Ce n’étaient point des orateurs de profession : ce n’est point dans les écoles des rhéteurs qu’ils s’étaient formés à l’art de bien dire ; mais l’habitude et la nécessité de parler souvent en public, et surtout la disposition naturelle de ces âmes ardentes au grand et au sublime, en faisaient des hommes éloquents, dont Thucydide a recueilli des traits infiniment précieux. […] Ce qui les distinguait surtout, c’était l’art de parler, sur-le-champ, avec la plus grande facilité ; et ce genre de mérite convenait à l’imagination ardente et légère d’un peuple que le sentiment et la pensée frappaient rapidement, et dont la langue féconde et facile semblait courir au-devant des idées. […] Si Platon en fait un grand éloge, Aristote dit, en propres termes, qu’il est honteux de se taire, lorsqu’Isocrate parle, etc. […] Il pensa, parla et vécut toujours pour la liberté de son pays, et travailla quarante ans à ranimer la fierté d’un peuple devenu, par sa mollesse, le complice de ses tyrans.
À dire le vrai, Monseigneur, vous seriez injuste si vous pensiez faire les choses que vous faites sans qu’il en fût autrement question, ni que l’on prît la liberté de vous en parler. […] Il n’y a pas jusqu’à Mlle de Beaumont4 qui ne parle en votre faveur. […] que je vous parle avec cette liberté. […] Cette lettre, dont nous ne pouvons donner qu’un fragment, s’adressait à la France entière, et parle comme la postérité.
La langue de Platon lui devint familière comme la sienne ; l’éloquence lui apprit à parler aux hommes ; l’histoire lui apprit à les juger ; l’étude des lois lui montra la base et le fondement des états : il parcourut toutes les législations, et compara ensemble les lois de tous les peuples. […] Il remarqua comme un des jours les plus heureux de sa vie celui de son enfance où il entendit, pour la première fois, parler de Caton ; il regarda avec reconnaissance les noms de ceux qui lui avaient fait connaître Brutus et Thraséas ; il remercia les dieux d’avoir pu lire les Maximes d’Épictète : son âme s’unissait à ces âmes extraordinaires qui avaient existé avant lui. […] Tout à coup l’un d’eux (c’était le premier magistrat d’une ville située au pied des Alpes) éleva sa voix : « Orateur, dit-il, tu nous as parlé du bien que Marc-Aurèle a fait à des particuliers malheureux ; parlerons-nous de celui qu’il a fait à des villes et à des nations entières. […] pardonne ; je te parle au nom des dieux, au nom de l’univers qui t’est confié ; je te parle pour le bonheur des hommes et pour le tien.
Le plus souvent c’est le ton de la voix et la connaissance des sentiments de celui qui parle et de ceux à qui il parle, qui nous révèlent l’ironie. […] Cic. — Tacere, se taire, quand on pourrait ou l’on devrait parler. […] Au figuré, célèbre, illustre. — Inclytus (de in et ϰλυω, audio), dont on parle beaucoup. […] Fari (de φηµι, parler), user de la faculté de parler, de produire ses idées, ne fût-ce que par un mot. De là infans (de in, priv., et fans, part. prés.), enfant qui ne parle pas.
Ici encore il convient de bien savoir qui l’on fait parler et à qui l’on parle. […] Elle parle du sublime de Corneille. […] Je ne vous parlerai pas du style, qui est partout admirable. […] Nous connaissons les personnages, écoutons-les parler. […] C’est à qui parlera davantage.
Exemples : On ne doit jamais parler de soi. […] 129. — Il faut dire : c’est en Dieu que nous devons mettre notre espérance, et non pas en qui ; c’est à vous-même que je veux parler, et non pas à qui je veux. […] 135. — Celui-ci, celui-là, s’emploient de cette manière : celui-ci, pour la personne dont on a parlé en dernier lieu ; celui-là, pour la personne dont on a parlé en premier lieu.
