La chaire évangélique avait été illustrée par des hommes du plus grand talent, et continuait de s’enrichir tous les jours de productions aussi estimables par leur objet que par le mérite de l’exécution. […] À l’époque mémorable que nous venons de parcourir, l’on eut plus d’une fois, sans doute, à gémir sur cet abus des talents ; le règne du sophisme, et l’esprit de chicane et de subtilité avaient déjà, plus d’une fois, dénaturé les meilleures causes, et obscurci, dès leur aurore, les beaux jours de notre éloquence politique : mais la raison, du moins, élevait encore la voix de temps en temps, pour la défense et le maintien de la vérité ; mais l’ascendant victorieux des vrais talents reprenait encore ses droits sur l’insolente médiocrité. […] Il faut, dans les causes ordinaires, de l’éloquence et du talent, une connaissance profonde de la jurisprudence, un zèle et une probité également irréprochables. […] Heureuse toutefois, lorsqu’à la faveur d’un grand talent, elle rappelle encore quelques souvenirs de ses beaux jours, quelques traces de ses anciens triomphes ! Mais ces circonstances sont rares, et il faut, pour en profiter, autant d’habileté au moins que de vrai talent.
Il se croira chargé des intérêts de tout bon ouvrage qui paraît sous la recommandation d’un nom déjà célèbre1 ; à travers les fautes, il suivra curieusement la trace du talent ; et, lorsque le talent n’est encore qu’à demi-développé, il louera l’espérance. […] Qui connaît la mesure et la borne des hardiesses du talent ? […] En général, ce qui compte le plus dans les productions du goût, ce n’est pas le sujet ou le cadre, mais le talent. […] C’est une destinée bien rare, de dangereux exemple peut-être, mais que votre talent justifie, et que votre caractère fait aimer en vous. […] Aimer le talent est le premier devoir de celui qui juge les livres.
« Avant d’exposer en détail les propriétés essentielles de l’esprit philosophique, qu’il me soit permis de le définir en deux mots : le talent de penser. […] Le premier trait que j’en vois sortir, c’est l’esprit de réflexion, le génie d’observation ; caractère plus grand et plus singulier qu’il ne semble d’abord, et qu’on doit regarder comme la racine même du talent de penser, comme le germe unique de la vraie philosophie ». Il développe ensuite sa proposition, et c’est là que commence à se déployer avec avantage le rare talent de l’écrivain pour prêter aux discussions philosophiques le charme de l’éloquence et l’intérêt du style. […] « Je le trouve dans le talent de saisir les principes généraux, et d’enchaîner les idées entre elles par la force des analogies : c’est véritablement le talent de penser en grand. […] Quelle perle pour l’éloquence, que le silence d’un homme qui s’était annoncé avec un aussi grand talent, et quel effet il eût produit, de quelle réputation il eût joui dans le siècle des Pascal, des Bossuet et des Bourdaloue !
C’est alors qu’ils pourront acquérir une manière à eux, et s’élever jusqu’au vrai talent. […] La critique est nécessaire aux progrès du talent. […] Du talent, du génie. […] Dans les arts, un beau talent suppose toujours une vive imagination. […] Le génie est le talent porté à sa plus haute puissance.
Mais, tandis qu’il les blâme avec une austère franchise, son estime éclate dans ses reproches, toujours adoucis par ce respect que le talent inspire à tous ceux qui sont dignes d’en avoir. Il se croira chargé des intérêts de tout bon ouvrage qui paraît sous la recommandation d’un nom déjà célèbre1 ; à travers les fautes, il suivra curieusement la trace du talent, et, lorsque le talent n’est encore qu’à-demi développé, il louera l’espérance. […] Qui connaît la mesure et la borne des hardiesses du talent ? […] Le critique éclairé fera cette distinction ; il s’empressera d’accorder au talent qui s’égare des louanges instructives. […] Aimer le talent est le premier devoir de celui qui juge les livres.
