Regardez derrière vous : où sont vos premières années ? […] Regardez le monde tel que vous l’avez vu dans vos premières années, et tel que vous le voyez aujourd’hui : une nouvelle cour a succédé à celle que vos premiers ans ont vue ; de nouveaux personnages sont montés sur la scène ; les grands rôles sont remplis par de nouveaux acteurs. […] Tel prend le parti des armes, et suit une route d’où mille raisons de tempérament, de goût, de conscience, d’intérêt même, l’éloignent, parce que, né avec un nom, il n’oserait se borner aux soins domestiques, et que le monde regarderait ce repos comme une indigne lâcheté. […] Si l’on est maître de son sort, c’est la crainte du monde et de ses jugements qui en décide ; en un âge tendre, on regarde comme une loi la volonté de ceux de qui l’on tient la vie ; on n’ose produire des désirs qui contrediraient leurs desseins : on étouffe des répugnances qui deviendraient bientôt des crimes. […] Le prince, en tant que prince, n’est pas regardé comme un homme particulier, c’est un personnage public ; tout l’État est en lui ; la volonté de tout le peuple est renfermée dans la sienne.
Lorsque j’arrivai, je fus regardé comme si j’avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. […] Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu’on m’eût regardé, et qu’on m’eût mis en occasion d’ouvrir la bouche ; mais si quelqu’un, par hasard, apprenait à la compagnie que j’étais Persan, j’entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : Ah ! […] Comme il allait assez vite, et qu’il négligeait de regarder devant lui, il fut rencontré directement par un autre homme : ils se choquèrent rudement, et, de ce coup, ils rejaillirent chacun de leur côté en raison réciproque de leur vitesse et de leurs masses6. […] Ce n’étaient pas seulement les actions qui tombaient dans le cas2 de cette loi, mais des paroles, des signes et des pensées même ; car ce qui se dit dans ces épanchements de cœur que la conversation produit entre deux amis, ne peut être regardé que comme des pensées. Il n’y eut donc plus de liberté dans les festins, de confiance dans les parentés3, de fidélité dans les esclaves : la dissimulation et la tristesse4 du prince se communiquant partout, l’amitié fut regardée comme un écueil, l’ingénuité comme une imprudence, la vertu comme une affectation qui pouvait rappeler dans l’esprit des peuples le bonheur des temps précédents.
Le maître me regarde, c’est-à-dire, regarde moi. […] Le maître te regarde, c’est-à-dire regarde toi.
Ainsi l’autorité dont on prétend appuyer la censure est détruite par ce partage ; et toute la conséquence qu’on peut tirer de cette diversité d’opinions en des esprits éclairés des mêmes lumières, c’est qu’ils ont pris la comédie différemment, et que les uns l’ont considérée dans sa pureté, lorsque les autres l’ont regardée dans sa corruption, et confondue avec tous ces vilains spectacles qu’on a eu raison de nommer des spectacles de turpitude. En effet, puisqu’on doit discourir des choses et non pas des mots, et que la plupart des contrariétés viennent de ne se pas entendre et d’envelopper dans un même mot des idées opposées, il ne faut qu’ôter le voile de l’équivoque, et regarder ce qu’est la comédie en soi, pour voir si elle est condamnable. […] Apprenez enfin qu’un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature ; que la vertu est le premier titre de noblesse ; que je regarde bien moins au nom qu’on signe qu’aux actions qu’on fait ; et que je ferais plus d’état du fils d’un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d’un monarque qui vivrait comme vous1. […] À tous les éclats de risée, il haussait les épaules et regardait le parterre en pitié ; et quelquefois aussi, le regardant avec dépit, il lui disait tout haut : Ris donc, parterre, ris donc. […] Pour moi, quand je vois une comédie, je regarde seulement si les choses me touchent ; et lorsque je m’y suis bien divertie, je ne vais point demander si j’ai eu tort et si les règles d’Aristote me défendaient de rire.
