« C’est faute de plan, dit Buffon, c’est pour n’avoir pas assez réfléchi sur son objet, qu’un homme d’esprit se trouve embarrassé et ne sait par où commencer à écrire. […] Quintilien même, quoiqu’il n’approuve pas qu’on écrive l’exorde quand le discours est terminé, veut cependant que l’orateur ne s’en occupe qu’après avoir étudié soigneusement toutes les parties de la cause, nisi totis causæ partibus diligenter inspectis. […] « Il faut, dit encore Cicéron, que le début soit en rapport avec la matière, comme le vestibule ou le portail avec l’édifice ou le temple. » Sa forme même se réglera sur celle du reste de l’œuvre, car le meilleur style de début est celui qui est le plus en harmonie avec la couleur de l’écrit tout entier. […] Si l’on parle, c’est qu’on veut se faire écouter ; si l’on écrit, c’est qu’on veut se faire lire. […] Sans être aussi déplacé, le début ne serait-il que disparate, il serait déjà blâmable, car il abuse le lecteur sur le caractère général, sur l’allure réelle de l’écrit qu’il va lire.
[Notice] Jean Racine, le plus accompli de nos poëtes, eût sans aucun doute pris place, s’il avait recherché cette gloire, entre nos premiers prosateurs : on le reconnaîtra par ses lettres, quelques œuvres polémiques et des fragments d’histoire, fort bien écrits, qu’il nous a laissés, surtout par l’éloge qu’il a fait de Pierre Corneille. […] Condillac, dans l’Art d’écrire, se proposant de montrer comment se fait l’analyse de la pensée dans les langues formées et perfectionnées, a choisi pour objet d’étude la plus grande partie de ce morceau. […] Louis XIV écrivait au comte de Coligny, après la bataille de Saint-Gothard, 1664 : « Je désire que vous témoigniez aux officiers et soldats qui se sont distingués le gré que je leur sais, les assurant que je connais le mérite de leurs services et qu’ils ne doivent pas douter que je n’en garde le souvenir. » Et dans une autre lettre adressée au duc de Beaufort, qui venait de vaincre les corsaires algériens, 1665, il disait encore : « Je veux savoir si le capitaine des Lauriers a laissé femme et enfants, pour les gratifier, étant bien aise que l’on voie que ceux qui meurent en me servant vivent toujours dans mon souvenir. » 1. […] C’est que Louis XIV a mérité d’être regardé comme le centre de tout ce qui s’est fait, dit, écrit pour lui, par lui, autour de lui. » Voy. notamment, à ce sujet, l’Histoire de la Littérature française, par M.
De peur d’en être volé, je m’en étais fait escorter ; j’avais écrit, dès le soir, à leur capitaine de me venir accompagner et de se trouver en mon chemin : ce qu’il a fait, et j’en ai été quitte pour trois pistoles ; mais surtout je voudrais que vous eussiez vu la mine de mon neveu1 et de mon valet, qui croyaient que je les avais menés à la boucherie. […] Vaugelas, qui parlait et surtout écrivait fort bien, prononçait mal. […] Aujourd’hui on écrirait plutôt : j’avoue que ce que vous dites est vrai… 4.
Or, si je me mêlais d’écrire, je ne voudrais pas plus ressembler à un tel homme, que je n’aimerais un nez difforme avec des cheveux d’ébène et de beaux yeux noirs. Vous qui écrivez, choisissez une matière proportionnée à vos forces ; essayez-vous longtemps, consultez bien vos épaules. […] Est-ce une raison pour moi d’écrire à l’aventure, et sans nul souci des règles ? […] Soyons donc la pierre utile qui aiguise le fer, impuissante elle-même à couper : oui, sans écrire moi-même, je montrerai comment on écrit ; je dirai les sources où doit puiser le poëte, ce qui forme et nourrit son talent, ce que l’usage permet, ce que le goût réprouve ; je dirai où mène le génie, où précipite l’ignorance. […] Pourtant, si vous écriviez quelque jour, consultez l’oreille exercée de Métius, et celle de votre père, et la mienne ; puis, gardez votre manuscrit pendant neuf ans.
