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2. (1866) Cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5e éd.)

Tout discours, dit Cicéron, est composé de paroles et de choses : les paroles n’ont point de fondement si elles ne sont appuyées sur les choses ; et les choses n’ont point de grâce si elles ne sont ornées par les paroles. […] Placé entre le ciel et la terre, médiateur entre Dieu et les hommes, ce n’est pas la science ou le talent qui lui donnent l’autorité ; sa parole n’est pas une parole humaine, c’est la Parole de Dieu. […] Mais leur parole n’aura jamais une grande puissance. […] Ils ne savent pas chasser leurs paroles ! […] Que votre parole soit toujours puissante et victorieuse.

3. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Que mes enfants m’écoutent, ils trouveront mes paroles bonnes. […] Il a dans la parole et dans l’action oratoire la même dignité calme que dans ses actions. […] Le voilà forcé de dénouer lui-même avec l’épée la question qu’il a nouée avec la parole. […] — Qu’appelez-vous éloquence, génie de la parole ? […] Et qu’est-ce que nos rappels à l’ordre auprès des orages que soulevait chez eux le moindre écart de parole ?

4. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Comme don, elle renferme la faculté d’être ému, qui vient de la nature ; comme art, c’est la faculté de communiquer aux autres l’émotion par le moyen de la parole. […] Il y a de l’éloquence dans tout ce qui parle à l’âme et la remue, et toute parole qui ne va pas à l’âme n’atteint pas l’éloquence. […] N’oublions pas ces belles paroles de Fénelon : « L’homme digne d’être écouté est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu. » § II. […] Revêtu du caractère sacré, le prêtre est l’envoyé du ciel ; il est investi d’une autorité qui donne à sa parole quelque chose d’auguste et de solennel. […] La parole de Dieu est un glaive qui tranche au vif toutes les questions ; elle commande aux passions avec autorité ; elle impose à la raison, convaincue d’aveuglement et de faiblesse, des vérités surnaturelles enveloppées d’un nuage de mystère.

5. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XV. de l’élocution  » pp. 203-216

de l’élocution Voici une nouvelle preuve de l’infirmité de la parole humaine, un nouvel exemple de la nécessité de diviser dans le langage des choses indivisibles de leur nature. […] On conçoit qu’il arrive parfois qu’une idée vraie et digne soit mal rendue, et qu’une idée fausse et inconvenante plaise, jusqu’à un certain point, par sa forme ; qu’un même sens, comme l’a remarqué Pascal, change selon les paroles qui l’expriment, et que les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner64. […] Expression est le mot générique ; le cri, les pleurs, le geste sont, aussi bien que l’écriture ou la parole, l’expression d’un sentiment ou d’une idée. […] Denys d’Halicarnasse, dans son Jugement sur Isocrate : « La parole doit obéir à la pensée, et non la pensée à la parole, c’est une loi de la nature. » Ipsœ res verba rapiunt, dit Cicéron ; et Horace : Verbaque provisam rem non invita sequentur. Chez les modernes, Montaigne : « Je veux que les choses surmontent, c’est aux paroles à servir et à suivre ; » Fénelon, s’appuyant de saint Augustin : « Le véritable orateur pense, sent, et la parole suit.

6. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Nulle parole humaine n’eut plus d’autorité. […] On n’entend dans les funérailles que des paroles d’étonnement, de ce que ce mortel est mort. […] Ne vous persuadez pas qu’on attire du ciel quand on veut cette divine parole. […] Donnez-moi des paroles sages ; donnez-moi des paroles puissantes ; donnez-moi la prudence ; donnez-moi la force ; donnez-moi la circonspection ; donnez-moi la simplicité. […] Dans le style de Bossuet, on voit le geste qui accompagne la parole.

7. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Partout, soit que ses idées et ses paroles montent vers le supérieur auquel il rend compte, ou descendent sur les subordonnés qui lui obéissent, elles sont également nettes, pratiques, décisives, également empreintes de cet empire que donnent la vérité et la nécessité à l’homme qui se présente en leur nom. […] Il commence par de lentes et graves paroles, qui excitent une attention mêlée d’anxiété ; lui-même il attend sa colère ; mais qu’un mot échappe du sein de la tumultueuse assemblée, ou qu’il s’impatiente de sa propre lenteur, tout hors de lui, l’orateur s’élève2. Ses paroles jaillissent énergiques et nouvelles ; son improvisation devient pure et correcte, en restant véhémente, hardie, singulière ; il méprise, il insulte, il menace ; une sorte d’impunité est acquise à ses paroles comme à ses actions ; il refuse les duels avec insolence, et fait taire les factions du haut de la tribune1. […] Wasinghton se leva pour remercier de tant d’honneur ; mais tel était son trouble qu’il ne put prononcer une parole ; il rougissait, balbutiait, tremblait ; l’orateur vint à son secours : « Asseyez-vous, M. […] Libelles, pamphlets, calomnies, injures, interruptions, menaces, huées, éclats de rire, sifflets, n’étaient tout au plus que des cailloux jetés dans le courant de sa parole, voilà tout.

8. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Elle n’est bonne qu’autant que les sons y conviennent au sens des paroles, et que les paroles y inspirent des sentiments vertueux. […] Il pense, il sent3, et la parole suit. […] Il sait que la passion est comme l’âme de la parole. […] Il se sert de la parole, comme un homme modeste de son habit pour se couvrir. […] On pense aux choses qu’il dit, et non à ses paroles.

9. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

L’âme humaine est une lyre, dont les cordes sont les passions : la parole est l’archet qui les fait vibrer. […] La parole appartient aux plus dignes, à Crassus, par exemple, à Antoine ou à Cicéron. […] Suivez sur le visage des assistants les différentes nuances des impressions que leurs paroles éveillent dans les âmes : la foule est le miroir de l’orateur. […] Que votre orateur ne soit pas seulement un homme disert et capable de parler agréablement sur tous les sujets ; qu’au talent de la parole il joigne un savoir étendu : car la parole, sans l’instruction, c’est un archet sans instrument. […] Il n’y a pas de musique sur la terre plus douce que celle de la parole humaine.

10. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre Ier. Des éléments du style. » pp. 22-78

Reva-t’en à l’école, De rien ne sert ta savante parole, Lui répond-on ; retourne étudier, Ce que tu sais ne vaut pas un denier. […] Telles sont ces paroles d’un enfant qui venait d’entendre le récit de la mort de Pyrrhus : Ah ! […] La pensée forte ou énergique est celle qui renferme un grand sens en peu de paroles, et qui fait dans l’esprit une impression profonde. […] Non, Messieurs, je ne puis soutenir ces grandes paroles, par lesquelles l’arrogance humaine tâche de s’étourdir elle-même, pour ne pas apercevoir son néant. […] (Paroles de Jacob à Pharaon. — Gen., xvii, 9.)

11. (1854) Éléments de rhétorique française

C’est cette capacité de perfectionner la parole qui distingue éminemment l’homme de la brute. […] De là, plus d’énergie dans ses paroles, encore rudes et incultes. […] Cette interruption soudaine, ce silence mystérieux en fait plus entendre que les paroles les plus positives. […] La jeunesse doit fermer l’oreille à toute parole qui ne représente pas une idée, et une idée utile et raisonnable. […] C’est la loi suprême de toutes les paroles et de tous les écrits.

12. (1853) Exercices de composition et de style ou sujets de descriptions, de narrations de dialogues et de discours

Paroles du pèlerin. […] Au milieu du plus profond silence, le prélat prend la parole. […] Paroles de Lycurgue ; réponse d’Alcandre. […] Paroles d’Artabane, qui avoue tout pour sauver son fils. […] Un tribun militaire prend la parole pour le défendre.

13. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Balzac, 1596-1655 » pp. 2-10

Disons qu’elle agit, s’il se peut, par la parole, plus qu’elle ne parle ; qu’elle ne donne pas seulement à ses ouvrages un visage, de la grâce et de la beauté, comme Phidias, mais un cœur, de la vie et du mouvement comme Dédale6. […] Il estimait un homme plus que vingt mille hommes, parce qu’il savait qu’un homme est quelquefois l’esprit et la force d’un État, et que celui-ci, selon la relation que lui en avait faite Antipater, tout nu et désarmé qu’il était, sans vaisseaux, sans soldats et sans argent, combattant seulement avec des lois, des ordonnances et des paroles, attaquait la Macédoine de tous côtés, investissait les meilleures places, et rendait inutiles les plus puissantes armées. […] Les paroles que notre flatterie a nommées puissantes et pathétiques n’étaient que de la cendre et des charbons morts, au prix d’un feu si pur et si vif2. […] Au nom de toute la terre, un roi se déclare partie et prend la parole contre un empereur. […] Vous voyez comme la renommée condamne Tibère par la bouche des étrangers ; mais la conscience souscrit à cet arrêt par le propre témoignage de Tibère : car, environ ce temps-là, il écrit lui-même une autre lettre au sénat dans laquelle il maudit sa malheureuse grandeur avec des paroles de désespoir.

14. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre I. — Défauts et qualités de la phrase »

Cette qualité exige que ceux à qui nous nous adressons saisissent sur-le-champ et sans effort notre pensée exprimée soit par la parole, soit par l’écriture. […] Son geste d’abord, sa voix ensuite, indique ses besoins, ses désirs ; peu à peu il imite ce qu’il entend, il articule, enfin la parole s’échappe de ses lèvres ; cette parole, mère des talents, des arts, des sciences, cette parole qui lie tous les hommes entre eux, et qui commande à la nature, en donnant des ailes à la pensée. […] À Saltzbach, le maréchal de Turenne fut frappé au cœur, et il expira sans proférer une seule parole. […]  » Une mère en donnant le bouclier son fils qui partait pour la guerre, lui dit ces courtes paroles : « Dessus ou dessous » ce qui signifiait : Reviens sur ton bouclier, si tu es vaincu ; ou dessous, si tu es vainqueur. […] Cette altière noblesse, qui fournissait des chefs aux factions, et que Richelieu ne savait dompter que par les échafauds, est séduite par les paroles de Louis, et récompensée par les périls qu’il lui accorde à ses côtés.

15. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

Ce qui manque à l’organisation de ces hommes, c’est la fibre humaine ; ce qui manque à leurs discours, c’est le souffle généreux qui enflamme la parole de Démosthène. […] Ces maîtres de la parole ont montré qu’ils excellaient dans l’art de remuer les passions, comme dans tous les autres arts où s’est exercé leur merveilleux génie. […] Je ne vous rappellerai pas les admirables paroles que le vieil Homère met dans la bouche de Priam demandant à Achille le corps de son fils. […] L’orateur romain plaide en plein air, dans le vaste forum, en présence d’une foule qui s’agite comme une mer au souffle de sa parole. […] Dans cet exercice journalier de la parole, on trouvait bien parfois de grands traits d’éloquence, mais sans les chercher.

16. (1872) Recueil de compositions françaises pour préparer au discours latin les candidats au baccalauréat ès-lettres. Première série

Ainsi donc, trêve de paroles : il faut agir. […] Serment d’Annibal : Paroles d’Amilcar. […] Dernier entretien de Socrate : ses paroles avant sa mort. […] Mort de Caton d’Utique : ses paroles. (46 avant J.C.) […] Mais qu’ai-je besoin de tant de paroles ?

17. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre VI. D’Aguesseau et Séguier. »

» L’étude de la morale et celle de l’éloquence sont nées en même temps, et leur union est aussi ancienne dans le monde que celle de la pensée et de la parole. […] « Ce fut dans le premier âge de l’éloquence que la Grèce vit autrefois le plus grand de ses orateurs jeter les fondements de l’empire de la parole sur la connaissance de l’homme et sur les principes de la morale. […] Toujours environné de ces censeurs rigoureux, et plein d’un saint respect pour le tribunal devant lequel il doit paraître, il voudrait, suivant le souhait d’un ancien orateur, qu’il lui fût permis non seulement d’écrire avec soin, mais de graver avec effort les paroles qu’il y doit prononcer. Si quelquefois il n’a pas la liberté de mesurer le style et les expressions de ses discours, il en médite toujours l’ordre et les pensées ; et souvent même la méditation simple prenant la place d’une exacte composition, et la justesse des idées produisant celle des paroles, l’auditeur surpris croit que l’orateur a travaillé longtemps à perfectionner un édifice, dont il a eu à peine le loisir de tracer le premier plan. […] C’est là qu’il pèse scrupuleusement jusques aux moindres expressions, dans la balance exacte d’une juste et savante critique : c’est là qu’il ose retrancher tout ce qui ne présente pas à l’esprit une image vive et lumineuse ; qu’il développe tout ce qui peut paraître obscur à un auditeur médiocrement attentif ; qu’il joint les grâces et les ornements â la clarté et à la pureté du dicours ; qu’en évitant la négligence, il ne fuit pas moins l’écueil également dangereux de l’affectation ; et que, prenant en main une lime savante, il ajoute autant de force à son discours, qu’il en retranche de paroles inutiles ; imitant l’adresse de ces habiles sculpteurs qui, travaillant sur les matières les plus précieuses, en augmentent le prix à mesure qu’ils les diminuent, et ne forment les chefs-d’œuvre les plus parfaits de leur art, que par le simple retranchement d’une riche superfluité ».

18. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Définition et division. »

Si le créateur nous a distingués du reste des animaux, c’est surtout par le don de la parole. […] La raison est notre partage et semble nous associer aux immortels ; mais combien elle serait faible, sans la faculté d’exprimer nos pensées par la parole, qui en est l’interprète fidèle ! […] Donc, si nous n’avons rien reçu de meilleur que l’usage de la parole, qu’y a-t-il que nous devions perfectionner davantage ? […] Ce passage seul peut faire comprendre combien la science de bien dire est importante, noble, sublime, et combien l’on doit craindre de la dégrader, en l’éloignant de la vérité et de la vertu qui sont les sources du beau, pour la faire servir au triomphe du vice et du mensonge, qui avilissent l’homme, et des passions immorales qui le rapprochent de la brute, dont la parole doit par sa nature le distinguer plus que toute autre chose.

19. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Balzac. (1594-1655.) » pp. 2-6

Il ne s’est pas contenté de ruiner l’idolâtrie et d’imposer silence aux démons : il a de plus confondu la sagesse humaine ; il a ôté la parole aux philosophes. […] L’éclat ne présuppose pas toujours la solidité, et les paroles qui brillent le plus sont souvent celles qui pèsent le moins. […] Disons qu’elle agit, s’il se peut, par la parole plus qu’elle ne parle ; qu’elle ne donne pas seulement à ses ouvrages un visage et de la grâce, mais un cœur, de la vie et du mouvement2. […] Il ne faut pas prendre à la lettre ces paroles de Balzac. […] On peut rapprocher ce passage de quelques idées de Bossuet (dans sa lettre sur l’éducation du grand Dauphin) : ce grand homme voulait aussi que l’éloquence « ne fût pas une discoureuse, dont les paroles n’ont que du son ; qu’elle ne fût pas enflée et vide de choses, mais saine et vigoureuse ; qu’elle ne fût pas fardée, mais qu’elle eût un teint naturel et une vive couleur, et, pour tout éclat, celui qui sort de la vérité même ».

20. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Quel exorde l’orateur tire de cette circonstance, et quel dut être, sur son auditoire, l’effet de ces premières paroles ! […] c’est la seule parole qui me reste, c’est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. […] J’ai pris sans étude et sans choix les premières paroles que me présente l’Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l’est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose. […] Non, messieurs ; je ne puis plus soutenir ces grandes paroles, par lesquelles l’arrogance humaine tâche de s’étourdir elle-même, pour ne pas s’apercevoir de son néant. […] Fidèle en ses paroles, incapable de déguisement, sûre à ses amis, par la lumière et la droiture de son esprit, elle les mettait à couvert des vains ombrages, et ne leur laissait à craindre que leurs propres fautes.

21. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

de la rhétorique en général Une des branches les plus importantes de l’éducation intellectuelle est l’art de communiquer et de faire partager aux autres nos idées et nos sentiments, à l’aide de la parole ou de l’écriture. […] Jusqu’après la guerre du Péloponèse, la Grèce ne connut et n’employa guère que la parole pour produire et répandre au dehors les productions de l’intelligence. […] Mais la supériorité d’intelligence manifestée par des écrits, quels qu’ils soient, conduit souvent au même but que l’éloquence proprement dite, et, sous bien des rapports, le pouvoir de la presse a succédé à celui de la parole. […] Aujourd’hui, en effet, il a pour juge le tribunal, demain il aura peut-être la nation ; aujourd’hui sa parole n’est entendue que de quelques centaines d’individus, demain elle sera lue par l’Europe entière. […] Il ne perdra pas de vue que la barre et la tribune sont, en définitive, le premier théâtre de ses combats et de ses victoires, le point de départ de sa parole ; il s’exercera à acquérir la spontanéité d’idées et d’expressions nécessaire aux luttes journalières où il est engagé ; il travaillera son organe, il ne négligera ni l’énergie, ni la grâce de l’action.

22. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre V. — De l’Action »

Lorsqu’elle est trop haute, elle fatigue les oreilles ; trop basse, les paroles sont confuses et les auditeurs font des efforts pour saisir le sens du discours ; trop rapide, elle ne laisse point le temps de comprendre ; trop lente, elle fait bâiller et endort. […] Comment ne pas admirer les muets qui, à défaut de la parole, savent si bien exprimer leurs sentiments par des gestes ? […] « Lire un discours, dit le célèbre d’Aguesseau, c’est lui ôter vie. » L’orateur qui aspire aux grands effets de la parole, qui se flatte d’entraîner, de convaincre son auditoire, ne peut espérer de réussir s’il est aux prises avec un manuscrit ; le bras qui est occupé à, tenir les malencontreuses feuilles reste toujours immobile ; les yeux sont certainement fixés sur le même point, et la voix elle-même se ressent de cette gêne, qui empêche que les mouvements de l’orateur ne prennent leur essor. […] Massillon, quel était son meilleur sermon : « C’est celui que je sais le mieux, répondit-il. » Et effectivement, la mémoire s’embarrasse-t-elle au milieu du plus beau discours, au milieu d’un passage éloquent, l’orateur devient un tourment pour son auditoire ; tandis qu’une mémoire sûre d’elle-même débite des choses ordinaires, mais avec assurance, avec aisance, et tous les auditeurs admirent des paroles qui paraissent couler de source.

23. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie —  Lamennais, 1782-1854 » pp. 455-468

Les Paroles d’un croyant furent l’évangile aventureux de cette rébellion. […] La parole de Jésus, fructifiant de siècle en siècle, a changé le monde, et, dans l’universel abandon, sur la croix, son dernier mot fut : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous délaissé1 ?  […] Paroles d’un croyant. […] C’est pourquoi Jésus veut que ses disciples, en allant annoncer la parole qui doit renouveler le monde, s’affranchissent de tout ce qui les rendrait, à quelque degré, esclaves du monde. […] Je lis dans Eugène de Guérin : « Le 27. — Je ferme saint Augustin, l’âme remplie de ces douces paroles : “Jetez-vous dans le sein de Dieu comme sur un lit de repos.”

24. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) «  Chapitre XXIV. des figures. — figures par rapprochement d’idées opposées  » pp. 339-352

et Virgile avait mis dans la bouche de Didon cette parole si touchante : Non ignara mati, miseris succurrere disco. […] Pour que cette figure ajoute au discours de la valeur et de l’énergie, elle devra être présentée de façon que le lecteur ne puisse manquer, d’une part, d’interpréter les paroles dans le sens voulu, et se plaise, de l’autre, au facile travail de cette interprétation. […] Deux observations applicables à l’épitrope comme à l’ironie : c’est d’abord de les présenter de façon que le lecteur ou l’auditeur ne s’y trompe pas, ne s’avise point de prendre vos paroles à la lettre, et ne puisse même supposer un instant que vous parlez sérieusement. […] Ainsi ces paroles du Lutrin où la Mollesse, en regrettant l’heureux siècle des rois fainéants, fait le plus bel éloge de la triomphante activité de Louis XIV ; ainsi plusieurs passages du même Boileau dans ses Epîtres au roi, Grand roi, cesse de vaincre, ou je cesse d’écrire, etc. […] J’ai dit qu’il y a beaucoup d’autres formes où la pensée contraste avec la parole.

25. (1875) Poétique

De ses différentes parties : la fable, les mœurs, les paroles, les pensées, le spectacle, le chant. […] J’appelle paroles la composition des vers, et mélopée ce dont tout le monde sait l’effet. […] Il n’y a point de tragique qui n’emploie ces six parties, et qui n’ait spectacle ou représentation, fable, mœurs, pensées, paroles, chant. […] Il en est de même des paroles et des pensées. […] Il y a seulement cette différence que, de toutes ces formes, les unes doivent se manifester en dehors de la mise en scène, tandis que les autres, celles qui tiennent à la parole, ne peuvent exister que par la parole et par le débit.

26. (1873) Principes de rhétorique française

Les règles de bien dire s’appliquent à tout emploi rationnel de la parole. […] Un ton véhément et pathétique, des gestes expressifs et fréquents, des paroles rapides et sonnantes. […] II n’annonce pas qu’il les possède, mais elles se peignent d’elles-mêmes dans toutes ses paroles. […] Il ne s’agit pas de la renfermer en très peu de paroles, il s’agit de ne rien dire qui soit superflu. […] avec la parole.

27. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Saint-Marc Girardin. Né en 1801. » pp. 534-541

Pardonnez-moi si je le prends dans mes paroles. […] « Que de fois, dit saint Augustin, que de fois, quand je prêchais, je me déplaisais à moi-même, poursuivant sans cesse un mieux dont mon âme jouissait et que je ne pouvais pas atteindre par mes paroles ! […] tandis que ma parole se déroulait péniblement, déjà l’idée rapide et vive était rentrée dans la profondeur de l’intelligence ; et pourtant c’était à l’aide des traces lumineuses qu’elle avait laissées sur son passage, que je pouvais retrouver quelques signes et exprimer quelques pensées. » Ainsi donc, tous, qui que nous soyons, faibles ou forts, tous nous sentons, à chaque instant, une contrariété qui fait du même coup notre grandeur et notre misère, qui nous abat et qui nous élève, soit que, dans nos actions, nous poursuivions l’idée d’un bonheur et d’une vertu que nous ne pouvons pas atteindre, soit que, seulement dans nos paroles, nous cherchions à représenter une vérité que nous ne pouvons pas non plus exprimer tout entière. […] Sa parole ne se gonfle pas ; elle est simple, naturelle et vive comme sa pensée même.

28. (1843) Nouvelle rhétorique, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes (7e éd.)

Fénelon répondra : Chez les anciens, la parole était le grand ressort en paix et en guerre. […] Mais ce que j’avais fait par la parole, Philippe le détruisait par la force ; et tu t’en prends à moi ! […] avec la parole. […] Il suppose que son ami malheureux lui adresse la parole. […] En écoutant ces paroles, vous apprenez le fait, mais vous ne le voyez pas.

29. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner. […] Je le crois sur votre parole, mais je l’ai dit comme mien. […] Dans les paroles et dans les actions du corps. […] Quel mouvement peut-il y avoir dans les paroles ? […] Adieu, Monsieur ; je vous conjure de nous tenir parole.

30. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

… Oui, je déteste celles qui, plus chastes en paroles qu’en effets, couvrent d’un voile de vertu leurs égarements cachés. […] ne craignent-elles point, que les ténèbres mêmes, complices de leurs horreurs, ne les exposent au grand jour ; que les voûtes et les murs ne prennent la parole pour les accuser ? […] Aussi, ses paroles sont des traits de feu qui éclairent et pénètrent notre âme. […] Enfin Cicéron termine ce récit passionné, et bien capable d’allumer toute l’indignation des juges contre Verrès, par ces paroles si fortes et si pathétiques. […] En un mot, l’orateur doit avoir sans cesse présente à l’esprit cette réflexion de Cicéron89: Le discours est un composé de choses et de paroles : les paroles n’ont point de fondement, si elles ne sont appuyées sur les choses ; et les choses n’ont point de grâce, si elles ne sont ornées par les paroles.

31. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Nulle parole humaine n’eut plus d’autorité. […] Une puissance surnaturelle, qui se plaît à relever ce que les superbes méprisent, s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles. […] C’est ainsi qu’il instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples : Et nunc, Reges, intelligite ; erudimini, qui judicatis terram . […] Si les paroles nous manquent4, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d’elles-mêmes. […] Paroles tirées des Proverbes de Salomon, ch. 

32. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — [Introduction] » pp. 18-20

Ernest Hello, la parole humaine ayant pour loi, comme la vie et la pensée, la vérité, puisque l’homme doit vivre dans la vérité, penser comme il vit et parler comme il pense. Le style est donc l’art ou la manière propre à chaque écrivain de formuler nettement et convenablement ses pensées et ses sentiments au moyen de la parole. C’est la forme extérieure et soignée des pensées ; c’est la parole vivante au service de l’idée vivante.

33. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

La Rhétorique est l’art de la parole mis à la portée de tout le monde, et le développement méthodique et réglé d’une faculté universelle. […] Si, au contraire, il est sûr de son influence et de son autorité, sa parole prend alors une gravité, une énergie, une grandeur qui peut aller jusqu’au sublime. […] Mais la cause, s’il vous plaît, qui fait qu’elle a perdu la parole ? […] » — « Ces paroles étonnèrent tous ces vieux conseillers ; ils se regardèrent sans oser répondre. […] ou si vous ne le faisiez pas par vos paroles, pourquoi le faisiez-vous par vos œuvres ?

34. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section III. De l’Art d’écrire pathétiquement. — Chapitre I. Du Pathétique. » pp. 280-317

Ces paroles si touchantes arrachèrent des sanglots à tout l’auditoire ; et l’Orateur lui-même, après les avoir prononcées, fut obligé de s’arrêter. […] Telles sont ces paroles que Virgile met dans la bouche de Neptunea. […] Quoi de plus simple que ces paroles de l’Écriture. […] Aussi ces paroles ne sont-elles pas du style sublime. […] Il s’en passe en effet assez souvent, quoiqu’on doive convenir que l’éclat en est rehaussé par le sublime des paroles.

35. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

On peut prendre pour exemple les paroles que la déesse Calypso adresse au fils d’Ulysse pour retenir ce jeune prince dans son île. […] Cependant le roi revenait à lui ; sa première parole fut une expression de joie d’être appelé à Dieu le vendredi saint. Il répondait aux sanglots de la reine par des paroles de résignation et de piété. […] je m’inscris en faux contre vos paroles. […] Alors Ruy-Blas prenant la parole, s’écrie : « Bon appétit, messieurs ! 

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