Il savait toutes les langues de l’Europe et n’en parlait aucune avec agrément, ayant beaucoup plus de réflexion dans l’esprit que d’imagination. […] Cependant, comme on a observé que quand ils parlent, le récit est plus vif et plus animé, les historiens ont employé de temps en temps la forme dramatique pour égayer la monotonie du récit. […] Nous ne parlerons point de l’intérêt qui tient au fond des choses ; il n’en est point de plus grand, de plus noble, de plus vif, de plus varié, dans aucune narration. […] Il parle des desseins de Dieu avec dignité, de ses ministres avec circonspection ; il blâme et loue par les actions ; partout il laisse voir un bon esprit, une piété éclairée, un cœur droit53. […] Par rapport à l’étendue du sujet, elle est universelle ou générale, s’il est question du genre humain tout entier ; nationale, si l’on parle d’une nation ; particulière, si l’on s’occupe d’une ville ou même d’un individu.
Vous avez, par exemple, à parler de la république. […] Ce topique se confond souvent avec le précédent, et, en effet, à parler exactement, qu’est-ce que la définition ? […] La rhétorique, comme la logique, peut comparer le sujet ou l’idée à traiter à cette campagne dont parle Condillae, que l’on embrasse, il est vrai, d’un coup d’œil, mais que l’on ne peut ni bien connaître soi-même, ni expliquer aux autres, si, semblable à des hommes en extase, on continue de voir à la fois cette multitude d’objets différents, sans étudier chaque partie l’une après l’autre. […] Quintilien parle très-bien à ce propos : « J’appelle autorité, dit-il, l’opinion d’une nation, d’hommes renommés pour leur sagesse, de garuds citoyens, d’Illustres poëtes, je n’exclus pas même les proverbes, car ils ne sont pas sans utilité. […] Si, par exemple, je veux parler des misères de la vie, ne ferai-je pas impression sur les esprits en alléguant la pratique de ces nations qui pleurent sur ceux qui uaissent, et mêlent la joie aux funérailles ?
Il est inutile de parler de nos traités. […] Ce n’est pas tout d’avoir lu l’ouvrage ; il faut le bien comprendre, et, avant de porter un jugement sur ce qu’il contient, avoir au moins une idée juste des choses dont on veut parler. […] Après qu’on a lu un certain nombre de pages, tout vous échappe ; on sait seulement que l’auteur a dit des choses ingénieuses, et a souvent parlé en orateur. […] parle ; te voilà tout troublé. […] Dis donc, si tu veux ; parle clairement.
La forme ici peut faire illusion, mais on comprend bien vite que ce ne sont pas de vraies lettres : c’est un auteur qui parle au public. […] On dit ordinairement que, dans une lettre, il faut écrire comme on parle ; oui, mais à condition qu’on parle bien : on peut même dire que le style d’une lettre doit être un peu plus soigné que celui de la conversation, car on a le temps d’arranger ses idées, de choisir ses expressions. […] Ne me parlez point d’argent ni de dettes ; je vous ferme la bouche sur tout. […] Ne me parlez point de vos environs ; voulez-vous comparer Albano et Gonesse, Tivoli et Saint-Ouen ? […] Vous parlez de moi quelquefois, et vous vous ennuyez : vivat !
Monsieur, cette dernière ci m’emporte, et je ne puis m’empêcher de parler. […] Comment pourra-t-il se mettre en fureur, ou verser des larmes, lorsqu’il me verra tranquille, ou quand je lui parlerai avec les yeux secs ? […] On ne parle point à des jeunes gens comme à des gens d’un âge mur, à des militaires comme à des magistrats, à des femmes comme à des hommes graves. […] Alors il y a une harmonie parfaite dans tout notre être : est-ce la raison qui nous parle ? […] Mais parle ; de son sort qui t’a rendu l’arbitre ?
Nous aurons à parler des différents acteurs de l’épopée, héros principal et personnages secondaires plus ou moins importants, de leur nombre, et des qualités qu’ils doivent avoir. […] Le caractère est une disposition naturelle qui porte à penser, à parler et à agir d’une manière plutôt que d’une autre. […] A chaque trait, à chaque mot, le poète, qui aura toujours son héros devant les yeux, devra se demander s’il a pu agir ou parler ainsi dans telle occasion. […] Ne faites point parler vos acteurs au hasard, Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard. […] Homère a fait parler des chevaux, mouvoir des statues, marcher des trépieds.