Caton, dans sa vieillesse, se mit à écrire des histoires. […] Je veux vous écrire en peu de mots. […] La magnificence de Platon n’empêcha point Aristote d’écrire. […] Je vous ai écrit cela en considération de votre amitié. […] Quant à ce que vous m’aviez écrit sur la loi agraire.
Conseils à un jeune homme 7 Vous ignorez, monsieur, que vous écrivez à un pauvre homme accablé de maux8, et, de plus, fort occupé9, qui n’est guère en état de vous répondre , et qui le serait encore moins d’établir avec vous la société que vous lui proposez. […] Que leurs grâces divines passent dans mes écrits, et ramènent mon siècle à vous, comme elles m’y ont ramené moi-même ! […] Le premier n’est jamais plus pathétique que quand il célèbre les vertus chrétiennes ; et le morceaus le plus éloquent qu’ait écrit l’autre est un éloge de Jesus-Christ. » 7. […] Voltaire écrivait à une dame qui lui demandait son patronage, et voulait courir les chances de la vie littéraire de Paris.
S’il me jugeait perdu, il n’écrirait pas à un mort. […] Écrivez-moi, mon oncle, daignez m’écrire, et dites-moi ce que je dois tenter. […] La dernière réponse du bailli à Mirabeau portait un post-scriptum ainsi conçu : « Votre commerce de lettres avec moi ne doit pas vous paraître assez doux pour chercher à le continuer ; ainsi ne fatiguez pas vos yeux à m’écrire, parce que je ne puis rien. » Mirabeau commence par répondre à ces paroles, dont il devinait l’origine et l’inspiration, et demande ensuite pardon de sa conduite passée.
Écrire. […] Écrit. J’écris. J’écrivis. […] Outre ce premier régime, qu’on appelle direct, certains verbes actifs peuvent avoir un second régime, qu’on appelle indirect : ce second régime se marque par les mots à ou de : comme donner une image à l’enfant ; enseigner la grammaire à l’enfant ; écrire une lettre à son ami : à l’enfant, est le régime indirect des verbes donner, enseigner ; à son ami, est le régime indirect du verbe écrire.
dit-il, s’il vous fait du bien, il m’en fera donc : écrivez-lui en ma faveur. — Mais, monsieur, considérez que j’abuserais… — Eh bien ! […] Vauvenargues a écrit une belle page sur Voltaire, où il le célèbre « comme ayant porté chez les étrangers, dès sa jeunesse, la réputation de nos lettres, dont il a reculé toutes les bornes ». […] Nulle part notre langue n’a plus de prestesse et d’agilité ; nulle part on ne trouve mieux ce vif et clair langage que le vieux Caton attribuait à la nation gauloise au même degré que le génie de la guerre. » Quant au passage que nous avons choisi, il suffira de rappeler que Montesquieu, qui jugeait Voltaire avec beaucoup de sévérité, trouvait cependant admirable le récit de la retraite de Schullembourg : c’est, disait-il, « l’un des morceaux les plus vifs qui aient jamais été écrits ».
Daire, son compatriote, a écrit sa vie (Paris, 1779, in-12) ; plusieurs ont composé son éloge, et parmi eux on peut citer Noël et le célèbre Sylvain Bailly. […] A l’époque de Gresset, on prononçait encore claître, que l’on écrivait cloistre, comme on disait connaître, tout en écrivait connoistre : ce qui fait que ces deux rimes étaient également bonnes pour les yeux et pour l’oreille.
Je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n’étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d’y faire toujours en idées1 quelque nouvelle réformation ; et si je pensais qu’il y eût la moindre chose en cet écrit par laquelle on me pût soupçonner de cette folie, je serais très-marri2 de souffrir qu’il fût publié. […] Je sais bien que je ne vous apprends ici rien de nouveau ; mais on ne doit pas mépriser les bons remèdes pour être vulgaires, et m’étant servi de celui-ci avec fruit, j’ai cru être obligé de vous l’écrire ; car je suis votre très-humble et très-obéissant serviteur. […] Descartes écrit à un faiseur de beau style, et il se met en frais pour lui plaire.
Parlez-moi, écrivez-moi sans tour, sans cérémonie, sans insinuation, et surtout, je vous prie, sans respect. […] Ailleurs pourtant, madame de Maintenon gémit souvent sur elle-même : « Ne faites point de vœux pour moi, écrit-elle à une amie, peut-être ajouteraient-ils quelques jours à ma vie. » Aurait-elle voulu être prise au mot ? […] Cette lettre fut écrite à l’époque où Louis XIV expiait ses fautes par ses revers.
