Sa biographie nous offre une des variétés choisies du Jeune homme pauvre, aux prises avec les dures nécessités de la vie. […] Les quatre grands sapins, derrière la maison, recevaient de temps à autre de si rudes coups qu’ils semblaient prendre l’épouvante et poussaient comme des hourras de terreur à faire trembler. […] c’est que je ne sais pas me gouverner, c’est que ma volonté n’est pas unie à la vôtre, et, comme il n’y a pas autre chose où elle puisse se prendre, je suis devenu le jouet de tout ce qui souffle sur la terre1. […] L’entrée de la baie est comme défendue par une chaîne d’îlots de granit : il fallait voir les lames courir à l’assaut et se lancer follement contre ces masses avec des clameurs effroyables ; il fallait les voir prendre leur course et faire à qui franchirait le mieux la tête noire des écueils. […] La voix de la nature a pris un tel empire sur moi que je parviens rarement à me dégager de la préoccupation habituelle qu’elle m’impose, et que j’essaye en vain de faire le sourd.
Virgile, qui l’avait pris pour modèle, est aussi admirable sous ce rapport. […] Quel était le motif qui vous avait rait prendre les armes ? […] Et tu t’en prends à moi ! […] Je m’en vais donc prendre les voix et les suffrages. […] Un prédicateur prit un jour pour texte : Siluit ; il se tut en effet, et l’assemblée se prit à rire.
Qu’on leur prête maintenant le sentiment qui animait le peuple hébreu ; qu’un poète distingué, qui fasse partie lui-même de l’exil, prenne alors la lyre, se transporte sur les rives de l’Euphrate, et ne voie plus dans les Français ses frères, que les tristes Israélites, nous pourrons avoir une idée du Super flumina Babylonis, etc. ; c’est-à-dire, de la plus belle élégie connue, du morceau le plus touchant que nous offre l’antiquité164. […] Florian en prend occasion d’entrer en matière par quelques réflexions sur la nature et le charme de ce sentiment ; réflexions qui seraient froides et arides sous la plume d’un autre, ou sèchement sentencieuses, et qui prennent naturellement ici le ton et la couleur du sujet. […] Bientôt de Noémi les fils n’ont plus de père : Chacun d’eux prit pour femme une jeune étrangère, Et la mort les frappa. […] Aux accents de cette voix enchanteresse, Booz s’éveille : Ruth se fait connaître pour sa parente ; et, conformément à la loi de Moïse, le respectable vieillard la prend pour épouse, et lui fait l’abandon de ses biens. […] Partout on reconnaît l’homme vraiment formé à la bonne école, mais jaloux aussi d’établir la sienne et de prendre sur notre Parnasse un rang particulier : la postérité le lui assignera.
Mais prends ta voix de fête, et sonne sur ma tombe Avec le bruit joyeux d’une chaîne qui tombe Au seuil libre d’une prison1 ! […] Un jour, ta haute salle de fête s’ouvrira pour tous les hommes de bien ; je viendrai alors, moi aussi, prendre ma place au festin. » 2. […] M. de Lamartine prend le mot simple, et le rend poétique par la place et le tour qu’il lui donne. […] » Je ne sais que lui faire ; il ne prend rien que quelques gouttes de sirop de gomme qu’il lèche sur mes doigts ; c’est ainsi que je le nourris, moitié sucre, moitié caresses. […] Lui-même, sevré depuis si longtemps des jouissances des hommes, prenait un doux plaisir aux fêtes que lui faisaient les bêtes des champs.
Le Méchant, 1747, où la frivolité et la fatuité du xviiie siècle ont été peintes à merveille, où surtout a été pris comme sur le fait ce ton de légèreté et de persifflage des salons à la mode, dont cette pièce est, comme l’a dit M. […] La Fontaine, inspiré par ce souvenir, et à qui il semble que Gresset ait pris quelquefois sa naïveté et son abandon, s’est peint lui-même dans les vers suivants : Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles, A qui le bon Platon compare nos merveilles, Je suis chose légère et vole à tout sujet ; Je vais de fleur en fleur et d’objet en objet. […] C’est ce que recommande Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Ce précepte est surtout applicable à la poésie, qui, remarque un critique moderne, « est l’essence des choses : or, il faut bien se garder d’étendre la goutte d’essence dans une masse d’eau ou dans des flots de couleur. […] « Endoctriné en route par un vieux matelot, dit l’illustre naturaliste, il avait pris sa voix rauque, mais si parfaitement qu’on pouvait s’y méprendre : quoiqu’il eût été donné ensuite à une jeune personne et qu’il n’eût plus entendu que sa voix, il n’oublia pas les leçons de son premier maître, et rien n’était si plaisant que de l’entendre passer d’une voix douce et gracieuse à son vieux enrouement et à son ton de marin. » 3.
