Il me semble que l’on peut remarquer, dans la carrière de M. de La Harpe, trois époques bien distinctes, qui pourront servir à diriger l’opinion que l’on doit avoir de ses talents et de sa conduite littéraire. […] Peu de temps après, le Génie du christianisme étonna par la grandeur de son objet et la richesse d’un plan qui embrassait sans effort une prodigieuse variété de connaissances en tout genre : on y admira surtout le parti que l’imagination et la sensibilité de l’auteur avaient su tirer d’un sujet qui semblait ne devoir offrir que des discussions arides, que des raisonnements secs et abstraits ; et on lui sut gré de nous avoir donné un cours presque complet d’histoire naturelle, de poésie, d’éloquence, une poétique enfin de tous les beaux arts, au lieu de traités théologiques sur la nécessité et la vérité de la religion chrétienne. […] Détracteurs et panégyristes se sont également arrêtés sur les détails, avec l’intention louable de trouver des beautés, ou le plaisir malin de révéler des fautes : mais l’ensemble de cette composition d’un ordre et d’un style tout particuliers, le genre auquel il faut rapporter un ouvrage à la fois théologique, moral, littéraire et poétique, sans être rigoureusement rien de tout cela, voilà des points qui devaient, ce me semble, être discutés d’abord, et à la faveur desquels on eût peut-être expliqué les écarts fréquents de l’auteur, et les nombreuses disparates d’un style, dont rien n’approche quand il s’élève, et qui reste au-dessous de bien des écrivains, quand il tombe. […] Deux choses inconciliables de leur nature, ou que l’on ne concilie du moins qu’aux dépens l’une de l’autre, l’allure fière, libre et indépendante du génie qui invente, et la contrainte toujours pénible du talent qui imite ; cette lutte presque continuelle de deux principes évidemment opposés ; me semblerait assez bien caractériser la manière habituelle de M. de Chateaubriand : il trouve fréquemment de grandes pensées, frappantes d’énergie et de vérité ; mais il cherche (et l’on s’en aperçoit) une tournure énergique, une expression forte ou pittoresque, pour ajouter à la force ou à l’éclat de la pensée. Quelquefois aussi il semble affecter de prêter aux grandes choses une tournure simple et familière, comme de relever les petites par la pompe et le fracas des grands mots.
Il y a, Madame, dans le monde, un vilain petit mal bien singulier : c’est une invisible vapeur, qui semble ne toucher à rien, et qui pénètre jusqu’aux os. […] Le premier des biens lui manquait : son âme semblait tenir à ses organes par des attaches si frêles qu’elle était près de s’en échapper au moindre souffle.
Elle communique aux objets une vie qui semble pleine de sève ; elle les combine en une multitude de façons différentes ; elle leur donne une forme et les présente sous des images frappantes. […] C’est comme un souffle divin, une vie supérieure que le poète reçoit d’en haut, comme une flamme divine qui le domine, le transporte, l’élève jusqu’au beau idéal, et produit dans les autres hommes cette espèce de vénération, ce sentiment inconnu d’une ravissante surprise ; c’est enfin l’état d’une âme qui prend son essor au-dessus des intelligences vulgaires, et qui semble recueillir, dans une sphère supérieure et dans la communication de quelque être surnaturel, des idées, des images, des sentiments plus grands et plus purs que ne le sont ceux des hommes dans leur état ordinaire.
Mais il n’en va pas ainsi de la littérature antique ; car, réduite à quelques chefs-d’œuvre, et séparée de nous par la distance des siècles, elle a, comme la sculpture, je ne sais quelle beauté impersonnelle et abstraite, qui semble offrir des exemplaires immuables à l’admiration non d’un temps ou d’une école, mais de tous les âges et de l’humanité même. […] Il avait eu d’avance pour interprète un puissant railleur, François Rabelais, qui semblait prévoir Ronsard et ses disciples, lorsque les « rapetasseurs de vieilles ferrailles latines » passèrent sous ses verges, en compagnie de l’étudiant limousin. […] s’escrie Pantagruel ; je croy qu’il nous forge icy quelque languaige diabolique. — A quoy dist ung de ses gens : Seigneur, sans nul doubte, ce gallant veult contrefaire la langue des Parisiens ; mais il ne fait que escorher le latin, et cuide ainsi pindariser ; et luy semble bien qu’il est quelque grand orateur en françois, parce qu’il desdaigne l’usance commun de parler. » Cette excellente leçon ne va-t-elle pas à l’adresse des énergumènes qui se préparaient, comme l’étudiant limousin, « à excorier la cuticule de cette vernacule gallique » ? […] Traducteur incomparable, original dans sa sujétion, tout ensemble hardi et retenu, maître et disciple, capable de se risquer au-delà de frontières trop étroites, ou de s’arrêter à temps, lorsque l’usage résiste à la nouveauté, il sut dérober à Plutarque sa finesse, son aisance, son agilité, ses nuances, sa phrase ondoyante, ou plutôt il le métamorphosa par cette bonhomie naïve qui semble parler en son nom lorsqu’elle interprète, et donne un air d’abandon aux servitudes d’un docte labeur. […] — Férir répondait à une action plus vive que frapper. — Gaudir évoque l’ingénuité d’une joie toute naïve et spontanée, dont il semble que nous ayons oublié le secret.