Le genre épistolaire est très borné ; il ne contient réellement que les lettres simples et familières, écrites avec un talent remarquable, et que l’on a jugées dignes d’intéresser le public ou d’être proposées comme modèles. […] Une lettre écrite avec abandon est pleine de ces surprises de l’âme et de ces mouvements naturels qui ont été dérobés au public ; c’est souvent le portrait le plus ressemblant de l’auteur.
Doué d’une sensibilité qui prenait feu sur toute question, d’une intelligence vive, rapide et capricieuse qui effleurait les sujets les plus divers, il manqua trop souvent de cette délicatesse dont le tact avertit des occasions qui comportent la plaisanterie ou le sérieux ; et il y a dans sa vie des taches qui ne s’effaceront pas, comme dans ses écrits des torts que ses séductions ne sauraient faire oublier. […] Sur sa mort Vers écrits au prince de Ligne. […] Vers écrits au prince de Ligne. […] Il écrivait à madame Denis : « Je commence, ma chère enfant, à sentir que j’ai un pied hors du château d’Alcine… Je ferai voile de l’île de Calypso, sitôt que ma cargaison sera prête, et je serai beaucoup plus aise de retrouver ma nièce que le vieil Ulysse ne le fut de retrouver sa vieille femme. » 3. […] Ce vers est vague et mal écrit.
Le style, c’est la manière d’écrire ; l’élocution, la manière de parler ; ce que nous avons à dire ici s’applique à l’un et à l’autre. […] L’auteur qui écrit comme tout le monde n’a point de style, il manque d’originalité ; on pourra le lire avec plaisir, mais il n’aura jamais un nom parmi les maîtres. […] Surtout qu’en vos écrits la langue révérée, Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée. […] Buffon, ce grand maître en l’art d’écrire, nous en offre à chaque page des modèles. […] Pascal, dont l’esprit était admirablement juste, n’aurait pas écrit ainsi ; car il dit qu’on ne sait pas en quoi consiste l’agrément qui est l’objet de la poésie.
Le vulgaire s’imagine, dit Fénelon, que la versification est la poésie : on croit être poète quand on a parlé ou écrit en mesurant les paroles. […] Voici des exemples de ces derniers : Un vrai sire Châtelain Laisse écrire Le vilain. […] C’est en vers libres que La Fontaine a écrit toutes ses fables, à l’exception de onze, comme Jupiter et les Tonnerres, le Coq et la Perle, le Rat de ville et le Rat des champs, etc. Comme la disposition des vers suit celle des rimes, on pourra écrire en vers libres tout morceau qui admet les rimes mêlées. […] On peut encore écrire avec ou sans s jusque, grâce à, certe, guère, naguère.
Sans doute, l’importance de ces préceptes est incontestable, et l’on ne s’étonnera pas que les mœurs et les passions, l’ithos et le pathos, occupent une si grande place dans les écrits des anciens, et qu’Aristote, par exemple, y ait consacré presque tout le second livre de sa Rhétorique ; mais nous aurions tort aujourd’hui de placer dans l’ invention les passions et les mœurs, si nous les prenions dans l’acception antique. […] Les modernes ont mieux réussi, assurément ; le christianisme, qui assigne à la femme son véritable rang, les a mieux éclairés sur sa nature, et c’est chez eux qu’on la retrouverait tout entière, si l’on recueillait çà et là les traits les plus exquis et les plus énergiques de leurs écrits, de ceux surtout où le peintre et le modèle appartiennent au même sexe. […] Ajoutez à l’observation de l’homme et de ses impressions physiques et morales celle de la nature qui l’environne, du ciel, du sol, des plantes, des édifices, des costumes, des meubles, des ustensiles, des idiotismes et formes de langage usités à telle époque et dans telle condition, transportez les résultats de ces observations dans vos écrits et dans vos paroles, et vous obtiendrez ce qu’on appelle la couleur locale. […] N’oublions pas, comme je l’ai dit ailleurs15, qu’au fond de toutes les spécialités locales ou temporaires repose toujours l’humanité identique et universelle ; qu’avant d’être l’homme de telle période et de telle latitude, on est l’homme ; qu’exprimer ces caractères génériques, ces passions, ces mœurs, aussi vieilles que le monde, ces vérités non moins anciennes, qui forment le fond commun de l’humanité, est la condition essentielle de tout écrit digne d’être lu ; que plus un écrivain conserve de points de contact avec l’humanité en général, plus il obéit à sa nature ; que plus il pénètre avec profondeur et sagacité dans le domaine de tous, plus il est fidèle à sa mission.