Le style a des qualités générales et des qualités particulières : il doit en outre prendre différents tons selon les circonstances. […] On ne savait comment s’y prendre, lorsque le président imagina cet expédient : il remplit d’eau une grande coupe, mais de manière qu’une petite goutte de plus l’eut fait déborder à l’instant ; puis il fit signe qu’on introduisit le candidat. […] Quelques fragments de La Fontaine et de Racine pris au hasard nous offriront des modèles de Naturel. […] On peut prendre pour exemple les paroles que la déesse Calypso adresse au fils d’Ulysse pour retenir ce jeune prince dans son île. […] L’État s’est ruiné dans ce siècle funeste, Et vous vous disputez, à qui prendra le reste !
Qu’on ne soit donc pas étonné que, dans des temps bien postérieurs, le tableau désolant des malheurs qu’avait entraînés l’abus de ce qu’il y a de mieux au monde, ait fait prendre à un philosophe célèbre le parti rigoureux de se déclarer contre les sciences en général, et contre celles en particulier qui avaient le plus contribué à pervertir les lumières naturelles. […] Que l’on en juge par ce morceau pris au hasard dans son discours de réception. « Il y a véritablement un petit nombre de génies extraordinaires, que la nature prend plaisir à former, qui trouvent tout en eux-mêmes, qui savent ce qu’on ne leur a jamais enseigné, qui ne suivent pas les règles, mais qui les font et qui les donnent aux autres. — Quant à nous, qui sommes d’un ordre inférieur, si nous n’avons que nos propres forces, et si nous n’empruntons rien d’autrui, quel moyen qu’avec un seul jugement et un seul esprit, qui n’ont rien que d’ordinaire et de médiocre, nous contentions tant de différents esprits, tant de jugements divers, à qui nous exposons nos ouvrages ?
Il ne faut pas qu’il y ait trop d’imagination dans nos conversations ni dans nos écrits ; elle ne produit souvent que des idées vaines et puériles, qui ne servent point à perfectionner le goût et à nous rendre meilleurs : nos pensées doivent être prises dans le bon sens et la droite raison, et doivent être un effet de notre jugement. […] Quel ton, quel ascendant ne prennent-ils pas sur les savants ! […] Il se parle souvent à soi-même, et il ne s’en cache pas ; ceux qui passent le voient2, et qu’il semble3 toujours prendre un parti, ou décider qu’une telle chose est sans réplique. […] Prenez l’histoire, ouvrez, remontez jusques au commencement du monde, jusques à la veille de sa naissance : y a-t-il eu rien de semblable dans tous les temps ? […] Ces vérités amères nous font voir une blessure vive dans le cœur de La Bruyère ; il prend sa revanche contre les sots importants.
Delille veut exprimer qu’il va prendre son café. […] Comment s’y prendra-t-il ? […] dit-il, quand il fut de retour. — Votre fer, il n’est plus… Plusieurs appellent dialogisme cette espèce d’ellipse qui supprime dans le courant ou même dès le commencement du dialogue les formes qui expriment qu’un interlocuteur prend la parole ou succède à un autre : dit-il, répondit-il, etc. […] sous-entendu : à quelqu’un que nous prendrons pour juge. […] On ne mouché plus la chandelle, on retranche le superflu de l’ardent ; on n’avance plus un siége, on voiture les commodités de la conversation ; on ne prend plus une prise de tabac, on insinue la rotondité de ses doigts orbiculaires dans le grenier tabachique, etc.
C’est là son objet : tirer des lettres un enseignement pratique, songer moins à conduire l’esprit que le cœur, prendre plus de souci de la morale que de l’esthétique. […] Quant au quatrième genre, les lecteurs de ce livre diront s’il répond à une réalité, ou si l’auteur n’a pas pris pour un genre son défaut de génie pour les trois autres. […] S’il n’avait pas suffi, pour l’inventer, de la justesse d’esprit et de la candeur d’âme dans un homme de bien, je dirais de l’écrivain qui s’y est fait de nos jours une aimable célébrité qu’il en a pris le modèle à Fénelon et à Rollin. […] J’indique ce que veut la langue française de quiconque prend la plume ; et ces réflexions sur les lois du discours regardent, non ceux qui ont le don du discours, mais les esprits, en grand nombre, qui peuvent se perfectionner par la culture, et tirer du travail des ressources qui les sauvent du ridicule de mal écrire. […] « Dans la fable du Loup maigre et du Chien gras, au lieu d’une leçon de modération qu’on prétend lui donner, il en prend une de licence.
