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150. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Molière 1622-1673. » pp. 27-43

Sa verve provoque et cette hilarité bruyante dont les éclats réjouissent le cœur, et cette gaieté réfléchie qui est le sourire de l’esprit. […] C’est la chose la plus aisée du monde, et il n’y a si pauvre esprit qui n’en fit autant ; mais pour agir en habile homme, il faut parler de faire bonne chère avec peu d’argent1. […] Voilà bien les sentiments d’un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. […] Et les deux bras croisés, du haut de son esprit, Il regarde en pitié tout ce que chacun dit. […] La Bruyère peint un travers analogue : « Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse.

151. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

Cette narration est un petit chef-d’œuvre de brièveté, de goût et d’esprit écrit avec toute la pureté désirable. […] C’est là ce qui vous fait valoir dans les compagnies ; et si l’on ignore ces choses, je ne donnerais pas un clou de tout l’esprit qu’on peut avoir. […] Cela exerce l’esprit, et j’en ai fait quatre encore ce matin, que je vous donnerai à deviner. […] L’impromptu est justement la pierre de touche de l’esprit. […] Disons dès l’abord que ce genre de style, ainsi que les pensées qu’il dénature, ne saurait plaire aux esprits délicats, aux hommes de goût, qui recherchent en général tout ce qui peut laisser dans leur esprit, soit de belles expressions, soit de nobles sentiments qui les charment.

152. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre X. du commencement  » pp. 131-145

Il ne saura d’où partir qu’il ne sache préalablement où arriver, et qu’il n’ait comparé, dans son esprit, les voies plus ou moins faciles, plus ou moins rapides qui le mèneront au but. […] « C’est faute de plan, dit Buffon, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer à écrire. […] Docile : il comprendra, il entrera sans effort, sans fatigue, dans l’esprit du sujet ou de la cause. […] Quand Massillon est appelé à faire l’éloge de Louis XIV, son esprit frappé de la misère de toutes les grandeurs humaines, comparées à la grandeur de Dieu, trouve ce début réellement sublime en face du cercueil de Louis le Grand :« Dieu seul est grand, mes frères !  […] Mais que les esprits soient aliénés, distraits, prévenus, qu’ils n’aient la conscience ni de l’importance de la cause, ni de son véritable nœud, alors l’exorde est indispensable.

153. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre II. De l’Éloquence chez les Grecs. »

Tant qu’il y eut peu de relations entre les humains, tant que la force et la violence décidèrent seules dans les discussions, il est tout simple que l’art qui concilie les esprits par le raisonnement et la persuasion, fût un art à peu près inconnu. […] Gouvernés dans le principe par des rois, qu’ils appelaient des tyrans, ces peuples, naturellement inquiets et remuants, chassèrent leurs petits despotes, et formèrent une multitude de gouvernements démocratiques, basés sur le même plan, animés du même esprit de gloire et de liberté, mutuellement jaloux, et nécessairement rivaux les uns des autres. […] Son peuple était remarquable par sa vivacité, son esprit et son intelligence pour les affaires. […] Ces beaux discours doivent, sans doute, une partie de leur mérite à l’importance du sujet et à l’intégrité de l’esprit public qui y respire d’un bout à l’autre. […] Est-il étonnant que de pareilles harangues soient devenues, entre ses mains, des chefs-d’œuvre de force et de cette véritable énergie que donne et que soutient l’esprit public ?

154. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Thiers Né en 1797 » pp. 265-270

Esprit alerte, étendu, vigoureux et pratique, il nous fait aimer la netteté, la justesse, le naturel et l’aisance d’un langage limpide, calme et transparent. […] Il aura l’esprit d’ordre et de détail ; car ce n’est pas tout que de faire battre les hommes, il s’agit de les nourrir, de les vêtir, de les armer, de les guérir. […] De même que le soldat français, par son ardeur, son énergie, sa promptitude, sa disposition à tout braver, était l’instrument prédestiné du génie de Napoléon, le soldat solide et lent de l’Angleterre était fait pour l’esprit peu étendu, mais sage de sir Arthur Wellesley1. […] Il tombe enfin, laissant le monde rempli de ses œuvres, l’esprit humain plein de son image, et le plus actif des mortels va mourir, mourir d’inaction, dans une île du grand Océan ! […] Cette longue comparaison est, je le crois, la vraie préparation de l’esprit à cette épopée de l’histoire, qui n’est pas condamnée à être décolorée, parce qu’elle est exacte et positive ; car l’homme réel qui s’appelle tantôt Alexandre, tantôt Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, a sa poésie, comme les personnages de la fable qui s’appellent Achille, Énée, Roland ou Renaud.

155. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Étude littéraire et philologique sur la langue du XVIe siècle » pp. -

Ici, comme dans l’ordre politique, nous voyons agir cet esprit d’inquiétude et d’indépendance qui provoque les réformes ou les aventures. […] Mais bien des travers compromirent cet hommage de juste admiration pour les élégances de l’esprit. […] Ils ont énergie, grâce, précision, esprit et malice Ce sont des Gaulois de race, chez lesquels une franchise toute rustique n’exclut pas la finesse. […] Entre ces deux excès, le tiers-parti se fraya ses voies par un esprit de conciliation qui modéra la turbulence des novateurs, sans les heurter de front. […] Aussi, la prose seule représente-t-elle à cette époque la vraie mesure de l’esprit français.

156. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Marc Girardin. Né en 1801. » pp. 534-541

[Notice] Publiciste, professeur, académicien et homme d’esprit, M. […] À la Sorbonne, sa chaire est un fauteuil ; point d’apparat, point de prétention, et cependant, sa familiarité judicieuse, qu’anime le souffle de l’orateur, a autant de prise sur les cœurs que d’autorité sur les esprits. […] Nous ne pouvons un peu que parce que nous voulons beaucoup, et nous n’arrivons au bien que parce que nous avons l’idée du mieux : tant éclate partout, dans nos actions comme dans nos sentiments, ce contraste de grandeur et de misère, de faiblesse et de force, qui fait le fond du cœur et de l’esprit humain2 ! […] J’ai en moi, j’ai devant l’œil de mon esprit l’image vive et nette de ma pensée ; je la vois pleine de clarté et de lumière, et pourtant je ne puis pas vous la montrer telle que je la vois ; elle s’obscurcit avant de vous arriver ; il y a, entre vous et moi, je ne sais quel brouillard qui l’efface à moitié. […] « Aimez la familiarité, dit Vauvenargues, elle rend l’esprit souple, délié, modeste, et maniable. » 1.

157. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Vauvenargues 1715-1747 » pp. 196-198

Ses écrits portent les titres de Maximes, Caractères, Méditations, Introduction à la connaissance de l’esprit humain. […] Les misères cachées La terre est couverte d’esprits inquiets que la rigueur de leur condition et le désir de changer leur fortune tourmentent inexorablement jusqu’à la mort. […] 2, méchant même par principes ; un esprit léger et frivole, qui n’a point de goût décidé ; qui n’éclaire les choses et ne les recherche jamais pour elles-mêmes, mais uniquement selon la considération qu’il y croit attachée, et fait tout par ostentation ; un homme souverainement confiant en lui et dédaigneux, qui méprise les affaires3 et ceux qui les traitent, le gouvernement et les ministres, les ouvrages et les auteurs ; qui se persuade que toutes ces choses ne méritent pas qu’il s’y applique, et n’estime rien de solide que le don de dire des riens ; qui prétend néan-moins à tout, et parle de tout sans pudeur ; en un mot, un fat sans vertus, sans talents, sans goût de la gloire, qui ne prend jamais dans les choses que ce qu’elles ont de plaisant, et met son principal mérite à tourner continuellement en ridicule tout ce qu’il connaît sur la terre de sérieux et de respectable. […] Il disait ailleurs : « La vue d’un animal malade, le gémissement d’un cerf poursuivi dans les bois par les chasseurs, l’aspect d’un arbre penché sur la terre, et traînant ses rameaux dans la poussière, les ruines méprisées d’un vieux bâtiment, la pâleur d’une fleur qui tombe et se flétrit, enfin toutes les images du malheur des hommes réveillent la pitié d’une âme tendre, contentent le cœur, et plongent l’esprit dans une rêverie attendrissante. » 2.

158. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Fénelon 1651-1715 » pp. 118-132

Ils ont un esprit flatteur, insinuant, artificieux, pour corrompre les mœurs des hommes comme les courtisanes, et pour réduire en servitude tous ceux dont ils ont besoin. […] Si Fénelon fait appel à ses débiteurs, c’est uniquement par esprit de charité. […] Ce portrait n’est point un jeu d’esprit un exercice de littérature. […] S’en faire une arme contre vous : car il a de l’esprit, Mélanthe. […] Que d’esprit dans cette analyse !

159. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre III. De l’Éloquence chez les Romains. »

« J’ai toujours cru, dit-il, que ce qui importait le plus n’était pas de décider une prééminence qui sera toujours un problème, attendu la valeur à peu près égale des motifs pour et contre, et la diversité des esprits ; mais de bien saisir, de bien apprécier les caractères distinctifs et les mérites particuliers de chacun. […] Mais il est facile de concevoir aujourd’hui que Cicéron, qui a toutes les sortes d’esprit et toutes les sortes de style, doit être plus généralement goûté que Démosthène, qui n’a pas cet avantage. […] Je proteste, dit Fénelon, que personne n’admire plus que moi Cicéron : il embellit tout ce qu’il touche ; il fait des mots ce qu’un autre n’en saurait faire ; il a je ne sais combien de sortes d’esprit ; il est même court et véhément, toutes les fois qu’il veut l’être, contre Catilina, contre Verrès, contre Antoine. […] Mais les discussions de la tribune républicaine, les débats du sénat et des assemblées populaires, cessèrent d’échauffer les esprits, et d’entretenir cette éloquence mâle et vigoureuse que le mouvement allume, et qui ne brille qu’en embrasant. […] Il en conclut donc que, pour ramener les esprits aux vrais principes et pour faire renaître les beaux jours de l’éloquence, il faut en revenir à la simplicité des mœurs antiques, à l’étude des grands maîtres, et faire enfin ce qu’ils avaient fait eux-mêmes, si l’on veut parvenir à s’illustrer comme eux.

160. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

Déjà la nécessité reconnue, depuis longtemps, de réformer des abus fortifiés par des siècles d’oubli du devoir des uns et des droits des autres ; déjà ce besoin inquiet d’un changement quelconque, avaient fait éclore une foule d’ouvrages où l’on était surpris de trouver autant d’esprit que de raison, et qui annonçaient d’avance les beaux jours de l’éloquence française. Enfin, les Etats-généraux, sollicités par tant de vœux, ouvrirent au génie et à l’éloquence cette carrière si vivement désirée, et où les esprits ne tardèrent pas à s’élever à la hauteur des circonstances et des choses. […] « Son esprit (dit l’abbé Sicard) était brûlant comme le soleil qui éclaira son berceau, sa tête remplie de principes justes et sains ; homme étonnant, qui mieux que lui les eût fait triompher, si d’anciens ressentiments ne l’avaient jeté dans un parti dont il faisait la force, dont il était la gloire, et dont il était sur le point de déserter les drapeaux, quand la mort vint empêcher cette réparation solennelle à la cause qu’il avait combattue jusqu’alors avec tant de courage, de talent et de persévérance. » Cependant cet athlète si redoutable, dont la seule apparition à la tribune semblait en devoir écarter tous ceux qui n’y monteraient pas pour soutenir ou défendre ses opinions ; ce turbulent tribun du peuple, qui jouissait et abusait même insolemment de toute l’influence que donne une grande popularité, trouva un adversaire digne de son talent, dans un homme qui, célèbre jusque-là par des succès dans la chaire évangélique, et par de pacifiques triomphes d’académie, ne laissait pas soupçonner en lui le publiciste profond, l’homme d’état complètement familiarisé avec tous les ressorts et tous les secrets de l’administration. […] À l’époque mémorable que nous venons de parcourir, l’on eut plus d’une fois, sans doute, à gémir sur cet abus des talents ; le règne du sophisme, et l’esprit de chicane et de subtilité avaient déjà, plus d’une fois, dénaturé les meilleures causes, et obscurci, dès leur aurore, les beaux jours de notre éloquence politique : mais la raison, du moins, élevait encore la voix de temps en temps, pour la défense et le maintien de la vérité ; mais l’ascendant victorieux des vrais talents reprenait encore ses droits sur l’insolente médiocrité. […] Telle fut, pour notre patrie, l’époque du régime révolutionnaire ; le coup le plus mortel qu’il ait porté à la langue et à l’éloquence françaises, n’est pas seulement d’avoir introduit une foule de mots barbares déjà oubliés, et qui ne pouvaient survivre aux choses qui les avaient introduits dans le discours, mais d’avoir accoutumé les esprits à déraisonner sans cesse, par l’affectation même de vouloir toujours raisonner, et de rester sans cesse à côté de la vérité en disant autre chose que ce qu’on voulait dire, ou en le disant autrement qu’on ne le devait.

161. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Balzac. (1594-1655.) » pp. 2-6

Il est venu arrêter les pensées vagues de l’esprit humain : par son moyen, nous savons ce qu’Aristote, ce que le maître d’Aristote5, ce que les disciples d’Aristote ont ignoré. […] L’inconstance de leur esprit, l’incertitude de leurs opinions, est chose à faire pitié. […] Le seul Jésus-Christ a pouvoir de conclure et de prononcer, et sa seule doctrine nous peut mettre l’esprit en repos. […] Ne se soutenant que d’apparence3 et n’étant animée que de couleur, elle agit principalement sur l’esprit du peuple, parce que le peuple a tout son esprit dans les yeux et dans les oreilles.

162. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Fléchier 1632-1710 » pp. 84-88

Il sait assortir les nuances du sentiment et de la pensée, caresser l’oreille, et charmer l’esprit par l’heureux choix des mots et l’harmonie d’une période savante. […] 4 5 L’esprit Qu’est-ce que l’esprit, dont les hommes paraissent si vains ? […] La philosophie admettait aussi l’hypothèse des esprits animaux, de principes subtils, circulant avec la vie, comme le sang dans les veines. […] Comparez Mascaron et jugez : « Vous ne l’avez point encore oublié, messieurs ; cette funeste nouvelle se répandit par toute la France comme un brouillard épais qui couvrit la lumière du ciel, et remplit tous les esprits des ténèbres de la mort.

163. (1881) Rhétorique et genres littéraires

L’esprit tourne dans un cercle sans issue. […] Pascal, dans son fragment De l’esprit géométrique, ch.  […] Le vers est la première forme littéraire de l’esprit humain. […] Cette supériorité d’esprit est rare et l’on compte les hommes de génie. […] La Bruyère a surtout du talent et de l’esprit.

164. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre II. Qualités et devoirs de l’Orateur du Barreau. »

Ce qu’on appelle esprit peut être de quelque usage au barreau, lorsqu’il ne consiste toutefois que dans une réplique vive et animée, dans une saillie du moment, dans une de ces réponses qui portent des coups d’autant plus sûrs, qu’ils sont plus imprévus, et que l’adversaire, frappé comme de la foudre, a laissé à l’audience tout le temps d’apprécier la réponse, avant qu’il ait eu celui de lui trouver une réplique. […] Mais, à l’exception de ces cas qui sont très rares, et de ces exemples, qu’il ne faudrait pas multiplier, les jeunes avocats doivent résister courageusement à cette dangereuse démangeaison de montrer de l’esprit où il ne faut que de la raison, et de jouer sur les mots, quand il ne faut combattre que par la solidité des raisonnements. […] Le devoir de l’orateur, au barreau, est de porter la conviction dans les esprits, et non pas d’exciter autour de lui un rire, qui n’est pas toujours l’expression d’un applaudissement. […] Sa réputation d’intégrité ajoutera nécessairement du poids à ses raisons ; tandis que l’homme décrié dans l’esprit des juges et dans l’opinion du public, est toujours pour la cause un préjugé très fâcheux.

165. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Ministre de la vérité et de la vertu, il a à combattre de puissants ennemis : d’un côté, les erreurs de l’esprit, où la faiblesse et l’orgueil entraînent les hommes ; de l’autre, les passions du cœur, jamais satisfaites, jamais calmées. […] C’est ainsi que l’éloquence sacrée touche et enseigne, et qu’elle porte à la fois la conviction dans les cœurs et dans les esprits. […] Mais dans la bouche de ces hommes turbulents et pervers, qui font de la tribune un piédestal pour leur vanité et leur ambition, cette éloquence oublie son but véritable, et dégénère en fléau ; elle soulève les passions avides et ignorantes, égare les esprits de la multitude et bouleverse l’ordre des sociétés. L’éloquence de la tribune varie autant que les circonstances qui la font naître et que les auditeurs auxquels elle s’adresse : au milieu d’un sénat, dans une-assemblée de sages politiques, elle sera grave, réfléchie, pleine de simplicité et de raison ; elle s’occupera plus de discuter, de convaincre les esprits, que d’émouvoir les cœurs ; elle pourra préparer à loisir ses moyens de persuader, sa diction et son style. […] L’éloquence ne se trouve pas exclusivement dans les discours parlés ou écrits, comme ceux dont nous venons d’étudier les divers caractères ; elle peut exister dans les ouvrages destinés à convaincre les esprits et à toucher les cœurs.

166. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE IV. Des Figures. » pp. 144-262

Il ne peut rassasier son esprit. […] Il n’est pas sot, c’est-à-dire il a beaucoup d’esprit. […] Acies ingenii, la vivacité de l’esprit. […] Percipere dit plus que intelligere ; l’un suppose un esprit net, et l’autre un esprit pénétrant. […] Au figuré, plein de sel, d’un esprit piquant.

167. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Première section. Des genres secondaires de poésie — CHAPITRE PREMIER. Du genre léger on des poésies fugitives » pp. 75-95

L’épigramme a, dans son tour, quelque chose de plus vif, de plus piquant, de plus étudié : c’est l’esprit qui y domine. […] Il y a de l’esprit dans ce madrigal ; mais il n’y en a qu’autant qu’il en faut pour assaisonner le sentiment. […] La première de ces épigraphes indique le plan de l’ouvrage ; la seconde, l’esprit. […] Trop obscure, l’énigme produit la fatigue et le dégoût, parce qu’elle met l’esprit à la torture et rend ses efforts inutiles ; telle est celle qu’on a faite sur le mot jasmin. Trop claire, elle devient trop facile ; et en n’obligeant l’esprit à aucun effort, elle émousse le plaisir d’une recherche curieuse.

168. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre V. Beautés oratoires. »

Le Seigneur vous frappera de l’esprit de vertige ; et, dans l’excès de votre fureur, vous irez heurter, comme l’aveugle, les arbres de la voie publique. […] Car, il est bon de le faire remarquer ici aux jeunes gens ; la presque totalité de ces gens qui parlent et prononcent avec un ton si décisif, qu’il ne permet pas même une modeste objection, ne prononcent et ne parlent jamais que d’après un thème fait d’avance, ou d’après un auteur adoptif qui règle leurs opinions comme il dirige leurs sentiments, et le tout aux dépens de la raison (dans leur sens) ; donc ils ne peuvent avoir tort : la conséquence est juste, et il n’y a rien à répondre à cela, parce qu’il n’y a rien à gagner sur de tels esprits. […] À peine vous aurai-je quittés, que des loups ravisseurs se glisseront parmi vous : au milieu de vous s’élèveront de ces faux esprits qui, mettant une doctrine subtile et erronée à la place des vérités de sentiment, s’efforceront d’entraîner sur leurs pas les disciples de l’évangile. […] à qui nous avons cru plus utile encore de donner des leçons de morale, que de citer des modèles d’éloquence, apprenez de bonne heure et n’oubliez jamais, que l’esprit est essentiellement faux, le goût essentiellement dépravé, quand le cœur est corrompu ; et le cœur est corrompu, quand rien de bon ou d’utile n’y a germé dans l’enfance, ou que ces germes précieux ont été tristement étouffés, dans la suite, par la séduction des mauvais exemples et l’empire des mauvaises habitudes. Nous avons tâché de vous prouver, dans le cours de cet ouvrage, que les progrès du goût et de l’éloquence étaient nécessairement attachés à ceux de la morale, et que la ruine de l’une entraînait la décadence inévitable de l’autre : nous vous avons montré que les plus beaux morceaux, que l’on pût offrir à votre admiration, étaient ceux où respire le sentiment de la vertu, la haine du vice ou l’amour éclairé de la patrie ; que tout ce qui ne porte pas ces grands caractères du vrai beau, ne peut qu’être froid, languissant, inanimé ; et qu’enfin, en tout genre comme en tout sens, dans la conduite, comme dans les ouvrages, L’esprit se sent toujours des bassesses du cœur.

169. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre premier. Idée générale de l’Éloquence. »

Mais c’est peu, pour l’orateur, de convaincre les esprits par la force et la justesse du raisonnement. […] Ce genre de composition offre à l’esprit un délassement agréable, et peut d’ailleurs laisser échapper, par intervalle, les traits d’une morale utile ou d’un sentiment agréable. Mais il a ses écueils : il est à craindre que l’orateur, séduit trop facilement par le désir de faire briller son esprit, ne fatigue bientôt l’auditeur par trop de recherche ou d’affectation. […] Le troisième et le plus haut degré de la composition oratoire, est celui qui s’empare irrésistiblement de l’auditoire, qui porte la conviction dans les esprits, le trouble et l’agitation dans les âmes, et qui les entraîne au gré de l’orateur ; qui nous fait partager ses passions, ses sentiments, aimer ou haïr avec lui, prendre les résolutions qu’il nous dicte, vouloir ce qu’il veut, et exécuter sans délai ce qu’il a voulu.

170. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Quand il s’agit en effet de déterminer la volonté publique en faveur du projet qu’on lui propose, et de la détourner du dessein qu’elle a pris, il faut que l’utilité du nouveau plan frappe tous les esprits, pour entraîner tous les suffrages. […] L’honneur, la gloire, la vertu, l’orgueil national, les principes de l’équité peuvent beaucoup sans doute sur l’esprit des hommes assemblés ; mais rien ne les détermine plus puissamment que les motifs d’utilité publique. […] Le seul aspect d’une assemblée nombreuse, occupée d’une discussion importante, et attentive au discours d’un seul, dont elle attend, et dont peut en effet dépendre son sort, suffit pour élever l’esprit de l’orateur, pour échauffer son imagination. La passion s’enflamme, les figures les plus hardies deviennent naturelles, parce qu’elles sont naturellement amenées : la chaleur du discours, l’élan du sentiment se communiquent de proche en proche, les esprits sont convaincus ; les cœurs entraînés, et la vérité triomphe.

171. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre II. Des qualités essentielles du poète » pp. 16-21

Le nom de poète, dit Horace, ne doit être donné qu’à celui qui possède un génie divin, à celui dont l’esprit est sublime, et dont la bouche fait entendre de grandes choses. […] L’imagination est cette faculté de l’esprit qui rend présents à la pensée une foule d’objets propres à produire dans l’âme de vives émotions. […] L’enthousiasme consiste donc dans une représentation très vive et très frappante des objets dans l’esprit. […] C’est un grand fond de génie, une justesse d’esprit exquise, une imagination extrêmement féconde, et surtout un cœur plein de feu noble et qui s’allume aisément à la vue des objets.

172. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre II. Du genre didactique. » pp. 161-205

Sans doute, le but final que doivent se proposer tous les genres de poésie et même toutes les compositions littéraires, doit être de faire une impression utile sur l’esprit de ceux qui les lisent. […] Il faut que tout y tende à porter la plus vive lumière et la plus forte conviction dans les esprits. […] Une instruction longtemps soutenue nous lasse, surtout dans un ouvrage de poésie, où l’on vent toujours trouver quelque délassement pour l’esprit. […] Ces personnages sentent la finesse et l’affectation : ils sont de l’homme d’esprit et non de l’homme naïf. […] L’avantage est à peu près égal pour l’esprit du lecteur, qui n’est pas moins exercé dans un cas que dans l’autre.

173. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre III. du choix du sujet. » pp. 38-47

On pardonnera bien des rêves à l’imagination, bien des débauches à l’esprit, Scimus, et hane veniam petimusque damusque vicissim. […] Nous pouvons dire du sujet ce que la Bruyère dit de l’ouvrage : « Quand une lecture vous élève l’esprit et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l’ouvrage : il est bon et fait de main d’ouvrier. » Le mot de la Bruyère explique ce que j’entends par moralité. […] Une grave erreur de plusieurs écrivains actuels, mais dont, pour l’honneur du siècle, j’aime mieux accuser leur esprit que leur cœur, c’est de s’imaginer que le crime est un élément nécessaire d’intérêt pour tout drame et toute fiction ; qu’il n’est point d’admiration possible pour le héros, ou d’attendrissement pour la victime, si on ne les entoure, en façon de repoussoir, d’une bande de scélérats, et quels scélérats ! […] On relit Don Quichotte, Gil Blas, Ivanhoe, le Vicaire de Wakefield, tout ce qui parle à l’esprit et au cœur ; mais à quel homme ingénieux est-il venu en tête de relire un roman d’Anne Radcliffe, par exemple ? […] Soit que le sujet admette par sa nature même deux genres opposés, comme le tragique et le comique, le roman et l’histoire, la prose et la poésie, la dissertation et la narration, soit qu’il y ait disparate entre le genre d’esprit de l’auteur et le genre du sujet, le résultat pour le style est un défaut d’unité, de naturel, de solidité.

174. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fléchier. (1632-1710.) » pp. 69-75

Il a rendu tous les services qu’on peut attendre d’un esprit ferme et agissant quand il se trouve dans un corps robuste et bien constitué. […] Ce commerce continuel de mensonges ingénieux pour se tromper, injurieux pour se nuire, officieux pour se corrompre ; cette hypocrisie universelle, par laquelle chacun travaille à cacher de véritables défauts ou à produire de fausses vertus ; ces airs mystérieux qu’on se donne pour couvrir son ambition ou pour relever son crédit : tout cet esprit de dissimulation et d’imposture ne convint pas à sa vertu. […] Ce qu’on appelle l’esprit : combien c’est peu de chose1. Qu’est-ce que l’esprit, dont les hommes paraissent si vains ? […] D’Aguesseau, dans sa mercuriale sur la Nécessité de la science, a donné de l’esprit une définition à peu près semblable à celle de Fléchier.

175. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

Cependant ma mémoire en a fait son asile… Là ces esprits subtils, toujours prêts à partir, Attendent le signal qui les doit avertir. […] Épicure avec lui m’adresse ce langage :     « Cet esprit, ô mortels ! […] Quand par d’affreux sillons l’implacable vieillesse A sur un front hideux imprimé la tristesse ; Que dans un corps courbé sous un amas de jours Le sang comme à regret semble achever son cours ; Lorsqu’en des yeux couverts d’un lugubre nuage Il n’entre des objets qu’une infidèle image ; Qu’en débris chaque jour le corps tombe et périt, En ruines aussi je vois tomber l’esprit. […] Je trouve donc qu’en moi, par d’admirables nœuds, Deux êtres opposés sont réunis entre eux : De la chair et du sang, le corps, vil assemblage ; L’âme, rayon de Dieu, son souffle, son image… Le corps, né de la poudre, à la poudre est rendu, L’esprit retourne au ciel dont il est descendu. […] N’est-ce pas cet esprit, plein de son origine, Qui, malgré son fardeau, s’élève, prend l’essor1, A son premier séjour quelquefois vole encor, Et revient tout chargé de richesses immenses ?

176. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

Les institutions de la vieille monarchie avaient blessé des esprits justes et indigné des cœurs droits ; mais il n’était pas possible qu’elles n’eussent froissé quelque âme ardente et irrité de grandes passions. […] Promptement excité par la tribune et la présence de ses contradicteurs, son esprit s’enflammait : d’abord ses premières vues étaient confuses, ses paroles entrecoupées, ses chairs palpitantes, mais bientôt venait la lumière ; alors son esprit faisait en un instant le travail des années ; et à la tribune même, tout était pour lui découverte, expression vive et soudaine. […] Les circonstances étaient-elles difficiles, les esprits fatigués d’une longue discussion, on intimidés par le danger, un cri, un mot décisif s’échappait de sa bouche, sa tête se montrait effrayante de laideur et de génie, et l’assemblée éclairée ou raffermie rendait des lois, on prenait des résolutions magnanimes. […] Se mêlant familièrement avec les hommes, juste quand il fallait l’être, il avait applaudi au talent naissant de Barnave, quoiqu’il n’aimât pas ses jeunes amis ; il appréciait l’esprit profond de Sieyès, et caressait son humeur sauvage ; il redoutait dans Lafayette une vie trop pure ; il détestait dans Necker un rigorisme extrême, une raison orgueilleuse, et la prétention de gouverner une révolution qu’il savait lui appartenir. […] Il ne se rendit pas toujours ce témoignage, et voulut trop tard pacifier les esprits qu’il avait passionnés.

177. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Michel de Montaigne, 1533-1592 » pp. -

A l’âge de seize ans, il étudia le droit, et retrouva sous d’autres robes ce jargon barbare, cette routine qui étouffait alors l’esprit des lois dans un chaos de gloses et de commentaires. […] Il lui semblait « ne pouvoir faire plus grande faveur à son esprit que de le laisser en pleine oisiveté s’arrêter et rasseoir en soi ». […] Mais sa douce morale fut un calmant pour des esprits enfiévrés. […] Il s’inspire, sans en être enivré, de l’esprit pur et direct des sources classiques. […] Tout lieu retiré requiert un promenoir ; mes pensees dorment, si ie les assis ; mon esprit ne va pas seul, comme si3 les iambes l’agitent : ceux qui estudient sans livre en sont touts là.

178. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Molière, 1622-1673 » pp. 43-55

Sa verve provoque sans effort et cette hilarité bruyante dont les éclats réjouissent le cœur, et cette gaieté réfléchie qui est le sourire de l’esprit. […] La philosophie est un présent du ciel ; elle nous a été donnée pour porter nos esprits à la connaissance d’un Dieu par la contemplation des merveilles de la nature ; et pourtant on n’ignore pas que souvent on l’a détournée de son emploi, et qu’on l’a occupée publiquement à soutenir l’impiété. […] Dis-moi un peu, chevalier : crois-tu que Lysandre ait de l’esprit ? […] il y en a beaucoup que le trop d’esprit gâte, qui voient mal les choses à force de lumières, et même qui seraient bien fâchés d’être de l’avis des autres, pour avoir la gloire de décider. […] Il veut qu’on le consulte sur toutes les affaires d’esprit ; et je suis sûre que si l’auteur lui eût montré sa comédie avant que de la faire voir au public, il l’eût trouvée la plus belle du monde1.

179. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

Nous savons déjà que l’esprit n’admet pas avec plaisir deux actions différentes qui distraient son attention et empêchent l’intérêt. […] L’action de la tragédie sera héroïque dans son principe, si elle est l’effet d’une qualité de l’âme portée, soit en bien soit en mal, à un degré extraordinaire, et au-dessus des esprits vulgaires. […] Il y a un comique fin, délicat, qui ne chatouille que l’esprit. […] Entre ces deux extrêmes il y a plusieurs milieux, dont il est aisé de se former l’idée ; et peut-être que c’est dans ce milieu seul que se trouve le vrai comique, qui réjouit également l’imagination et l’esprit. […] Ce genre de comédie égaye l’esprit, mais sans l’instruire ; il amuse et ne va pas jusqu’au cœur.

180. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Contre cet esprit de discorde, que peut faire Agamemnon avec son titre nominal de roi des rois ? […] Parce qu’il a plus que les autres la vertu éminemment grecque, l’esprit de mesure et de convenance. […] Les esprits ainsi préparés, il entrait dans le vif du sujet. […] Voilà l’orateur maître des esprits. […] Ce n’est plus un prince de Macédoine qui est en lutte avec une petite république : c’est l’esprit de liberté aux prises avec l’esprit de conquête et d’oppression.

181. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Staël 1766-1817 » pp. 218-221

Revenue en France au lendemain de la Terreur, elle y réveilla l’esprit de société, jusqu’au jour où sa royauté de salon parut dangereuse à un pouvoir ombrageux qui la réduisit à quitter son pays. […] Vous me dites que vous ne me suivez pas dans le ciel ni dans les tombeaux ; il me semble qu’un esprit aussi supérieur que le votre, et qui est déjà détaché de tout ce qui est matériel par la nature même de ses recherches, doit un jour se plaire dans les idées religieuses ; elles complètent tout ce qui est grand, elles apaisent tout ce qui est sensible, et sans cet espoir, il me prendrait je ne sais quelle invincible terreur de la vie comme de la mort ; mon imagination en serait bouleversée. […] Ce sont les lamentations d’une héroïne de roman, qui, née en Italie, a le goût des lettres, des arts, et se trouve condamnée par son mariage au séjour d’une petite ville d’Angleterre où des commérages vont remplacer pour elle les plaisirs de l’esprit. […] Esprit éminent, mais nourri dans les doctrines du dix-huitième siècle.

182. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

» La mort C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses1. […] Et celui qui le dit, c’est un homme ; et cet homme ne s’applique rien, oublieux de sa destinée, ou s’il passe dans son esprit quelque désir volage de s’y préparer, il dissipe bientôt ces noires idées ; et je puis dire, messieurs, que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensées de la mort, que d’enterrer les morts mêmes2. […] Pour Dieu, comme disait cet ami de Job, ne pensez pas être les seuls hommes, et que toute la sagesse soit dans votre esprit, dont vous nous vantez la délicatesse. […] Maintenant vous placez mal les paroles : alors vous placerez mal les choses ; vous récompenserez au lieu de punir ; vous punirez quand il faudra récompenser ; enfin vous ferez tout sans ordre, si vous ne vous accoutumez dès votre enfance à tenir votre esprit attentif, à régler ses mouvements vagues et incertains, et à penser sérieusement en vous-mêmes à ce que vous avez à faire. […] L’effort d’un esprit tendu.

183. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre VI. D’Aguesseau et Séguier. »

C’est là qu’il pèse scrupuleusement jusques aux moindres expressions, dans la balance exacte d’une juste et savante critique : c’est là qu’il ose retrancher tout ce qui ne présente pas à l’esprit une image vive et lumineuse ; qu’il développe tout ce qui peut paraître obscur à un auditeur médiocrement attentif ; qu’il joint les grâces et les ornements â la clarté et à la pureté du dicours ; qu’en évitant la négligence, il ne fuit pas moins l’écueil également dangereux de l’affectation ; et que, prenant en main une lime savante, il ajoute autant de force à son discours, qu’il en retranche de paroles inutiles ; imitant l’adresse de ces habiles sculpteurs qui, travaillant sur les matières les plus précieuses, en augmentent le prix à mesure qu’ils les diminuent, et ne forment les chefs-d’œuvre les plus parfaits de leur art, que par le simple retranchement d’une riche superfluité ». […] Leur objet était d’éteindre la croyance, de faire prendre un autre cours aux esprits sur les institutions religieuses et civiles ; et la révolution s’est, pour ainsi dire, opérée ; les prosélytes se sont multipliés ; leurs maximes se sont répandues ; les royaumes ont senti chanceler leurs antiques fondements ; et les nations, étonnées de trouver leurs principes anéantis, se sont demandé par quelle fatalité elles étaient devenues si différentes d’elles-mêmes. » Ceux qui étaient les plus faits pour éclairer leurs contemporains, se sont mis à la tête des incrédules ; ils ont déployé l’étendard de la révolte ; et, par cet esprit d’indépendance, ils ont cru ajouter à leur célébrité. […] L’impiété ne borne pas ses projets d’innovation à dominer sur les esprits. — Son génie inquiet, entreprenant, et ennemi de toute dépendance, aspire à bouleverser toutes les constitutions politiques ; et ses vœux ne seront remplis, que quand elle aura mis la puissance législative et exécutrice entre les mains de la multitude ; lorsqu’elle aura détruit cette inégalité nécessaire des rangs et des conditions ; lorsqu’elle aura avili la majesté des rois, rendu leur autorité précaire et subordonnée aux caprices d’une foule aveugle ; et lorsqu’enfin, à la faveur de ces étranges changements, elle aura précipité le monde entier dans l’anarchie, et dans tous les maux qui en sont inséparables ».

184. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Préface » pp. -

Embrassant donc l’histoire, l’éloquence, la philosophie, la critique, la morale, la poésie, en un mot toutes les formes de la pensée, nos extraits comprennent les genres essentiels qui ont leur raison d’être, et dont la variété peut solliciter ou animer un esprit curieux. […] De jeunes esprits sont rebutés par la sécheresse de ces sommaires qui traînent partout, et n’ont aucune empreinte personnelle ; or l’ennui sera toujours un mauvais professeur. […] Oui, nous pouvons, en toute sécurité, nous rendre ce témoignage que le fond des idées nous a préoccupé à l’égal de la forme ; nous serons donc récompensé d’un travail souvent pénible, si les jeunes lecteurs de notre recueil comprennent bien cette leçon écrite à toutes ses pages, à savoir que le goût et la conscience se confondent, et que les pensées dignes de vivre procèdent toujours d’un caractère élevé, d’une volonté vaillante, d’un cœur honnête, d’un esprit droit et d’une âme saine. […] L’esprit de ce livre est contenu dans la page que voici, et que j’emprunte à un de nos maîtres préférés : « Les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en grande partie de lectures, d’extraits abondants, faits avec choix… L’accent qui insiste, qui souligne, pour ainsi dire, en lisant ; quelques remarques courantes et comme marginales, qui se glissent dans la lecture et s’en distinguent par un autre ton ; quelques rapprochements indiqués comme du doigt suffiront pour mettre l’auditeur à même de bien saisir la veine principale, et de se former une impression.

185. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Préface » pp. -

Embrassant donc l’histoire, l’éloquence, la philosophie, la critique, la morale, la poésie, en un mot toutes les formes de la pensée, nos extraits comprennent les genres essentiels qui ont leur raison d’être, et dont la variété peut solliciter ou animer un esprit curieux. […] De jeunes esprits sont rebutés par la sécheresse de ces sommaires qui traînent partout et n’ont aucune empreinte personnelle ; or l’ennui sera toujours un mauvais professeur. […] Oui, nous pouvons, en toute sécurité, nous rendre ce témoignage que le fonds des idées nous a préoccupé à l’égal de la forme ; nous serons donc récompensé d’un travail souvent pénible, si les jeunes lecteurs de notre recueil comprennent bien cette leçon écrite à toutes ses pages, à savoir que le goût et la conscience se confondent, et que les pensées dignes de vivre procèdent toujours d’un caractère élevé, d’un volonté vaillante, d’un cœur honnête, d’un esprit droit et d’une âme saine. […] L’esprit de ce livre est contenu dans la page que voici, et que j’emprunte à un de nos maîtres préférés : « Les leçons de littérature, pour être utiles et remplir leur véritable objet, doivent se composer en grande partie de lectures, d’extraits abondants, faits avec choix… L’accent qui insiste, qui souligne, pour ainsi dire, en lisant ; quelques remarques courantes et comme marginales, qui se glissent dans la lecture et s’en distinguent par un autre ton ; quelques rapprochements indiqués comme du doigt suffiront pour mettre l’auditeur à même de bien saisir la veine principale, et de se former une impression.

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