Parlerai-je d’Iris ? […] Paraît-il, on l’embrasse : il parle, on se récrie : Fût-il un Durosoy4, tout Paris l’applaudit ; C’est un auteur divin, car nos dames l’ont dit. […] Enfin, dans son livre de Stello, M. de Vigny a parlé de Gilbert ainsi que d’A. […] Molière avait parlé à peu près de même dans les Femmes savantes.
Jamais la probité d’un citoyen n’a parlé plus brave et plus loyal langage. […] C’est pourquoy je me donne au plus viste des Diables8, que si aucun de mon gouvernement s’ingere à parler de paix, je le courray9 comme un loup gris10. […] Je voy je ne sçai quels degoustez de nostre noblesse qui parlent de conserver la religion et l’Estat tout ensemble : et que les Espagnols perdront à la fin l’un et l’autre si on les laisse faire. […] Qu’on ne me parle point là-dessus du poinct d’honneur, je ne sçai que6 c’est ; il y en a qui se vantent d’estre descenduz de ces vieux chevaliers François qui chasserent les Sarrazins d’Espagne et remirent le Roy Pierre en son Royaume7 : les autres se disent estre de la race de ceux qui allerent conquerir la terre saincte avec Sainct Loys : les autres de ceux qui ont remis les Papes en leur Siege par plusieurs fois, ou qui ont chassé les Anglois de France et les Bourguignons de la Picardie ; ou qui ont passé les monts, aux conquestes de Naples et de Milan, que le roy d’Espagne a usurpé sur nous.
Molière a dit dans le Misanthrope : Ce style figuré, dont on fait vanité, Sort du bon caractère et de la vérité ; Ce n’est que jeux de mots, qu’affectation pure, Et ce n’est pas ainsi que parle la nature. Sans doute le sonnet d’Oronte et les façons de dire des marquis de Mascarille n’étaient point le langage des honnêtes gens du xviie siècle, et ce n’est pas ainsi que parlaient Montausier, Boileau ou Fénelon ; mais, loin d’être un résultat du raffinement social, ce que les rhéteurs nomment en généra le style figuré est si bien dans la nature, qu’on ne rencontre guère de peuple primitif qui n’en use et n’en abuse en toute occasion. […] Sans les figures, le langage, sec et incolore, peut parler encore à la raison, mais il laisse l’imagination froide et inanimée. […] Dumarsais donne des figures une idee juste au fond, mais qui pourrait être mieux présentée : « Les figures, dit-il, sont des manières de parler distinctement des autres par une modification particulière, qui fait qu’on les réduit chacune à une espèce à part, et qui les rend ou plus vives, ou plus nobles, ou plus agréables que les manières de parler qui expriment le même fond de pensée, sans avoir d’autre modification particulière. » Préférez-vous la définition de M.
L’âne vint à son tour, et dit : « J’ai souvenance Qu’en un pré de moines passant, La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense, Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net2» A ces mots, on cria haro1 sur le baudet. […] Je le dis aux rochers ; on veut d’autres discours : Ne pas louer son siècle est parler à des sourds. […] Sosie parle à peu près ainsi dans l’Amphitryon de Molière : Selon ce que l’on peut être, Les choses changent de nom. […] Il s’agit de cette race, ardelionum natio , dont a parlé Phèdre, Fab. […] Horace avait ainsi parlé des imitateurs, Ep.
Répondez, cieux et mers, et vous, terre, parlez. […] Et ne t’afflige pas si les leurs sont si courts : Toute plante en naissant déjà renferme en elle D’enfants qui la suivront une race immortelle2 ; Chacun de ces enfants, dans ma fécondité, Trouve un gage nouveau de sa postérité. » Ainsi parle la terre ; et, charmé de l’entendre, Quand je vois par ces nœuds que je ne puis comprendre Tant d’êtres différents l’un à l’autre enchaînés, Vers une même fin constamment entraînés, A l’ordre général conspirer tous ensemble, Je reconnais partout la main qui les rassemble, Et d’un dessein si grand j’admire l’unité Non moins que la sagesse et la simplicité. […] Ou parle clairement, ou ne parle jamais. […] Racine parle d’après Descartes, ou bien encore d’après Platon et Cicéron : on peut voir notamment les Tusculanes, liv.