Bacon, distinguant les divers sens du mot poésie, choisit justement pour sa division des sciences i celui que j’indique ici ; à ce point qu’il rejette du genre des poèmes les satires, les élégies, les épigrammes et les odes, pour les renvoyer à la philologie et à l’art de l’orateur ; et, au contraire, il regarde comme appartenant à la poésie toutes les histoires fictives, et, par conséquent, les romans, les contes, les fables, les emblèmes des anciens sages et les paraboles des livres saints. […] Comme il peut y avoir versification sans poésie et poésie sans versification, nous avons cru ne devoir regarder la versification que comme une qualité du style, et la renvoyer à l’art oratoire. » Malgré les grands noms dont s’appuie cette opinion, elle n’est pas moins une erreur. […] Lamotte, homme de beaucoup d’esprit, mais qui n’avait pas le sentiment des arts, fut le premier qui mit au rang des épopées ce beau roman politique, apparemment pour se ménager à lui-même le droit singulier de faire des tragédies et des odes en prose1. » Enfin, Dussault, critique célèbre de l’époque impériale, a dit avec autant d’élégance que de justesse : « La versification est tellement essentielle à la poésie, qu’on ne peut raisonnablement regarder comme des poètes ceux qui ont secoué ce joug. […] Mais il est bien essentiel d’observer qu’un ouvrage où cette vertu ne serait pas respectée, réunît-il, d’ailleurs, toutes les autres qualités requises, serait à juste titre regardé comme mauvais, parce que, si l’on a eu raison de dire : rien n’est beau que le vrai, on doit dire avec plus de raison encore : rien n’est beau que l’honnête.
Ne me parlez jamais des obligations que vous m’avez, et regardez-moi comme dépouillée de tout ce qui m’environne, attachée au monde, mais voulant me donner à Dieu. […] Sur l’orgueil À mademoiselle d’Aubigné 1 Chantilly, 11 mai 1693 Je vous aime trop, ma chère nièce, pour ne pas vous dire tout ce que je crois qui pourra vous être utile, et je manquerais bien à mes obligations si, étant tout occupée des demoiselles de Saint-Cyr, je vous négligeais, vous que je regarde comme ma propre fille. […] Vous vous croyez une personne importante, parce que vous êtes nourrie dans une maison où le roi va tous les jours ; et le lendemain de ma mort, ni le roi, ni tout ce que vous voyez qui vous caresse ne vous regardera pas. […] Je ne pourrais le supporter, si je ne regardais d’où il nous vient, et2 que les hommes ne sont que des instruments entre la main de Dieu, pour affliger un royaume trop heureux, et pour humilier un roi trop grand.
Quant à la loi et aux titres, ils donnent lieu à des discussions qui regardent la jurisprudence plus encore que l’éloquence. […] Cette division en trois genres était regardée par les anciens comme absolue. […] On peut remarquer des divisions aussi exactes que celle-ci dans les autres ouvrages du même genre qui sont regardés comme excellents. […] Bourdaloue et Massillon sont regardés comme nous ayant donné les meilleurs panégyriques que nous ayons. […] Voilà proprement la science qui lui est indispensable, et qu’il doit regarder comme le fondement de l’édifice.
Lorsque quelqu’un a voulu se réconcilier avec moi, j’ai senti ma vanité flattée, et j’ai cessé de regarder comme ennemi un homme qui me rendait le service de me donner bonne opinion de moi. […] J’avoue que j’ai trop de vanité pour souhaiter que mes enfants fassent un jour une grande fortune : ce ne serait qu’à force de raison qu’ils pourraient soutenir l’idée de moi ; ils auraient besoin de toute leur vertu pour m’avouer1, ils regarderaient mon tombeau comme le monument de leur honte. […] Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe et au genre humain, je le regarderais comme un crime. […] Lorsque j’arrivai, je fus regardé comme si j’avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. […] Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu’on m’eût regardé, et qu’on m’eût mis en occasion d’ouvrir la bouche ; mais si quelqu’un, par hasard, apprenait à la compagnie que j’étais Persan, j’entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : Ah !
On peut regarder cette lettre comme une nouvelle. […] Le chasseur regarda. […] Je vis le guide regarder le ciel et pâlir. […] Ils se regardent, ils s’entendent l’un l’autre ; bientôt ils sont amis, ils mettent en commun leur pauvre misère. […] Regardez donc mon tableau avec attention.
