Corneille avait dit d’Auguste, par la bouche d’Émilie,Cinna, III, 4 : Il peut faire trembler la terre sous ses pas… 1.
Corneille et Racine n’ont-ils pas profité d’une manière éclatante des études qu’ils ont faites sur les auteurs anciens ? […] Corneille, Le Cid.
Si, grâce à l’initiative des grands écrivains, notamment de Corneille, quelques concessions allégèrent ce bagage de consonnes importunes, l’Académie française n’en consacra pas moins la plupart des arrêts rendus par les érudits ; et lorsqu’en 1694 elle publia la première édition de son dictionnaire, elle ne voulut pas, dit-elle en sa préface, « authoriser un retranchement de lettres » qui « eût osté tous les vestiges de l’analogie et des rapports qui sont entre les mots ». […] Corneille.
La scène, enfin, se dégageant des langes où l’avaient trop longtemps retenue les Mystères, cette malencontreuse conception de l’esprit religieux de l’époque, se montre, à l’aide du génie puissant de Corneille, digne de rivaliser bientôt avec le cothurne grec : le théâtre venait de retrouver par lui son Eschyle. […] Moi, dis-je, et c’est assez… Voilà le vrai sublime des sentiments, et Corneille, à son tour, eût bien fait de s’en tenir là. […] En voici un exemple tiré de Corneille (les Horaces) : Dis, Valère, dis-nous, puisqu’il faut qu’il périsse, Où penses-tu choisir un lieu pour son supplice ? […] Corneille dit dans Polyeucte : Ainsi du genre humain l’ennemi vous abuse. […] On reproche à Corneille d’avoir dit : La vapeur de mon sang ira grossir la foudre.
Dans Corneille, ce vers si connu : Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie, qui faisait pleurer le grand Condé.
Au théâtre, il tient sa place au-dessous de Corneille et de Racine dont il continue la tradition, tout en cherchant à introduire sur la scène plus d’action, plus de mouvement, des effets pathétiques, des allusions philosophiques, et le savoir-faire d’une industrie timide qui corrige Shakespeare. […] Corneille, par deux cents vers admirables répandus dans ses ouvrages ; Racine, par tous les siens ; Boileau, par l’art, inconnu avant lui, de mettre la raison en vers ; un Pascal, un Bossuet, changèrent les Welches en Français.
Ronsard la suivit le premier ; Malherbe et Corneille contribuèrent beaucoup à l’établir ; enfin, le législateur du Parnasse l’a consacrée dans les vers suivants, qui donnent à la fois le précepte et l’exemple : Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée. […] Cette forme de la poésie latine du moyen âge, si calomniée, plutôt par l’ignorance que par l’esprit du système, déjà imitée en français, au xiie siècle, par Alexandre de Paris et par Hélinant, son confrère en poésie, continua à vivre dans les œuvres de Ronsard, de Malherbe, de Corneille, de Racine, et elle s’est vue rajeunir dans tous les détails de ses rythmes variés sous la plume de Lamartine et des autres poètes lyriques du xixe siècle.
Pour ne parler que des femmes, voyez ces femmes toutes viriles de Corneille, que Balzac appelait d’ adorables furies, et dans Racine, ces la Vallière égarées à la cour du roi de Pont et des empereurs de Rome ; parcourez ensuite les femmes idéales et vaporeuses du drame allemand ou anglais ; passez aux romanciers, depuis Richardson, peintre si souvent fidèle, et qu’en dépit de la fastidieuse minutie de ses détails d’intérieur, on a eu tort de condamner à un complet oubli, jusqu’aux belles et chastes figures de Walter Scott, jusqu’aux portraits si chaudement et si spirituellement faux de la plupart des romanciers français de notre âge.
Sans doute il n’est pas donné à tous, comme à Corneille, dans le fameux combat de Rodrigue contre les Mores, de fondre si bien dans l’action tous les éléments descriptifs, que le drame et le tableau ne fassent plus qu’un.
