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112. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre premier. Division générale. »

Par l’heureuse disposition des syllabes, par la coupe habile du vers, par la répétition des mêmes sons, la pensée se dessine plus frappante et plus vive ; elle saisit à la fois l’oreille et l’imagination, elle pénètre plus profondément dans le cœur et dans la mémoire. […] La difficulté même d’encadrer sa pensée dans la mesure étroite du vers, fait naître une lutte éminemment favorable à l’éclosion des beautés poétiques ; cette concentration fortifie la pensée, et prépare chez les hommes de talent ou de génie l’explosion des idées les plus heureuses, en même temps qu’elle comprimé les infructueuses tentatives de la médiocrité. De la contrainte rigoureuse Où l’esprit semble resserré, Il reçoit cette force heureuse Qui l’élève au plus haut degré : Telle, dans les canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un, art plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers, La Faye.

113. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bernardin de Saint-Pierre, 737-1814 » pp. 357-367

Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses ailes, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature. […] quand pourrai-je respirer le parfum des chèvrefeuilles, me reposer sur ces beaux tapis que paissent les heureux troupeaux, et entendre les chansons du laboureur qui salue l’aurore avec un cœur content et des mains libres ! 

114. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Puisqu’ils ne se sont servis de celles qui leur avaient été laissées que comme de moyens pour en avoir de nouvelles, puisque cette heureuse hardiesse leur a ouvert le chemin aux grandes choses, nous devons prendre celles qu’ils nous ont acquises2 de la même sorte, et à leur exemple en faire les moyens et non pas la fin de notre étude, et ainsi tâcher de les surpasser en les imitant. […] Au contraire, tout le monde trouvait qu’il était heureux de l’avoir été, parce que sa condition n’était pas de l’être toujours. […] Qu’il se haïsse, qu’il s’aime : il a en lui la capacité de connaître la vérité et d’être heureux ; mais il n’a point de vérité ou constante, ou satisfaisante. […] Mais, Madame, si cet honneur n’a pas été le véritable motif de mon travail, il en sera du moins la récompense, et je m’estimerois trop heureux si ensuite1 de tant de veilles, il peut donner à Votre Majesté une satisfaction de quelques moments.

115. (1853) Exercices de composition et de style ou sujets de descriptions, de narrations de dialogues et de discours

Ranimé par les larmes de son père, Ladislas revient à la vie : ses blessures n’étaient pas mortelles ; l’heureux père et l’heureux fils confondent leurs embrassements. […] Cette guerre fut heureuse. […] Cet hymen fut heureux. […] Sûre de réussir, Roxelane, dans les illusions de sa tendresse maternelle, fait part à son fils de son dessein et de l’heureux succès qu’elle espère. […] L’action d’Isadas a produit l’effet le plus heureux en prouvant aux ennemis qu’à défaut des hommes, les enfants, à Sparte, suffiraient pour les repousser.

116. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Louis XIV, 1638-1715 » pp. 146-149

Quand on a l’État en vue, on travaille pour soi ; le bien de l’un fait la gloire de l’autre : quand le premier est heureux, élevé et puissant, celui qui en est cause est glorieux, et par conséquent doit plus goûter que ses sujets, par rapport à lui et à eux, tout ce qu’il y a de plus agréable dans la vie. […] « Heureux le prince dont le cœur ne s’est point élevé au milieu de ses prospérités et de sa gloire ; qui, semblable à Salomon, n’a pas attendu que toute sa grandeur expirât avec lui au lit de la mort, pour avouer qu’elle n’était que vanité et affliction d’esprit, et qui s’est humilié sous la main de Dieu, dans le temps même que l’adulation semblait le mettre au-dessus de l’homme !

117. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre VI. — Différents genres d’exercices »

Ce sujet nous semble développé d’une manière agréable et heureuse. […] Le petit Coulanges est ravi de votre réponse ; et comme il n’a point d’aversion naturelle pour vous, comme j’en ai , il sera assez heureux pour passer l’été avec vous. […] Avec de tels sentiments, un mariage ne peut qu’être heureux : Dieu bénira deux époux dont la piété est le lien. […] Ceux qui s’en vont sont plus heureux que ceux qui restent ; ils n’ont plus rien à pleurer. […] Dès qu’il la tient, il se croit trop heureux Je verrai M. d’Argenson !

118. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre premier. Du genre lyrique » pp. 114-160

Chez les Hébreux, le cantique était employé à célébrer des événements heureux et mémorables, ou à déplorer des malheurs ; le plus souvent il était consacré à l’action de grâces. […] Elle peut s’étendre aussi à tout ce qui intéresse vivement les nations, comme les événements heureux ou malheureux ; et alors elle comprend toutes les odes qui ont pour principe et pour base l’amour de la patrie. […] Mais, si nous voulons spécifier davantage le genre élégiaque, nous trouverons deux sortes d’élégies : l’élégie ou poésie érotique, qui est le chant de l’amour heureux ou malheureux ; et l’élégie proprement dite, qui s’étend à tout le reste. […] Ainsi la Ligue et la Fronde firent éclore des milliers de chansons pleines de sel et de traits heureux. […] Les vœux doivent se rapporter principalement à la douceur de l’union que forment les nouveaux époux, et aux fruits heureux qu’ils peuvent en attendre.

119. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

N’a-t-il pas dit : « Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Observateur profond, et peintre de caractères, il excelle dans l’art d’attirer l’attention par des remarques soudaines, des traits vifs et pénétrants, des métaphores passionnées, des hyperboles à outrance, des paradoxes simulés, des contrastes étudiés, des expressions originales, de petites phrases concises qui partent comme des flèches, des allégories ingénieuses, et des morceaux d’apparat où l’esprit étincelle dans les moindres détails Le berger et son troupeau 1 Quand vous voyez quelquefois un nombreux troupeau qui, répandu sur une colline vers le déclin d’un beau jour, paît tranquillement le thym et le serpolet, ou qui broute dans une prairie une herbe menue et tendre2 qui a échappé à la faux du moissonneur, le berger, soigneux et attentif, est debout auprès de ses brebis ; il ne les perd pas de vue, il les suit, il les conduit, il les change de pâturage ; si elles se dispersent, il les rassemble ; si un loup avide paraît, il lâche son chien qui le met en fuite ; il les nourrit, il les défend ; l’aurore le trouve déjà en pleine campagne, d’où il ne se retire qu’avec le soleil. […] Souvent, avec des passions qu’on ménage bien on va à dame, et l’on gagne la partie : le plus habile l’emporte, ou le plus heureux. […] Quelle interruption heureuse pour moi que celle qui vous est utile ! […] Surtout il est frondeur, envieux des grands et des riches ; il dit sans cesse que, de son temps, tout allait mieux ; que les rangs n’étaient point bouleversés ; que les heureux du monde étaient charitables ; qu’aujourd’hui chacun ne pense qu’à soi.

120. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Hector tomba sous lui, Troie expira sous vous, Et vous avez montré par une heureuse audace Que le fils seul d’Achille a pu remplir sa place. […] Sans cesse en écrivant variez vos discours… Heureux qui, dans ses vers, sait d’une voix légère, Passer du grave au doux, du plaisant au sévère. Ou plutôt heureux qui sait être à la fois égal et varié, égal par le tissu, varié par le dessin et la couleur.

121. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XII. Abrégé des règles de la versification française. »

Que votre phrase heureuse | et clairement rendue Soit tantôt terminée | et tantôt suspendue. […] J’eus un frère, seigneur, illustre et généreux, Digne par sa valeur du sort le plus heureux. […] Il est un heureux choix de mots harmonieux ; Fuyez des mauvais sons le concours odieux, Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée, Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée.