Que sont devenus ces importants personnages qui méprisaient Homère, qui ne songeaient dans la place qu’à l’éviter, qui ne lui rendaient pas le salut, ou qui le saluaient par son nom, qui ne daignaient pas l’associer4 à leur table, qui le regardaient comme un homme qui n’était pas riche, et qui faisait un livre ? […] Nous devons travailler à nous rendre très-dignes de quelque emploi : le reste ne nous regarde point ; c’est l’affaire des autres. […] Ce palais, ces meubles, ces jardins, ces belles eaux vous enchantent, et vous font récrier d’une première vue sur une maison si délicieuse, et sur l’extrême bonheur du maître qui la possède : il n’est plus, il n’en a pas joui si agréablement ni si tranquillement que vous ; il n’y a jamais eu un jour serein, ni une nuit tranquille ; il s’est noyé de dettes pour la porter à ce degré de beauté où elle vous ravit : ses créanciers l’en ont chassé ; il a tourné la tête, et il l’a regardée de loin une dernière fois ; et il est mort de saisissement. […] Ne m’en croyez pas ; regardez cette unique fois de certains hommes que vous ne regardez jamais, que vous dédaignez : ils ont des aïeuls, à qui, tout grands que vous êtes, vous ne faites que succéder. […] Chacun ne court-il pas regarder les gerbes d’un incendie, voir le malheureux qu’on traîne à la mort ?
Abaissez-vous, pliez-vous, appetissez-vous pour vous proportionner à ces enfants ; ne regardez ni avec dégoût ni avec dédain leurs misères, leurs maladies, leur éducation basse et grossière : Jésus-Christ, souveraine sagesse, éternelle raison de Dieu, a choisi pour compagnie et amis en ce monde, des pêcheurs grossiers, ingrats, incrédules, lâches, infidèles ; il a passé sa vie avec eux pour les instruire patiemment : il a fini sa vie sans les redresser entièrement… Les maisons qui ont commencé par des personnes ferventes, simples, mortes à elles-mêmes, ont bien de la peine à subsister longtemps ; on voit encore trop souvent que de grands instituts formés par des patriarches pleins d’un esprit prophétique et apostolique, avec le don des miracles, sont bientôt ébranlés par des tentations ; tout se relâche, tout s’affaiblit, tout se dissipe : la lumière se change en ténèbres ; le sel de la terre s’affadit et est foulé aux pieds : que sera-ce donc d’une communauté qui n’est soutenue d’aucune congrégation, qui est à la porte de la cour, dépendante des rois et des hommes du siècle qui seront auprès d’eux en faveur, qui aura de grands biens pour flatter les passions et pour exciter celles des gens du monde, et qui a été élevée d’abord jusqu’aux nues, sans avoir posé les fondements profonds de la pénitence, de l’humilité et de l’entier renoncement à soi-même ? […] Ne me parlez jamais des obligations que vous m’avez, et regardez-moi comme dépouillée de tout ce qui m’environne, attachée au monde, mais voulant me donner à Dieu. […] Je vous aime trop, ma chère nièce, pour ne pas vous dire tout ce que je crois qui pourra vous être utile, et je manquerais bien à mes obligations si, étant tout occupée des demoiselles de Saint-Cyr, je vous négligeais, vous que je regarde comme ma propre fille. […] Vous vous croyez une personne importante, parce que vous êtes nourrie dans une maison où le roi va tous les jours ; et le lendemain de ma mort, ni le roi, ni tout ce que vous voyez qui vous caresse ne vous regardera pas.
Il me regardait écrire, et a pris le pulvérier pour du poivre dont j’apprêtais le papier. […] Je le regardais faire avec un plaisir infini, toute ravie à mon tour de ces charmes de l’enfance. […] Il m’a regardée, un peu surpris : « Non, m’a-t-il dit, les miennes sont plus jolies. » Il avait raison ; des cheveux de trente ans sont bien laids auprès de ses boucles blondes. […] Aussi l’ai-je contemplée, admirée, regardée jusqu’à ce qu’elle se fût cachée derrière le contrevent, pour reparaître ensuite et se cacher comme un enfant qui joue à clignette1.