Si donc la disposition forme la seconde partie de la rhétorique, ce n’est, pour ainsi parler, qu’au point de vue chronologique ; sous le rapport de la valeur et de l’utilité, elle est assurément sur la même ligne que la première. […] Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés qu’il sème dans les détails, comme l’ensemble choquera, ou ne se fera pas assez sentir, l’ouvrage ne sera point construit… C’est par cette raison que ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu’ils parlent bien, écrivent mal ; que ceux qui s’abandonnent au premier feu de leur imagination prennent un ton qu’ils ne peuvent soutenir ; que ceux qui craignent de perdre des pensées isolées, fugitives, et qui écrivent en différents temps des morceaux détachés, ne les réunissent jamais sans transitions forcées ; qu’en un mot il y a tant d’ouvrages faits de pièces de rapport, et si peu qui soient fondus d’un seul jet. » Les interruptions, les repos, les sections peuvent être utiles au lecteur, elles le délassent et lui indiquent les temps d’arrêt, mais il ne doit pas y en avoir dans l’esprit de l’auteur. […] Comme Protée résiste aux prières des mortels, strophe 1, et le prêtre de Delphes au Dieu qui l’agite, strophe 2, ainsi, quand l’enthousiasme poétique veut s’emparer de moi, je lutte longtemps pour échapper à sa puissance, strophe 3, mais une fois vainqueur, il m’enlève jusqu’au sublime ; Ce n’est plus un mortel, c’est Apollon lui-même Qui parle par ma voix. […] Et qu’est donc devenu le Pindare de tout à l’heure, le poëte qui, prenant sa mission au sérieux, luttait contre le Dieu, et ne cédait enfin que pour laisser Apollon lui-même parler par sa voix ? […] Les occasions préviennent presque leurs désirs : leurs regards, si j’ose parler ainsi, trouvent partout des crimes qui les attendent : l’indécence du siècle et l’avilissement des cours honorent même d’éloges publics les attraits qui réûssissent à les séduire : on rend des hommages indignes à l’effronterie la plus honteuse : un bonheur si honteux est regardé avec envie, au lieu de l’être avec exécration ; et l’adulation publique couvre l’infamie du crime publie.
En un mot, quelque sujet que traite le poète ; dans quelque situation qu’il se trouve, il doit agir et parler, faire agir et faire parler ses personnages aussi régulièrement, aussi parfaitement qu’on peut agir et parler dans une pareille circonstance. […] J’observerai seulement que les vers, à rimes suivies, manquent d’harmonie, 1º quand les rimes masculines ont une trop grande convenance de son avec les féminines, comme dans ceux-ci de Racine : Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix, Souffrez que j’ose ici me flatter de leur choix, Et qu’à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie De voir le fils d’Achille, et le vainqueur de Troie. […] ——————————— La Mollesse152 oppressée Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée, Et lasse de parler, succombant sous l’effort, Soupire, étend les bras, ferme l’œil et s’endort. […] Quand il offre aux yeux un spectacle, en introduisant des personnages qui parlent et qui agissent, c’est la poésie dramatique. […] Le poète épique présente, en bien des endroits, ses personnages qui parlent et qui agissent.
Leur langue, mâle et énergique, manque de souplesse et d’harmonie : les durs laboureurs du Latium ont le parler ferme et bref des futurs conquérants du monde : brevitas imperatoria. […] Quand il parle devant le peuple, il a pour piédestal les rostres, pour horizon les temples des dieux et les arcs de triomphe bâtis avec les dépouilles des ennemis. […] Ils ignoraient la rhétorique et mettaient le bien faire au-dessus du bien parler ; mais en revanche ils savaient frapper l’ennemi, défendre leurs enseignes, obéir aux lois. […] Il ne s’oublie pas quand il parle, comme fait l’Athénien. […] Quand il s’agit d’arracher au Sénat un arrêt de mort contre les complices du conspirateur, il s’attendrit, il parle avec émotion de ses dangers, de l’anxiété de sa famille, de la désolation des bons citoyens.
Considérée étymologiquement, elle ne signifie que l’art de parler, mais le sens de ce mot s’est modifié et étendu, et exprime aujourd’hui l’art d’écrire tout entier, quel que soit le sujet traité et la forme employée. […] Souvent on peint mieux les personnages en les faisant parler que par des portraits proprement dits. […] Les règles du dialogue parlé s’appliquent presque toutes aux lettres ou épîtres qui sont, en général, une sorte de dialogue par écrit. […] Toutes les figures dont on vient de parler rapprochent des idées semblables. […] La prétérition, quand on énonce les idées en disant qu’on n’en parlera pas.