Qu’est-ce que le talent ? Le talent est une aptitude naturelle ou acquise pour certaines choses : le talent de la parole, le talent d’écrire, le talent de la musique, etc. Pour ce qui regarde les belles-lettres, le talent consiste à donner un forme agréable et une disposition heureuse aux idées que l’on exprime et aux sujets que l’on traite. […] Le génie et le talent sont le produit des autres facultés de l’âme. […] Les préceptes littéraires ne sont pas des lois imaginées avant que personne eût composé et fait connaître le talent de la parole.
Le succès de son ouvrage eût alors été incontestable, et les gens de lettres eussent applaudi au talent, comme les personnes religieuses aux intentions de l’auteur. […] J’ai assez étudié M. de Chateaubriand, je fais de son rare talent un cas assez distingué, et j’estime assez sa personne pour me permettre de hasarder ici quelques idées que je soumets à mon tour à sa critique. […] Lebrun et Delille, dont le beau talent naturel dut se ressentir plus ou moins de l’influence des circonstances. […] C’est, l’anglais sous les yeux, qu’il faudrait la parcourir, si l’on veut apprécier à la fois et le talent du poète traducteur, et l’étendue des services qu’il rend à son original. […] Il faut un grand talent pour en faire supporter la sécheresse, et le public a déjà fait justice de plus d’un imitateur malheureux ou maladroit.
Ce n’est pas que des hommes d’un mérite distingué n’aient illustré le barreau français, par l’accord précieux des lumières de l’avocat et du talent de l’orateur. […] Tous deux eurent assez de talent pour l’emporter de beaucoup sur les autres ; mais tous deux étaient loin encore de ce bon goût qui est de tous les temps, et qui fait vivre les productions de l’esprit. […] Ce grand orateur joignait à beaucoup d’élévation d’esprit, à un grand discernement, à un amour sincère du vrai, le talent de la parole, la beauté de l’organe, et les grâces de la représentation. […] Cochin avait autant de modestie que de talent ; et les éloges qu’on lui donnait étaient constamment suivis de réponses qui annonçaient combien peu sa grande âme était accessible aux petitesses de la vanité et aux illusions de l’amour-propre. […] Il est si consolant de pouvoir estimer ses modèles, et de ne jamais séparer de l’admiration qu’inspirent les grands talents, l’hommage que réclament les grandes vertus !
L’Éloquence est le talent de bien dire, c’est le talent de faire passer dans l’âme des auditeurs, et d’y imprimer avec force les sentiments profonds dont on est soi-même pénétré. On pourrait confondre l’Éloquence ou le talent de bien dire, avec la Rhétorique ou l’art qui développe ce talent. […] Ce discours, où respire la plus mâle éloquence, donne une idée de la flexibilité du talent de La Fontaine. […] En Grèce, les Périclès, les Démosthènes, les Eschyle ; à Rome, les Gracques, les Scipion, les Cicéron et une foule d’autres, n’ont-ils pas su conquérir par le talent de la parole les plus hautes dignités de la République ?
Cette persécution rendit service à son talent ; car nous devons aux vicissitudes de son exil les deux meilleurs ouvrages qu’elle ait produits : Corinne, roman trop métàphysique dont les fictions recouvrent les confidences d’une âme supérieure ; et l’Allemagne, tableau brillant d’une littérature dont l’étude fut pour nous la découverte de richesses ignorées. […] Les conversations des sociétés ont une portée sérieuse, et c’est par elles que l’opinion publique se forme : les paroles sont devenues des actions, et tous les cœurs sensibles vantent avec transport un mémoire que l’humanité anime, et qui paraît plein de talent parce qu’il est plein d’âme. […] Pourquoi ne jouirait-on pas avec transport des talents de son fils, du charme de sa fille ? […] « On est régenté où l’on voudrait être attiré par le charme… Il y a dans ses livres assez de talent pour sortir du commun, pas assez pour être de l’élite… » (M. […] Ils sont pour le talent comme ce vieillard qui demandait si l’on avait encore de l’amour. » « Quand le cœur est entier dans ce qu’il voit, on jouit admirablement de l’existence.