Non ; c’est uniquement qu’il leur a plu d’écrire le mot Fin. […] En vérité, il est des préceptes si simples qu’il semble qu’en les formulant on passe les bornes do la naïveté, et pourtant faut-il bien les énoncer ; celui-ci est du nombre, qui résume toutes les règles sur la manière de terminer un écrit : Parlez tant qu’il y a quelque chose d’utile à dire ; dès qu’il n’y a plus rien à dire, ne parlez plus. […] Elle procède de même pour les autres membres dont se compose le corps de l’écrit ou du discours : narration ou thèse, description des choses, description des hommes, présentée sous la forme du portrait, du parallèle ou du dialogue, amplification, quand elle est demandée par la grandeur des tableaux ou l’entrainement des passions, argumentation qui contient la confirmation et la réfutation, et qui fait passer dans la rhétorique toute la rigueur de la méthode syllogistique. […] Que l’élève s’habitue à résumer ainsi les ouvrages didactiques qu’il aura lus, il lui sera plus facile de suivre ensuite pour ses propres écrits, si lui-même s’attache au genre sérieux, les règles de récapitulation, de conclusion, tracées par la raison et les rhéteurs.
Depuis, il ne cessa pas d’observer et d’écrire, à bride abattue, sur tout ce qu’il voyait, entendait et devinait. […] « Il écrit à la diable pour l’immortalité » a dit Chateaubriand ; mais ne lui demandez ni la sobriété, ni la correction, ni les bienséances, ni le goût. […] On y voyait écrite une rage de douleur, non d’amitié, mais d’intérêt ; des intervalles secs, mais profonds et farouches, puis un torrent de larmes et de gestes involontaires, et cependant retenus, qui montraient une amertume d’âme extrême, fruit de la méditation profonde qui venait de précéder. […] Ramsay, élève de ce célèbre archevêque, m’a écrit ces mots : « S’il était né en Angleterre, il aurait développé son génie, et donné l’essor sans crainte à ses principes, que personne n’a connus. » Citons encore M. de Sacy : « Le Télémaque est le livre d’un grand poëte, d’un sage, d’un homme de génie, auquel a manqué pourtant l’une des plus précieuses qualités : la candeur, la vraie simplicité d’âme, une certaine naïveté de bon sens, qui fera le charme éternel d’Homère et de Bossuet.
En voici un qui peut servir de modèle : c’est une réponse de Pradon à quelqu’un qui lui avait écrit, et qui avait mis dans sa lettre beaucoup d’esprit. Vous n’écrivez que pour écrire : C’est pour vous un amusement. Moi, qui vous aime tendrement, Je n’écris que pour vous le dire. […] Si vous considérez sa naissance, c’est Junon ; ses écrits, c’est Minerve ; sa beauté, c’est la mère de l’Amour.
La Bruyère, dans ses Caractères, n’écrit pas comme Buffon ou comme Bernardin de Saint-Pierre dans leurs études de la nature ; Aristote ne ressemble pas à Platon. […] Ce que nous avons dit sur l’art d’écrire en général, dans la première partie, peut trouver son application dans chaque genre.
La loi particulière est celle que chaque collection d’hommes détermine par rapport à ses membres, et ces sortes de lois se divisent en : loi non écrite et en loi écrite. […] Pour les choses non écrites, elles sont de deux espèces. […] Les autres choses non écrites correspondent à ce qui manque dans la loi particulière et dans la loi écrite ; car ce qui est équitable semble être juste. […] L’équitable, c’est le juste, pris indépendamment de la loi écrite. […] Enfin, qu’il est plus honnête d’invoquer et d’exécuter les lois non écrites que les lois écrites.