Là, du moins, on pouvait impunément prendre la revanche du bon sens, et se soulager des pénibles contraintes. […] Je suis après mes intelligences pour prendre Noyon14 : si j’en puis venir à bout, je seray evesque de la ville et des champs15, et feray la moue à ceux de Compiegne16. […] Le sieur de Rieux, ancien petit commis des vivres, avait obtenu des Seize, par ses intrigues, la garde du château de Pierrefonds, pris par les ligueurs en 1588. […] Un jour, brigand fut pris par la garnison royale de Compiègne, et pendu à Noyon en 1594.
Traitez-moi dorénavant en inconnu, comme je vous veux laisser pour tel que vous êtes, maintenant que je vous connois ; mais vous n’aurez pas sujet de vous plaindre, quand je prendrai le même droit sur vos ouvrages que vous avez pris sur les miens. […] Oui certes, on me blâmeroit avec justice si je vous voulois mal pour une chose qui a été l’accomplissement de ma gloire, et dont le Cid a reçu cet avantage, que, de tant de poëmes qui ont paru jusqu’à présent, il a été le seul dont l’éclat ait obligé l’envie à prendre la plume. […] Me voulez-vous bien permettre d’ajouter ici que vous m’avez pris par mon foible, et que ma Sophonisbe, pour qui vous montrez tant de tendresse4, a la meilleure part de la mienne ?
Vous voulez savoir si deux surfaces sont d’égale longueur, vous prenez une règle et vous l’appliquez sur chacune d’elles. […] Prenons cet exemple banal qui traîne dans tous les traités : Il faut aimer ce qui nous rend heureux, Or la Vertu nous rend heureux, Donc il faut aimer la Vertu. […] Cur. — Mais admettons que toutes ces circonstances soient aussi contraires à l’accusé qu’elles lui sont favorables, et que le hasard ait pris autant de soin à le charger, qu’il en a mis à le disculper, il resterait encore à démontrer qu’il avait quelque intérêt à commettre un acte si détestable. […] Lieux extrinsèques. — Les lieux extrinsèques sont pris, comme nous l’avons dit, en dehors de la cause.
Il se parle souvent à soi-même, et il ne s’en cache pas ; ceux qui passent le voient1, et qu’il semble2 toujours prendre un parti, ou décider qu’une telle chose est sans réplique. […] Ma vue s’affaiblit, dit Irène : Prenez des lunettes, dit Esculape. […] Phédon, devenu millionnaire, a bien “l’ample mouchoir” de Giton, et “le fauteuil où il s’enfonce en croisant les jambes l’une sur l’autre” ; mais, s’il prend la plupart des vices et des ridicules du riche, il ne perd pas aussitôt ceux du pauvre, ce qui fait qu’il est un parvenu au lieu d’être un riche. […] “Il parle encore avec confiance”, et il faut d’autant plus qu’on l’écoute, qu’il prend l’inattention pour une marque d’orgueil et de dédain. […] Il s’avance déjà sur le théâtre d’autres hommes qui vont jouers dans une même pièce les mêmes rôles : ils s’évanouiront à leur tour ; et ceux qui ne sont pas encore, un jour ne seront plus ; de nouveaux acteurs ont pris leur place.
Cette perspective afflige tellement mon cœur, que, sans me rebuter de l’inutilité de ma première démarche, je prends derechef le parti d’écrire directement à Votre Majesté, pour la conjurer de mettre un terme aux malheurs du continent. […] Après avoir rattaché votre âme au monde par l’amour filial et l’amour maternel, appréciez pour quelque chose l’amitié et le vif intérêt que je prendrai toujours à la femme de mon ami. […] Il faut la prendre comme elle est, s’en servir telle quelle, et chercher à l’élever si on peut ; mais, soyez-en sûrs, ce n’est pas en l’accablant de mépris qu’on parvient à la relever. […] J’ai prédit à des militaires qui avaient quelques scrupules que jamais le gouvernement militaire ne prendrait en France, à moins que la nation ne fût abrutie par cinquante ans d’ignorance. […] Je savais ce que je faisais, lorsque, général d’armée, je prenais la qualité de membre de l’Institut : j’étais sûr d’être compris par le dernier tambour.