On ne l’obtient pas davantage de l’excellence du talent dans les arts. […] Pour nous, nous avons un nombre considérable d’hommes de talent ou d’une grande érudition qui ont écrit des histoires nationales dans leur totalité ou en partie. […] Il a aussi écrit la Vie de Pomponius Atticus, que nous avons, et qui, beaucoup mieux que les autres vies de son recueil, peut faire juger de son talent et de son style. […] Le principal devoir de l’historien est de distinguer le ton, le talent, le génie particulier de chaque auteur ; de les peindre tous et de les caractériser d’après leurs ouvrages. […] On admirera le talent d’analyse déployé par le panégyriste sur la cause de cette chute, aussi bien que la facilité de l’auteur à s’exécuter lui-même sur ce fâcheux incident de sa carrière dramatique.
On peut considérer les apôtres comme les premiers orateurs chrétiens ; saint Jean Chrysostôme avance, et prouve que saint Paul fit plus de conversions par le talent de la parole, que par le don des miracles, et il en donne pour preuves l’étonnement de l’aréopage, et l’admiration des prêtres de Lystres en Lycaonie, qui voulurent lui offrir des victimes, comme au Dieu de l’éloquence. […] Parmi les orateurs qui consacrèrent les premiers leurs talents et leur courage à l’apologie de la religion chrétienne, nous distinguons d’abord saint Justin, qui combattit les philosophes de son temps par leurs propres principes, et les réfuta par leurs seuls raisonnements. […] La supériorité de ses talents et l’étendue prodigieuse de ses connaissances lui avaient attiré un grand nombre de disciples, et les écoles d’Alexandrie ont consacré à jamais son nom et sa gloire. […] Jamais homme, dit l’abbé Auger, n’a peut-être plus réuni les talents de l’orateur.
Le talent n’est-il pas le bloc de marbre entre les mains du statuaire ? […] Enfin le sujet doit être en rapport avec le talent de l’écrivain. […] Sans elles, le plus beau talent échouera souvent contre la matière. […] Seulement, vous voulez qu’on dise : sujet immoral, ou stérile, ou inconciliable, soit avec le talent de l’écrivain, soit avec l’élégance ou l’énergie du style ; et nous, nous disons : ouvrage pernicieux, manière sèche, développement défectueux, style pâle et flasque. […] ou encore : Vous ne manquez pas de talent, mais vous n’êtes pas à la hauteur de la question que vous avez traitée.
L’éloquence est le talent de persuader, c’est-à-dire, de déterminer ceux qui nous écoutent à croire ou à faire quelque chose. […] Ces dons heureux ne peuvent être le fruit du travail ; ce sont des talents qui ne s’acquièrent point par l’étude : nous les devons à la seule nature. […] Mais il n’est pas rare que ces deux talents se trouvent ensemble. […] Cependant qu’on ne s’imagine pas qu’il faut peu de talent pour y exceller. […] Mais le propre du genre sublime est toujours d’émouvoir vivement et de persuader : c’est le triomphe de l’éloquence ; c’est le talent suprême de l’Orateur.
Il les admire avec l’accent d’une amitié respectueuse qui trahit des affinités, des sympathies secrètes de croyances, de sentiments, ou même de talent ; car ce commerce intime lui a porté bonheur, et il nous parle de ses maîtres favoris avec leur tour d’esprit et presque dans leur langue. […] Prenez les plus connus de nos gens de lettres actuels, et transportez-les dans le milieu où vivaient la-Bruyère chez le prince de Conti, Racine à Versailles, Voltaire à Ferney ; qu’ils respirent le même air, qu’ils soient accueillis et fêtés du même monde, vous verrez bien que ce n’est pas le talent qui manque et l’esprit qui a baissé. […] Nous aurons beau essayer d’admirer notre propre sagesse et de nous contenter de nos vertus naturelles, de nos talents, de notre science, un sourire de scepticisme et de dédain nous échappera toujours malgré nous. […] Entre ces deux croyances, je ne vois que quelque chose d’aride et de sec, un rire froid et moqueur, une gloire sans brillant, une sagesse sans élévation, un fond de bassesse que le talent même ne parvient pas à déguiser. […] Sans doute tout le monde ne peut pas faire des livres ; le génie est le partage d’un bien petit nombre ; le talent même n’est pas commun.