122. (1867) Rhétorique nouvelle « Tableau des figures » pp. 324-354

La métonymie prend la cause pour l’effet : Le chypre incendiait les coupes ; Et leur âme chantait dans les clairons d’airain ; Ou l’effet pour la cause : Les canons vomissent la mort ; Ou le contenant pour le contenu : Les foudres du Vatican ; Ou le signe pour la chose signifiée : On dit d’un gourmand : C’est une belle fourchette ; d’un écrivain : C’est une plume éloquente ; Ou enfin le nom abstrait pour le nom concret : — Là, parmi les douceurs d’un tranquille silence, Règne sur le duvet une heureuse indolence. C’est-à-dire : d’heureux indolents dorment sur le duvet. […] Elle dit : Une heureuse faute, un pieux mensonge, une défaite triomphante.

123. (1866) Cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5e éd.)

En voici un exemple : Ce qui nous rend heureux est aimable : Or la vertu nous rend heureux, Donc la vertu est aimable. […] Heureux celui qui trouve toujours son modèle en lui-même, et qui, pour faire aimer la vertu, n’a qu’à peindre son propre cœur ! […] Si vous parlez à des chrétiens qui ne doivent jamais entendre certaines objections, laissez-les dans cette heureuse ignorance. […] Mais l’histoire nous a conservé une foule de mots heureux inspirés par l’honneur et la bravoure, et ces mots ont été vraiment prononcés. […] Cette idée parut heureuse, et chaque pays s’empressa de l’imiter.

124. (1912) Morceaux choisis des auteurs français XVIe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles

Et pensais dès lors avoir une perfection entière de l’émail blanc ; mais je fus fort éloigné de ma pensée : cette épreuve était fort heureuse d’une part, mais bien malheureuse de l’autre, heureuse en ce qu’elle me donna entrée à ce que289 je suis parvenu, et malheureuse en ce qu’elle n’était mise en dose ou mesure requise290. […] Jourdain, qui était trop heureuse, étant petite, de jouer à la madame avec nous. […] Il n’est donc pas surprenant que tant de gens si puissants en tout genre, à qui ce livre arrachait tout des mains, conspirassent contre un système si utile à l’État, si heureux pour le roi, si avantageux aux peuples du royaume, mais si ruineux pour eux. […] C’est parce qu’on est heureux.... […] Il épousa une sœur de Colin, laquelle, étant de même humeur que le frère, le rendit très heureux.

125. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Rochefoucauld. (1613-1680.) » pp. 15-19

Après une vieillesse tranquille et heureuse, il mourut en 1680. […] Il n’y a point d’accidents si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage, ni de si heureux que les imprudents ne puissent tourner à leur préjudice.

126. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Racine, 1639-1699 » pp. 150-154

Parmi tout cela, une magnificence d’expression proportionnée aux maîtres du monde qu’il fait souvent parler ; capable néanmoins de s’abaisser quand il veut, et de descendre jusqu’aux plus simples naïvetés du comique, où il est encore inimitable ; enfin, ce qui lui est surtout particulier, une certaine force, une certaine élévation, qui surprend, enlève, et qui rend jusqu’à ses défauts, si on lui en peut trouver quelques-uns, beaucoup plus estimables que les vertus des autres : personnage véritablement né pour la gloire de son pays ; comparable, je ne dis pas à tout ce que l’ancienne Rome a eu d’excellents tragiques, puisqu’elle confesse elle-même qu’en ce genre elle n’a pas été fort heureuse, mais aux Eschyle, aux Sophocle, aux Euripide, dont la fameuse Athènes ne s’honore pas moins que des Thémistocle, des Périclès, des Alcibiade, qui vivaient en même temps qu’eux. […] On ne trouvait pas prosaïque qu’il crût à Dieu, à l’âme, à l’autre vie, fût aussi correct dans sa conduite que dans ses ouvrages, rendit sa femme heureuse, élevát bien ses enfants, et fit des économies.

127. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Canevas

Oui, vous êtes extrêmement mal heureuse….. […] A-t-elle été heureuse pendant sa vie ? […] … Mais non, il vaut mieux qu’elle reste cachée. — Heureux qui vit comme elle ! […] — … A l’autre bord il est une contrée plus heureuse ; un lieu de délices vous y attend. […] Allons, Platon doit être heureux, s’il est un Dieu.

128. (1872) Cours élémentaire de rhétorique

Telle est la comparaison que fait Racine (Athalie, acte II, scène 9) du tendre enfant avec le lis du vallon :                 Heureuse, heureuse l’enfance Que le Seigneur instruit et prend sous sa défense ! […] Sa bonté nous promettait des jours heureux, et nous répandîmes ici nos prières et nos larmes sur ses cendres chères et augustes. […] L’idée est heureuse. […] Excussit securim est d’une heureuse hardiesse. […]               Plus heureux le peuple innocent, Qui dans le Dieu du ciel a mis sa confiance !

129. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voiture, 1598-1648 » pp. 21-25

Voiture 1598-1648 [Notice] Fils d’un fermier des vins qui fut échevin d’Amiens, protégé par son condisciple le comte d’Avaux, recherché des grands qu’il amusait en les flattant, devenu la merveille de l’hôtel de Rambouillet, maître de cérémonies chez Gaston d’Orléans, favori tour à tour de Richelieu et de Mazarin, interprète des ambassadeurs près de la reine, reçu à l’Académie française qui porta officiellement son deuil, Voiture fut un bel esprit, heureux et habile, dont le souvenir est inséparable de la société polie au milieu de laquelle s’épanouirent ses agréments. […] Ne haïssez pas plus longtemps un homme qui est si heureux à se venger de ses ennemis ; et cessez de vouloir du mal à celui qui sait tourner le sien à sa gloire et qui le porte si courageusement.

130. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bourdaloue, 1632-1704 » pp. 133-137

Je dis plus : c’est que cet état2, si l’on est enfin assez heureux pour s’y ingérer, bien loin de mettre des bornes à l’ambition et d’en éteindre le feu, ne sert au contraire qu’à la piquer davantage et qu’à l’allumer ; que d’un degré on tend bientôt à un autre, tellement qu’il n’y a rien où l’on ne se porte, ni rien où l’on se fixe ; rien que l’on ne veuille avoir, ni rien dont on jouisse ; que ce n’est qu’une perpétuelle succession de vues, de désirs, d’entreprises, et, par une suite nécessaire, qu’un perpétuel tourment. […] Ce qui fit un héros du prince de Condé J’appelle le principe de ces grands exploits cette ardeur martiale qui ; sans témérité ni emportement, lui faisait tout oser et tout entreprendre ; ce feu qui, dans l’exécution, lui rendait tout possible et tout facile ; cette fermeté d’âme que jamais nul obstacle n’arrêta, que jamais nul péril n’épouvanta, que jamais nulle résistance ne lassa, ni ne rebuta ; cette vigilance que rien ne surprenait ; cette prévoyance à laquelle rien n’échappait ; cette étendue de pénétration avec laquelle, dans les plus hasardeuses occasions, il envisageait d’abord tout ce qui pouvoit ou troubler, ou favoriser l’événement des choses : semblable à un aigle dont la vue perçante fait en un moment la découverte de tout un vaste pays ; cette promptitude à prendre son parti, qu’on n’accusa jamais en lui de précipitation, et qui, sans avoir l’inconvénient de la lenteur des autres, en avait toute la maturité ; cette science qu’il pratiquait si bien, et qui le rendait si habile à profiter des conjonctures, à prévenir les desseins des ennemis presque avant qu’ils fussent conçus, et à ne pas perdre en vaines délibérations ces moments heureux qui décident du sort des armées ; cette activité que rien ne pouvait égaler, et qui, dans un jour de bataille, le partageant, pour ainsi dire, et le multipliant, faisait qu’il se trouvait partout, qu’il suppléait à tout, qu’il ralliait tout, qu’il maintenait tout : soldat et général tout à la fois, et, par sa présence, inspirant à tout le corps d’armée, jusqu’aux plus vils membres qui le composaient, son courage et sa valeur, ce sang-froid qu’il savait si bien conserver dans la chaleur du combat, cette tranquillité dont il n’était jamais plus sûr que quand on en venait aux mains, et dans l’horreur de la mêlée ; cette modération et cette douceur pour les siens, qui redoublaient à mesure que sa fierté pour l’ennemi était émue ; cet inflexible oubli de sa personne, qui n’écouta jamais la remontrance, et auquel constamment déterminé, il se fit toujours un devoir de prodiguer sa vie, et un jeu de braver la mort ; car tout cela est le vif portrait que chacun de vous se fait, au moment que je parle, du prince que nous avons perdu ; et voilà ce qui fait les héros1.

131. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre VI. Massillon. »

S’il est de ces écrivains privilégiés qu’on ne lit point sans être plus content de soi, et sans se trouver meilleur, Massillon est du nombre, plus rare encore, de ceux qu’on n’a jamais quittés sans se sentir plus heureux. […] « Si tout doit finir avec nous, si l’homme ne doit rien attendre après cette vie, et que ce soit ici notre patrie, notre origine, et la seule félicité que nous pouvons nous promettre, pourquoi n’y sommes-nous pas heureux ? […] « Plus je rentre en moi, dit-il, plus je me consulte, et plus je lis ces mots écrits dans mon âme : Sois juste, et tu seras heureux.

132. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre V. Analyse de l’éloge de Marc-Aurèle, par Thomas. »

Plus heureux dans l’éloge de Voltaire, La Harpe l’a jugé en homme de goût, et la plupart de ses décisions sont devenues des arrêts dont le temps a déjà confirmé la plus grande partie. […] Il remarqua comme un des jours les plus heureux de sa vie celui de son enfance où il entendit, pour la première fois, parler de Caton ; il regarda avec reconnaissance les noms de ceux qui lui avaient fait connaître Brutus et Thraséas ; il remercia les dieux d’avoir pu lire les Maximes d’Épictète : son âme s’unissait à ces âmes extraordinaires qui avaient existé avant lui. […] Le sujet même de l’ouvrage, le cadre très heureux sous certains rapports, que l’orateur avait adopté, le personnage principal du tableau, tout amenait naturellement ici, ce qui eût été fort déplacé partout ailleurs ; mais l’auteur n’abuse-t-il pas quelquefois des facilités même que lui donnait son plan à cet égard ; et n’y trouve-t-on pas encore sur la liberté, l’égalité, la propriété, la vie et la mort, beaucoup trop de ces tirades ambitieuses et déclamatoires, où percent à travers le masque d’Apollonius la véritable intention de propager les idées nouvelles et d’opérer, dans les têtes, la révolution qui ne tarda pas à se manifester dans les choses ?

133. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Il y a toujours eu des siècles à part, que l’on pourrait appeler les siècles heureux, tant ils ont été favorisés par une réunion de circonstances uniques. […] Vos noms pourront être condamnés à l’oubli ; un siècle plus heureux ne se souviendra pas de vos labeurs et de vos services ; mais ce siècle, c’est vous qui l’aurez fait naître. […] Parison ont été heureux ; ils méritaient de l’être.

134. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bernardin de Saint-Pierre. (1737-1814.) » pp. 153-158

Je n’ai cessé d’être heureux que quand j’ai cessé de me fier à vous. […] Ce mot, d’un si heureux effet, se dit proprement du revers d’un pan d’habit.