Parmi les auteurs modernes, le baron de Puffendorf me paroît être celui qui a le mieux établi les principes raisonnés de la morale dont je parle ici, dans ses Devoirs de l’homme et du citoyen. […] Jamais la vertu n’a parlé un si doux langage : jamais la sagesse la plus profonde ne s’est exprimée avec autant d’énergie et de vérité : « La majesté des Ecritures m’étonne, dit J. […] Rousseau lui-même (a) : la sainteté de l’Evangile parle à mon cœur. […] Il faut joindre à cet excellent traité les Pensées sur la religion, par Pascal, homme de génie, qui nous apprend à parler peu, et à dire beaucoup. […] Ce sont des méditations pour tous les jours de l’année, partagées en deux points, courtes, pleines de choses, et qui n’occupent, au nombre de trois cent soixante-six, qu’un seul volume in-12 … Quand je parle de la méditation, je la distingue fort de l’oraison.
Nul n’a fait davantage éprouver au lecteur cette illusion dont parle Horace. […] Veille auprès de Pyrrhus ; fais-lui garder sa foi : S’il le faut, je consens qu’on lui parle de moi ; Fais-lui valoir l’hymen où je me suis rangée : Dis-lui qu’avant ma mort je lui fus engagée ; Que ses ressentiments doivent être effacés ; Qu’en lui laissant mon fils, c’est l’estimer assez. Fais connaître à mon fils les héros de sa race ; Autant que tu pourras conduis-le sur leur trace ; Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté, Plutôt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils ont été : Parle-lui tous les jours des vertus de son père, Et quelquefois aussi parle-lui de sa mère. […] Mais parle : de son sort qui t’a rendu l’arbitre ? Mais parle : de son sort qui t’a rendu l’arbitre ?
Un auteur n’écrit que pour être lu ; par là même il contracte une dette envers celui qui prend la peine de le lire, et il n’a qu’un moyen de s’acquitter, c’est de lui offrir un sujet qui puisse l’amuser, l’instruire ou le toucher, qui parle à son imagination, à son intelligence ou à son cœur. […] On relit Don Quichotte, Gil Blas, Ivanhoe, le Vicaire de Wakefield, tout ce qui parle à l’esprit et au cœur ; mais à quel homme ingénieux est-il venu en tête de relire un roman d’Anne Radcliffe, par exemple ? j’aime mieux ne parler que des morts. […] Sans parler de notre siècle, où les Ailes d’Icare ne sont pas seulement un roman, mais l’histoire de chaque jour, Boileau, oubliant ses propres préceptes, ne méconnaissait-il pas son génie, ne s’ignorait-il pas lui-même, quand il composait l’Ode sur la prise de Namur ; Molière, quand il se faisait le panégyriste du Val de Grâce ; la Fontaine, quand il chantait le quinquina ou la captivité de Saint-Malc ; Corneille, quand il luttait contre Racine, dans Tite et Bérénice, ou contre le mystique anonyme du moyen âge, dans la traduction en vers de l’Imitation de Jésus-Christ ?
Parlons d’abord du poète, de ces Tragiques, monument unique en notre Histoire, étrange épopée où d’Aubigné se fait le Tyrtée, l’Homère huguenot de la guerre civile. […] J’estime que pour les 1200 escus, nous ferions bien les engins pour parler de ma maison du Crest1 à la vostre d’Aubonne. […] Encore faut-il vous dire que le secret est aussi puissant pour parler de Londres à Paris, voire à Madric2, qu’au travers de trois murailles où vous l’avez veu essayer. Mais il y a deux grandes incommoditez en choses si eslognees : la premiere est le coust, car ne pourroit faire de Londres à Paris qu’il ne coustast 20000 livres ; l’aultre poinct est qu’il fault avoir des logis où celui qui parle et qui manie l’affaire soit hors de danger d’estre veu par une porte ou planche persee, et ces choses se faisant sous la puissance d’autruy, le secret vaut bien la peine d’une violence, puisque c’est un morceau de Roy.