L’époque où les orateurs de Rome commencèrent à déployer des talents réels, ne précéda pas de beaucoup le siècle de Cicéron. […] La supériorité de ses talents est incontestable, et se manifeste dans tous ses discours. […] On devait naturellement s’attendre à voir, sous leur verge funeste, le goût se corrompre et le talent se décourager. […] « Ce n’est point, dit-il, la disette de talents qui augmente chaque jour l’intervalle qui nous sépare des anciens ; c’est l’indolence de la jeunesse actuelle ; c’est l’insouciance des parents ; c’est enfin l’oubli complet des mœurs antiques ».
Mais si sa vie n’a été qu’une suite non interrompue de belles actions et de beaux ouvrages, de grandes vertus et de talents supérieurs, les circonstances de sa mort sont encore au-dessus ; et pour le prouver, Thersagoras propose à Lucien de lui communiquer un ouvrage que lui seul possède, et qui renferme le récit des exploits d’Antipater, et les derniers moments de Démosthène. […] Telle est donc l’heureuse influence des hommes supérieurs, que lors même que les siècles ont dégénéré, leur seule idée réveille et ranime pour un moment quelques étincelles, du moins, des vertus ou des talents qui les ont immortalisés ! […] On sait d’ailleurs que l’idée première et le plan dramatique de l’éloge de Marc-Aurèle, furent fournis à Thomas par Diderot, dont la tête ardente concevait et communiquait avec chaleur aux autres des idées infiniment heureuses, qu’il n’eut ni la patience, ni peut être le talent de mettre lui-même en œuvre.
Pour développer les rares talents de ce poëte, pour faire pleinement éclore ce que son esprit et sont cœur renfermaient de germes précieux, que fallait-il toutefois ? […] Suis les pas de nos grands : énervés de mollesse, Ils se traînent à peine en leur vieille jeunesse ; Courbés avant le temps, consumés de langueur, Enfants efféminés de pères sans vigueur ; Demi-dieux avortés, qui par droit de naissance, Dans les camps, à la cour, règnent en espérance : Quels succès leurs talents semblent nous présager ? […] malheureux l’auteur dont la plume élégante Se montre encor du goût sage et fidèle amante1 ; Qui, rempli d’une noble et constante fierté, Dédaigne un nom fameux par l’intrique acheté, Et, n’ayant pour prôneurs que ses muets ouvrages, Veut par ses talents seuls enlever les suffrages ! […] La Harpe lui-même, fort maltraité dans ces pièces, n’a pu s’empêcher de rendre un juste hommage au talent poétique dont elles portent l’empreinte.
Je conjure celui qui répond oui de considérer que son plan n’est pas connu ; qu’il faut du temps pour le développer, l’examiner, le démontrer ; que, fût-il immédiatement soumis à notre délibération, son auteur peut se tromper ; que, fût-il exempt de toute erreur, on peut croire qu’il ne l’est pas ; que, quand tout le monde a tort, tout le monde a raison ; qu’il se pourrait donc que l’auteur de cet autre projet, même ayant raison, eût tort contre tout le monde, puisque, sans l’assentiment de l’opinion publique, le plus grand talent ne saurait triompher des circonstances. […] Vainement je les tiendrais pour préférables : on ne rivalise pas en un instant avec une popularité prodigieuse, conquise par des services éclatants, une longue expérience, la réputation du premier talent de financier connu, et, s’il faut tout dire, une destinée telle qu’elle n’échut en partage à aucun mortel. […] Necker avait eu quelque ombre de talent et des intentions perverses, il obtenait sous huit jours 60 millions d’impôt, 150 d’emprunts, et, le neuvième, nous étions dissous. […] Se mêlant familièrement avec les hommes, juste quand il fallait l’être, il avait applaudi au talent naissant de Barnave, quoiqu’il n’aimât pas ses jeunes amis ; il appréciait l’esprit profond de Sieyès, et caressait son humeur sauvage ; il redoutait dans Lafayette une vie trop pure ; il détestait dans Necker un rigorisme extrême, une raison orgueilleuse, et la prétention de gouverner une révolution qu’il savait lui appartenir. […] D’ailleurs, dévoré de besoins, mécontent du présent, il s’avançait vers un avenir inconnu, faisant tout supposer de ses talents, de son ambition, de ses vices, du mauvais état de sa fortune, et autorisant, par le cynisme de ses propos, tous les soupçons et toutes les calomnies. » 1.