Racine, voulant faire comprendre toute la grandeur du génie de Corneille, commence par rappeler l’état du théâtre français avant l’apparition de ce grand poëte : Vous savez en quel état se trouvait la scène française, lorsqu’il commença à travailler. […] Dans les vers de Corneille, le calme et le bonheur de la vie privée paraissent réellement à Auguste quelque chose de supérieur au pouvoir suprême ; c’est comme une région au-dessus des orages, et l’on peut dire qu’il y aspire ; mais, d’un autre côté, il ne peut devenir simple particulier sans descendre : il est donc vrai de dire qu’il aspire à descendre. […] C’est ainsi que le vieil Horace défend son fils, dans la tragédie de Corneille : Lauriers, sacrés rameaux qu’on veut réduire en pondre. […] Marius est sublime, quand il dit à l’envoyé de Sextilius : « Allez dire au proconsul que vous avez vu Marius assis sur les ruines de Carthage, » Dans la tragédie de Corneille, Médée, réduite au dernier degré de misère, ne désespère pas d’elle-même • Dans un si grand malheur que vous reste-t-il ? […] un souvenir stérile et fugitif, tandis qu’une pensée de Pascal, une phrase de Fénelon, un vers de Corneille, une ligne de Montaigne vous tiendra compagnie toute une journée, et gravera pour toujours dans votre mémoire une idée juste ou un sentiment généreux, exprimé d’une manière concise, énergique ou naïve.
Ce qui choqua le plus, ce fut d’y trouver moins l’intention d’élever Racine, qui d’ailleurs n’avait pas besoin d’éloge, que le projet bien formel de déprécier le grand Corneille, et d’accréditer les nouvelles hérésies littéraires qui commençaient à se répandre au sujet du père de notre tragédie.
Mais cette inspiration du génie, sorte d’exaltation mystérieuse et puissante, ne peut être que momentanée ; voilà pourquoi le génie s’élève et s’abaisse tour à tour : Corneille nous en offre de fréquents exemples.
Comme Corneille, Beaumarchais est l’auteur dramatique qui a mis le plus d’invention dans ses plans.
L’homme bien élevé2 lira Corneille, la Fontaine, Racine et Molière, comme nos pères lisaient Horace et Virgile.
Il est adressé par Corneille à Richelieu : Puisqu’un d’Amboise et vous d’un succès admirable Rendez également nos peuples réjouis, Souffrez que je compare à vos faits inouïs Ceux de ce grand prélat, sans vous incomparable.
(Corneille,Le Clitandre.) […] Corneille fit la scène d’Horace et de Curiace comme un oiseau fait son nid, à cela près qu’un oiseau fait toujours bien, et qu’il n’en est pas de même de nous autres chétifs. » (Voltaire.)
« A ménager les forces des peuples. » Corneille, dans le prologue de son Andromède, fait tenir à la France, qu’il personnifie, ce noble langage : À vaincre si longtemps mes forces s’affaiblissent, L’État est florissant, mais les peuples gémissent ; Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits, Et la gloire du trône accable les sujets. […] Bossuet a pour lui le pathétique, où il n’a de rival que le grand Corneille.
Combien de réflexions suggère la transformation du drame chevaleresque du grand Corneille dans la tragédie majestueuse de Racine, qui devient à son tour le mélodrame philosophique de Voltaire ! […] Il doit sembler étrange de prétendre rectifier les textes adoptés de Corneille ou de Bossuet ; et cependant rien n’est plus nécessaire, car d’incroyables altérations de toutes sortes s’y sont glissées et accréditées. […] Que ce bourdonnement suffise aux maîtres d’étude chargés de constater très-vite que les leçons out été apprises, passe encore ; mais que le professeur laisse traiter du Corneille comme du Lhomond, voilà ce qui dépasse toute mesure. […] Notre Garrick n’est plus ; mais du moins chez les morts, Si Corneille l’a vu d’un lac de Trasimène Menacer devant lui l’arrogance romaine, Enivré de ses vers, Corneille, en l’admirant, A pleuré de plaisir, et s’est trouvé plus grand. […] Accourez tous ; Corneille a charmé vos loisirs : Payez en un seul jour deux cents ans de plaisirs !
Cinna, dans Corneille, pour déterminer Auguste à garder le pouvoir absolu, définit l’état populaire.
Il en est de son discours comme des deux pièces de Corneille, Attila et Othon, qui s’ouvrent par des expositions magnifiques auxquelles la suite ne répond pas.