Vérité incontestable, vérité de tous les temps ; vérité si sensible, enfin, qu’il sembleront inutile de s’y arrêter, s’il n’était devenu nécessaire de ne perdre aucune des occasions qui peuvent y ramener ; si nous ne frémissions encore de la dissolution affreuse qui a été la conséquence indispensable de l’oubli de ses droits, du mépris et de la négligence de ses maximes. […] Grossièrement vêtu de la pourpre la plus brune et la plus vulgaire, sa chevelure était si hérissée, que dans Capoue, où il était décemvir, pour acquérir sans doute un nouveau titre de noblesse, il semblait annoncer la suppression du quartier des parfumeurs. […] Tels étaient son œil austère et son front nébuleux, que tout l’état semblait reposer sur le froncement de son sourcil, comme le ciel sur les épaules d’Atlas ».
De la contrainte rigoureuse Où l’esprit semble resserré, Il reçoit cette force heureuse Qui l’élève au plus haut degré : Telle, dans les canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un, art plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers, La Faye. […] Ce qui nous semble beau doit participer, plus ou moins, à l’une de ces trois qualités, et souvent à toutes les trois à la fois.
M. de Sacy est un esprit attique, un causeur qui ne professe jamais, et semble n’écrire que pour se satisfaire lui-même, ou quand le cœur lui en dit. […] Il me semble que, par un si long et si doux commerce, ils sont devenus comme une portion de mon âme !
L’eau entra de toutes parts dans le vaisseau et parvint à arrêter la fureur des flammes ; mais ce fut un autre danger, et le vaisseau semblait devoir s’ensevelir dans la mer. […] vint demander un des lieutenants. — Dans l’ordre que l’on observe aux funérailles, cela va sans dire1, répondit le capitaine. » Et c’est dans cet ordre, qui semblait un symbole du péril, que l’équipage sortit du vaisseau.
Nos troupes semblent rebutées autant par la résistance des ennemis, que par l’effroyable disposition des lieux ; et le Prince se vit quelque temps comme abandonné. […] Il semble que tous les deux ont la même manière de retenir dans leur imagination les impressions des objets, de saisir et de concevoir les idées, de les combiner et de les lier ensemble, de leur donner l’âme et la vie par le coloris de l’expression. […] Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes Vont prendre la parole, et prêts à m’accuser, Attendent mon époux, pour le désabuser. […] Oui, César, tout est sensible ici à une telle générosité ; même ces murailles, qui voudraient, ce semble, marquer leur allégresse de ce que vous allez leur rendre leur ancien éclat, et rétablir le sénat dans son ancienne autorité ». […] Jetez les yeux de toutes parts ; voilà ce qu’ont pu faire la magnificence et la piété, pour honorer un héros : des titres, des inscriptions, vaines marques de cc qui n’est plus ; des figures qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec tout le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant : et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs, que celui à qui on les rend.
La métaphore et l’antithèse sont les principales figures propres à ce genre de poésie, qui doit être court, précis, et piquer surtout la curiosité du lecteur par quelque trait qui semble désigner le mot, ou par les contrastes singuliers que présente l’énigme. […] Il semble qu’au gré de nos vœux Le feu des plaisirs se rallume : À l’ombre d’un myrte amoureux Hébé174 couronne ses cheveux, La jeune Flore175 les parfume. Il semble enfin que l’Univers Sorte du chaos et renaisse : Vertumne176 étend ses tapis verts, Et les couleurs de la jeunesse Brillent sur le front des hivers. […] On y souffre cependant les traits brillants d’une imagination hardie un style noble et animé, et un certain enthousiasme, cette élévation, ces transports, ce délire même, font le plaisant de ces sortes de chansons, parce qu’il semble que c’est la liqueur que le poète célèbre, qui les a fait naître, comme on peut le voir dans celle-ci : Quel effroyable bruit !