Votre oeuvre révolte ma raison, je méconnais votre talent, et le livre me tombe des mains. […] Ce travail secondaire de l’ invention n’est pas le moins pénible ; c’est celui où l’auteur de talent se montre, et où l’auteur médiocre échoue. […] Aussi toute cette partie de l’invention est abandonnée au talent. […] Mais l’intérêt, ce grand et détestable mobile des actions humaines, est la cause souvent de la dégradation de leur talent. […] … Le talent seul peut le découvrir.
Quintilien, que nous nous plaisons à citer, parce qu’il serait difficile de trouver une autorité plus respectable sous tous les rapports ; Quintilien établit partout comme un principe incontestable, que le talent de bien parler exige celui de bien vivre ; et Caton définissait l’orateur un homme vertueux, doué du talent de la parole : orator vir bonus, dicendi peritus . […] C’est à la justice, c’est à la vérité qu’il est comptable du secours de sa voix et de ses talents ; et le crime, quel que soit l’éclat qui l’environne ou le crédit dont il s’appuie, le crime n’y saurait avoir aucun droit.
Il y a plusieurs différences entre le génie et le talent. […] Démosthène, dit le P. de Boylesve, a plus de génie que de talent ; Cicéron, plus de talent que de génie. […] Le talent politique de Philippe prépare la voie au génie d’Alexandre : le talent si brillant de Pompée succombe sous le foudroyant génie de César. […] Rien de plus indispensable que le talent d’écrire une lettre. […] Son talent consistera précisément à réunir et à combiner leurs talents et leurs passions pour concourir à l’accomplissement de son œuvre.
Eschine qui avait un très grand talent et un fort bel organe, ne devait voir qu’avec peine un orateur tel que Démosthène, sans lequel il aurait primé dans sa ville, et par la supériorité de son éloquence, et par son influence dans le ministère public. […] Ce dernier hommage rendu par eux à l’objet du plaidoyer et à la réputation des deux orateurs, est un trait précieux du caractère distinctif des Grecs, également enthousiastes des grandes choses et des grands talents. […] Ces moyens, qui ne sont ceux ni de la raison ni de la justice, devaient être ceux d’Eschine ; et l’on ne peut que le plaindre d’avoir déployé tant de vrai talent dans une si mauvaise cause. […] Cette partie de son discours est traitée avec la supériorité d’un grand talent qui défend une bonne cause. […] Hâtons-nous d’arriver à la péroraison du discours d’Eschine : elle est noble et belle, et eût fait honneur au talent de Démosthène lui-même.
Il est un des modèles de notre langue pour l’élégance, la richesse, l’harmonie de la diction, la modération ornée du discours, l’ampleur ingénieuse d’un talent qui excelle dans ces développements souples et continus où les pensées naissent les unes des autres ; mais en lui l’art se fait trop sentir. […] Ce n’est pas à nous à disposer de nous-mêmes ; c’est à lui seul à nous employer selon les vues qu’il s’est proposées en nous formant, et à régler l’usage des talents que nous n’avons reçus que de lui. […] Car connaissant tout seul les plus secrets penchants de nos cœurs ; développant déjà dans les premières ébauches de nos passions tout ce que nous devons être ; jugeant de nous-mêmes par les rapports divers de vice ou de vertu que les situations infinies où il pourrait nous placer ont avec les qualités naturelles de notre âme ; découvrant en nous mille dispositions cachées que nous ne connaissons pas, et qui n’attendent que l’occasion pour paraître ; seul, lorsqu’il tira tout du néant, et qu’il donna à tous les êtres cet arrangement admirable et ce cours harmonieux que la durée des temps n’a jamais pu altérer, il put prévoir quelles étaient dans cet assemblage si bien assorti les circonstances du siècle, de la nation, du pays, de la naissance, des talents, de l’état, les plus favorables à notre salut, et en les rassemblant par un pur effet de sa miséricorde, en former comme le fil et toute la suite de notre