Son visage était calme et doux à regarder : Ses traits pacifiés semblaient encor garder La douce impression d’extases commencées2 ; Il avait vu le ciel déjà dans ses pensées, Et le bonheur de l’âme, en prenant son essor, Dans son divin sourire était visible encor. Un drap blanc, recouvert de sa soutane noire, Parait son lit de mort ; un crucifix d’ivoire Reposait dans ses mains sur son sein endormi, Comme un ami qui dort sur le cœur d’un ami3 ; Et, couché sur les pieds du maître qu’il regarde, Son chien blanc, inquiet d’une si longue garde, Grondait au moindre bruit4, et, las de le veiller, Écoutait si son souffle allait le réveiller. […] Chacun des villageois jeta sur le cercueil Un peu de terre sainte, en signe de son deuil ; Tous pleuraient en passant, et regardaient la tombe S’affaisser lentement sous la cendre qui tombe : Chaque fois qu’en tombant la terre retentit, De la foule muette un sourd sanglot sortit. […] N’avoir que ce seul cœur à l’unisson du vôtre, Où ce que vous sentez se reflète en un autre ; Que cet œil qui vous voit partir ou demeurer, Qui, sans savoir vos pleurs, vous regarde pleurer ; Que cet œil, sur la terre, où votre œil se repose, A qui, si vous manquiez, manquerait quelque chose, Ah ! […] A chaque blessure que recevait un lutteur, le peuple criait en battant des mains : Hoc habet, et lorsque la victime, étendue sur l’arène, et percée de coups, demandait quartier, son adversaire s’arrêtait, et regardait le peuple, qui souvent lui ordonnait d’achever, d’ôter la vie au malheureux vaincu.
Des rhéteurs, venus pour la plupart de la Sicile, appliquèrent à l’éloquence ces beaux principes, et voici comment ils parlèrent aux Athéniens : — Vous avez regardé jusqu’ici l’éloquence comme l’art de persuader ce qui est juste et utile, et vous avez eu tort. […] Regardez autour de vous : tout dans les œuvres de la nature semble élever la voix et vous rappeler à cette grande loi de l’unité. « Est-il rien de plus beau que le spectacle de la voûte céleste et des astres qui s’y meuvent ? […] Mais voilà qu’arrivé à la péroraison, l’avocat s’avise de tirer du fond de son sac oratoire ce splendide développement : « Regardez, juges, la misère de la condition humaine ; regardez l’inconstance et la mobilité des événements ; regardez la vieillesse de Fabricius ; regardez… » Comme il disait : « Regardez ! » il regarda lui-même. […] Il crie que sa cause lui échappe, qu’on lui coupe sa belle tirade, qu’il n’a pas fini encore son : Regardez, juges, regardez.
À une étoile Etoile qui descends sur la verte colline, Triste larme d’argent du manteau de la nuit1, Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine, Tandis que pas à pas son long troupeau le suit ; Etoile, où t’en vas-tu dans cette nuit immense ? […] Lorsqu’on te rapportait plus froide que l’albâtre, Lorsque le médecin, de ta veine bleuâtre, Regardait goutte à goutte un sang noir s’épancher, Tu savais quelle main venait de te toucher1. […] Où leurs yeux dans les fleurs me regardaient dormir. […] Je voudrais vivre, aimer, m’accoutumer aux hommes, Chercher un peu de joie, et n’y pas trop compter, Faire ce qu’on a fait, être ce que nous sommes, Et regarder le ciel sans m’en inquiéter.
Léonard de Vinci regardait tout pour tout dessiner, jusqu’aux salissures des vieilles murailles, où il trouvait des airs de tête, des figures étranges, des confusions de bataille, des habillements capricieux ; lui aussi, le poëte coloriste, a tout regardé pour tout peindre. Par la puissance du même don, tout ce qu’il voit le regarde à son tour. […] Où chante une voix douce, Il regarde toujours ! […] Elle, bonne et puissante, et de son trésor pleine, Sous leurs mains par moments faisant frémir à peine Son beau flanc plus ombré qu’un flanc de léopard, Distraite, regardait vaguement quelque part5.
Regardez cette tête, où la Divinité Semble imprimer ses traits. […] Les critiques ont regardé constamment le discours comme le premier ou le principal des arts d’imitation, et c’est avec raison qu’ils lui donnent, à certains égards, la préférence, lorsqu’ils le comparent à la peinture et à la sculpture. […] Cependant quand le poète ou l’historien introduisent dans leurs ouvrages un personnage qui parle réellement ; quand, par les discours qu’ils lui prêtent, ils lui font dire ce qu’il est supposé avoir dit en effet, l’art de l’écrivain peut être plus strictement regardé comme imitation, et c’est le cas où se trouve l’art dramatique ; mais cette dénomination rigoureuse ne peut convenir ni aux narrations, ni aux descriptions10.