Cependant le malheur du siècle est tel, qu’on voit beaucoup d’opinions nouvelles en théologie, inconnues à toute l’antiquité, soutenues avec obstination et reçues avec applaudissement ; au lieu que celles qu’on produit dans la physique, quoique en petit nombre, semblent devoir être convaincues de fausseté dès qu’elles choquent tant soit peu les opinions reçues : comme si le respect qu’on a pour les anciens philosophes était de devoir, et que celui que l’on porte aux plus anciens des Pères était seulement de bienséance ! […] Les mêmes degrés se rencontrent entre les génies qu’entre les conditions, et le pouvoir des rois sur leurs sujets n’est, ce me semble, qu’une image du pouvoir des esprits supérieurs sur les intelligences qu’ils dominent par la persuasion. […] Je me suis figuré qu’encore que le seul nom de Votre Majesté semble éloigner d’elle tout ce qui lui est disproportionné, elle ne rejette pas néanmoins tout ce qui lui est inférieur ; autrement sa grandeur seroit sans hommages et sa gloire sans éloges. […] Il faudrait, ce semble : … matières théologiques.
Il sembla, depuis, que le roi n’avait point prévu les dangereuses suites de cette entreprise, ni le péril presque inévitable où elle l’engagea. […] Ce qui lui semblait si facile et si indubitable qu’il écrivit partout, et même en Espagne, qu’il tenait le Béarnais enfermé en un lieu d’où il ne lui pouvait échapper à moins que de sauter dans la mer.
que vous me semblez beau ! […] La dubitation est employée par l’orateur quand il semble hésiter sur le choix de ses moyens. […] La prétermission est une figure par laquelle on semble vouloir passer une chose sous silence, tout en l’énonçant avec force. […] Mais il me semble que les descriptions et tableaux ne sont que des ornements ? […] Il me semble que l’histoire n’est qu’une narration ; comment donc avec l’histoire ferai-je une narration historique ?
Il semble d’après cette définition que la harangue soit un discours d’apparat et commandé ; mais nous ne nous arrêtons pas à ce point de vue, et nous voulons au contraire quelle soit un discours spontané, une harangue libre. […] Nos troupes semblent rebutées — autant par la résistance des ennemis que par l’effroyable disposition des lieux, et le prince se vit quelque temps comme abandonné. […] L’orateur s’anime et semble épouvanté ; il voit donc quelque chose qui effraie les regards de l’homme, et nous ne sommes pas bien loin de nous effrayer nous-mêmes. […] L’orateur semble se reposer comme après une marche difficile. […] Nous ferons sur nos auditeurs une impression d’autant plus vive quelle sera plus naturelle, et il leur semblera entendre la voix du personnage que nous imiterons.
« Heureux le prince dont le cœur ne s’est point élevé au milieu de ses prospérités et de sa gloire ; qui, semblable à Salomon, n’a pas attendu que toute sa grandeur expirât avec lui au lit de la mort, pour avouer qu’elle n’était que vanité et affliction d’esprit, et qui s’est humilié sous la main de Dieu, dans le temps même que l’adulation semblait le mettre au-dessus de l’homme ! […] Je compterai uniquement ce que le bien de mon royaume semble exiger de moi.
A dater de cette époque, nous ne rencontrerons guère que des néologismes savants, c’est-à-dire des mots composés par les yeux, et qui semblent être entrés d’emblée dans notre dictionnaire, sans autre modification que celle de la désinence. […] L’homme de guerre est devenu chevalier ;son épée semble moins lourde, son armure moins impénétrable. […] xve siècle. — « C’est au milieu d’un concert de plaintes et de malédictions, à la lueur du bûcher de Jean Huss, et au cri de sauve qui peut que s’ouvre le xve siècle 1. » Dans cette triste période, la vie semble s’arrêter, tout s’éteint et se dégrade. […] Mais éclatèrent ensuite des guerres séculaires et des discordes civiles qui devaient retarder pour nous la résurrection accomplie déjà depuis longtemps au delà des Alpes, chez un peuple heureusement doué pour les arts, et qui semblait le dépositaire naturel des trésors oubliés.