destinée. Dieu seul nous connaît, et nous ne nous connaissons pas nous-mêmes : nos penchants nous séduisent ; nos préjugés nous entraînent ; le tumulte des sens fait que nous nous perdons de vue : tout ce qui nous environne nous renvoie notre image ou adoucie ou changée ; et il est vrai que nous ne pouvons nous choisir à nous-mêmes un état sans nous méprendre, parce que nous ne nous connaissons pas assez pour décider sur ce qui nous convient : nous sortons même des mains de la souveraineté et de la sagesse divine ; nous devenons à nous-mêmes nos guides et nos soutiens ; semblables au prodigue de l’Évangile, en forçant le père de famille de laisser à notre disposition et à notre caprice les dons et les talents dont il voulait lui-même régler l’usage, nous rompons tous les liens de dépendance qui nous liaient encore à lui, et au lieu de vivre sous la protection de son bras, il nous laisse errer loin de sa présence au gré de nos passions, dans des contrées étrangères1. […] Tous nos soins devraient donc se borner à la connaître, tous nos talents à la manifester, tout notre zèle à la défendre ; nous ne devrions donc chercher dans les hommes que la vérité, et ne souffrir qu’ils voulussent nous plaire que par elle ; en un mot, il semble qu’il devrait suffire qu’elle se montrât à nous pour se faire aimer, et qu’elle nous montrât à nous-mêmes, pour nous apprendre à nous connaître1.
Mais le plus beau monument du talent oratoire de Pélisson, celui qui honorera à jamais l’éloquence et l’amitié, ce sont les Mémoires qu’il composa pour la défense du célèbre Fouquet, qui, tombé en un moment du faîte de la puissance dans la disgrâce la plus complète, inspirait, du fond de sa prison, de beaux vers à La Fontaine, et des discours éloquents à Pélisson. […] Ils y admireraient, malgré quelques légères imperfections, la noblesse soutenue du style, des sentiments et des idées ; la force des raisonnements, la suite et l’enchaînement des preuves ; une égale habileté à faire valoir tout ce qui peut servir l’accusé, rendre ses adversaires odieux, ou émouvoir ses juges ; des pensées sublimes, des mouvements pathétiques et surtout une péroraison adressée à Louis XIV, où le talent de l’orateur et le courage de l’ami nous paraissent également admirables. […] « Nous sommes tous hommes, sire ; nous avons tous failli, nous avons tous désiré d’être considérés dans le monde ; nous avons vu que sans bien on ne l’était pas ; il nous a semblé que sans lui toutes les portes nous étaient fermées, que sans lui nous ne pouvions pas même montrer notre talent et notre mérite, si Dieu nous en avait donné, non pas même pour servir votre majesté, quelque zèle que nous eussions pour son service.
C’est d’enseigner à parler et à écrire avec grâce, avec élégance, avec talent ; c’est de former le goût et l’imagination ; c’est, enfin, d’apprendre à juger sainement les ouvrages d’esprit. […] Combien n’avons-nous pas vu de jeunes élèves se servir des mots goût, imagination, talent, génie, beau, sublime ; parler de la poésie lyrique, de l’élégie, de l’épopée, etc. ; et quand on leur demandait une explication précise de chacun de ces objets, rester court, ou balbutier des non-sens ! […] Nous y parlons de la poésie, non pas seulement comme forme littéraire, mais aussi comme expression suprême de la création divine et des créations humaines dans tous les arts ; nous la montrons partout, comme l’auréole de l’inspiration et de l’imagination dans le génie et le talent.
Nous sentons bien, et l’on sentira comme nous, que cette dernière qualité exige et suppose plus que de l’éloquence ; qu’elle demande tout le courage de la vertu, toute l’énergie du vrai talent. […] Ainsi, dans l’un et l’autre cas, l’alliance de la probité et du talent est indispensable dans l’orateur public. Voilà pourquoi sans doute les anciens, pour qui l’éloquence populaire était si importante, attachaient tant de prix et de mérite à la réunion des grands talents et des grandes vertus.