Voici comme Thomas décrit les devoirs et les travaux de l’homme d’état : « Il doit gouverner comme la nature, par des principes invariables et simples ; bien organiser l’ensemble, pour que les détails roulent d’eux-mêmes : pour bien juger d’un seul ressort, regarder la machine entière, calculer l’influence de toutes les parties les unes sur les autres, et de chacune sur le tout ; saisir là multitude des rapports entre des intérêts qui semblent éloignés ; faire concourir les divisions même à l’harmonie du tout ; veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux qu’entraînent l’embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature, et de ce qui cesse de l’être par les passions ». […] Ce sont à la vérité des taches, et des taches beaucoup trop nombreuses dans ses éloges académiques ; mais il était aisé de les faire disparaître ; et quand il veut s’interdire ces écarts d’imagination, personne ne l’égale dans l’art de rendre non seulement intelligibles, mais agréables, des matières regardées jusqu’alors comme inabordables aux esprits ordinaires. […] Regarde maintenant ; vois-tu ces grands corps qui de loin te paraissent mus d’une manière uniforme ?
L’autre reste atterré dans sa douleur muette, Et du terrible mat à regret convaincu, Regarde encor longtemps le coup qui l’a vaincu. […] C’est en cela que consiste l’achèvement ; par exemple, dans l’Iliade, la réconciliation d’Achille avec Agamemnon peut être regardée comme le dénouement ; mais Homère ne pouvait pas s’arrêter là. […] Homère a cependant mis un second achèvement, et qui ne regarde plus du tout ni l’action générale, ni les autres personnages du poème, en ajoutant ses deux derniers chants. […] Le merveilleux, qu’on regarde comme essentiel à la grande épopée, a dans cette règle un sens particulier qu’il faut connaître. […] Les premiers sont regardés comme des êtres physiques, subsistants et agissants : tels sont Jupiter, Cupidon, Satan, le géant Adamastor dans les Lusiades.
Ils leur faisaient surtout sentir que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre ; que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible, et que la justice pour autrui est une charité pour nous. […] Le peuple Troglodite se regardait comme une seule famille : les troupeaux étaient presque toujours confondus ; la seule peine qu’on s’épargnait ordinairement, c’était de les partager. Tant de prospérités ne furent pas regardées sans envie. […] Mais nous jurons, par ce qu’il y a de plus sacré, que, si vous entrez dans nos terres comme ennemis, nous vous regarderons comme un peuple injuste, et que nous vous traiterons comme des bêtes farouches. » Ces paroles furent renvoyées avec mépris ; ces peuples sauvages entrèrent armés dans la terre des Troglodites, qu’ils ne croyaient défendue que par leur innocence.
Ne regardons pas les prédications comme un divertissement de l’esprit ; n’exigeons pas des prédicateurs les agréments de la rhétorique, mais la doctrine des Ecritures. […] La mort de Madame prouve que tout est vain si nous regardons le cours de notre vie mortelle, que tout est précieux et important si nous regardons le terme où elle aboutit et les destinées immortelles qui nous sont réservées. […] De quels yeux regardèrent-ils le jeune prince, dont la victoire avait relevé la haute contenance, à qui la clémence ajoutait de nouvelles grâces ! […] Regarde ce divin charpentier avec la scie, avec le rabot, durcissant ses tendres mains dans le maniement d’instruments si grossiers et si rudes.
Ne regardons pas les prédications comme un divertissement de l’esprit ; n’exigeons pas des prédicateurs les agréments de la rhétorique, mais la doctrine des Écritures. […] C’est pourquoi tout est surprenant, à ne regarder que les causes particulières ; et néanmoins tout s’avance avec une suite réglée1. […] Je passe tous les siècles et toutes les évolutions ou révolutions de la nature : je vous regarde comme vous étiez avant tout commencement et de toute éternité, c’est-à-dire que je vous regarde comme vous êtes, car vous êtes ce que vous étiez ; la créature a changé, mais vous, Seigneur, vous êtes toujours ce que vous êtes. Je laisse donc toute créature, et je vous regarde comme étant seul avant tous les siècles. […] Regarde qu’il n’y a rien d’assuré pour toi, non pas même un tombeau pour graver dessus tes titres superbes, seuls restes de ta grandeur abattue : l’avarice ou la négligence de tes héritiers le refuseront peut-être à ta mémoire ; tant on pensera peu à toi quelques années après ta mort !
