Le style, quelque matière que l’on traite d’ailleurs, lettres, récits, dialogues, descriptions, dissertations, résumés, drames, mœurs, passions, polémique, est de son ressort ; elle ne doit pas craindre même d’aborder la poésie, du moins en ne la considérant que sous les faces qui lui sont communes avec la prose, et sans empiéter sur le domaine de la poétique proprement dite.
Doué d’une singulière aptitude à tout comprendre et à tout expliquer, il excella dans l’emploi de cette prose fine, agréable et sobrement ornée qui, s’appliquant à des sujets jusque-là interdits au plus grand nombre, ne contribua pas peu à en propager la connaissance.
Rousseau a dit de lui-même, dans sa prose quelque peu lourde : « Je suis obligé d’avouer que si j’ai jamais senti ce que c’est qu’enthousiasme, ç’a été principalement en travaillant à ces cantiques. » Il n’a d’ailleurs prétendu que donner une imitation libre des psaumes de David, qui lui semblaient ce qu’il y a de plus propre « à élever l’esprit et en même temps à remuer le cœur ».
Il a fait des vers fort heureusement2, il a réussi dans la prose : les savants ont été contents de son latin ; la cour a loué sa politesse.
De toutes les traductions en prose qui en ont été faites, celle de l’abbé des Fontaines est la plus estimée. […] Silhouette a traduit en prose les deux poëmes ; et l’abbé du Resnel les a mis en beaux vers français. […] Que des traces du monstre on purge la tribune ; J’y monte, et mes talens voués à la fortune, Jusqu’à la prose encor voudra bien déroger. […] Poinsinet de Sivry a traduit toutes ses comédies, partie en vers, partie en prose ; mais il a été obligé de laisser des actes entiers, dont la licence est extrême. […] Quant au style, ses comédies en prose sont écrites avec netteté, avec force, avec concision.
Le français est, sur cet article, d’une sévérité inflexible ; il repousse de la prose toute espèce de transposition, et en tolère à peine un petit nombre dans la poésie. […] En prose, il faut qu’elles soient nécessaires au sens de la phrase : c’est ainsi que Ballon sait toujours les employer. […] Les poëtes emploient fréquemment la comparaison pour embellir et varier leurs tableaux ; la prose, plus sévère, n’admet cette figure que pour éclaircir et fortifier la pensée. […] Les orateurs et les écrivains en prose empruntent aussi quelques effets à l’harmonie imitative. […] Mais l’harmonie imitative est un genre d’ornement dont la poésie ne doit user qu’avec réserve, et dont la prose peut parfaitement se passer.
Cicéron signale Isocrate comme ayant introduit le premier l’harmonie dans la prose.
Comme ce maître de notre théâtre, il nous a laissé aussi d’excellentes pages de prose, dont on peut lire quelques-unes dans le volume de nos Morceaux choisis à l’usage de la classe de sixième.
Outre ces espèces particulières du dialogue, il y en a une autre qu’on nomme dialogue poétique ou dramatique, quoique les premières puissent être écrites en vers et que cette dernière puisse être écrite en prose. […] Ce fut pour les anciens faiseurs de poétiques, une grande discussion que celle de déterminer si la fable devait être écrite en vers ou en prose, et quelle sorte de style devait y être employée.
On conçoit que, pour la diriger en ce sens, il s’agit de chercher à bien comprendre et à bien rendre les écrivains anciens, plutôt que de prétendre lutter avec eux, en composant dans leur idiome, soit en prose, soit en vers.
Je ne sortirai point des généralités de la composition et même de la composition en prose.
Je ne dis rien des poëtes ; car il ne s’agit pas ici de poésie, et je n’admets pas le style poétique en prose ; la lecture des poëtes est excellente pour préparer à écrire, pour mettre en train, en quelque sorte.