La dame vous a écrit cette triste nouvelle, et vous a dépeint tout son malheur. Ecrivez-lui une lettre de condoléance. […] Je vous écris tous les jours ; c’est une joie pour moi. […] — Ne voyez-vous pas de l’affectation dans cette manière de parler de l’embarras à écrire un éloge ? […] Je vous écris ceci de chez M.
Rentrée à Paris en 1815, Mme de Staël occupa ses dernières années à écrire ses Considérations sur la Révolution française. […] Quand il avait encore une part active dans les scènes des passions, quand il souffrait lui-même par le cœur, ses écrits produisaient une impression plus vive. […] Elle devança l’heure de son souper, afin d’avoir toute la nuit pour écrire et pour prier. […] Quand elle eut fini d’écrire, il était près de deux heures du matin. […] Alors elle lui écrivit, et lui dit qu’arrivée du Calvados elle avait d’importantes choses à lui apprendre.
Indépendamment de cette harmonie spécialement appelée imitative, parce qu’elle peint et quelle imite par la combinaison même des sons, comme nous le verrons dans le chapitre qui suivra celui-ci, il est une harmonie générale du style, qui embrasse toutes les parties du discours ; qui ne s’attache pas à telle ou telle circonstance, mais qui tend à l’effet total du tableau : c’est une des plus grandes difficultés ; mais c’est aussi l’un des premiers charmes de l’art d’écrire : Duæ sunt res quæ permulcent aures ; sonus et numerus. […] Ce dont nous sommes fortement persuadés, c’est que Bossuet, Fléchier, et tous les grands écrivains avaient de leur langue une connaissance approfondie et raisonnée ; c’est qu’ils n’écrivaient que dans l’inspiration du génie, et que les morceaux qu’on admire le plus, sont ceux quelquefois qui ont dû leur coûter le moins, et qui ne supposent nullement le calcul minutieux des brèves et des longues. […] Je sais, comme un autre, qu’il se trouve de fort beaux vers dans Claudien ; des morceaux même que l’on peut mettre sans danger sous les yeux de la jeunesse : je n’ignore point qu’il y a, dans Thomas, des choses aussi bien pensées que bien écrites ; que son Essai sur les Éloges est un ouvrage neuf, plein de recherches curieuses et qui fait honneur à notre littérature, qui compte peu de morceaux oratoires plus véritablement éloquents que l’Éloge de Marc-Aurèle.
L’éloge de la folie ou de la paresse, la diatribe contre la goutte ou la peste, tant d’autres sujets favoris des savants et des moines du xvie siècle, supposez-les écrits par Cicéron même, nous intéresseront-ils autant que l’éloge de Caton ou les Philippiques ? […] Un auteur n’écrit que pour être lu ; par là même il contracte une dette envers celui qui prend la peine de le lire, et il n’a qu’un moyen de s’acquitter, c’est de lui offrir un sujet qui puisse l’amuser, l’instruire ou le toucher, qui parle à son imagination, à son intelligence ou à son cœur. […] Vous qui savez, dira la critique, combien la moralité, outre sa valeur intrinsèque, contribue puissamment à l’effet d’un écrit, pourquoi vous être privé de cet énergique élément de succès ?
Ces principes sont rédigés spécialement pour les personnes qui veulent écrire avec pureté et distinction : ils sont le complément indispensable des études grammaticales. […] À notre époque, c’est aux jeunes gens des deux sexes qu’il appartient d’être l’ornement de la société ; qu’il nous soit permis de leur demander si, après avoir interprété la veille avec succès les œuvres musicales des plus habiles compositeurs, ils écrivaient le lendemain un simple billet, ou une lettre d’un style banal ou équivoque sans élégance aucune, qu’il nous soit permis fie leur demander, dis-je, quel effet ils penseraient produire sur leurs lecteurs ? […] Le grammairien apprenait d’abord à ses élèves à parler et à écrire correctement, et leur enseignait les règles de la versification.