Si vous supportez avec peine la mort de Commode, il ne faut pas regarder comme extraordinaire qu’il ait péri ; il était homme, il devait donc mourir. […] Achille étonné frémit à l’aspect du noble vieillard : tous les guerriers se regardent en silence. […] Mais si je meurs avant le temps, je regarde cela comme un avantage. […] Enfin, si vous me regardez comme un malhonnête homme, pourquoi me recherchez-vous ? […] tu regardais comme utile de te laisser duper par des devins ?
regardez son visage. […] Bacon regarde notre goût pour les histoires fictives comme une preuve de la grandeur et de la dignité de l’esprit humain. […] L’on regarde Théocrite et Virgile comme les pères de la poésie pastorale. […] On doit les regarder comme l’une des meilleures productions de la poésie française. […] On regarde même cette méthode comme nécessaire dans une composition épique, et elle offre d’ailleurs plusieurs avantages.
On doit les regarder plutôt comme des jeux littéraires, comme des passe-temps de société, que comme des productions dignes d’un vrai talent poétique. […] Si elles ne sont pas aussi parfaites que possible, on les regarde comme mauvaises. […] Outre les règles précédentes, qui regardent la forme mécanique du sonnet, il y a des règles très importantes qui concernent sa forme naturelle. […] En voici quelques exemples ; le premier peut être regardé comme le modèle des logogriphes latins : Sume caput, curram ; ventrem conjunge, volabo ; Adde pedes, comedes ; et sine ventre, bibes.
Quand les consuls regardaient le Capitole, le temple de Jupiter se montrait à eux au-dessus des destinées de la République, et, si chère que Rome leur fût, telle place qu’elle occupât dans leurs cœurs, ils entendaient une voix obscure qui leur demandait davantage et leur prophétisait au delà. […] Ainsi, aux jours du moyen âge, on voyait des chrétiens quitter leur patrie pour se donner à quelque cathédrale qui se bâtissait sur les bords d’un fleuve étranger ; contents de leur journée, parce qu’elle avait servi, ils regardaient, le soir, de combien l’œuvre s’était avancée vers Dieu, et, lorsque, après vingt ou trente ans d’un obscur travail, la croix brillait au sommet du sanctuaire élevé de leurs mains, ils y jetaient un dernier regard, et, prenant leurs enfants et leurs souvenirs, ils s’en allaient, sans laisser leur nom, mourir en paix dans la bienheureuse pensée d’avoir fait quelque chose pour Dieu1. […] Heureusement la Providence de la parole le couvre de ses fécondes ailes ; elle se penche incessamment vers lui, le regarde, le touche, et par ses frémissements essaye d’éveiller cette âme endormie. […] N’y eût-il qu’une âme attentive à la mienne, je lui devrais de ne pas la contrister ; mais lorsque, par suite d’une providence divine, on est le lien de beaucoup d’âmes, le point qu’elles regardent pour s’affermir et se consoler, il n’y arien qu’on ne doive faire pour leur épargner les défaillances et les amertumes du doute. […] Loin de se regarder tous comme ne faisant entre eux qu’une même famille, dont les intérêts doivent être communs, il semble, ô mon Dieu, que dans ce monde corrompu les hommes ne se lient ensemble que pour se tromper mutuellement et se donner le change.
Austérité, qui, dans le rang où le ciel l’avait fait naître, doit être regardée comme un miracle de la grâce. […] On admire son Oraison funèbre du Duc et de la Duchesse de Bourgogne ; et l’on regarde celle du Maréchal de Luxembourg, comme une des plus belles que nous ayons. […] Voilà proprement la science qui lui est indispensable, et qu’il doit regarder comme le fondement nécessaire de l’édifice. […] Il y a un très bon ouvrage qu’on peut regarder comme faisant partie de l’éloquence du barreau, parce qu’il est exactement dans le genre judiciaire. […] Ils peuvent être regardés comme des mémoires pour servir à l’histoire des lettres.
Nous autres personnes du commun, nous regardons les grands seigneurs avec une prévention qui leur prête souvent un air de grandeur que la nature leur a refusé1. […] J’embrassai de bon cœur ses jambes cagneuses, et je me regardai comme un homme qui était en train de s’enrichir. « Oui, mon enfant, reprit l’archevêque, dont mon action avait interrompu le discours, je veux te rendre dépositaire de mes plus secrètes pensées. […] Je vous regarde comme un autre cardinal Ximenès1, dont le génie supérieur, au lieu de s’affaiblir par les années, semblait en recevoir de nouvelles forces. — Point de flatterie, interrompit-il, mon ami.