Les Martyrs (1809), épopée en prose, fidèle aux formes consacrées, nous montrent l’application souvent artificielle, mais parfois heureuse, de la poétique développée dans le Génie du christianisme.
Ces fils d’Io, en vile prose, sont tout bonnement des veaux.
Les anciens avaient reconnu que la poésie dramatique exigeait un langage plus naturel que le poème lyrique et l’épopée ; et ils avaient pris pour la scène celui de leurs vers dont Je rythme approchait le plus de la prose. […] Le drame est en vers ou en prose. […] Un bon modèle du style comique est le passage des Femmes savantes où le bourgeois Chrysale se plaint de l’expulsion de Martine : Qu’importe… Le ton de la comédie s’élève quelque fois ; et ce genre admet la prose.
C’est surtout dans la prose que s’est donné carrière le génie du xvie siècle. […] Et comme disoit celuy là, aussi poëtiquement en sa prose, quum res animum occupavere, verba ambiunt107 ; et cet aultre, ipsœ res verba rapiunt108. […] Le titre de Satire Ménippée est dû au caractère de l’ouvrage et au mélange de prose et de vers qui le compose. […] Mais il a mérité qu’on ait dit de lui qu’il fut le Malherbe de la prose et qu’il prépara les voies à Bossuet. […] Il a donné en vers et en prose, particulièrement dans ses lettres, des modèles d’ingénieux badinage, qui, malgré leur mélange trop fréquent d’affectation et de faux goût, ont séduit jusqu’au sévère Boileau298.
C’est elle qui, chez les Romains comme chez les modernes, distingue l’homme éloquent de l’homme disert ; c’est elle qui donne à la prose la grandeur, la hardiesse, la poésie d’expression, verba prope poetarum.
Mais au xviie , sans parler des poëtes, les modèles en prose abondent : madame de Sévigné, la Bruyère, Hamilton, le Roman comique, Gil Blas qui, publié dans la dernière année du règne de Louis XIV, appartient pour la forme comme pour le fond au xviie siècle plutôt qu’au xviiie .
Appelons encore synecdoque, et non métonymie, l’emploi de l’abstrait pour le concret, si fréquent dans la poésie, et même dans la prose française.
Un écrivain peut donc être éloquent non seulement en prose, mais encore en vers.
Ces petites pièces ne sont pas nécessairement en vers ; mais le fond y a si peu de valeur, qu’il faut bien en relever la forme ; et, de fait, chez nous, elles ne sont jamais en prose.
Son style abonde en mots piquants : sa prose acérée se retient comme des vers.
; mais ces correctifs ne sont bons que pour la prose ; ils feraient languir la poésie, qui est plus libre et qui aime une noble audace. […] Cette figure, qui nuit à la clarté, nous est rarement permise dans la prose, où elle n’a été bien maniée que par nos grands orateurs. […] La poésie ne diffère ici de la prose oratoire qu’en ce qu’elle peint avec enthousiasme et par des traits plus hardis. La prose a ses peintures, quoique plus modérées ; sans ces peintures, on ne peut échauffer l’imagination de l’auditeur, ni exciter ses passions. […] Il est vrai, s’il m’eut cru, qu’il n’eût point fait de vers ; Il se tue à rimer ; que n’écrit-il en prose ?
Si nous préférons les écrivains en prose, c’est dans les écrits des Fénelon, des Massillon, des Bossuet, des Saint-Pierre, des Buffon, etc., que nous pourrons apprécier cette qualité, qui nous procurera de douces jouissances. […] On apprend par là chaque jour les petites nouvelles galantes, les jolis commerces de prose et de vers.
Ainsi chantait l’ancien des hommes vaut-il mieux que : ainsi parlait le vieillard, — même dans ce qu’on nomme prose poétique ?
Il se tue à rimer : que n’écrit-il en prose ?
La pénétration qui ne craint pas d’être subtile, la sensibilité, la raison, pourvu qu’elle ne sente pas l’école, le caprice même à l’occasion, le fini du détail, l’image transportée de la poésie dans la prose, telles en sont les qualités éminentes.