Marche, va les détruire, éteins-en la semence ; Et suis jusqu’à la fin ton courroux généreux, Sans jamais écouter ni pitié ni clémence, Qui te parle pour eux6. […] Le lion de La Fontaine parle ainsi au moucheron : Va-t’en, chétif insecte, excrément de la terre. […] Voiture parlait ainsi de Richelieu : « Oui, lorsque dans deux cents ans, ceux qui viendront après nous liront en notre histoire que le cardinal de Richelieu a démoli la Rochelle et abattu l’hérésie, et que par un seul traité, comme par un coup de rets, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lorsqu’ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglais ont été battus et chassés, Pignerol conquis, Cazal secouru, toute la Lorraine jointe à cette couronne, la plus grande partie de l’Alsace mise sous notre pouvoir, les Espagnols défaits à Veillane et à Avein ; et qu’ils verront que, tant qu’il a présidé à nos affaires, la France n’a pas un voisin sur lequel elle n’ait gagné des places ou des batailles : s’ils ont quelque goutte de sang français dans les veines et quelque amour pour la gloire de leur pays, pourront-ils lire ces choses sans s’affectionner à lui, et, à votre avis, l’aimeront-ils ou l’estimeront-ils moins, à cause que, de son temps, les rentes sur l’Hôtel de Ville se seront payées un peu plus tard, ou que l’on aura mis quelques nouveaux officiers à la chambre des comptes ? […] Immortels, le classique Malherbe parle ici en païen.
Si dans les anciens concours trois concurrents présentaient chacun trois tragédies (sans parler des drames satyriques), le total de ces tragédies devait égaler à peu près l’Iliade en longueur d’un autre côté, en admettant que l’usage des trilogies dramatiques fût aboli au temps d’Aristote, mais qu’il y eût cinq concurrents, cela ferait environ 8000 vers pour un seul concours. […] Aristote parle évidemment pour des gens qui savaient toutes ces choses. […] Batteux, dans ses Remarques, ne parle pas même de cet exemple, et il en donne un autre, qui est de l’invention d’Heinsius.
Leur règle n’est pas de parler juste, mais de faire des figures justes. » Vous savez ce que l’on nomme en logique enthymème : c’est un syllogisme tronqué, dont on a retranché ou la majeure, ou la mineure, ou la conclusion. […] Tout le monde sait ce que l’on entend par ironie ; j’en ai déjà parlé, à propos de la réfutation, et le mot, comme la chose, appartient au langage usuel. […] Vous la comprendrez encore mieux, si vous avez vu Andromaque, je ne dirai pas jouée, mais exécutée, accomplie, performed, comme parlent les Anglais, par Mlle Rachel. […] Deux observations applicables à l’épitrope comme à l’ironie : c’est d’abord de les présenter de façon que le lecteur ou l’auditeur ne s’y trompe pas, ne s’avise point de prendre vos paroles à la lettre, et ne puisse même supposer un instant que vous parlez sérieusement. […] Quel débris parle ici de votre résistance ?
Il semble qu’on n’a jamais parlé une meilleure langue, plus pure, plus limpide, plus naturelle, convenant mieux à la prompte communication des sentiments et des idées, pourvu que ces idées ne soient pas trop hautes, ni ces sentiments trop profonds ; car ils briseraient de toutes parts cette légère enveloppe, tandis qu’elle va merveilleusement à la taille de la société nouvelle, qui succède à la grande société du dix-septième siècle. […] Ce qu’il y a de vrai dans cette opinion, c’est qu’une œuvre d’art n’est belle qu’à la condition d’être vivante, et, par exemple, la loi de l’art dramatique est de ne point mettre sur la scène de pâles fantômes du passé, mais des personnages empruntés à l’imagination ou à l’histoire, comme on voudra, pourvu qu’ils soient animés, passionnés, qu’ils parlent et agissent comme il appartient a des hommes et non à des ombres. […] Il nous enlève1 aux misères qui nous assiégent, et nous transporte en des régions où nous nous retrouvons encore (car nous ne voulons jamais nous perdre de vue), mais où nous nous retrouvons transformés à notre avantage, où toutes les imperfections de la réalité ont fait place à une certaine perfection, où le langage que l’on parle est plus égal et plus relevé, où les personnages sont plus beaux, où même la laideur n’est point admise, et tout cela en respectant l’histoire dans une juste mesure, surtout sans sortir jamais des conditions impérieuses de la nature humaine. […] Mais ne parlait-il pas naturellement ce beau langage qu’il retrouvait chez les contemporains de Pascal ? […] Il s’était fait comme une habitude de l’éloquence ; car il ne pouvait guère écrire ou parler sans reproduire les deux caractères de son talent, la grandeur et la passion. » 2.