Je vous ai déjà dit que les Grecs avaient réglé par des lois l’usage de l’éloquence ; mais je ne vous ai pas énuméré les précautions qu’ils avaient prises contre elle, ou plutôt contre eux-mêmes. […] Nous avions enfin cent vingt esclaves (et notez qu’ils prirent pour eux les plus beaux et vendirent les autres au marché), eh bien, voici un fait qui montrera jusqu’où allaient leur avidité insatiable, leur ignoble convoitise et la bassesse de leur caractère. […] Cicéron, né au sein d’une république qui a pris pour tâche d’administrer le monde après l’avoir soumis, devra embrasser dans son intelligence tout ce qu’embrasse le peuple romain dans sa domination. […] Il prend Catilina à partie comme ses adversaires en justice, il défend la République du même ton que ses clients. […] Il le flatte, il l’intéresse à son client, il le prend par l’amour-propre, par la pitié, par la crainte, par tous les sentiments.
L’éthopée prend tantôt le nom de portrait, tantôt le nom de caractère. […] La dissimilitude prend aussi le nom de contraste. […] L’exposition prend quelquefois l’essor, et admet l’élévation, la pompe et la magnificence. […] Ce sont des traités ou des discours qui prennent le ton de dignité qui convient aux matières qu’ils contiennent, et qui en suivent les règles. […] Il ne faut jamais prendre un ton de maître dans les lettres de conseil.
Lieux internes, pris dans le sujet même et ressortant uniquement de son examen, phénomènes de l’idée. […] Le dénouement doit toujours être amené, imprévu, autant que possible, pris rarement en dehors de l’action, et n’être jamais l’effet du hasard. […] Le style figuré est dans la nature de l’homme, car il prend sa source dans des qualités et des besoins communs à tous, penchant à l’imitation, association d’idées, imagination, passion, etc. […] L’allégorie qui peut se peindre prend le nom d’emblème. […] On range parmi les allusions verbales la syllepse oratoire, qui consiste à prendre, dans la même phrase, un mot dans les deux sens, au propre et au figuré.
Comme un vieillard, il ne prend plus de part aux agitations qui l’environnent : il a vécu dans un autre siècle. […] Nous prîmes la voiture publique de Soissons, et nous la quittâmes à dix lieues et demie de Paris, au-dessus de Dammartin. […] Après ce festin champêtre, nous prîmes congé de notre hôtesse, aussi contente de notre visite que nous étions satisfaits de sa réception. […] J’irai vous voir à la première violette2 : j’aurai bien près de cinq lieues à aller ;3j’irai gaiement, et je compte vous faire une telle description de mon séjour que je vous ferai naître l’envie de m’y venir voir et d’y prendre une collation.
« Jamais il ne faut permettre, a dit Nicole, que les enfants apprennent rien par cœur qui ne soit excellent ; car les choses qu’ils ont apprises sont comme des moules ou des formes que prennent leurs pensées lorsqu’ils les veulent exprimer. » Rollin demandait, d’après ce motif, des recueils français « qui, composés exprès, épargnassent aux maîtres la peine nécessaire pour feuilleter beaucoup de volumes, et aux élèves des frais considérables pour se les procurer ». […] Pour répondre à la demande qui nous en a été faite par un grand nombre de professeurs, nous avons réimprimé ces Morceaux choisis, en réunissant dans le même volume les morceaux de prose et de poésie plus particulièrement convenables à chaque classe ; quelques morceaux nouveaux ont pris place parmi les anciens. […] C’est par l’explication, jadis nulle ou trop incomplète, des textes français, qu’ils peuvent former à la fois l’intelligence et le style des élèves, en leur montrant le sens précis des mots et souvent les acceptions successives qu’ils ont prises, surtout en leur faisant apercevoir l’enchaînement des idées et leur développement régulier.
Quand les deux sortes sont réunies, la description prend le nom de portrait sans autre explication. Le caractère permet à l’écrivain de tracer le portrait moral d’un individu pris dans la société. […] Oui, vous prenez la chose ainsi qu’il faut la prendre, CHICANEAU. […] Elevée à son plus haut degré de perfection, elle prend le nom de tableau. […] L’on ne peut guère concevoir une composition de quelque intérêt sans que la description ou le tableau viennent y prendre plus ou moins de place.