Que dirai-je de ce personnage4 qui a fait parler si longtemps une envieuse critique et qui l’a fait taire ; qu’on admire malgré soi, qui accable par le grand nombre et par l’éminence de ses talents : orateur, historien, théologien, philosophe, d’une rare érudition, d’une plus rare éloquence, soit dans ses entretiens, soit dans ses écrits, soit dans la chaire ; un défenseur de la religion, une lumière de l’Église, parlons d’avance le langage de la postérité, un Père de l’Église ! […] Il est propre à tout, disent ses amis, ce qui signifie qu’il n’a pas plus de talent pour une chose que pour une autre, ou, en d’autres termes, qu’il n’est propre à rien. […] Il n’a eu dans ses premières années qu’à remplir2 des talents qui étaient naturels, et qu’à se livrer à son génie. […] Industrie, talent, ressources, habileté : « Ils admirent l’industrie et l’excellence d’un ouvrier qui a élevé des palais superbes. » (Massillon.) […] Remplir des talents, développer naturellement ses mérites.
Son talent, son génie propre consistent à dégager la substance morale des livres où il cherche les éléments d’un caractère. […] Marie-Joseph Chénier a tracé leur poétique en ces vers où il se montre leur heureux disciple : C’est le bon sens, la raison qui fait tout, Vertu, génie, esprit, talent et goût, Qu’est-ce vertu ? raison mise en pratique ; Talent ? […] Des formes nouvelles de talents se produisent chaque jour ; toutes les règles d’après lesquelles on s’était accoutumé à juger les choses mêmes de l’esprit sont déjouées ; l’étonnement est devenu une habitude ; nous marchons de monstres en monstres. […] Or, à part un très-petit nombre de noms grandioses et fortunés qui, par l’à-propos de leur venue, l’étoile constante de leurs destins, et aussi l’immensité des choses humaines et divines qu’ils ont les premiers reproduites glorieusement, conservent ce privilége éternel de ne pas vieillir, ce sort un peu sombre, mais fatal, est commun à qui porte dans l’ordre des lettres le titre de talent et même celui de génie.
Voltaire admira cette rare intelligence ; elle lui offrait l’exemple d’un talent candide et sincère qui participe à la beauté morale d’un caractère et d’une conviction. […] Mais il rachetait ces défauts par les qualités qui donnent le succès ; il était enjoué, plaisant, laborieux, d’une conversation légère et agréable, d’une repartie vive, quoiqu’il parlât sans feu et sans énergie ; enfin, à cette sagesse spécieuse qui plaît aux esprits modérés, il joignait les agréments variés qui usurpent si souvent la place des talents solides, et leur enlèvent la faveur du monde et les récompenses des princes1. […] Ses talents, son travail continuel, son application à bien faire, n’ont pu fléchir la dureté de sa fortune. […] « Je vais lire vos Portraits, lui écrivait Voltaire ; si jamais je veux faire celui du génie le plus naturel, de l’homme du plus grand goût, de l’âme la plus haute et la plus simple, je mettrai votre nom au bas. » Vauvenargues disait ailleurs : « On doit se consoler de n’avoir pas les grands talents, comme on se console de n’avoir pas les grandes places : on peut être au-dessus de l’un et de l’autre par le cœur. » Citons encore de lui quelques pensées détachées : « Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. » « Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants. » « Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. » « La servitude abaisse l’homme jusqu’à s’en faire aimer. » « La liberté est incompatible avec la faiblesse. » « Le fruit du travail est le plus doux plaisir. » « C’est un grand signe de médiocrité que de louer toujours modérément. » « Si vous avez quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rend plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère. » « Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauffer, comme le soleil d’hiver. » « Les longues prospérités s’écoulent quelquefois en un moment, comme les chaleurs de l’été sont emportées par un jour d’orage. » 1.