Corneille dit dans Sertorius, acte III, scène 4 : Ce n’est pas s’affranchir, qu’un moment le paraître.
Nul, avant Corneille et Molière, n’a possédé plus magistralement le don supérieur de créer des types, et la puissance du génie dramatique.
Cette scène rappelle celle de Géronte et de Dorante dans le Menteur de Corneille.
Comparez ces vers de Corneille, dont l’accent est le même : Parle, parle, Seigneur, ton serviteur écoute : Je dis, ton serviteur ; car enfin je le suis : Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route Et les jours et les nuits.
Au théâtre, il tient sa place au-dessous de Corneille et de Racine dont il continue la tradition, tout en cherchant à introduire sur la scène plus d’action, plus de mouvement, des effets pathétiques, des allusions philosophiques, et le savoir faire d’une industrie timide qui corrige Shakespeare.
L’âme de Corneille eût été charmée par ce vers.
Tel est le caractère commun que présentent, dans la diversité de leur génie et de leurs œuvres, les poètes dramatiques, depuis la mort de Racine jusqu’à la Révolution17. » Voltaire seul se montra capable de soutenir, sans trop fléchir, le lourd héritage que Corneille et Racine transmettaient au dix-huitième siècle ; et, dans l’étude de son théâtre, il conviendra de relever, d’une part, ses efforts heureux pour animer la scène, intéresser les yeux à l’action, varier et étendre la matière du drame ; d’autre part, comment ses préoccupations philosophiques ont altéré, dans plusieurs de ses pièces, la vérité humaine et historique. Auprès de Voltaire cependant, mais dans un rang inférieur, plusieurs noms méritent encore d’être retenus : celui de Lafosse, l’auteur de Manlius, de Lagrange-Chancel, dont l’Amasis a inspiré quelques scènes de Mérope ; de Crébillon surtout, qui une fois a dépassé Voltaire et presque égalé Corneille. […] La philosophie ne put, il est vrai, effacer la rouille scolastique ; mais Corneille commença, en 1636, par la tragédie du Cid, le siècle qu’on appelle celui de Louis XIV. […] Ce fut aussi pendant ces années actives qu’il écrivit son traité sur le Libre Arbitre et une lettre critique sur Corneille et Racine, qui amena entre Voltaire et Vauvenargues des relations d’un caractère bientôt affectueux.
Au théâtre, il tient sa place au-dessous de Corneille et de Racine dont il continue la tradition, tout en cherchant à introduire sur la scène plus d’action, plus de mouvement, des effets pathétiques, des allusions philosophiques, et le savoir-faire d’une industrie timide qui corrige Shakespeare.
) Fontenelle (1657-1757) Né à Rouen en 1657, mort en 1757, Bernard Le Bovier de Fontenelle, qui était neveu de Corneille, débuta par d’assez fades productions en vers et en prose.
Un homme ignore entièrement qu’un souverain, non content de pardonner à un sujet qui voulait lui arracher le trône et la vie, a redoublé ses bienfaits à son égard, et l’a accablé de biens : il voit dans Corneille, Auguste tenir cette conduite envers Cinna, en est-il révolté ?
(Corneille,) 4.
Rappelons ces vers de Corneille (Cinna) : … Quand le peuple est maître, on n’agit qu’en tumulte ; La voix de la raison jamais ne se consulte ; Les bonneurs sont vendus aux plus ambitieux ; L’autorité livrée aux plus séditieux.
Qui pourrait blâmer Corneille d’avoir dit : Nous partîmes cinq cents, et par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port.
On peut rapporter à cette figure le Parallèle, qui n’est autre chose que la comparaison de deux hommes illustres, comme on le voit dans celui-ci, que La Motte a fait de Corneille et de Racine : Des deux souverains de la scène L’aspect a frappé nos esprits : C’est sur leurs pas que Melpomènea Conduit ses plus chers favoris.
Suite de la quatrième partie. Lecture XXXII. De la composition d’un discours. — Du raisonnement. — Du pathétique. — De la péroraison. Depuis que nous traitons des parties diverses qui entrent dans la composition d’un discours régulier, nous avons déjà examiné l’introduction, la division et la narration ou l’explication. Nous allons actuellement nous occuper de l’argumentation ou raisonnement.