6° Résolution que prendra l’orateur, selon la décision de Théodose. […] Les autres sont extrinsèques, prises hors du sujet, sans cependant lui être étrangères : celles-ci se nomment inartificielles ou sans art. […] Il y a des sujets qui offrent un grand nombre de preuves ; il faut prendre seulement celles qui sont fortes et qui vont directement au but. […] C’est ce que fait l’ironie, qui doit prendre autant de nuances diverses qu’il y a de différences de temps, de lieux, de personnes. […] Déjà prenait l’essor, pour se sauver dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d’abord effrayé nos provinces.
Étant éloigné de cet animal, vous voyez sa tête, ses pieds et son corps ; quand vous approchez pour le prendre, vous ne trouvez plus qu’une boule ; et celui que vous découvriez de loin tout entier, vous le perdez tout à coup, aussitôt que vous le tenez dans vos mains. […] Chacun est jaloux de ce qu’il est, et on aime mieux être aveugle que de connaître son faible ; surtout les grandes fortunes veulent être traitées délicatement ; elles ne prennent pas plaisir qu’on remarque leur défaut : elles veulent que, si on le voit, du moins on le cache. […] Conseils est pris dans le sens de consilium, projet, dessein. […] « Abimer l’État. » Le verbe abîmer est pris dans son sens étymologique : « Jeter dans un abîme. » 1. […] Bienfaire est ici un seul mot comme benefacere, et prend le complément indirect.
Tantôt l’idée ou le fait serait mal établi, si les preuves préalables n’en préparaient d’abord la vraisemblance, si nous ne conduisions insensiblement et d’une manière détournée jusqu’à la vérité ; alors la confirmation prend le premier rang. […] La netteté d’esprit et l’attention suffisent généralement pour arriver là dans le poëme, le discours, le roman, partout où l’écrivain prend lui-même la parole. […] Elle est obscure, parce qu’elle n’intéresse pas. » Sachez intéresser, prenez-nous au cœur, et votre récit sera clair, précis, vraisemblable ; et l’on vous passera tout, digressions, tableaux, portraits, réflexions. […] Nous supposons bien, en effet, sans qu’il soit besoin de le dire, que la chaise de Milon ne stationnait pas, avec sa femme, à la porte du sénat ; qu’il dut rentrer chez lui, quitter son costume de sénateur pour prendre la calige et le manteau de voyage ; et la petite épigramme contre les dames qui se font attendre nous semble assez mal séante devant un tribunal où siégeait Caton. […] La description colorée, énergique, qui fait d’un tableau une scène vivante, comme, par exemple, la tirade d’Andromaque que nous venons de citer, a pris le nom d’hypotypose.
Il a pris de haut son élan, il ne lui reste qu’à se laisser descendre, sans dévier. […] Il sait concilier le goût que les hommes ont pour l’apparence même de la vérité avec le plaisir que la surprise leur cause, et il tempère avec tant d’art le mélange de ces deux sortes de satisfaction, qu’en trompant leur attente il ne révolte point leur raison ; la révolution de la fortune de ses héros n’est ni lente ni précipitée, et le passage de l’une à l’autre situation étant surprenant sans être incroyable, il fait sur nous une impression si vive par l’opposition de ces deux états, que nous croyons presque éprouver dans nous-même une révolution semblable à celle que le poëte nous présente. » Enfin le dénoûment doit être rarement pris en dehors de l’action, et s’il en est ainsi, que l’intervention de l’agent étranger et supérieur soit toujours justifiée par la nécessité : Nec Deus intersit, nisi dignus vindice nodus. […] Dans celle-ci, c’est la péroraison suppliante, commiseratio ; il termine par le tableau le plus pathétique des douleurs de son client, d’autant plus habile ici, que, connaissant la fierté du caractère de Milon, il prend pour lui-même ce rôle de suppliant que dédaignait l’accusé ; et après lui avoir ainsi concilié l’intérêt de ses juges, s’il le fait parler, les paroles qu’il lui prète ne sont plus empreintes que d’une dignité affectueuse et d’une touchante fermeté. […] « En ce jour, Sire, avant que Votre Majesté reçût cette onetion divine, avant qu’elle eût revêtu ce manteau royal qui ornait bien moins Votre Majesté qu’il n’était orné de Votre Majesté même, avant qu’elle eût pris de l’autel, c’est-à-dire de la propre main de Dieu, cette couronne, ce seeptre, cette main de justice, cet anneau qui faisait l’indissoluble mariage de Votre Majesté et de son royaume, cette épée nue et flamboyante, toute victorieuse sur les ennemis, toute-puissante sur les sujets, nous vîmes, nous entendîmes Votre Majesté, environnée des pairs et des premières dignités de l’Etat, au milieu des prières, entre les bénédictions et les cantiques, à la face des autels, devant le ciel et la terre, les hommes et les anges, proférer de sa bouche sacrée ces belles et magnifiques paroles, dignes d’être gravées sur le bronze, mais plus encore dans le cœur d’un si grand roi : Je jure et promets de garder et faire garder l’équité et miséricorde en tous jugements, afin que Dieu, clément et miséricordieux, répande sur moi et sur vous sa miséricorde. » Mais où l’orateur rencontre souvent les accents les plus pathétiques, c’est lorsqu’il se met lui-même en scène, et qu’il communique à l’auditoire cette énergie de la personnalité qui met, non plus les opinions et les sentiments, mais l’homme lui-même en contact avec l’homme. […] Je m’en vais prendre les voix et les suffrages.
