dans toute la perfection imaginable. […] Celui-là au contraire n’offre que des traits rudes et des membres difformes, un sourcil hérissé, et une queue tortueuse : le son en est dur, et la vue désagréable ».

23. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Il faut les peindre à grands traits, pour qu’ils fassent une impression forte et durable. […] Aussi les plaisanteries grossières du financier font presque disparoître les traits fins et délicats du Glorieux. […] Un trait frappant l’offre d’abord aux yeux du spectateur : un trait plus frappant encore vient tout-à-coup le développer ; et l’on en voit une suite de plus forts encore jusqu’au dénouement, où le dernier coup de pinceau montre le caractère dans tout son jour et sous tontes ses faces : c’est le dernier trait ajouté au ridicule. […] Il n’y a aucune de ses pièces, qui ne soit semée de bouffonneries, de turlupinades, et de traits licencieux. […] Ce poëte saisit fort bien les traits essentiels d’un caractère, et le peint des couleurs qui lui sont propres.

24. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Mais elle les peint avec de fortes couleurs, sous des traits énergiques, qui inspirent la crainte, l’éloignement, l’horreur. […] Bossuet en a esquissé à grands traits l’histoire et les caractères. […] La poésie peint avec enthousiasme, et par des traits plus hardis. […] Corneille est plein de traits d’une concision sublime. […] Le monde et la civilisation modernes sont moins capables que les âges précédents de traits et d’œuvres sublimes.

25. (1873) Principes de rhétorique française

Reconnaissez, Abner, à ces traits éclatants, Un Dieu tel aujourd’hui qu’il fut dans tous les temps. […]    Voilà ces traits qui faisaient dire à Philippe : Je ne crains point les Athéniens, je ne crains que Démosthène. […] Lors même que le portrait ne présente que les, traits extérieurs du visage, il doit cependant éveiller l’idée des dispositions morales de la personne. […] IL Le portrait ou tableau des traits et du caractère donne ta vie et l’intérêt à la narration. […] L’ironie est une arme dangereuse, c’est un trait qui, jeté par une main grossière ou maladroite, se retourne contre celui qui l’a lancé.

26. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre II. Du genre didactique. » pp. 161-205

En second lieu, il convient de s’attacher aux circonstances les plus propres à caractériser l’objet décrit, à en marquer les traits d’une manière forte et prononcée. […] Lorsque le poète veut peindre les mœurs et les ridicules, il doit en saisir les traits les plus frappants, et les présenter sous des images peu communes. […] Lorsqu’elle est placée au commencement de la fable, le lecteur a le plaisir, en suivant le fil de la narration, de juger si chaque trait se rapporte exactement à la vérité énoncée. […] Même dans les sujets les plus ordinaires, il est bon de laisser deviner une pensée fine, et de relever le style par des traits piquants et des allusions heureuses. […] Les allusions embellissent le récit lorsqu’on rapporte quelques traits qui figurent sérieusement ou d’une manière grotesque avec ce qui est raconté.

27. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

Notre devoir est de commencer et de crayonner l’ouvrage, d’en tracer les premiers traits, et non pas de le porter à la dernière perfection. […] Dès les premières et plus tendres années, les enfants font briller comme des étincelles et des traits d’esprit, qui nous avertissent qu’il n’y a point d’âge si faible qui déjà ne puisse prendre la teinture du vrai et commencer à se former au bon goût. […] Tout cet intervalle qui s’est écoulé depuis votre naissance jusqu’aujourd’hui, ce n’est qu’un trait rapide qu’à peine vous avez vu passer. […] Quand Platon peint son juste imaginaire couvert de tout l’opprobre du crime et digne de tous les prix de la vertu398, il peint trait pour trait Jésus-Christ : la ressemblance est si frappante, que tous les Pères l’ont sentie, et qu’il n’est pas possible de s’y tromper. […] L’un et l’autre, armé des traits de la satire, relève le mérite de ses pièces et déprime celles de son rival.

28. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VII. Des différents exercices de composition. »

Quand une description se contente de dessiner quelques traits abrégés, on la nomme esquisse. […] c’est surtout dans les eaux de l’abîme et dans les profondeurs des dieux que tu as gravé bien fortement les traits de ta toute-puissance ! […] Un trait de l’enfance de Bernardin de Saint-Pierre. […] C’est par lui que déjà mon âme raffermie A pu voir sans effroi sur tes traits enchanteurs Se faner du printemps les brillantes couleurs ; C’est par lui que, percé du trait qui me déchire, Jeune encore, en mourant vous me verrez sourire. […] Avec moins de goût, un autre poète eût cherché les grands effets, il eût prodigué les épithètes et les éloges à la jeune fille, et l’eût peinte trait pour trait.

29. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — La Fontaine 1622-1695 » pp. 339-378

Trait naïf. […] Ce trait est attendu : il idéalise le personnage. […] Le dernier trait est presque sublime, d’un sublime dur, et qui explique la vengeance de Dieu. […] Dans ce style relevé, tous les traits font image. […] Ce verbe au singulier avec un sujet pluriel ressemble à une anomalie. — Passages, roulades ou fioritures qu’on ajoute à un trait de chant.

30. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VI. De l’élocution et du style. »

L’imagination du peintre invente d’abord les principaux traits du tableau ; son jugement met ensuite chaque partie à sa place ; mais le coloris lui est nécessaire pour animer tout l’ouvrage, donner aux objets de l’éclat, et rendre l’expression parfaite. […] La Fontaine est plein de traits d’une admirable naïveté : témoin la fable qui a pour titre : La Laitière et le Pot au lait. […] La Rochefoucauld, La Bruyère, Voltaire, ont souvent des traits de finesse dans leur style. […] La finesse n’est pas seulement un trait d’esprit : elle peut s’étendre sur un long morceau, et même sur tout un ouvrage. […] Rien n’est plus simple que ce mot de Moïse racontant la création : « Dieu dit : Que la lumière soit ; — et la lumière fut. » C’est pourtant un trait sublime, admiré par Longin.

31. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

Mais, ce qui est au-dessus de tout, c’est le dernier trait de cette peinture ; ce sont ces membres palpitons encore sous les dents voraces de Polyphéme. […] Un mérite particulier à la poésie d’Homère et de Virgile, c’est que l’harmonie imitative est presque continue dans leurs vers, sans jamais y être monotone, parce qu’elle y est toujours l’expression vraie et simple de la nature, bien observée et peinte avec des traits, et dans des langues dignes d’elle. […] C’est surtout dans les morceaux d’une certaine étendue, et où plusieurs circonstances concourent à un effet général, que l’on peut remarquer avec quelle vérité, avec quelle scrupuleuse attention ces grands poètes s’attachent à tout peindre, afin qu’il n’y ait pas, dans leur tableau, un seul trait qui ne contribue à faire ressortir les autres, en ressortant lui-même à propos. […] Le trait part, siffle, vole, et s’arrête en tremblant ; La masse est ébranlée ; et, dans son vaste flanc, De ses concavités les profondeurs gémirent.

32. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Montesquieu 1666-1755 » pp. 148-157

Nerveux et rapide, il condense les idées en des traits énergiques ou brillants. […] Voici une bien belle lettre de Ducis inspirée par la piété filiale : « Mon père était un homme rare et digne du temps des patriarches ; c’est lui qui par son sang et ses exemples a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresse formes. […] Voltaire appelle les lettres persanes un ouvrage de plaisanterie, plein de traits qui annoncent un esprit plus solide que son livre. […] Montesquieu aime à débuter par des traits saisissants, à frapper l’imagination, à revêtir sa pensée de vives couleurs.

33. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Chapitre XI. De l’orthographe. » pp. 53-58

Du trait d’union. 171. —  Le trait d’union (-) se met entre le verbe etje, me, moi, toi, tu, nous, vous, il, ils, elle, elles, le, la , les, lui, leur, y, en, ce, on, quand ces mots sont placés après le verbe. […]   172. — On met encore le trait d’union entre deux mots tellement joints ensemble qu’ils n’en font plus qu’un :chef-d’œuvre, courte-pointe, avant-coureur.