Ma machine est tellement composée, que j’ai besoin de me recueillir dans toutes les matières un peu abstraites ; sans cela mes idées se confondent : et si je sens que je suis écouté, il me semble dès lors que toute la question s’évanouit devant moi ; plusieurs traces se réveillent à la fois ; il résulte de là qu’aucune trace n’est réveillée. […] Je pardonne aisément, par la raison que je ne suis pas haineux : il me semble que la haine est douloureuse. […] J’avais conçu le dessein de donner plus d’étendue et de profondeur à quelques endroits de mon Esprit ; j’en suis devenu incapable : mes lectures m’ont affaibli les yeux ; et il me semble que ce qu’il me reste encore de lumière n’est que l’aurore du jour où ils se fermeront pour jamais. […] Il semble aussi qu’on lise son compatriote Montaigne.
« Dans le discours, dit Pascal, il ne faut point détourner l’esprit d’une chose à une autre, si ce n’est pour le délasser, mais dans le temps où cela est à propos et non autrement ; car qui veut délasser hors de propos, lassc. » Que vos digressions sortent naturellement du fond même de l’écrit et semblent lui être nécessaires ; que jamais elles ne fassent naître dans l’esprit une série d’idées étrangères, à plus forte raison, d’idées contraires au sujet ; enfin qu’elles soient placées au lieu qui leur convient le mieux, qui les appelle en quelque sorte ; qu’elles se rattachent à ce qui précède et ramènent ce qui doit suivre par des transitions faciles et naturelles. […] Telle est, semble-t-il, la doctrine de Boileau et de M. de la Harpe, quand ce dernier dit à propos de la Bruyère et de la Rochefoucauld : « En écrivant par petits articles détachés, et faisant ainsi un livre d’un recueil de pensées isolées, ils s’épargnèrent, comme l’observait Boileau, le travail des transitions, qui est un art pour les bons écrivains, et un écueil pour les autres. » Je n’en disconviens pas ; mais cet art, et c’est là précisément ce qui le rend si difficile, ne me parait autre chose que la fusion même des pensées diverses. […] Tout ouvrage qui n’est qu’une collection de sentences et de traits d’esprit a toujours quelque chose de décousu ; il semble composé non de membres joints l’un à l’autre, mais de pièces et de morceaux, e singulis non membres, sed frustis collata, dit Quintilien.
En vérité, il est des préceptes si simples qu’il semble qu’en les formulant on passe les bornes do la naïveté, et pourtant faut-il bien les énoncer ; celui-ci est du nombre, qui résume toutes les règles sur la manière de terminer un écrit : Parlez tant qu’il y a quelque chose d’utile à dire ; dès qu’il n’y a plus rien à dire, ne parlez plus. […] Question oiseuse, ce me semble. […] « Lorsque dans Argos, dit-il, la statue de Mytis tomba fortuitement sans doute sur celui qui avait tué ce même Mytis, et l’écrasa au moment qu’il la considérait, cela fit une grande impression, parce que cela semblait renfermer un dessein, une volonté. » Schiller a mis sur la scène la conjuration de Fiesque.
Péroraison de l’Éloge funèbre du Prince de Condé Jetez les yeux de toutes parts ; voilà tout ce qu’a pu la magnificence et la piété pour honorer un héros : des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus ; des figures qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec tout le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant ; et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. […] Pour moi, s’il m’est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô Prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface ; vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître.
Elle allait et venait du cabinet dans la chambre, en attendant le moment d’aller au passage du roi ; et son maintien, toujours avec ses mêmes grâces, était un maintien de trouble et de compassion que celui de chacun semblait prendre pour douleur. […] Il se taisait parfois, mais de suffocation, puis éclatait, mais avec un tel bruit, qui semblait tellement la trompette forcée du désespoir, que la plupart éclataient aussi à ces redoublements si douloureux, ou par un aiguillon d’amertume, ou par un aiguillon de bienséance. […] Ses manières y répondaient dans la même proportion, avec une aisance qui en donnait aux autres, et cet air et ce bon goût qu’on ne tient que de l’usage de la meilleure compagnie et du grand monde, qui se trouvait répandu de soi-même dans toutes ses conversations : avec cela une éloquence naturelle, douce, fleurie ; une politesse insinuante, mais noble et proportionnée ; une élocution facile, nette, agréable ; un air de clarté et de netteté pour se faire entendre dans les matières les plus embarrassées et les plus dures ; avec cela un homme qui ne voulait jamais avoir plus d’esprit que ceux à qui il parlait, qui se mettait à la portée de chacun sans le faire jamais sentir, qui les mettait à l’aise et qui semblait enchanté ; de façon qu’on ne pouvait le quitter, ni s’en défendre, ni ne pas chercher à le retrouver.