Maillet-Lacoste, qui sera jeune jusqu’à cent ans, et qui est le meilleur, le plus sensé, le plus honnête, le plus incorruptible et le plus naïf de tous les jeunes gens de tout âge, mais qui donne à sa candeur même un air de théâtre, parce que sa chevelure hérissée, ses attitudes et le son même de sa voix se ressentent des habitudes qu’il a prises sur le trépied où il est sans cesse monté quand il est seul, et d’où il ne descend guère quand il ne l’est pas ; M. […] Maillet, qui a perdu une assez grande fortune à Saint-Domingue, sans y prendre garde et sans pouvoir s’en souvenir, parce qu’il était occupé d’une fable de Phèdre, et que depuis il est perpétuellement aux prises avec une période de Cicéron, ou avec une des siennes ; M. […] J’ai pris une mauvaise route. […] En attendant que celle-ci prenne le dessus, agréez les assurances de l’estime d’un homme qui ne pourra jamais vous oublier, et qui sent plus vivement tout ce que vous valez depuis qu’il y a sur la terre moins de cœurs pour vous aimer1. […] Vous verrez comment les mêmes idées prennent la couleur des caractères différents, et changent de ton, suivant les écrivains.
Voulez-vous d’eux un Christ, une Vierge, un saint Georges, ils prennent un pinceau, et, sans carton, sans dessin, sans modèle, ils vous improvisent aussitôt la figure demandée. […] L’épopée est morte ; la tragédie antique, hôtesse des palais et des cours, est descendue dans la rue, elle a échangé sa pourpre pour les haillons du drame populaire ; la chanson a pris les ailes de l’ode ; la fable, cessant d’être une simple leçon de morale, s’est armée de l’aiguillon de l’abeille et s’est transformée en drame satirique ; le roman, fleur obscure chez les anciens et presque inaperçue, est devenu chez nous un arbre immense qui couvre tout de son ombre, mœurs, histoire, politique, sciences, arts, et qui menace d’absorber tous les autres genres ; l’éloquence a quitté l’ample toge, la vaste tribune, les horizons de la place publique, les grands mouvements des grandes multitudes ; elle s’est enfermée dans d’étroites enceintes, elle a pris le frac noir, les gestes sobres et mesurés, la convenance digne et froide des . […] Le Juge. — En effet, mais cette émotion est d’un bon augure pour l’avenir, et il me prend envie de vous dire comme Diogène à un jeune homme de votre âge : « Courage, enfant ; ce sont les couleurs de la vertu ! […] Écoutez docilement leurs conseils, assistez à leurs conférences, suivez toutes leurs plaidoiries ; mais gardez-vous, au nom du ciel, de copier leurs gestes et leur déclamation, vous ne leur prendriez que leurs défauts.
