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2. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Qu’est-ce que le goût ? […] Le goût est-il le même chez tous les hommes ? […] Quelles sont les qualités que suppose le goût ? […] Faites connaître les caractères du goût. […] Le goût a-t-il besoin d’être dirigé ?

3. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

Du goût. […] Les lectures sans choix et sans régie contribuent surtout à dépraver le goût. […] Le goût d’une nation change avec ses mœurs ; chaque peuple a un goût particulier en harmonie avec son caractère ; chaque individu a un goût personnel, qui n’est pas tout à fait celui des autres. […] Serons-nous obligé d’avouer qu’il n’existe aucun principe en matière de goût ? […] En littérature, il consiste à produire des œuvres qui satisfassent le goût.

4. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Le goût n’exige pas une foi intolérante3. […] N’ayant que du goût, il n’en aura pas assez. […] La critique sans bonté trouble le goût et empoisonne les saveurs. […] Pour beaucoup d’esprits trop servilement soumis à la tradition, le goût n’est que du dégoût. […] Aussi les gens de goût sont-ils les hauts justiciers de la littérature.

5. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Villemain 1790-1870 » pp. 251-256

Le goût n’exige pas une foi intolérante2. […] N’ayant que du goût, il n’en aura pas assez. […] La critique sans bonté trouble le goût, et empoisonne les saveurs. […] Pour beaucoup d’esprits trop servilement soumis à la tradition, le goût n’est que du dégoût. […] Le goût est la conscience littéraire de l’âme.

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voltaire, 1694-1778 » pp. 253-281

Rien ne doit échapper à la promptitude du discernement ; et c’est encore une ressemblance de ce goût intellectuel, de ce goût des arts, avec le goût sensuel ; car le gourmet sent et reconnaît promptement le mélange de deux liqueurs : l’homme de goût, le connaisseur verra d’un coup d’œil prompt le mélange de deux styles, il verra un défaut à côté d’un agrément. […] Mais le goût intellectuel demande plus de temps pour se former. […] Ceux qui le louent de son goût confondent perpétuellement le goût et l’agrément. Il égaye, il éblouit ; c’est la mobilité de l’esprit qu’il flatte, et non le goût. […] Ceux qui le louent de son goût confondent perpétuellement le goût et l’agrément : on ne le goûte point, mais on l’admire.

7. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Ils tournaient le dos au Temple du Goût. […] Il parlait toujours au dieu du Goût sur les mêmes rimes. […] On se forme le goût des arts beaucoup plus que le goût sensuel ; car dans le goût physique, quoiqu’on finisse quelquefois par aimer les choses pour lesquelles on avait d’abord de la répugnance, cependant la nature n’a pas voulu que les hommes, en général, apprissent à sentir ce qui leur est nécessaire ; mais le goût intellectuel demande plus de temps pour se former. […] C’est la fantaisie, plutôt que le goût, qui produit tant de modes nouvelles. […] Mais ces beautés ne s’enseignent pas ; il faut beaucoup d’esprit et de goût.

8. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Avertissement. »

C’est d’enseigner à parler et à écrire avec grâce, avec élégance, avec talent ; c’est de former le goût et l’imagination ; c’est, enfin, d’apprendre à juger sainement les ouvrages d’esprit. […] L’homme en qui n’est pas développé le goût littéraire, a comme un sens de moins : il ne peut participer aux plus douces et aux plus pures jouissances de la vie intellectuelle. […] Mais on ne peut nier que les préceptes ne soient aussi d’une utilité indispensable pour diriger les premiers essais de la jeunesse, pour éclairer son goût et former son jugement ; autrement, il faudrait supposer que l’art d’écrire peut être livré à l’arbitraire, et que le caprice, le hasard doit être le seul maître en fait d’éducation. […] Enfin, après avoir posé les règles de la description, de la narration et de la dissertation, nous avons parlé de l’analyse critique, en en donnant un modèle qui puisse guider dans ce genre de travail : nous recommandons cet exercice comme un excellent moyen de former le goût et le jugement. […] En faisant comprendre aux élèves que de mauvais vers français ne sont pas de la poésie, on les garantirait peut-être pour toujours de la manie de rimer ; ils auraient plus d’oreille, plus de goût, et moins de prétentions.

9. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Le goût. […] C’est ainsi qu’en général le goût existe chez les nations barbares. […] Lorsque émettre de pareilles opinions, nous ferait passer pour extravagants, nous devons inévitablement conclure qu’il est quelque règle qui détermine la préférence que l’on donne au goût d’un homme sur le goût d’un autre homme ; ou, en d’autres termes, qu’en fait de goût, comme en toute autre chose, il en existe un bon et un mauvais, un goût sûr et un goût dépravé. […] On regarderait, sans doute, comme dépravé le goût d’un tel homme, uniquement parce qu’il diffère évidemment du goût de ses semblables. […] C’est en le comparant au goût général, qu’on peut reconnaître que le goût d’un individu est juste et naturel.

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

raison qui finement s’exprime ; Le goût n’est rien qu’un bon sens délicat, Et le génie est la raison sublime. […] Rien ne blase et n’éteint plus le goût que les voyages sans fin ; l’esprit poétique n’est pas le Juif errant. […] C’est alors que ce mot de classique prend son vrai sens, et qu’il se définit pour tout homme de goût par un choix de prédilection et irrésistible. Le goût est fait alors, il est formé et définitif ; le bon sens chez nous, s’il doit venir, est consommé. […] C’est un fonds inépuisable dont on ne saurait se passer quand on a le goût des lettres.

11. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre IV. Du Beau et des Plaisirs du Goût. »

Du Beau et des Plaisirs du Goût. […] L’imitation présente encore au goût une autre source de jouissance, et c’est ce que M.  […] Les plaisirs de la mélodie et de l’harmonie appartiennent également au goût. […] L’esprit, les saillies, le ridicule et la malignité, ouvrent également au goût une source de plaisirs qui ne ressemblent en rien à ceux que nous venons de parcourir. Il serait inutile de rien ajouter à ce que nous venons de dire sur les plaisirs du goût.

12. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Le goût est pour lui une sorte de conscience morale, et ses jugements nous font comprendre les relations nécessaires qui unissent le bien dire au bien penser. […] Les chefs-d’œuvre qu’elle a produits vivront à jamais ; il n’en paraîtra plus d’autres, à moins d’un de ces grands renouvellements du monde qui commencent par la barbarie pour revenir, après de longs siècles de ténèbres, à l’âge du goût privilégié et des littératures d’élite. […] Pourquoi appelons-nous nos goûts et nos penchants les plus naturels des faiblesses ? […] Parison avaient cherché et trouvé ce qui est le véritable fruit des livres, la tranquillité de l’âme, le goût d’une vie simple, modeste et cachée M. […] Le goût des livres, quand il n’est pas la passion d’une âme honnête, élevée, délicate, est le plus vain et le plus puéril de tous les goûts. » (Variétés morales et littéraires).

13. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

À proprement parler, le goût n’est pas une pure opération de l’intelligence. […] L’homme dont le goût est correct ne se laisse jamais abuser par de fausses beautés. […] Ainsi la nature est le type suprême et la source du vrai goût. […] Parmi nous, le contraste entre le goût naturel et primitif, et le goût secondaire ou accidentel, n’est pas frappant, parce que la France a vu naître simultanément le génie et le goût. […] Le bon sens et le goût en sont les justes appréciateurs.

14. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature à l’usage des séminaires et des colléges rédigé d’après les meilleurs critiques anciens et modernes par M. l’abbé A. Piron. Chanoine, Vicaire général, Membre de l’Académie des Arcades, ancien Professeur de littérature. » pp. 1-12

Innombrables sont les auteurs que M. l’abbé Piron a mis à contribution pour composer son Cours, et il lui a fallu une grande force de condensation, un goût sûr, un tact parfait, pour présenter avec un intérêt soutenu tant de pensées et de préceptes divers. […] Mais ce que nous applaudirons surtout, c’est que M. l’abbé Piron, qui a fait preuve d’un goût parfait dans le choix de ses exemples, cherche constamment à former le cœur en même temps que l’esprit, faisant ressortir avec soin le côté moral et religieux des belles-lettres, ainsi que les beautés littéraires renfermées dans les Écritures et dans les ouvrages inspirés par le Christianisme. […] Oui, Monsieur le Vicaire général, votre ouvrage, par l’exactitude et la netteté des définitions, par la justesse des divisions, par l’esprit si profondément chrétien qui l’inspire, me paraît fait, entre tous les autres, pour développer sûrement le goût littéraire, élever les esprits et orner les cœurs. […] Il se distingue par une remarquable sagesse et par un goût irréprochable : Multo labore, assiduo studio, nimia exercitatione, plurimis experimentis, altissimâ prudentiâ, præstantissimo consilio. […] Les jeunes humanistes y trouveront dans un style clair et toujours élégant, des principes sûrs, des notions exactes, des appréciations justes et des exemples d’un goût aussi pur que sévère.

15. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Cours complet de littérature à l’usage des séminaires et des colléges rédigé d’après les meilleurs critiques anciens et modernes par M. l’abbé A. Piron. Chanoine, Vicaire général, Membre de l’Académie des Arcades, ancien Professeur de littérature. » pp. 1-8

La légèreté et le pédantisme sont trop souvent le caractère des livres de ce genre ; ici, les notions sont précises, renseignement est grave et bienveillant, et l’on sent partout l’homme de goût. […] Avec un tel secours, le jugement de l’élève se forme en même temps que son goût s’établit et s’épure. […] Dans cette intention, il dirige l’attention de ses auditeurs vers les beautés fécondes des livres saints, et il aime à former leur goût sur les chefs-d’œuvre de l’inspiration chrétienne. […] Cette nouvelle Poétique peut donc être mise très avantageusement entre les mains des jeunes humanistes, car non seulement elle ne leur offre aucun danger au double point de vue des croyances et des mœurs, mais elle est très propre à éclairer leur esprit, à épurer leur goût et à orner leur cœur. […] Il se distingue par une remarquable sagesse et par un goût irréprochable : Mutto labore, assiduo studio, nimia exercitatione, plurimis experimentis, altissima prudentia, præstantissimo consilio.

16. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre III. Discours académiques de Racine, de Voltaire et de Buffon. »

La tentative fut heureuse, et il en est résulté l’un des meilleurs morceaux de critique et de littérature que l’on puisse proposer à ceux qui ont besoin de former leur goût, et de fixer leurs idées sur le caractère de notre langue comparée aux langues étrangères. […] C’est alors que les autres peuples ont cherché avidement dans vos auteurs de quoi s’instruire, etc. » Rien de plus judicieux que les raisons qu’apporte l’orateur de la décadence, déjà sensible, des lettres et du goût. « Les grands talents sont toujours nécessairement rares, surtout quand le goût et l’esprit d’une nation sont formés. […] Ce ne sont point ici de ces leçons rebattues, prises partout et répétées jusqu’à satiété, depuis que l’on parle goût et littérature : ce sont des traits hardis détachés du grand tableau de la nature, et présentés dans toute leur force primitive, par l’homme qui a le mieux lu dans ce grand livre, et qui en a traduit avec tant de succès les pages les plus intéressantes pour nous. […] » Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer, les ordonner : il ne suffit pas de frapper l’oreille et d’occuper les yeux, il faut agir sur l’âme, et toucher le cœur en parlant à l’esprit ».

17. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nisard. Né en 1806. » pp. 585-597

Au lieu de flatter les goûts dominants qui récompensent leurs courtisans par la popularité, M. […] Aussi est-il un maître dans toute la force du mot : par l’accent et l’autorité de ses doctrines, nul n’est plus propre à diriger, à féconder les esprits ; nul ne forme plus sûrement le goût par la ferveur de ses convictions persuasives. […] Les révolutions de l’esprit, les changements du goût, les chefs-d’œuvre en sont les événements ; les écrivains en sont les héros. […] Celle-ci se rapproche plus d’un traité ; elle a la prétention de régler les plaisirs de l’esprit, de soustraire les ouvrages à la tyrannie du chacun son goût, d’être une science exacte2, plus jalouse de conduire l’esprit que de lui plaire. […] De là, chez presque tous ceux qui ont du goût, une grande répugnance à écrire.

18. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre IV. Thomas. »

Voilà cependant ce que Thomas prenait et aurait bien voulu qu’on prît pour des règles de goût et des modèles de style : présomption fondée jusqu’à un certain point, puisque chacun de ses ouvrages était honoré d’un triomphe public ; puisque La Harpe lui-même, cet homme dont le goût est ordinairement si sûr et la critique si judicieuse, poussa la complaisance académique jusqu’à louer outre mesure les Éloges de Thomas107. […] Mais le goût de La Harpe était trop pur et trop sévère, pour que cette complaisance allât jusqu’à lui faire illusion sur les vices nombreux du style de Thomas. […] M. le cardinal Maury n’est ni moins juste, ni par conséquent moins sévère, lorsqu’il dit, en parlant du même écrivain, que son style effarouche et blesse trop souvent la délicatesse du goût . Et un peu plus loin, à propos de l’Éloge de Marc-Aurèle, « que le goût sain de l’antiquité demanderait que les pénibles efforts de l’écrivain y fussent moins visibles au lecteur, qui regrette de ne pas découvrir autant de facilité et de naturel dans le style qu’il admire souvent de nerf et d’elévation dans les idées ».

19. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Le bon sens et le goût font aisément comprendre cette rigueur. […] Chez le poëte, le bon sens, sous le nom de goût, est le contre-poids et la règle de l’imagination. […] Le goût indique également les circonstances ou le ton du discours appelle ou exclut la passion. […] Il ne faut pas croire non plus que les lois générales du goût et du style ne servent qu’aux écrivains. […] Allier des objets et des termes incohérents, c’est une faute choquante de raison et de goût.

20. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre III. Du Genre historique. »

On peut puiser dans cette relation si bien circonstanciée, une infinité de connaissances en matière de goût, de chronologie, de géographie, d’histoire et de critique. […] L’élégance, la délicatesse, la clarté, la précision et le goût le caractérisent. […] Les faits choisis avec goût, y sont placés avec ordre, enchaînés avec clarté, racontés avec chaleur. […] L’auteur y montre partout des talents supérieurs pour la politique, un discernement juste, un esprit pénétrant et un goût exquis. […] Bouhours, jésuite, dans son Histoire du grand-maître d’Aubusson ; infiniment propre à former le goût en ce genre.

21. (1873) Principes de rhétorique française

Quand même | une rhétorique n’offrirait rien de plus, ce ne serait pas un livre inutile pour les progrès de l’esprit et du goût. […] Nul goût, nulle connaissance des véritables beautés du théâtre. […] Le discernement de ces nuances est une des qualités essentielles de l’homme de goût, une première condition de son succès. […] Les règles de l’inversion sont fixées par le goût et l’exemple des grands écrivains, plutôt que par la grammaire. […] Les inversions n’ont d’autres règles à respecter que l’usage, le goût, l’euphonie et la clarté.

22. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Comment discerner, entre deux extrêmes aussi opposés, le point juste d’où l’on peut apprécier cet homme vraiment célèbre, qui a rendu de grands services à notre littérature, et qui s’est distingué surtout par une justesse de principes et une sûreté de goût, qui ont placé pour toujours son nom à côté de celui de Quintilien ? […] Telle est en effet l’inappréciable avantage des bonnes études ; elles impriment au goût une direction, et aux idées un caractère de justesse, qui ne manquent jamais de ramener tôt ou tard vers le but, dont on avait pu s’écarter un moment. […] que la plus indispensable des dispositions dans un traducteur, est cette espèce d’analogie naturelle qui le rapproche, à son insu, du modèle qu’il se propose d’imiter, qui établit d’avance entre eux un rapport de goût et de sentiments, sans lequel le traducteur, quel que soit d’ailleurs son talent, restera toujours infiniment au-dessous de son auteur. […] Mais où le professeur du lycée est vraiment un homme supérieur, c’est dans l’analyse et l’application des règles du goût et d’une critique toujours juste, toujours capable de diriger utilement le jugement des autres, quand il explique et commente les anciens, et quand il parle de ceux des modernes sur lesquels son opinion n’a jamais varié. Ce serait louer trop faiblement un pareil ouvrage, que de le mettre simplement au-dessus de ce que nous avions de mieux en ce genre : il faut dire franchement que nous ne connaissons point de code aussi complet, en fait de goût et de littérature, et qui soit en général aussi bien exécuté.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VI. De l’Harmonie du Style. »