Introduction entretiens familiers sur l’éloquence I Je ne viens pas vous parler des règles de la Rhétorique : vous les trouverez dans vingt traités, et vos maîtres vous les expliqueront mieux que moi. […] Vous le rencontrez, sa figure parle ; l’horreur, la colère, la pitié sortent de tous ses traits. […] Écoutez un artiste vous parler des choses de son art, un plaideur de son procès, un amateur de sa collection, un sportman de son écurie : tous ces gens-là sont éloquents, — et cependant ils ne sont pas orateurs. […] vous avez devant vous un jury composé de bourgeois et de paysans, pour qui un attentat à la propriété est le plus grand des crimes, que le seul mot d’incendie fait frémir pour leurs maisons, leurs récoltes, leurs troupeaux, et, au lieu de vous présenter avec le calme de la confiance, au lieu de dire : Messieurs, le hasard ne pouvait m’offrir pour mon début une affaire plus simple, où l’innocence de l’accusé éclatât plus manifestement et fût plus facile à démontrer, — vous allez parler de votre âge, de votre inexpérience, de la difficulté du procès ; vous allez appeler sur vous l’indulgence de ces braves gens, résolus d’avance à punir, je ne dirai pas le crime, mais l’ombre du crime d’incendie, comme si vous doutiez de la bonté de votre cause, comme si elle était déjà perdue à vos yeux et désespérée ! […] Vous pouvez passagèrement les émouvoir, mais bientôt la crainte, l’intérêt privé parlent plus haut que vos belles phrases.
« Il y a des gens, dit Pascal, qui voudraient qu’un auteur ne parlât jamais des choses dont les autres ont parlé, autrement on l’accuse de ne rien dire de nouveau. […] D’abord elle sent ce besoin de hâtiveté, pour ainsi dire, dont je viens de parler, et qui est un des caractères universels et dominants du siècle. […] N’écrivez, ne parlez que par amour de l’art, par amour du vrai, par amour de vos semblables.
Dans le monologue, l’individu se parle à lui-même ; il pense tout haut : les monologues trop longs manquent de naturel. […] Voilà, certes, pour le théâtre, une source intarissable d’émotions : si le poète sait peindre les passions avec vérité, et parler le langage de la nature-, il est sûr, en tous temps et en tous lieux, de remuer les cœurs. […] On distingue l’opéra sérieux, ou tragédie lyrique, de l’opéra bouffe, ou comique : nous ne parlerons ici que du premier ; le second appartient à la comédie. […] Nous y découvrons plutôt notre voisin : c’est l’histoire de la besace dont parle La Fontaine. […] Dans les Femmes savantes, la servante Martine parle tout autrement que Philaminte et Bélise.
Avant donc de parler dans une assemblée populaire, il faut commencer par bien concevoir le sujet que l’on veut traiter ; le considérer avec soin sous tous les rapports, saisir ceux qui seront le plus à la portée de la multitude ; choisir et disposer les preuves, dont la solidité lumineuse doit faire la base de tout discours public. […] Mais qu’un orateur public, qu’un homme d’état, qu’un citoyen enfin, qui fait partie de l’assemblée devant laquelle il parle, et dont les intérêts lui sont par conséquent communs, ne soit et ne paraisse pas intimement convaincu que ce qu’il conseille est en effet ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, son but est manqué, et il laisse sur sa probité et sur son patriotisme des soupçons que le temps n’efface jamais complètement. […] Au reste, la grande et peut-être l’unique règle de l’éloquence populaire, est de s’accommoder au naturel, au génie, au goût du peuple à qui l’on parle : c’est ce que Démosthène et Cicéron avaient parfaitement senti, et ce qu’ils ont scrupuleusement observé.