Il est certain cependant que, dans tous les pays, les poètes prirent pour sujet principal de leurs premiers chants les actions de leurs dieux et de leurs héros, leurs propres exploits à la guerre, les succès ou les revers de leurs compatriotes. Ils ne songèrent point à prendre pour sujet spécial de leurs compositions la tranquillité et les plaisirs de la campagne, tant que ces biens furent pour eux des objets familiers et d’une jouissance journalière ; ce fut lorsque les hommes, réunis dans les grandes villes, commencèrent à se plaindre de toutes les misères que la corruption y avait entassées, cl à regretter la vie douce et innocente dont avaient joui leurs ancêtres au milieu des scènes champêtres et des occupations pastorales, qu’ils conçurent l’idée de célébrer ce bonheur dans leurs vers, et que la poésie pastorale revêtit sa forme actuelle. […] La poésie pastorale peut-elle quelquefois prendre l’essor ? […] Lorsque le poète raconte lui-même, il peut prendre un ton plus élevé que celui sur lequel il fait parler ses bergers : il peut employer un style plus élégant et plus fleuri ; mais il faut que ses ornements soit tirés des mœurs et des objets champêtres. […] L’églogue qui, comme l’idylle, est une représentation simple et naïve de la vie des champs dans ce qu’elle a de plus gracieux, diffère aujourd’hui de celle-ci en ce qu’elle semble demander plus d’action et de mouvement, et en ce qu’elle prend la forme dramatique ou la forme épique, c’est-à-dire qu’elle est en dialogue ou en récit ; tandis que l’idylle ne renferme ordinairement que des images, des sentiments et rarement des récits.
Il y a un ton, un accent pour la colère, et cet accent doit être vif, prompt et coupé ; il y en a un autre pour la douleur et la plainte : il est touchant, égal, mêlé de quelques interruptions, accompagné de gémissements ; un autre encore pour la crainte, humble, hésitant, bas et faible le ton de la violence est pressant, véhément, menaçant, impétueux ; l’accent du plaisir est doux, tendre, plein d’abandon ; le chagrin qui ne cherche point à inspirer la pitié, prend un ton grave, sombre, uniforme. » Telles sont les recommandations générales de Cicéron qui nous semblent fort utiles aux lecteurs ou aux orateurs qui ne veulent point affecter désagréablement leur auditoire par une prononciation froide ou monotone. […] « Lire un discours, dit le célèbre d’Aguesseau, c’est lui ôter vie. » L’orateur qui aspire aux grands effets de la parole, qui se flatte d’entraîner, de convaincre son auditoire, ne peut espérer de réussir s’il est aux prises avec un manuscrit ; le bras qui est occupé à, tenir les malencontreuses feuilles reste toujours immobile ; les yeux sont certainement fixés sur le même point, et la voix elle-même se ressent de cette gêne, qui empêche que les mouvements de l’orateur ne prennent leur essor.
Les autres se pavanent sur la considération de leur beauté, et croient que tout le monde les muguette1 : tout cela est extrêmement vain, sot et impertinent : et la gloire qu’on prend de si faibles sujets s’appelle vaine, sotte et frivole. On connaît le vrai bien comme le vrai baume : on fait l’essai du baume en le distillant dedans l’eau ; car s’il va au fond et qu’il prenne le dessous, il est jugé pour être du plus fin et précieux : ainsi, pour connaître si un homme est vraiment sage, savant, généreux, noble, il faut voir si ses biens tendent à l’humilité, modestie et soumission ; car alors ce seront de vrais biens ; mais s’ils surnagent, et qu’ils veuillent paraître, ce seront des biens d’autant moins véritables qu’ils seront plus apparents2. […] Car comme ceux qui viennent du Pérou, outre l’or et l’argent qu’ils en tirent, apportent encore des singes et des perroquets, parce qu’ils ne leur coûtent guère, et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire : ainsi ceux qui prétendent à la vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont dus, pourvu toutefois que cela ne leur coûte pas beaucoup de soin et d’attention, et que ce soit sans être chargés de trouble, d’inquiétude, de disputes et contentions.
Au sortir de là, je suis arrivé à Savone4, où j’ai trouvé la mer un peu plus émue qu’il ne fallait pour le petit vaisseau que j’avais pris, et néanmoins je suis, Dieu merci, arrivé ici à bon port. […] Voiture a été proclamé le père de l’ingénieuse badinerie, et personne n’a plaisanté plus agréablement, soit qu’il raconte les aventures de son voyage aérien, pendant que, lancé par quatre gaillards dont les bras vigoureux l’enlèvent de sa couverture par delà les nues et le mettent aux prises avec un bataillon de grues qui le prennent pour un pygmée ; soit que, par l’entremise du plus muet des poissons, il donne les éloges les plus vifs et les plus délicats à son compère le brochet, duc d’Enghien, vainqueur de Rocroy ; soit que de la terre d’Afrique, aride nourricière des monstres, il en voie à mademoiselle Paulet, à la lionne de l’hôtel de Rambouillet, des nouvelles de ses terribles parents du désert ; soit qu’il prenne parti pour la conjonction car en grand danger d’être proscrite.