34. (1872) Cours élémentaire de rhétorique

c’est alors qu’il saura employer une foule de traits séduisants et variés pour dissimuler la faiblesse, la pauvreté de sa cause. […] La pièce suivante se termine par un trait de ce genre. […] Ce bras étincelant qui darde un trait de feu ne vaut pas ce trait levé et flamboyant. […] Cette saillie présente d’un seul trait l’étendue de l’empire d’Alexandre et l’immensité de sa puissance. […] Ses traits mobiles et variés à l’infini dans leur expression, forment ce qu’on peut appeler le tableau de la pensée.

35. (1839) Manuel pratique de rhétorique

L’imagination n’a presque rien à faire, elle n’est pas frappée vivement, on voit les choses comme elles sont et on les rend comme on les voit ; c’est la vérité de la nature, et l’expression n’est alors qu’une fidèle qui représente trait pour trait, l’image qu’elle a reçue" ; en cherchant à l’embellir, on la gâterait. […] non, sans doute ; mais en conservant le fond du tableau qui est vrai, la convenance exigerait qu’il en adoucît les traits et les couleurs. […] Il peut avoir à décrire les lieux, les caractères, les mœurs, les habitudes extérieures et les traits du visage, les faits et leurs circonstances. […] — Quelques traits de sublime semés çà et là font-ils ce qu’on appelle le sublime ? […] Description des traits extérieurs d’une personne.

36. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre II. De l’Éloquence chez les Grecs. »

Ce n’étaient point des orateurs de profession : ce n’est point dans les écoles des rhéteurs qu’ils s’étaient formés à l’art de bien dire ; mais l’habitude et la nécessité de parler souvent en public, et surtout la disposition naturelle de ces âmes ardentes au grand et au sublime, en faisaient des hommes éloquents, dont Thucydide a recueilli des traits infiniment précieux. […] Voilà des traits qui honorent et font vivre la mémoire d’un homme, et qui ont fait dire avec raison d’Isocrate, qu’il fut digne d’avoir des talents, puisqu’il eut des vertus. […] La vérité est dans sa main un trait perçant qu’il manie avec autant d’agilité que de force, et dont il redouble sans cesse les atteintes.

37. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre I. — Rhétorique »

Nous n’acceptons ce jugement qu’avec réserve, quoique nous citions ici quelques traits d’éloquence dignes d’admiration, tels que ceux-ci :   Scipion l’Africain, accusé de péculat, est cité à comparaître devant le peuple romain, pour expliquer ses comptes. […]   Voilà certes des traits d’éloquence remarquables qui peignent fortement les mouvements de l’âme, et qui en sont comme les éclairs rapides et brûlants ; mais ces lueurs éloquentes qui ont suffi quelquefois pour entraîner tout un peuple, comme le fit Scipion, et pour faire tomber à genoux des assassins, comme le fit Coligny, selon le poète, n’auraient pas suffi à nos grands orateurs, à nos illustres auteurs dramatiques pour émouvoir une assemblée, ou pour tenir, pendant plusieurs heures de suite, tout un auditoire sous le charme. […] Il serait injuste de dire que de telles œuvres ne renferment que quelques traits d’éloquence, puisque ces magnifiques compositions en sont empreintes dans toute leur étendue.

38. (1886) Recueil des sujets de composition française donnés à la Sorbonne aux examens du baccalauréat ès lettres (première partie), de 1881 à 1885

Voilà, dans ses traits principaux, le tableau de la littérature grecque au siècle de Périclès. […] Le trait principal du caractère d’Éliante est la bienveillance pour tous, l’indulgence, la conciliation désintéressée, en un mot, la bonté. […] Ce sont là des traits de son caractère qui rachètent en grande partie les défauts que nous avons signalés, et qui sont même un titre à notre sympathie. […] La licence du ton de la comédie reste excessive, et si l’on y trouve quelques traits de caractères, ils passent inaperçus dans l’enchevêtrement des incidents et des situations. […] Les leçons qu’il nous a données ne concernent pas exclusivement la conduite de la vie, elles ont souvent trait à des questions littéraires.

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