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2. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

Ce démagogue de circonstance, ce boute-feu d’occasion descend de son piédestal et va se perdre dans les flots populaires qu’il a soulevés. […] Il perd son dernier abri, le toit de ses ancêtres… il perd un bien plus précieux, le trésor du pauvre, l’estime de ses concitoyens. […] Les traités ne les enseignent pas, le bon sens les trouve et le talent les exploite… Toutefois, après ce premier pas de clerc, rien n’était perdu, vous pouviez encore vous sauver. […] Vous gagnez l’estime de la cour, l’admiration des dames, la sympathie du public, mais vous perdez votre péroraison, votre pathétique et votre procès. […] Vous avez fait, je le sais, d’excellentes études littéraires, n’en perdez pas le fruit.

3. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

Mais, quand le peuple put donner à ses favoris une formidable autorité au dehors, toute la sagesse du sénat devint inutile, et la république fut perdue. […] Si la grandeur de l’empire perdit la république, la grandeur de la ville ne la perdit pas moins. […] Elle perdit sa liberté parce qu’elle acheva trop tôt son ouvrage2. […] Quand Philippe osa dominer dans la Grèce, quand il parut aux portes d’Athènes, elle n’avait encore perdu que le temps. […] Je serais inconsolable si cela me faisait perdre le plaisir de voir le cher Cérati.

4. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — Regnard. (1655-1709.) » pp. 242-253

Tu peux me faire perdre, ô fortune ennemie ! […] Perdre tous les paris, Vingt fois le coupe-gorge4, et toujours premier pris ! […] Valère aura donc perdu avec son argent l’établissement qu’il désirait. […] On le voit bientôt reparaître ayant tout perdu. […] Coupe-gorge, au lansquenet, se dit quand celui qui tient les cartes amène sa carte la première : ce qui lui fait perdre tout ce qu’il peut perdre de ce coup-là.

5. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Boileau 1636-1711 » pp. 401-414

. — L’Ode à Namur, et Trois ingrates satires furent les derniers soupirs de sa muse, qui, dans sa vieillesse chagrine, commençait à perdre haleine. […] L’un n’est point trop fardé, mais sa Muse est trop nue ; L’autre a peur de ramper, il se perd dans la nue. […] Gallet, joueur célèbre qui perdit sa fortune sur un coup de dés, et mourut dans la misère. […] Tout ce qui la guinde lui nuit ; en forcer les ressorts, c’est le perdre. […] « Rien ne corrige un esprit mal fait ; triste et fâcheuse vérité, qu’on apprend tard, et après bien des soins perdus. » (Joubert.)

6. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre V. Panégyrique de Louis XV, par Voltaire. »

Le cœur du prince sentit ce que voulait dire ce cri de la nation : la crainte universelle de perdre un bon roi, lui imposait la nécessité d’être le meilleur des rois. […] « L’histoire déposera que, sans la présence du roi, la bataille de Fontenoy était perdue. […] « On ne sait que trop quelles funestes horreurs suivent les batailles ; combien de blessés restent confondus parmi les morts ; combien de soldats, élevant une voix expirante pour demander du secours, reçoivent le dernier coup de la main de leurs propres compagnons, qui leur arrachent de misérables dépouilles couvertes de sang et de fange ; ceux mêmes qui sont secourus, le sont souvent d’une manière si précipitée, si inattentive, si dure, que le secours même est funeste : ils perdent la vie dans de nouveaux tourments, en accusant la mort de n’avoir pas été assez prompte. […] J’ai perdu, dit-il dans un de ces billets où le cœur parle, et où le héros se peint, j’ai perdu un honnête homme et un brave officier, que j’estimais et que j’aimais.

7. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Bruyère. (1646-1696.) » pp. 91-100

Démophile, à ma droite, se lamente et s’écrie : Tout est perdu ! […] Et si vous lui dites que ce bruit est faux et qu’il ne se confirme point, il ne vous écoute pas ; il ajoute que tel général a été tué ; et bien qu’il soit vrai qu’il n’a reçu qu’une légère blessure, et que vous l’en assuriez, il déplore sa mort, il plaint sa veuve, ses enfants, l’Etat ; il se plaint lui-même : il a perdu un bon ami et une grande protection. […] Ou l’on demeurera sur la défensive sans livrer de combat ; ou, si on le livre, on le doit perdre ; et, si on le perd, voilà l’ennemi sur la frontière. […] Si les ennemis viennent de perdre une bataille où il soit demeuré sur la place quelque neuf à dix mille hommes des leurs, il en compte jusqu’à trente mille, ni plus ni moins ; car ses nombres sont toujours fixes et certains, comme de celui2 qui est bien informé. S’il apprend le matin que nous avons perdu une bicoque, non-seulement il envoie s’excuser à ses amis qu’il a la veille conviés à dîner, mais même ce jour-là il ne dîne point ; et s’il soupe, c’est sans appétit.

8. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Alfred de Musset 1810-1857 » pp. 564-575

Nous faut-il perdre encor nos têtes les plus chères3, Et venir en pleurant leur fermer les paupières, Dès qu’un rayon d’espoir a brillé dans leurs yeux ? […] Tu n’as rien fait qu’on ne l’admire ; Rien de toi n’est perdu pour nous ; Tout prie, et tu ne peux sourire, Que nous ne tombions à genoux1. […] Tristesse J’ai perdu ma force et ma vie2, Et mes amis, et ma gaîté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie3. […] Il dira plus tard : J’ai perdu ma force et ma vie Et mes amis et ma gaîté : J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.

9. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre V. Analyse de l’éloge de Marc-Aurèle, par Thomas. »

Il s’arrêta près du cerceuil, le regarda tristement ; et tout à coup élevant sa voix : « Romains, dit-il, vous avez perdu un grand homme, et moi j’ai perdu un ami. […] Je vous rappelle cette partie de son éducation, Romains, parce que cette mâle institution commence à se perdre parmi vous. […] à avoir des mœurs, où le vice a même perdu la honte ? […] Rien de plus opposé au caractère de la véritable éloquence, que cette manière de procéder dans une composition oratoire ; et ce qui le prouve surtout, c’est qu’elle date précisément de l’époque où l’éloquence commença à dégénérer entre les mains des sophistes grecs, et finit par se perdre tout à fait entre celles de Sénèque et de ses imitateurs. […] Alors il te donna des conseils, tels que Marc-Aurèle mourant devait les donner à son fils ; et bientôt après Rome et l’univers le perdirent ».

10. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — L. Racine. (1692-1763.) » pp. 267-276

L’un des premiers, lorsque notre goût trop timide hésitait encore à placer Shakspeare auprès de Sophocle et de Corneille, il nous a donné une traduction du Paradis perdu de Milton. […] L’homme a perdu ses biens, la terre ses beautés2, Et plus loin qu’offre-t-elle à nos yeux attristés ? […]     La mer, dont le soleil attire les vapeurs, Par ces eaux qu’elle perd voit une mer nouvelle Se former, s’élever, et s’étendre sur elle. […] Son père, qu’il perdit très-jeune, s’était aussi beaucoup occupé de sa première éducation. […] Notre imagination se perd dans ces espaces immenses qui renferment la multitude innombrable des corps célestes.

11. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Lamennais 1782-1854 » pp. 243-246

Nous perdons, par notre faute, une partie, et la plus grande, des bienfaits du créateur. […] Il sait que les apparences trompent, qu’il n’est rien de stable sous le soleil ; au lieu donc de s’aventurer à penser encore ce qu’il avait toujours pensé jusque-là, ce qui était certain pour lui comme pour tout le monde, il s’approche modestement du régulateur de sa raison législative7, se penche à son oreille, puis dresse les siennes pour recueillir sans en rien perdre la réponse à cette question profonde et délicate : Monseigneur, qu’est-ce qui est vrai aujourd’hui ? […] Écrivant à M. de Vitrolles, qui avait perdu sa fille, Lamennais disait : « Il n’y a qu’un voile entre elle et nous. […] On a dit encore : « Il faut ménager le vent aux têtes Françaises, et le choisir ; car tous les vents les font tourner. » « Les Français sont les hommes du monde les plus propres à devenir fous, sans perdre la tête.

12. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Montluc, 1503-1577 » pp. -

La veille d’une capitulation Après que l’assiegeant eust perdu toute son escrime7 et toutes ses ruses, il nous laissa en paix, ne s’attendant nous avoir qu’au dernier morceau de pain. […] Les chatz se vendoient trois ou quatre escuz, et le rat ung escu, et en toute la cité n’estoit demeuré que quatre vielhes jumens, si maigres que rien plus, qui faisoient torner les molins1 : deux que j’en avois, le contrerolleur la Moliere le scien, et l’Espine, thresorier, le scien ; le sieur Cornelio une petite hacquenee baye2 qui avoit perdu la veuë de vieillesse ; messer Iheronym Espano ung cheval turc qui avoit plus de vingt ans : voilà tous les chevaux et jumens qui estoient demeurés dans ville en ces extremités plus grandes que je ne sçaurois representer, car je croy qu’il n’y a rien de si horrible que la famine. […] Cependant peu à peu nous perdions plusieurs habitans et soldatz, qui tomboient mortz sur la place ; car on devenoit tout atenué5, et en cheminant on tomboit mort, de sorte qu’on mouroit sans maladie. […] Or n’avions-nous autres herbes au long des murailles de la ville ; car tout estoit mangé, et encores n’en pouvions avoir sans sortir à l’escaramouche6 ; et alors tous les enfans et femmes de la ville sortoient au long des murailles ; mais je vis que j’y perdois force gens, et ne volsis7 plus laisser sortir personne…… En cest estat nous traisnasmes jusques au huictiesme d’avril8, que nous eusmes perdu toute esperance.

13. (1853) Exercices de composition et de style ou sujets de descriptions, de narrations de dialogues et de discours

L’enfant perdu. […] Un jour l’enfant se perd. […] Roxelane résolut de perdre ce jeune homme pour faire passer tous ses droits à Sélim. […] Faut-il, pour se venger de Charles, se perdre lui-même sans retour ? […] Labéon perdit sa cause, et Flavianus fut réintégré dans ses droits.

14. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

: Moi, des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire ! […] Quel est l’ouvrier dont la toute-puissance a pu opérer ces merveilles, où tout l’orgueil de la raison éblouie se perd et se confond ? […] Les citoyens ne se souviennent que des bouffons qui les ont divertis, et ont perdu la mémoire des magistrats qui les ont gouvernés. […] Mais j’ai, dit-on, perdu beaucoup de monde dans le dernier combat. […] N’examinez donc point si à la fin de la bataille j’ai perdu quelques soldats, mais jugez de ma conduite par ma victoire.

15. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre lII. »

Là où les imaginations ont perdu cette première candeur, le poète épique ne saurait naître ; il appartient à la jeunesse des nations et des idiomes ; seulement, si la nation est rude et l’idiome grossier, on a ces longs récits en vers qui amusaient nos aïeux ; si, au contraire, la nouvelle langue est belle et forte dès son origine, on entend la voix du Dante. […] Le génie le féconda et le fit éclore dans le Paradis Perdu. […] Le poème épique chante les passions ; il les montre en action dans son récit avec leurs bons ou leurs mauvais résultats : c’est la colère d’Achille dans l’Iliade, c’est l’amour de Didon pour Énée dans l’Énéide, c’est l’orgueil de Satan dans le Paradis perdu. […] Les démons du Paradis perdu peuvent rivaliser un instant avec la foudre de Jéhovah ; ce merveilleux plait à l’imagination sans la blesser ; mais si vous mettiez des hommes à la place, il n’y aurait plus de vraisemblance. […] Le Paradis perdu, de Milton (anglais).

16. (1865) De la Versification française, préceptes et exercices à l’usage des élèves de rhétorique. Première partie. Préceptes. Conseils aux élèves.

Hâtez-vous lentement ; et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez : Ajoutez quelquefois ; et souvent effacez. […] Il s’exposerait même à perdre entièrement son temps et sa peine, attendu que notre langue n’a pas de rime pour certains mots, comme huître, hymne, perdre ( à l’infinitif ), rhythme, siècle, triomphe, etc. […] perdre ( Rime qui peut rimer en erdre ), Je le laisse à plus fin que moi. […] Racine et Boileau n’ont employé que les formes je perds, se perd, perdu, perdue, perdus, perdues. […] J’y ai jeté, autant que j’ai pu, la magnificence des mots ; et, à l’exemple des anciens poètes dithyrambiques, j’y ai employé les figures les plus audacieuses, jusqu’à y faire un astre de la plume blanche que le roi porte ordinairement à son chapeau, et qui est, en effet, comme une espèce de comète fatale à nos ennemis, qui se jugent perdus dès qu’ils l’aperçoivent.

17. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Sitôt qu’on l’écoute et qu’on marchande avec elle, tout est perdu. […] On le perd de vue : on n’est occupé que de Philippe qui envahit tout. […] Nous retrouverons bientôt ce que nous n’avons point perdu. […] Non, il n’y a que les sens et l’imagination qui aient perdu leur objet. […] Quand on écrit sur son drapeau comme Sosie : « Ami de tout le monde », on risque de déplaire à chacun ; ou bien, ce qu’on gagne en séduction, on le perd en autorité.

18. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

Si l’on remet cette étude si pénible à un âge un peu plus avancé, et qu’on appelle la jeunesse, l’on n’a pas la force d’y persévérer ; et si l’on y persévère, c’est consumer à la recherche des langues le même temps qui est consacré à l’usage que l’on en doit faire ; c’est borner à la science des mots un âge qui veut déjà aller plus loin, et qui demande des choses ; c’est au moins avoir perdu les premières et les plus belles années de sa vie. […] C’est un homme qui est de mise un quart d’heure de suite, qui le moment d’après baisse, dégénère, perd le peu de lustre qu’un peu de mémoire lui donnait, et montre la corde. […] Elle se laisse toucher et manier ; elle ne perd rien à être vue de près : plus on la connaît, plus on l’admire ; elle se courbe par bonté vers ses inférieurs, et revient sans effort dans son naturel ; elle s’abandonne quelquefois, se néglige, se relâche de ses avantages, toujours en pouvoir de les reprendre et de les faire valoir ; elle rit, joue et badine, mais avec dignité. […] Les jours, les mois, les années, s’enfoncent et se perdent sans retour dans l’abîme des temps. […] Phédon, devenu millionnaire, a bien “l’ample mouchoir” de Giton, et “le fauteuil où il s’enfonce en croisant les jambes l’une sur l’autre” ; mais, s’il prend la plupart des vices et des ridicules du riche, il ne perd pas aussitôt ceux du pauvre, ce qui fait qu’il est un parvenu au lieu d’être un riche.

19. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Racine 1639-1699 » pp. 415-440

des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire ! […] Je ne veux point le perdre : il vaut mieux que lui-même Entende son arrêt de la bouche qu’il aime. […] Il commence à perdre patience : la colère froide se trahit. […] Autrement dit, qu’il est timbre, qu’il a perdu la tête. […] L’avocat perd la tête.

20. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

L’Égypte, autrefois si sage, marche enivrée, étourdie et chancelante, parce que le Seigneur a répandu l’esprit de vertige dans ses conseils7 ; elle ne sait plus ce qu’elle fait, elle est perdue. […] ne perd-elle pas son nom pour s’appeler politesse2 et galanterie ? […] Il n’est pas possible que de si grands maux, qui sont capables d’abîmer l’État4, soient sans remède ; autrement tout serait perdu sans ressource. […] Encore une rature laisserait-elle quelques traces du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait toute notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant. […] dit-il à la Grèce ; et les républiques turbulentes, cette nation de poëtes et d’orateurs, avec tous ses chefs-d’œuvre et tous ses trophées, va se perdre dans le gouffre de la puissance romaine ; — Marche, marche !

21. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Massillon, 1663-1742 » pp. 205-215

Les passions, les volontés injustes, les désirs excessifs et ambitieux que les princes mêlent à l’autorité, loin de l’étendre, l’affaiblissent ; ils deviennent moins puissants dès qu’ils veulent l’être plus que les lois ; ils perdent en croyant gagner : tout ce qui rend l’autorité injuste et odieuse l’énerve et la diminue1. […] Un seul jour perdu devrait nous laisser des regrets mille fois plus vifs et plus cuisants qu’une grande fortune manquée ; et cependant ce temps si précieux nous est à charge ; toute notre vie n’est qu’un art continuel de le perdre ; et, malgré toutes nos attentions à le dissiper, il nous en reste toujours assez pour ne savoir encore qu’en faire ; et cependant la chose dont nous faisons le moins de cas sur la terre, c’est de notre temps ; nos offices, nous les réservons pour nos amis ; nos bienfaits, pour nos créatures ; nos biens, pour nos proches et pour nos enfants ; notre crédit et notre faveur, pour nous-mêmes ; nos louanges, pour ceux qui nous en paraissent dignes ; notre temps, nous le donnons à tout le monde, nous l’exposons, pour ainsi dire, en proie à tous les hommes : on nous fait même plaisir de nous en décharger ; c’est comme un poids que nous portons au milieu du monde, cherchant sans cesse quelqu’un qui nous en soulage. […] Dieu seul nous connaît, et nous ne nous connaissons pas nous-mêmes : nos penchants nous séduisent ; nos préjugés nous entraînent ; le tumulte des sens fait que nous nous perdons de vue : tout ce qui nous environne nous renvoie notre image ou adoucie ou changée ; et il est vrai que nous ne pouvons nous choisir à nous-mêmes un état sans nous méprendre, parce que nous ne nous connaissons pas assez pour décider sur ce qui nous convient : nous sortons même des mains de la souveraineté et de la sagesse divine ; nous devenons à nous-mêmes nos guides et nos soutiens ; semblables au prodigue de l’Évangile, en forçant le père de famille de laisser à notre disposition et à notre caprice les dons et les talents dont il voulait lui-même régler l’usage, nous rompons tous les liens de dépendance qui nous liaient encore à lui, et au lieu de vivre sous la protection de son bras, il nous laisse errer loin de sa présence au gré de nos passions, dans des contrées étrangères1. […] Massillon a dit encore : Un criminel condamné à la mort, et à qui on ne laisserait qu’un jour pour obtenir sa grâce, y trouverait-il encore des heures et des moments à perdre ?

22. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Les grands objets dont s’occupe cette espèce d’éloquence, sont encore une raison de plus pour n’en jamais perdre de vue l’utilité. […] Mais ce qu’il perd quelquefois en élégance et en correction, il le regagne abondamment par la force et la véhémence, qui le caractérisent essentiellement. […] Dans le cours de la harangue populaire la plus animée, il ne faut jamais perdre de vue ce qu’on doit de respect et de ménagement à l’oreille des auditeurs.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VIII. L’éloquence militaire. »

Gardez bien vos rangs, je vous prie : si la chaleur du combat vous les fait quitter, pensez aussitôt au ralliement, c’est le gain de la bataille : et si vous perdez vos enseignes, cornettes ou guidons, ne perdez point de vue mon panache blanc ; vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la victoire ». […] Ne perdez point de vue, au fort de la tempête, Ce panache éclatant qui flotte sur ma tête ; Vous le verrez toujours au chemin de l’honneur.

24. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Corneille 1606-1684 » pp. 310-338

Où le sang a manqué si la vertu l’acquiert, Où le sang l’a donné le vice aussi le perd. […] Qu’on est digne d’envie Lorsqu’on perdant la force on perd aussi la vie ! […] Ne veuillez pas vous perdre, et vous êtes sauvé. […] Variante : Quand avecque la force on perd aussi la vie, Sire, et que l’âge apporte aux hommes généreux Avec que sa faiblesse un destin malheureux. […] Ici les mots perdent leur sens : ces deux cœurs ne parlent plus la même langue ; ce qui est héroïsme pour l’un est crime pour l’autre.

25. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Poètes

Mais, puisque luy seul est ma vie, Malgré les fortunes senestres86, Les yeulx ne seront point les maistres Sur tout le corps, car par raison, J’ayme mieulx perdre les fenestres Que perdre toute la maison. […] Il ne perdit le vent qu’une fois, sur la fin de sa vie, et le reprit habilement. […] Puissent pour tout jamais ainsi perdre la vie Ceux qui trop convoiteux couveront une envie Pareille à celle là : puissent pour tout jamais Perdre d’un pareil coup leur gloire et leurs beaux faicts. […] La part qu’à la suite de nobles protecteurs il prit à la Ligue le compromit un peu : il y perdit quelques bénéfices, il y gagna quelques épigrammes de ses amis de la Ménippée. […] Tel pense avoir gagné qui souvent a perdu.