Viennent ensuite les nuances ; et c’est ici que commence l’ouvrage du goût, et que l’art peut offrir quelques conseils pour le diriger. […] Mais les écrivains doués d’une oreille sensible, et d’un goût sûr et délicat, ont su trouver au besoin, dans cette même langue, si ingrate et si stérile pour les autres, des nombres analogues à la pensée, au sentiment, au mouvement de l’âme qu’ils voulaient exprimer. […] Fléchier lui-même (et il y a loin de Fléchier à Thomas) n’a pas toujours été assez en garde contre ce défaut : c’est une des taches que le goût voudrait faire disparaître de ses Oraisons funèbres. […] Quant aux conseils que le goût peut offrir à ce sujet, pour éclairer l’inexpérience des jeunes gens dans leurs propres compositions et dans l’étude des orateurs, il nous semble que l’on peut les réduire aux observations suivantes. […] Mais comme les vices que je combats ici dominent également dans ces deux écrivains ; comme je les crois, en général, de fort mauvais modèles à proposer aux jeunes gens, j’ai dû les signaler au commencement d’un ouvrage qui n’a pour but, et ne saurait avoir d’autre mérite, que de défendre les principes éternels du goût et de la raison.

24. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Tout cela vous enfoncera par votre propre goût dans une vie plus sérieuse et plus sombre : mais craignez que ce ne soit un sérieux aussi vide et aussi dangereux que leurs folies gaies. […] Tout auteur qui ne donne point cet ordre à son discours ne possède pas assez sa matière : il n’a qu’un goût imparfait, et qu’un demi-génie. […] Le goût exquis craint le trop en tout, sans en excepter l’esprit même. […] Je ne blâme le goût de personne, et je consens qu’on blâme le mien. […] Le goût doit pourtant avoir des principes.

25. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

C’est au goût qu’il appartient de régler et de conserver ce que produisent le talent et le génie. […] « Il faut avoir de l’âme pour avoir du goût, » a dit Vauvenargues. […] On remarque des divergences et des degrés différents dans le goût des différents hommes. […] Longin possédait plus de délicatesse dans le goût ; Aristote, plus de pureté et de profondeur. […] L’analyse a des avantages immenses pour former le goût et le jugement d’un élève.

26. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre VII. Des différents exercices de composition. »

Le goût de l’écrivain doit lui indiquer le choix à faire dans les détails de la description. […] La sobriété dans les détails est un des caractères essentiels du goût antique ; les modernes affectionnent l’analyse, ils aiment à se perdre dans des descriptions sans fin. […] L’épisode doit être amené naturellement, placé avec goût, et servir à l’intérêt général ; il doit donner du charme et de la variété au récit. […] Il n’y a pas de règles à donner à ce sujet : le goût et le jugement sont les seuls guides à suivre : mais une fois qu’on a adopté un ton, il faut le soutenir fidèlement jusqu’à la fin. […] Avec moins de goût, un autre poète eût cherché les grands effets, il eût prodigué les épithètes et les éloges à la jeune fille, et l’eût peinte trait pour trait.

27. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VII. Fontenelle. »

Voici comme Fontenelle décrit le goût d’un célèbre naturaliste pour la botanique : « On n’aura point de peine à s’imaginer qu’il s’occupait avec plaisir de tout ce qui avait du rapport avec l’objet de son amour. Cet amour cependant n’était pas si fidèle aux plantes, qu’il ne se portât presqu’avec la même ardeur à toutes les autres curiosités de la physique. — Il est vrai que du nombre de ces sortes d’infidélités, on en pourrait excepter son goût pour les pierres, etc ». […] Charles était un jeune prince, non pas seulement ennemi de toute mollesse, mais amoureux des plus violentes fatigues et de la vie la plus dure ; recherchant les périls par goût et par volupté ; invinciblement opiniâtre dans les extrémités où son courage le portait ; enfin, c’était Alexandre, s’il eût eu des vices et plus de fortune. […] Ainsi, quoiqu’il y ait des principes généraux, dont on ne saurait trop recommander l’observation, il se trouve néanmoins dans le style, comme partout ailleurs, des beautés et des défectuosités purement relatives : c’est à les distinguer que s’attache la saine critique, et à les sentir que le goût doit s’exercer.

28. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Règles pour les ouvrages de littérature »

En fait d’ouvrages de littérature, l’esprit est dans l’homme la faculté de penser et de raisonner ; le génie, la faculté d’imaginer et d’inventer ; le goût, la faculté de discerner et de sentir. Quoique ces trois facultés de l’âme concourent toutes ensemble et en même temps à la composition d’un bon ouvrage, il est cependant vrai de dire que la principale fonction de l’esprit est de choisir le sujet ; celle du génie, de créer le plan ; celle du goût, de fournir les embellissements. Or les règles aident l’esprit dans le choix du sujet, soutiennent le génie dans la création du plan, dirigent le goût dans la distribution des ornements.

29. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

L’œil s’exerce à connaître l’étendue et la distance dans les corps, l’alliance et les contrastes dans les couleurs ; l’oreille, à distinguer le plus ou moins d’éloignement, d’intensité, d’harmonie ou de discordance des sons ; le goût et le tact, à apprécier la nature et les degrés de la saveur, l’aspérité ou le mœlleux des surfaces ; tout le monde convient qu’il faut longtemps regarder pour voir, et écouter pour entendre. […] 3° C’est encore au maître à lui apprendre comment il faut, dans l’occasion, savoir s’écarter des règles, et obéir, en dépit d’elles, aux inspirations du goût, c’est-à-dire de cette faculté, moitié d’instinct, moitié de culture, qui nous fait discerner et sentir le beau, en dehors même des lois générales et des prévisions de l’art. […] Ainsi l’art donne les règles, et le goût les exceptions ; le goût nous découvre en quelles occasions l’art doit soumettre, et en quelles occasions il doit être soumis. » Le maître peut donc traiter de la nature du goût, mais ne lui en demandez pas les règles ; ce serait le plus souvent lui demander les règles de l’exception.

30. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre Ier. Des exercices préparatoires à la composition » pp. 209-224

Si le discernement est nécessaire dans les choses purement matérielles, que sera-ce lorsqu’il s’agit de former tout ce qui constitue l’homme moral, goût, jugement, opinions, sentiments et désirs ; que sera-ce quand il s’agit souvent de la foi, c’est-à-dire du bonheur dans le présent et dans l’avenir ? […] Dans un âge où le goût est encore si peu formé, la connaissance des règles si incomplète, l’expérience si peu avancée, il importe de ne nourrir son intelligence que d’ouvrages qui se distinguent par un goût sûr et délicat, et que le sentiment général a classés parmi les modèles. […] Il n’y a pas un grand homme, pas un sage, qui n’ait fini par restreindre à un très petit nombre d’écrivains favoris l’élite imposante des amis que la lecture lui avait donnés, parmi les maîtres de la parole. — Les commençants qui veulent se former un goût sûr et un bon style, doivent donc lire peu de livres, et les choisir dans le genre de leur talent. […] C’est une imitation dangereuse, capable de corrompre le goût et qui, au jugement de Quintilien, perdait la jeunesse de son temps, égarée sur les pas de Sénèque et de Lucain.

31. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre III. De l’Éloquence chez les Romains. »

Brigands disciplinés, plutôt qu’hommes de génie, ils n’eurent, pendant l’espace de cinq cents ans, ni goût, ni imagination, ni sensibilité, ni éloquence. […] On devait naturellement s’attendre à voir, sous leur verge funeste, le goût se corrompre et le talent se décourager. […] De la, ce fameux dialogue sur les causes qui avaient corrompu l’éloquence, chef-d’œuvre de goût et de raison, successivement attribué à deux grands maîtres, Tacite et Quintilien, et à peu près reconnu aujourd’hui pour l’ouvrage du premier. C’est là, que la cause du goût et de la raison est plaidée avec une éloquence et une solidité dignes de l’un et de l’autre ; que les limites qui séparent et doivent distinguer la poésie et l’éloquence, sont assignées avec autant de justesse que de sagacité ; que la grande question de la prééminence des anciens sur les modernes est discutée et résolue, de manière à terminer toute espèce de dispute à cet égard.

32. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Gilbert. (1751-1780.) » pp. 297-303

Mais les sages du jour, ou de fiers novateurs, De leur goût corrompu partisans corrupteurs, Ne pouvant les atteindre, ont dégradé leurs maîtres, Et, protecteurs des sots flétris par nos ancêtres, O de la sympathie inévitable effet ! […] De là sur l’Hélicon deux partis opposés Règnent, et l’un par l’autre à l’envi déprisés, Tour à tour s’adressant des volumes d’injures, Pour le trône des arts combattent par brochures ; Mais plus forts par le nombre, et vantés en tous lieux, Les corrupteurs du goût en paraissent les dieux. […] malheureux l’auteur dont la plume élégante Se montre encor du goût sage et fidèle amante1 ; Qui, rempli d’une noble et constante fierté, Dédaigne un nom fameux par l’intrique acheté, Et, n’ayant pour prôneurs que ses muets ouvrages, Veut par ses talents seuls enlever les suffrages ! […] en effet, c’est un homme de goût !

33. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre premier. Division générale. »

Une peinture bizarre, extravagante, peut étonner et éblouir ; mais elle ne charme jamais les personnes de goût. […] L’étude la rend plus vive en l’appliquant à la contemplation des beautés de la nature et de l’art ; elle se fixe et se pose des règles ; alors le goût la dirige, et elle devient, pour un esprit cultivé, la source de douces jouissances. […] Puisque la poésie découle de Dieu même, entrevu par l’idéal, elle doit avoir un effet essentiellement moral ; elle doit élever l’âme au-dessus de la matière, et lui inspirer le goût de tout ce qui est beau, grand et sublime. […] La poésie de chacun de ces arts rejaillit ainsi sur les autres, et en relève le goût et la beauté. […] Ce sentiment poétique du beau fait partie de notre nature, mais l’éducation le perfectionne et l’agrandit ; elle lui donne, comme flambeau, le goût, qui éclaire et dirige le sentiment : elle prépare ainsi à l’âme les plus vraies et les plus douces jouissances, car la poésie double la vie de l’âme.

34. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — De la Poétique » pp. 2-4

Dans les vingt-cinq chapitres qui nous restent, l’auteur recherche les causes originelles de la poésie, qu’il croit trouver dans notre penchant pour l’imitation, et dans notre goût pour le rythme ; puis il trace en détail les règles de la tragédie. […] Dans cet ouvrage, Horace ne s’asservit à aucune méthode, s’exprime avec familiarité et abandon, et se contente de donner à ses préceptes de la chaleur et de l’agrément et d’inspirer partout le goût du simple, du beau et du naturel. […] On y trouve des préceptes utiles et des détails pleins de justesse et de goût sur les études du poète, sur son travail, sur les modèles qu’il doit suivre.

35. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Aujourd’hui encore, les hommes de lettres et les gens de goût sont, à cet égard, très partagés d’opinion. […] En matière de goût, comme en éloquence et en poésie, à qui faut-il en appeler ? […] Mais il en est tout autrement en matière de goût. […] Bacon regarde notre goût pour les histoires fictives comme une preuve de la grandeur et de la dignité de l’esprit humain. […] Aussi a-t-il toujours été et sera-t-il toujours l’auteur favori des personnes de goût.

36. (1892) La composition française aux examens du baccalauréat de l’enseignement secondaire moderne, d’après les programmes de 1891, aux examens de l’enseignement secondaire des jeunes filles et aux concours d’admission aux écoles spéciales pp. -503

Et quels sont les principes de goût qui ont survécu ? […] Il fera preuve d’intelligence et de goût dans le choix de ses auteurs favoris. […] L’éloquence religieuse se modèle aussi sur les goûts du roi. […] Mais cet homme de goût est doué d’une sensibilité intellectuelle prompte à s’irriter. […] Avant de blesser autrui, il faut que l’homme de goût ait été lui-même blessé vingt fois.

37. (1811) Cours complet de rhétorique « Préface. »

Cela peut être ; mais j’ai cru cependant que de l’étude raisonnée de ces rhéteurs fameux, il pouvait résulter, en matière de goût et d’éloquence, un cours complet de doctrine qui ne serait ni sans intérêt ni sans utilité. […] Ce qu’il eût suffi d’indiquer dans d’autres temps, il le faut clairement énoncer aujourd’hui ; il faut attaquer sans crainte et combattre sans relâche toutes les erreurs du goût, parce qu’elles sont devenues des erreurs de morale ; toutes les hérésies littéraires, parce que l’esprit ne se trompe jamais qu’aux dépens du cœur, et que la corruption des mœurs est partout la conséquence inévitable de la dépravation du jugement. […] J’y entrai trop jeune et y restai trop peu, pour profiter, comme je l’eusse désiré, des vertus et des lumières que réunissait ce corps généralement estimé ; mais j’y puisai, du moins, l’amour du travail, le goût des bonnes études, et le désir sincère de les propager.

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