135. (1853) Éléments de la grammaire française « Éléments de lagrammaire française. — Remarques particulières sur chaque espèce de mots. » pp. 46-52

On dit : je ne connais personne plus heureux que lui. […] Exemple : Je me croirai heureux, disait un bon roi, quand je ferai le bonheur de mes sujets.

136. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Maintenon 1635-1719 » pp. 94-99

Nous jouissons de cette heureuse médiocrité que vous vantiez si fort. […] Je ne pourrais le supporter, si je ne regardais d’où il nous vient, et2 que les hommes ne sont que des instruments entre la main de Dieu, pour affliger un royaume trop heureux, et pour humilier un roi trop grand.

137. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Dans le discours, comme en tout, c’est une heureuse disposition qui fait la beauté et la force. […] L’ordre dans lequel les preuves se développent doit être donné par la division elle-même ; quand cette division est heureuse, elle amène naturellement chaque moyen qui se trouve à sa véritable place. […] On a vu assez d’orateurs se distinguer dans un de ces genres, aucun ou presque aucun qui en ait présenté l’heureuse réunion, tant il est difficile, surtout en éloquence, d’atteindre à la perfection ou même d’en approcher. […] « Là, parmi les douceurs d’un tranquille silence, « Règne sur le duvet une heureuse indolence. […] Là, on célébra Rocroi délivré, les menaces d’un redoutable ennemi tournées à sa honte, la régence affermie, la France en repos, et un règne qui devait être si beau, commencé par un si heureux présage.

138. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Par là se vérifie ce que dit l’Apôtre : « Que Dieu est heureux et le seul puissant, Roi des rois et Seigneur des seigneurs » ; heureux, dont le repos est inaltérable, qui voit tout changer sans changer lui-même, et qui fait tous les changements par un conseil immuable ; qui donne et qui ôte la puissance ; qui la transporte d’un homme à un autre, d’une maison à une autre, d’un peuple à un autre, pour montrer qu’ils ne l’ont tous que par emprunt, et qu’il est le seul en qui elle réside naturellement. […] Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte : heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint2 Lettre a Louis XIV Votre Majesté m’a fait une grande grâce, d’avoir bien voulu m’expliquer ce qu’elle souhaite de moi, afin que je puisse ensuite me conformer à ses ordres, avec toute la fidélité et l’exactitude possibles. […] Si cela arrive, Sire, y aura-t-il jamais un prince plus heureux que vous, ni un règne plus glorieux que le vôtre3 ? […] Sans remonter bien loin dans l’histoire des siècles passés, le nôtre a vu Henri IV, votre aïeul, qui, par sa bonté ingénieuse et persévérante à chercher les remèdes des maux de l’État, avait trouvé le moyen de rendre les peuples heureux, et de leur faire sentir et avouer leur bonheur. […] Vous avez toutes ces qualités ; et jamais il n’y a eu règne où les peuples aient eu plus de droit d’espérer qu’ils seront heureux, que sous le vôtre.

139. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXV. des figures. — figures par développement et par abréviation  » pp. 353-369

Est-ce à elle qu’il faut rapporter ces locutions toutes raciniennes : … Éphèse et l’Iouie A son heureux hymen était alors unie… Ce héros qu’armera l’amour et la raison… Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie Pourrait en vous voyant n’être point adoucie ? […] Qui, nul, d’autres, le premier, le seul, heureux ! […] Ces vers de Barthélemy sont singulièrement heureux d’élégance et d’harmonie ; le dernier seul est laible auprès du cri admirable de Virgile : At non infelix animi Phœnissa !

140. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Deuxième partie. Préceptes des genres. — Chapitre troisième. Du discours. »

Heureux quand elle n’a pas ensuite à le démentir ! […] Au contraire, s’il est capable d’avoir toujours l’œil vers les cieux, même en louant les héros de la terre, si en célébrant ce qui passe il porte toujours sa pensée et la nôtre vers ce qui ne passe point ; s’il ne perd jamais de vue ce mélange heureux, qui est à la fois le comble de art et de la force, alors ce sera en effet l’orateur de l’Evangile, le juge des puissances, l’interprète des révélations divines ; en un mot, ce sera Bossuet. […] — Je ne possède rien. —  On vit heureux ailleurs ; — ici, dans la souffrance, —  Pars, / mon enfant ; — c’est pour ton bien. […] Heureux qui dès l’enfance en connaît la douceur, Les biens les plus charmants n’ont rien de comparable Aux torrents de plaisirs qu’il répand dans un cœur. […] Mais souvenez-vous qu’on doit D’une licence heureuse user avec prudence, Et n’oublier jamais que c’est une licence.

141. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — La Satire Ménippée, 1594 » pp. -

Heureux les pauvres d’esprit ! […] Malotru, anciennement malostru, malestru, vient du provençal malastruc (opposé à benastruc, heureux), du latin astrulus, qui est sous une bonne étoile. — Artillerie dérive d’artiller, armer : ce mot s’appliqua d’abord aux armes offensives (archers, arbalétriers).

142. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Lacordaire 1802-1861 » pp. 279-285

Les traditions du foyer Qu’on est heureux, quand on naît ou quand on meurt sous le même toit, sans l’avoir jamais quitté2 ! […] Le soir, on éteignait la lumière de bonne heure par économie, et le pauvre écolier devenait ce qu’il pouvait ; heureux lorsque la lune favorisait par un éclat plus vif la prolongation de sa veillée.

143. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

La ville bien reglée et reformée est plus heureuse que celles qui ont abondance de tous biens et plaisirs. […] Mais l’extrémité de nos miseres est, qu’en tant de malheurs et de nécessitez, il ne nous est pas permis de nous plaindre, ny demander secours, et faut qu’ayant la mort entre les dents, nous disions que nous nous portons bien, et que nous sommes trop heureux d’estre mal heureux pour une si bonne cause. […] Bien heureux qui n’a point mangé de chair de cheval et de chien, et bien heureux qui a toujours eu du pain d’avoine, et s’est passé de bouillie de son vendue au coin des rues, aux lieux qu’on vendoit jadis les friandises de langues, caillettes et pieds de mouton ! […] C’est le seul bonheur qui me fait esperer que la douce et misericordieuse Providence du Pere celeste aura insensiblement mis dans ce grand cœur royal, en ce dernier article de la vie, la contrition necessaire pour une heureuse mort. […] Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le serons jamais.

144. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

Nous compterons parmi les sources principales des ornements du style l’heureux emploi des figures, l’harmonie, les transitions, les épithètes, l’alliance des mots et l’art de les bien placer. […] Il est un heureux choix de mots harmonieux. […] Heureux l’homme à qui Dieu donne une sainte mère ! […] Parmi ces ressources, nous compterons les transitions, les épithètes, l’heureuse alliance des mots et l’art de les bien placer. […] Dans ce demi-vers : Il aspire à descendre , ce poète offre un heureux exemple de ce genre d’ornement.

145. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Ainsi, le dénoûment est la partie de la narration où l’on fait connaître le résultat heureux ou malheureux de l’événement. […] Il faut rejeter tout ce qui ne fait pas corps avec le sujet, tout ce qui est commun, usé, et tout ce qui n’est pas de nature à faire une heureuse impression. […] Les traits d’esprit peuvent produire d’heureux effets dans une lettre quand ils sont bien amenés, employés à propos et surtout avec réserve. […] La lettre de félicitation, qu’on écrit à une personne pour la complimenter de quelque événement heureux ou de quelque circonstance agréable, doit être courte comme toutes les lettres de compliment. […] Le mieux est de souhaiter simplement et brièvement aux personnes que l’on cultive une heureuse année, et de leur demander la continuation de leurs bontés.

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