Dans les assemblées politiques, le but de l’orateur est surtout de déterminer ses auditeurs à faire le choix, à prendre le parti qui lui semble le meilleur, le plus convenable et le plus utile par conséquent. […] De là, ces moyens de l’éloquence populaire, si souvent et si heureusement employés par ce grand orateur dans des circonstances purement judiciaires ; de là, ces moyens pathétiques, que nous renverrions avec raison au théâtre, où ils nous sembleraient à leur place naturelle ; ressources que les anciens avocats ont prodiguées, au point qu’elles ne produisaient plus aucun effet, ce qui arrive nécessairement à tous les grands moyens, quand ils sont trop multipliés.
— Passez ensuite aux traités qui vous semblent les meilleurs ? […] Il lui semblera reconnaître son père revêtu de son armure. […] Mais cet art me semble futile, Il est plus utile de traiter des sujets relevés. — Mol. […] Je veux renfermer ce que bon me semble, et faire sentinelle comme il me plaît. […] Cette allocution vous semble-t-elle un petit discours ?
On sait qu’il est monté en chaire pour prononcer l’éloge de Condé : plus cet éloge sera pompeux, plus il semblera digne du héros, plus il remplira l’attente des assistants. […] Quand il a trié celles qui semblent le mieux convenir à son sujet, aux circonstances du procès, au caractère du client, aux dispositions des juges, il entre dans le développement. […] Il semble que votre âme se détache pour voler sur les lèvres de l’orateur, tant vous ne vous possédez plus, tant vous lui appartenez tout entier. […] Si vous ne vous sentez pas assez fort pour vous découvrir, restez sur la défensive ; si au contraire la réfutation vous semble plus avantageuse, prenez du champ et courez bravement à l’attaque. […] La plupart, en effet, semblent sacrifier au respect humain plus qu’au succès de leur cause, et on dirait, à les voir se contraindre et ménager leurs effets, qu’ils ont moins peur d’un échec que du ridicule.
La hautaine et martiale figure du vieux poète, qui, encadrée dans une fraise antique, se voit en tête de son petit recueil, semble régenter la poésie et maintenir dans le devoir les six disciples. […] Vous avez peur, mon pere, ce me semble. […] Nos flutes cependant trop paresseuses pendent A nos cols endormis168, et semble que ce temps Soit à nous un hyver, aux autres un printemps. […] Nul, ce semble, ne représente mieux, dans la poésie du xvie siècle, le culte de la Renaissance pour l’antiquité grecque et latine, l’Italie artistique et littéraire, et la nature. […] Le vieux Malherbe et le jeune Régnier semblent faits pour s’entendre, en dépit des attaches que par son oncle l’un a avec Ronsard et de la guerre que l’autre lui a déclarée.
La pensée simple est celle dont l’objet n’a rien de relevé ni de bas, et où le travail est tellement caché sous un air de facilité, qu’elle semble devoir tout à la nature et rien à l’art. […] Il semble au lecteur qu’il l’avait dans l’esprit avant de la lire, et que par conséquent elle n’a exigé aucun effort de la part de l’écrivain, quoiqu’il ait souvent été difficile à celui-ci de la découvrir. […] Bossuet a dit en parlant du règne de l’idolâtrie à la venue du Messie : Tout était Dieu, excepté Dieu même ; et le monde que Dieu avait fait pour manifester sa puissance, semblait être devenu un temple d’idoles. […] La pensée sublime est celle qui, par la grandeur extraordinaire des objets, saisit, transporte et élève l’âme à un degré au delà duquel il semble qu’elle ne puisse aller. […] L’odorat fournit le moins d’images ; et il est le seul de tous les sens dont les dégoûts semblent insoutenables à la pensée.