1 Le bourreau A peine l’autorité a-t-elle désigné sa demeure, à peine en a-t-il pris possession, que les autres habitations reculent jusqu’à ce qu’elles ne voient plus la sienne2 C’est au milieu de cette solitude, et de cette espèce de vide formé autour de lui, qu’il vit seul avec sa femelle et ses petits, qui lui font connaître la voix de l’homme : sans eux il n’en connaîtrait que les gémissements. […] Tu crois, peut-être, chère enfant, que je prends mon parti sur cette abominable séparation ! […] Voilà pourquoi il se sépara des siens, en allant prendre possession de son poste diplomatique.
Avant que de prendre le pinceau, il faudrait rassembler les fastes de tous les empires, les monuments de tous les faits ; être sûr de les avoir authentiques, de les entendre dans leur véritable sens ; avoir un point de vue fixe qui servirait de base à tout le reste. […] Tout à coup, le jeune prince se lève avec l’air de gravité et d’assurance d’un homme supérieur qui a pris son parti. « Messieurs, dit-il, j’ai résolu de ne jamais faire une guerre injuste, mais de n’en finir une légitime que par la perte de mes ennemis. […] L’Histoire littéraire, qui serait plus exactement nommée l’Histoire des littérateurs, des savants et des artistes, est une des parties de l’histoire qui ont pris le plus de développement et qui présentent le plus d’intérêt chez les modernes. […] Éclairé par l’expérience, à la vérité un peu tard, M. de Marivaux eut du moins le mérite de se condamner de bonne grâce. « J’ai eu tort, dit-il, de donner cette pièce au théâtre, et le public en a fait justice ; ces petits hommes n’ont point pris et ne devaient pas prendre. […] Le mot commentaire, en français, prend ordinairement un autre sens.
Ces importations sont surtout naturelles quand elles nous viennent d’une langue sœur de la nôtre, et qui, par conséquent, s’accommode à ces analogies, dont les combinaisons permettent aux mots de s’acclimater et de prendre racine. […] Avec l’âge, nous avons pris de l’aplomb, du poids ; mais nos aïeux avaient plus de vivacité. […] De ces combinaisons qui vont se trouver aux prises, on voit quelle est la plus populaire et la plus pratique. […] Aussi la troisième édition du Dictionnaire, en 1740, prit-elle le parti de remplacer enfin par un accent l’s étymologique dans tous les mots qu’il embarrassait (tête, honnête, apôtre). […] — Mais l’orthographe composite que produisirent ces transactions est, à tout prendre, un compromis sage qui satisfait le plus grand nombre.
Ce qui ne serait qu’un lieu commun pour un autre écrivain, ce qui a été dit et répété cent fois, prend sous la plume de Voltaire, une tournure qui n’appartient qu’à lui ; et l’étonnante magie de son style prête aux choses même les plus usées pour le fond, les charmes et les grâces de la nouveauté. « On peut se tromper dans l’admiration ; on peut trop se hâter d élever des monuments de gloire ; on peut prendre de la fortune pour du mérite : mais quand un peuple entier aime éperdument, peut-il errer ? […] Cette manière simple et franche de louer était nouvelle, sans doute, et n’en doit avoir que plus de prix aux yeux des jeunes orateurs, trop naturellement portés à prendre l’exagéré pour le vrai, et l’emphase pour la véritable éloquence.
Mais si le règne de Louis XIV favorisait particulièrement ce genre d’éloquence, son goût juste et noble3, son amour naturel du grand et du beau, ne devaient pas exercer moins d’influence sur toutes les formes que prit alors le génie littéraire. […] Quand la vérité du jour ou du moment devenait difficile à aborder en face, vous l’avez quelquefois adroitement tournée, et vous avez dû prendre les nuances au lieu de grands traits, sachant faire applaudir même ce que vous ne disiez pas. […] Ce qu’il prescrit il le fait, et si quelque chose pouvait nous rappeler au respect des lois du beau, à l’amour et à l’étude des modèles, ce serait cette critique qui semble se monter au ton des grands écrivains qu’elle juge, et prendre les formes de leur talent pour en mieux faire sentir le charme. […] « Il faudrait donc, pour l’instruction de nos contemporains, mettre à profit cette liberté que nous pouvons prendre sur les auteurs qui ne sont plus. […] Voulez-vous mettre la main sur des sermons irréprochables, prenez le premier venu d’entre ceux dont il est dit : « Prêché devant le roi. » Bossuet, parlant en présence de Louis XIV, sentit qu’il avait en face de lui un régulateur.