Prosper Mérimée a été un des rares écrivains qui ont su le mieux économiser l’emploi de leur talent, faire attendre et désirer leurs œuvres, les polir à loisir, et compter leurs pages, comme d’autres comptent leurs volumes. […] On sait d’ailleurs quelle est la souplesse de son talent. […] Ces livres suffiraient pour apprendre au magistrat qui connaîtrait l’histoire et la position de son pays quels sont ses devoirs et quels doivent être ses mœurs, ses talents et ses travaux. […] Le goût et le talent de l’éloquence étaient innés chez ce peuple privilégié.
Dans la tragédie qui suivit Mithridate, Racine revient au genre le plus analogue à son talent. […] Combien sont nombreux ceux qui ont posé devant son talent d’observation et qu’il a fait revivre au théâtre ! […] Peu d’auteurs ont eu au même degré le talent de la composition. […] Dieu n’aimerait-il plus à former des talents ? […] Il n’y a pas de talent de plus inégal que celui de J.
C’est alors que la grâce lui parla ; tourmenté par sa vocation, il quitta la carrière du barreau, trop étroite pour son talent, et entra en 1824 au séminaire de Saint-Sulpice. […] Il lui faudra parler, écrire, commander par son talent, et soutenir ce talent, quelque noble qu’il soit en lui-même, par cette autre puissance qui ne souffre jamais impunément d’éclipse, la vertu. […] De tous les dons du talent, c’est le plus national. « Le talent de l’écrivain, si difficile et si précieux, n’est que l’effort tranquille de l’intelligence solitaire. Le talent oratoire, qui vit au milieu de la foule et se déploie dans le trouble, réclame ensemble toutes les forces de l’âme.
Œuvre de talent, de science et de volonté courageusement soutenue pendant vingt-cinq années d’études, ce beau travail est un exemple considérable dans un temps qui se plaît à l’improvisation et à la fantaisie, ou répugne à la discipline comme à une servitude. […] Aussi, ne donne-t-elle pas de rangs ; elle se plaît aux talents aussi divers que les visages. […] Elle a attiré à elle et gardé pour elle des talents qui avaient donné des gages éclatants à la poésie, au théâtre, au roman. […] Il est le premier par l’éclat oratoire, mais on ne saurait assigner des rangs à des talents si divers. […] Quand on écrit avec facilité, on croit toujours avoir plus de talent qu’on n’en a.
Ce discours a un double but : il fait ressortir la grandeur, les talents, les vertus du personnage qu’il célèbre, en le proposant à l’admiration et à l’imitation des auditeurs ; puis il montre la mort triomphant de la grandeur et de la gloire, et l’orgueil humain confondu devant l’égalité de la tombe. […] L’orateur est donc obligé souvent de parler sans préparation, d’improviser : c’est un talent qui tient à la nature, mais qui se développe par de fortes études et par une longue pratique. […] C’est donc un noble et saint ministère que celui de l’homme qui tient dans sa bouche la réputation, la vie de son semblable ; c’est une fonction qui demande toute la délicatesse de la conscience la plus pure, toute l’attention, toute l’étude, toute l’éloquence d’un talent élevé. […] Voltaire, le premier, imagina de secouer cet usage, et de traiter une question littéraire ; ce qu’il fit avec son talent habituel.
« C’est en vain, dit-il, que l’orateur se flatte d’avoir le talent de persuader les hommes, s’il n’a acquis celui de les connaître. […] » En vain la nature, jalouse de sa gloire, lui refuse ces talents extérieurs, cette éloquence muette, cette autorité visible qui surprend l’âme des auditeurs, et qui attire leurs vœux avant que l’orateur ait mérité leurs suffrages. […] Une foule d’écrivains obscurs, ne pouvant s’illustrer par l’éclat des mêmes talents, a fait paraître la même audace… Enfin, la religion compte aujourd’hui presque autant d’ennemis déclarés, que la littérature se glorifie d’avoir produit de prétendus philosophes.
C’est dans la manière de présenter et de développer les preuves que brille surtout le talent de l’orateur. […] Même avec un talent médiocre, ses exhortations ne sont jamais sans fruit. […] « Les talents les plus rares, dit le P. […] Pour être un véritable orateur politique, il faut donc posséder le talent de l’improvisation. […] C’est là que l’éloquence peut se développer librement et que l’avocat trouve un large champ ouvert à son talent.