Toutes les nuances s’accordent avec un art prodigieux dans cette épopée en prose dont le style nous enchante par sa dextérité, sa souplesse et son élégante harmonie.
La lecture de notre poésie doit tenir le milieu entre l’uniformité de la prose et cette sorte de chant rhythmé qui marquerait tous les temps et toutes les cadences du vers. C’est un défaut de faire sentir par une mélopée monotone la césure et l’hémistiche de nos alexandrins, dont la coupe est déjà trop régulière ; mais c’est une faute aussi de rompre à plaisir toute mesure et de dire les vers comme la prose, sans tenir compte ni du nombre ni de la rime.
Ils y sont d’un plus fréquent usage que partout ailleurs ; mais on les emploie dans toutes sortes d’ouvrages en prose et dans la poésie même. […] Parmi les discours d’apparat étrangers aux réceptions, on peut signaler l’Éloge funèbre de Louis XIV, prononcé par Lamotte dans le sein de l’Académie, le 19 décembre 1715, une des productions distinguées de la prose française ; le Discours de remercîment adressé par Fontenelle, en 1741, à l’Académie française, qui, cinquante ans après son entrée dans ce corps, l’avait revêtu, sans consulter le sort, des fonctions de directeur ; le Discours prononcé par d’Alembert à l’Académie des sciences, en présence du roi de Danemarck, le 5 décembre 1768 ; c’est un modèle de convenance et de dignité ; les Réflexions sur la marche actuelle des sciences et sur leurs rapports avec la société, lues par Cuvier dans la première séance annuelle des quatre Académies, le 24 avril 1816 ; le discours du même Cuvier, Sur les prix de vertu, prononcé en 1829 à l’Académie française, et qui se distingue par l’exposition élégante de quelques vues originales sur les bases de la morale ; enfin, plusieurs discours prononcés de nos jours, et dont les auteurs, encore vivants, ne doivent pas être désignés ici.
L’énigme peut être en prose : mais elle est presque toujours en vers.
Le trait distinctif de sa prose est un mélange exquis de naïveté et d’élévation. » La lettre à la reine Christine ne dément pas cet éloge ; si l’on y trouve des hyperboles que Balzac eût admises et qui nous font sourire, l’ampleur du ton, la hauteur des pensées et une secrète fierté y révèlent la marque du génie.
La postérité s’est surtout souvenue de ses Nouvelles récréations et joyeux devis 200, contes en prose pleins de bonne humeur, dont le recueil ne fut publié qu’après sa mort201. […] Il a traduit du grec plusieurs ouvrages, notamment les Vies des hommes illustres de Plutarque et les petits traités de cet auteur connus sous le nom d’Œuvres morales ; cette traduction, qui rendait populaire le plus riche en anecdotes morales de tous les écrivains de l’antiquité, est en même temps, par la richesse, la souplesse, la régularité de la langue, un des ouvrages qui font époque dans l’histoire de la prose française. […] ) Fontenelle (1657-1757) Né à Rouen en 1657, mort en 1757, Bernard Le Bovier de Fontenelle, qui était neveu de Corneille, débuta par d’assez fades productions en vers et en prose. […] Les plus remarquables de ses œuvres en prose, pendant la même période de sa vie, sont l’Histoire de Charles XII, les Lettres philosophiques ou Lettres sur les Anglais (1731), le Siècle de Louis XI V (1752), l’Essai sur l’esprit et les mœurs des nations (1758).
Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence, facundia, que l’emploi de ces pensées fines et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière et de chaleur . » Chose singulière que cette identité de langage entre Horace et Buffon ; d’une part le poëte le plus brillant et le plus gracieux de l’antiquité, de l’autre le plus intraitable partisan de la prose qu’ait produit le siècle prosateur par excellence.