26. (1881) Morceaux choisis des classiques français des xvie , xviie , xviiie et xixe siècles, à l’usage des classes de troisième, seconde et rhétorique. Prosateurs

Et quand tous les autres se voudront perdre eux-mesmes (ce qu’ils ne feront point), Vostre Majesté ne peut rien perdre en envoyant par deçà, et acquittant sa parole. […] je suis destruict, je suis perdu, je suis ruyné ! […] je suis mort, je suis perdu ! […] J’ay perdu deux mille escus. […] Il a tous les jours avis que l’on y fait des pratiques pour le perdre.

27. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Modèles

S’il en est ainsi, je n’aurai pas perdu mon temps. […] Et moi, Monsieur, que ne perds-je point ! […] Non, assurément, et si j’avais fait cette gageure, j’y aurais bien perdu mon argent. […] Cette lave avance, sans jamais hâter et sans perdre un instant. […] Laisser un enfant tout seul, c’est le perdre.

28. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

que celui qui veut me perdre se trompe sur moi, me croie un homme sans force, et s’abuse dans ses moyens ! […] perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en amis depuis cent ans pour gouverner toutes les Espagnes. […] Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre ; me fussé-je mis une pierre au cou ! […] On avait dit à Beaumarchais, engagé dans un procès contre les héritiers de Paris Duverney, qu’il y avait moyen d’arriver jusqu’au cabinet de son juge le conseiller Goezman : c’était de faire un cadeau à sa femme ; cent sous d’or, une montre à répétition enrichie de diamants, quinze louis en argent blanc, destinés, disait-on, au secrétaire, furent en effet donnés pour acheter une audience du mari, avec promesse que tout serait rendu, si le procès se perdait. Il fut perdu, et la dame rendit assez galamment les cent sous et la montre ; mais, par un singulier caprice, elle s’obstina à garder les quinze louis.

29. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Le passé est comme la distance ; notre vue y décroît, et s’y perdrait de même, si l’histoire et la chronologie n’eussent placé des fanaux, des flambeaux aux points les plus obscurs. […] Cependant il ne règne que par droit de conquête ; il jouit plutôt qu’il ne possède, il ne conserve que par des soins toujours renouvelés ; s’ils cessent, tout languit, tout s’altère, tout change, tout rentre sous la main de la nature : elle reprend ses droits, efface les ouvrages de l’homme, couvre de poussière et de mousse ses plus fastueux monuments, les détruit avec le temps, et ne lui laisse que le regret d’avoir perdu par sa faute ce que ses ancêtres avaient conquis par leurs travaux. Ces temps où l’homme perd son domaine, ces siècles de barbarie pendant lesquels tout périt, sont toujours préparés par la guerre et arrivent avec la disette et la dépopulation. […] J’aimerais mieux passer mon temps à cultiver mes vignes que de le perdre ici en courses inutiles, et à faire encore plus inutilement ma cour. […] Fallex, p. 165) Il dit : « Paris est un gouffre où se perdent le repos et le recueillement de l’âme ; la vie n’est plus qu’un tumulte importun.

30. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre IV. Beautés morales et philosophiques. »

» Je demande, et saisis avec un cœur avide »  Ces moments que m’éclaire un soleil si rapide ; » Dons à peine obtenus qu’ils nous sont emportés ; » Moments que nous perdons, et qui nous sont comptés. […] Quelle véhémence dans cette dernière apostrophe aux riches, qui, stupidement éblouis pour la plupart de l’éclat qui les environne, ne savent pas que le premier charme du bienfait est de perdre jusqu’à l’apparence d’un don ! […] c’est pour s’y bercer voluptueusement d’idées agréables, pour s’y abandonner sans obstacle à sa chère paresse : Ergo ubi me in montes et in arcem ex orbe removi, Nec mala me ambitio perdit, nec plumbeus Auster, Autumnusque gravis, Libitinæ questns acerbæ, Quid priùs illustrem satyris, musâque pedestri ? […] Une comparaison d’autant plus sublime, qu’elle rend plus sensible et plus vraie l’application des vers précéder, termine ce beau morceau : Semblables aux torrents dont la fange et les ondes Ravageaient avec bruit les campagnes fécondes, Et qui, formés soudain, mais plus vite écoulés, Se perdent dans les champs qu’ils avaient désolés. […] Que l’on essaie maintenant d’appuyer cette morale sublime, cette grande doctrine des tombeaux sur une base purement mythologique, et bientôt la voix éloquente d’Young se perdra stérilement dans le néant, avec les ombres auxquelles s’adresse sa douleur.

31. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Ne perdez pas de vue, en effet, que toute proposition suppose trois questions à résoudre : la chose est-elle ? […] Mais en accordant que Rousseau eût des motifs légitimes pour placer l’ambassadeur en Suisse au rang des dominateurs ou des bienfaiteurs de l’humanité, son ode n’eût rien perdu, ce me semble, de son éblouissante et harmonieuse poésie, et eût gagné comme logique, si son plan eût été à peu près celui-ci : Il est des génies privilégiés qui, une fois dominés par l’enthousiasme poétique, font des miracles, Orphée en est un exemple. […] Plus exposés que les autres hommes à ses séductions et à ses piéges, il commence de bonne heure à leur en préparer, et comme leur chute lui répond de presque tous ceux qui dépendent d’eux, il rassemble tous ses traits pour les perdre. […] Quelque corrompues que soient nos mœurs, le vice n’a pas encore perdu parmi nous toute sa honte, Il reste encore une sorte de pudeur publique qui nous force à le cacher, et le monde lui-même, qui semble s’en faire honneur, lui attache pourtant encore une espèce de flétrissure et d’opprobre. […] L’élévation, qui blesse déjà l’orgueil de ceux qui nous sont soumis, les rend des censeurs plus sévères et plus éclairés de nos vices : il semble qu’ils veulent regagner par les censures ce qu’ils perdent par la soumission ; ils se vangent de la servitude par la liberté des discours.

32. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Au contraire, s’il est capable d’avoir toujours l’œil vers les cieux, même en louant les héros de la terre ; si, en célébrant ce qui passe, il porte toujours sa pensée et la nôtre vers ce qui ne passe point ; s’il ne perd jamais de vue ce mélange heureux, qui est à la fois le comble de l’art et de la force, alors ce sera en effet l’orateur de l’évangile, le juge des puissances, l’interprète des révélations divines ; ce sera en un mot Bossuet ». […] Mais s’il est à propos de réduire à sa juste valeur le néant de l’homme et de tout ce qui l’environne, il est à craindre cependant que le découragement ne résulte bientôt de cette première idée, et que la conviction profonde de cette vérité que nous ne sommes rien ici-bas, ne nous fasse perdre de vue ce que nous devons être un jour dans une autre patrie. […] « Applaudie de tous (la dauphine), mais à son tour affable et civile à tous, elle prévenait ceux-ci, répondait honnêtement à ceux-là, donnant au rang et au mérite des préférences d’inclination et de justice, sans faire des mécontents ni des envieux ; conservant de sa dignité ce que lui en faisait garder la bienséance, et ne comptant pour rien ce que sa bonté lui en faisait perdre. — Vous dirai-je avec quel discernement elle jugeait des ouvrages d’esprit ? […] C’est par ces sortes d’exercices que l’on forme son jugement et son goût : le devoir du maître est rempli, quand il a posé et développé les principes généraux ; l’application doit être l’ouvrage de l’élève, sans quoi l’un et l’autre ont perdu leur temps.

33. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. B. Rousseau. (1671-1741.) » pp. 254-266

Il perd sa volage assistance, Sans rien perdre de la constance, Dont il vit ses honneurs accrus ; Et sa grande âme ne s’altère Ni des triomphes de Tibère Ni des disgrâces de Varus2 Liv.  […] Les hommes, éblouis de leurs honneurs frivoles, Et de leurs vains flatteurs écoutant les paroles, Ont de ces vérités perdu le souvenir : Pareils aux animaux farouches et stupides, Les lois de leur instinct sont leurs uniques guides, Et pour eux le présent paraît sans avenir3. […] L’un des principaux fut la défaite de Varus, qui perdit trois légions en Germanie.

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