Pour les autres grands du royaume, comme ils étaient sans pouvoir, leur bonne ou mauvaise volonté n’était pas regardée. […] Qu’elle regarde de tous côtés : tout a besoin de sa main, mais d’une main douce, tendre, salutaire, qui ne tue point pour guérir, qui secoure, qui corrige et répare la nature sans la détruire. […] La mort de Madame prouve que tout est vain si nous regardons le cours de notre vie mortelle, que tout est précieux et important si nous regardons le terme où elle aboutit et les destinées immortelles qui nous sont réservées. […] C’est pourquoi, quand je vous ai dit que la grandeur et la gloire n’étaient parmi nous que des noms pompeux, vides de sens et de choses, je regardais le mauvais usage que nous faisons de ces termes. […] Est-ce vous qu’en coupable il me faut regarder ?
Il regarde ses jambes, il se voit au miroir, on ne peut être plus content de sa personne qu’il ne l’est de lui-même, etc. […] Regardez si je ferai jamais de beaux discours qui me valent tant, et, s’il n’eût pas été bien mal à propos qu’en cette occasion, sous ombre que je suis à l’Académie, je me fusse piqué de parler bon français. […] Buffon regarde comme opposée au naturel la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes. […] Buffon la regarde comme facile à acquérir par la lecture des poètes et des orateurs. […] Un schisme littéraire, qui a exercé une grande influence sur le style, et que nous regardons comme une véritable maladie dont les lettres sont atteintes, s’est manifesté dans notre siècle.
Mais vous, qui raffinez sur les écrits des autres, De quel œil pensez-vous qu’on regarde les vôtres ? […] J’ai peu lu ces auteurs ; mais tout n’irait que mieux, Quand de ces médisants l’engeance tout entière Irait, la tête en bas, rimer dans la rivière. » Voilà comme on vous traite : et le monde effrayé Vous regarde déjà comme un homme noyé. […] La Nuit baisse la vue, et, du haut du clocher, Observe les guerriers, les regarde marcher… « Ils triomphent ! […] Cette pièce est de 1667 : Boileau y atteignit la perfection de la satire ; car elle sera toujours regardée comme un modèle où l’élégance et le bon ton s’allient à une plaisanterie ingénieuse et piquante.
Paris et Montaigne Ie ne me mutine1 iamais tant contre la France, que ie ne regarde Paris de bon œil. […] Regardons à terre les pauures gens que nous y voyons espandus6, la teste panchante apres leur besongne : qui ne sçauent ny Aristote ny Caton7, ny exemple ny precepte. […] Ie les abbruve11 partout ; et regarde seulement qu’ils ayent12 assez de chemin de reste, pour battre leur eau13. […] Son humeur visoit encores à une aultre fin : de me rallier avecques le peuple et cette condition d’hommes qui a besoing de nostre ayde ; et estimoit que je feusse tenu de regarder plustost vers celuy qui me tend les bras que vers celuy qui me tourne le dos : et feut cette raison pour quoy5 aussi il me donna à tenir sur les fonts6 à des personnes de la plus abjecte fortune, pour m’y obliger et attacher.
Cependant tout ce qui est vrai ou regardé comme tel, n’est pas toujours propre à être exposé sur le théâtre. […] Les autres, formant ce qu’on a appelé l’école romantique ou moderne, rejettent les unités de temps et de lieu, et ne retiennent que l’unité d’action, qui est regardée comme essentielle par h plus grand nombre. […] Il faut que ce soit une passion véritablement tragique, regardée comme une faiblesse et combattue par des remords. […] Plusieurs critiques ne veulent point regarder la comédie héroïque comme un genre distinct, parce qu’ils pensent que le caractère d’un drame vient moins de la condition des personnages que du rôle qu’on leur fait jouer. […] D’un autre côté, Corneille et Marmontel regardent le genre larmoyant comme étant peut-être plus utile aux mœurs que la tragédie, parce qu’il nous intéresse de plus près, et qu’ainsi les exemples qu’il nous propose nous touchent plus sensiblement.