Il nous a semblé cependant que l’on pouvait, malgré le mérite des travaux antérieurs, traiter encore ces questions si difficiles et si importantes pour l’éducation de l’esprit. […] cet objet de tant de jalousie, Cette Hélène qui trouble et l’Europe et l’Asie, Vous semble-t-elle un prix digne de vos exploits ? […] C’en est assez, ce me semble, pour rendre Molière inexcusable. » (Lettre sur les spectacles.) […] — L’harmonie imitative est plus musicale que celle de la période : elle semble plus artificielle et se réduit pourtant à un usage habile de la nature. […] Ces noms qui nous semblent singuliers désignent les actes et les œuvres de l’esprit, comme d’autres noms scientifiques désignent les organes et les actes du corps.
Un magnifique éloge d’Athènes, de sa constitution, de ses lois, de ses avantages physiques et politiques, du caractère, des mœurs et de la conduite des Athéniens remplit la première partie de ce beau discours ; et ce qui ne nous semblerait qu’un brillant hors-d’œuvre, entre parfaitement ici dans les vues de l’orateur politique, qui, en remettant sous les yeux du peuple qui l’entend le tableau de la gloire et de la prospérité passées d’Athènes, se propose à la fois et de les attacher fortement à la défense d’un pays si digne de leur amour, et de les engager à honorer, à imiter le dévouement de ceux qui n’ont pas craint de mourir pour une si belle cause. […] La mort qu’ils ont affrontée pour la patrie, me semble placer au grand jour la vertu de chacun d’eux.
Fontenelle, au contraire, qui avait à parcourir le vaste domaine des sciences, crut faire disparaître l’aridité de la matière, en y semant les agréments prétendus d’un style qui semble se jouer de son sujet. […] Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ».
Il semble qu’ils n’aient rien autre chose à dire ! […] Car, enfin, j’ai une telle tendresse pour mes chevaux, qu’il me semble que c’est moi-même, quand je les vois pâtir.
Il n’y a nul mérite, sans doute, mais aussi nulle chance d’erreur, dans l’emploi de ces formes consacrées, aussi vieilles, semble-t-il, que le français même, dont tout le monde use, sans y songer, en parlant ou en écrivant, et qui n’en sont pourtant pas moins des figures : il est enflammé de courroux ; lisez Cicéron ; donnez-moi un petit verre ; chevaucher sur un bâton, etc. […] Mascaron en aurait signalé lui-même une sublime, lorsque, dans un de ses sermons, rappelant à Louis XIV l’histoire de Nathan, envoyé de Dieu pour annoncer à David le châtiment de son adultère, il ajouta ces remarquables paroles de saint Bernard : « Si le respect que j’ai pour vous ne me permet de dire la vérité que sous des enveloppes, il faut que vous ayez plus de pénétration que je n’ai de hardiesse, et que vous entendiez plus que je ne vous dis. » Je bornerais volontiers la métalepse à l’une de ses applications, la plus ingénieuse, et en même temps la plus hardie, à cette forme par laquelle un écrivain semble effectuer lui-même ce qu’il ne fait que raconter ou décrire. […] Il est des circonstances si grandes, des faits si merveilleux, qu’il semble qu’alors on ne puisse atteindre la réalité qu’en la dépassant.
— Et c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien, Ouvrir sa bourse et ne voir rien dedans. » Tel est aussi ce petit conte de Baraton, sur un mot de Caton, rapporté par saint Augustin : Autrefois, un Romain s’en vint fort affligé Raconter à Caton que la nuit précédente Son soulier des souris avait été rongé, Chose qui lui semblait tout à fait effrayante. […] Bientôt après, le front élevé dans les airs, L’enfant, tout fier de sa victoire, D’une voix triomphante en célébrait la gloire, Et semblait pour témoin vouloir tout l’univers. […] Cette élévation, ces transports, ce délire même, font le plaisant de ces sortes de chansons, parce qu’il semble que c’est la liqueur que le poète célèbre qui les a fait naître78.
Elles ont reçu le nom de fugitives, sans doute parce que, à cause de leur peu d’étendue, elles semblent s’échapper avec la même facilité et de la plume qui les produit et des mains qui les recueillent. […] Il semble cependant qu’elle se trouve beaucoup mieux dans les genres simples ou médiocres que dans le genre élevé, parce que son caractère est l’aisance et la liberté. […] Il admet les tours gaulois qui semblent conserver encore cet air sans façon que nous supposons volontiers à nos pères, parce que nous nous croyons plus fins qu’eux.