On répond à cela qu’au moment où ces Auteurs ont écrit, ils ont dû nécessairement être remplis de l’amour de ces vertus : et comment auraient-ils pu nous les peindre si dignes d’être aimées ? […] Un jour, il m’en souvient, le Sénat équitable Vous pressait de souscrire à la mort d’un coupable ; Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité ; Votre cœur s’accusait de trop de cruauté ; Et plaignant les malheurs attachés à l’empire, Je voudrois, disiez-vous, ne savoir pas écrire. […] De plus grands détails sur l’art de bien écrire, me paraîtraient ici superflus : ils ne serviraient qu’à fatiguer la mémoire et l’esprit des jeunes gens, sans les instruire peut-être davantage. […] Il est assez important aux jeunes gens de ne pas ignorer, en entrant dans le monde, la manière de bien écrire une lettre, et le cérémonial qu’on y doit observer.
J’écrivis à M. de Grignan, vous pouvez penser sur quel ton ; j’allai ensuite chez Madame de La Fayette, qui redoubla mes douleurs par la part qu’elle y prit. […] Je vous écrivis vendredi qu’il s’était poignardé4 ; voici l’affaire en détail : Le Roi arriva jeudi au soir ; la chasse, les lanternes, le clair de lune, la promenade, la collation dans un lieu tapissé de jonquilles, tout cela fut à souhait. […] Elle a dit ailleurs : « Ne pouvant contenir tous mes sentiments sur ce sujet, je me suis mise à vous écrire, au bout de cette petite allée sombre que vous aimez, assise sur ce siége de mousse où je vous ai vue quelquefois couchée. […] Madame de Sévigné lui écrit dix jours après la mort de Louvois.
M. de Sacy est un esprit attique, un causeur qui ne professe jamais et semble n’écrire que pour se satisfaire lui-même, ou quand le cœur lui en dit. […] La Rochefoucauld Que de fois par un beau jour de printemps ou d’automne, lorsque tout me souriait, la jeunesse, la santé, le présent et l’avenir, ai-je relu dans mes promenades ce Traité des devoirs de Cicéron2, le code le plus parfait de l’honnêteté, écrit dans un style aussi clair et aussi brillant que le ciel le plus pur ! […] Après deux mille ans, tout y est encore vrai et praticable comme le jour même où Cicéron l’écrivait ; tout y tend à former non-seulement l’honnête homme et le bon citoyen, mais le galant homme et l’homme aimable. […] Au moment où le triumvirat se forme entre Octave, Antoine et Lépide, il écrivait encore aux chefs des légions et aux gouverneurs des provinces ; il les flattait avec sa belle parole pour les retenir dans le devoir.
Un des meilleurs est celui de Pradon à un ami qui lui avait écrit d’une manière très spirituelle : Vous n’écrivez que pour écrire ; C’est pour vous un amusement. Moi qui vous aime tendrement, Je n’écris que pour vous le dire.
Domitien règne, mais Tacite écrit. […] Il lui faudra parler, écrire, commander par son talent, et soutenir ce talent, quelque noble qu’il soit en lui-même, par cette autre puissance qui ne souffre jamais impunément d’éclipse, la vertu. […] J’ai payé ma dette dans la parole ; pourquoi refuserais-je aux jours qui me restent cette ineffable consolation d’écrire en paix pour Dieu ? […] Pas une ligne de mes écrits n’a soulevé une discussion, quoique j’aie traité les points les plus délicats et les plus controversés de la théologie. […] Les lettres que lui écrivit Lacordaire ont été publiées par M. de Falloux. — (Didier ; librairie académique.)
Cette lettre injurieuse est écrite de la main du roi des Parthes, et il n’y a pas moyen de la supprimer. […] Les disciples de Jésus-Christ fatiguaient de bienfaits leurs détracteurs, « N’est-il pas honteux pour nous, écrivait l’empereur Julien à Arsace, pontife d’Asie, que les Galiléens, outre leurs pauvres, nourrissent encore les nôtres ? […] et que peu de gens sont capables d’en écrire dix sans sottises ! […] Et notez ceci en passant, mal compris de ceux qui chez vous se mêlent d’écrire : il n’y a pas de bonne pensée qu’on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s’étend davantage, souvent ne s’entend guère, ou manque de loisir, comme dit l’autre, pour méditer et faire court. […] dira-t-on, est-ce là un défaut, dans un temps où tout le monde veut avoir de l’esprit, où l’on n’écrit que pour montrer qu’on en a, où le public applaudit même aux pensées les plus fausses, quand elles j sont brillantes ?