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2. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VII. des passions  » pp. 89-97

n’est-ce point soutenir un paradoxe ? […] et soutiendrez-vous que c’est à la même source qu’il a puisé l’abominable langage de l’hypocrisie ? […] Soutiendrez-vous que l’écrivain ressente au même degré ces affections contraires ? […] Passionner un sujet, c’est l’animer en s’y attachant, c’est en faire sa chose, c’est soutenir une thèse avec autant d’ardeur que si nos plus chers intérêts se trouvaient compromis par le triomphe de l’opinion contraire. […] Rien de plus avantageux à la poésie que l’emploi de la mythologie : voilà une opinion, juste ou erronée, peu importe pour le moment, qu’ont soutenue, entre autres, six poëtes de renom, J.

3. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Cependant, l’éloquence de la chaire ne s’appuie pas exclusivement sur l’autorité divine, elle emploie aussi les armes humaines du raisonnement, selon les auditeurs auxquels elle s’adresse ; elle sait aussi prouver que les vérités qu’elle enseigne ne sont pas contraires aux lois de la raison ; mais elle nous met en garde contre les erreurs et les faiblesses de l’esprit ; là où la raison trébuche, l’autorité étend sa main bienfaisante pour la soutenir. […] S’il s’agit de quelque question importante, d’une circonstance qui intéresse vivement le bien public ou le salut de la patrie, elle pourra s’élever, s’animer, devenir vive, impétueuse, passionnée ; l’argumentation prendra plus de nerf, plus de puissance, et, soutenue par l’émotion de l’orateur, elle entraînera la conviction de l’auditoire. […] L’éloquence du barreau doit faire triompher la justice et la vérité ; il lui est défendu de se prêter à soutenir l’injustice et le mensonge. Un avocat ne peut donc soutenir comme juste une cause qu’il sait être mauvaise ; il mentirait à sa conscience, à la conscience publique ; il ne serait pas honnête homme. […] On peut y déployer un art pompeux, des images éclatantes et hardies, une harmonie périodique et soutenue.

4. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. B. Rousseau. (1671-1741.) » pp. 254-266

Bien moins châtié et soutenu que les modèles du dix-septième siècle (sa langue et son goût parurent, surtout au déclin de sa carrière, souffrir de son séjour à l’étranger), il a cependant conservé dans ses odes et dans ses cantates leur haute et saine inspiration. […] Soutiens ma foi chancelante, Dieu puissant ; inspire-moi Cette crainte vigilante Qui fait pratiquer ta loi. […] Montrez-nous, guerriers magnanimes, Votre vertu dans tout son jour : Voyons comment vos cœurs sublimes Du sort soutiendront le retour. […] Le Brun a loué la verve soutenue de cette strophe, qui, selon lui, « est peut-être la plus énergique de l’ode ». […] Ajoutons que le sacrifice magique représenté par Rousseau peut soutenir le parallèle avec ceux que nous offrent ces chefs-d’œuvre de l’antiquité.

5. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Le dialogue en est élégant, les caractères parfaitement bien soutenus, et l’ensemble admirable. […] Elle amuse comme une conversation polie où se peignent des caractères bien soutenus. […] Aussi les poèmes épiques soutiennent ou doivent soutenir la cause de la vertu. […] Elle exige, plus qu’aucune autre poésie, une gravité, une égalité et une dignité constamment soutenues. […] Son action est conduite avec un art admirable ; il s’élève par une gradation soutenue.

6. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

Le boursouflé et le burlesque disparurent ; mais il resta, sous le nom de style soutenu, je ne sais quelle forme guindée, officielle, académique. […] Bientôt l’exagération du style soutenu, et d’autre part l’extrême difficulté de la rime et le peu de ressources que présente la prose aux partisans fanatiques de l’harmonie, firent imaginer la prose métrique ou scandée, mélange prétentieux de vers blancs d’inégale mesure et d’inversions poétiques, genre amphibie et bâtard, qui n’a ni les qualités de la prose, ni celles de la poésie. […] Assurément l’introduction du style soutenu au xviie  siècle avait ses nécessités et ses avantages. […] On est étonné de voir Buffon lui-même soutenir que le style n’aura ni noblesse, ni vérité, ce qui est plus étrange, si l’on n’a soin de nommer les choses que par les termes les plus généraux, si l’on ne se défie de son premier mouvement, si l’on se laisse emporter à son enthousiasme, si l’on n’a partout plus de candeur que de confiance, plus de raison que de chaleur.

7. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre III. — Ornements du Style, qui consistent dans les Mots ou Figures »

Quand la métaphore est ainsi mal soutenue, quand sa ressemblance est trop éloignée ou ne peut pas être saisie tout d’abord, on dit alors qu’elle est trop hardie. […] Le sang n’ébranle point les murailles : il peut seulement les inonder : la métaphore est mal soutenue. […] Il faut principalement s’attacher, dans l’allégorie, à soutenir l’image qu’on a d’abord présentée. […] Quittent le noble orgueil d’un sang si généreux, Jusqu’à pouvoir soutenir que tu rognes sur eux ? […] Dans la Henriade, Potier défend les droits de Henri IV, au trône de France ; et dans le discours qu’il prononce devant le duc de Mayenne, il flétrit par une réticence la conduite des prêtres, qui soutiennent la ligue.

8. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre III. De la partie oratoire dans les Historiens anciens. Historiens grecs. »

Le premier événement qui figure avec quelque intérêt dans son histoire, est la chute de ce fameux Crésus, qui soutint ce revers épouvantable avec une fermeté courageuse, que l’on ne semblait pas devoir attendre d’un homme ébloui longtemps de ses richesses, et l’objet et la victime de tous les genres de corruption. […] Le citoyen le plus heureux, si sa patrie vient à tomber, tombe nécessairement avec elle ; tant qu’elle se soutient, il trouve dans le bonheur général les moyens de réparer ses propres disgrâces. Mais s’il est vrai que la république puisse soutenir le particulier dans sa chute, tandis que le particulier ne peut arrêter la ruine d’une république qui s’écroule, ne faut-il pas que tous se réunissent pour venir au secours de la mère commune, et déploient une fermeté d’âme… dont vous êtes bien éloignés aujourd’hui ! […] Oui, l’on blâme également la faiblesse qui soutient mal son rang, et l’orgueil qui aspire où il ne saurait atteindre. […] Des hommes ramassés au hasard parmi le peuple, et qui ne sont pas, comme nous, des guerriers d’élite ; des Siciliens qui affectent de nous mépriser, mais qui ne pourront soutenir nos efforts, parce qu’ils ont moins d’habileté que d’audace.

9. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Et tout cela, d’une façon si naturelle et si soutenue, que, se laissant aller à cette magie de la disposition, chaque lecteur se dise, « je ferais de même, » jusqu’à ce qu’il se mette à l’œuvre, et qu’après de longs et inutiles efforts, il reconnaisse la vanité de ses prétentions. […] Par la force du génie, on se représentera toutes les idées générales et particulières sons leur véritable point de vue ; par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes ; par la sagacité que donne la grande habitude d’écrire, on sentira d’avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l’esprit… « Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois. […] « Son dessein ne peut se faire sentir que par la continuité du fil, par la dépendance harmonique des idées, par un développement successif, une gradation soutenue, un mouvement uniforme, que toute interruption détruit ou fait languir. » Ce discours de Buffon est, ce me semble, un admirable commentaire des quarante-cinq premiers vers si vrais et si féconds de la Poétique d’Horace. […] On a distingué plusieurs espèces d’unités : l’unité d’action, l’unité d’intérêt, l’unité de mœurs, spécialement recommandées toutes trois dans l’épopée, dans le drame, dans le roman ; l’unité de ton, partout nécessaire, qui rend le style soutenu, analogue au sujet, semblable à lui-même d’un bout à l’autre, mais qui tient plutôt à l’élocution qu’à la disposition ; enfin l’unité de dessein, la plus importante, qui consiste à établir dans un écrit un point fixe auquel tout se rapporte, un but unique vers lequel tout se dirige. […] Les enfants de la gloire et de la magnificence sont rarement les enfants de la sagesse et de la vertue ; et il est presque plus rare de soutenir la gloire et les honneurs auxquels on succède, que de les acquérir sol même. »

10. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

Comme le monde physique subsiste parce que chaque partie de la matière tend à s’éloigner du centre, aussi le monde politique se soutient-il par le désir intérieur et inquiet que chacun a de sortir du lieu où il est placé. […] J’avoue que j’ai trop de vanité pour souhaiter que mes enfants fassent un jour une grande fortune : ce ne serait qu’à force de raison qu’ils pourraient soutenir l’idée de moi ; ils auraient besoin de toute leur vertu pour m’avouer1, ils regarderaient mon tombeau comme le monument de leur honte. […] Elle ne s’est pas montrée plus sage que tous les autres États de la terre en un jour, mais continuellement ; elle a soutenu une petite, une médiocre, une grande fortune avec la même supériorité, et n’a point eu de prospérités dont elle n’ait profité, ni de malheurs dont elle ne se soit servie. […] Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire ne reconnaissaient d’autre force qui pût le soutenir que celle de la vertu. […] Comment Carthage aurait-elle pu se soutenir ?

11. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Molière, 1622-1673 » pp. 43-55

La philosophie est un présent du ciel ; elle nous a été donnée pour porter nos esprits à la connaissance d’un Dieu par la contemplation des merveilles de la nature ; et pourtant on n’ignore pas que souvent on l’a détournée de son emploi, et qu’on l’a occupée publiquement à soutenir l’impiété. […] J’avoue qu’il y a des lieux qu’il vaut mieux fréquenter que le théâtre ; si l’on veut blâmer toutes les choses qui ne regardent pas directement Dieu et notre salut, il est certain que la comédie en doit être, et je ne trouve point mauvais qu’elle soit condamnée avec le reste ; mais, supposé, comme il est vrai, que les exercices de la piété souffrent des intervalles, et que les hommes aient besoin de divertissement, je soutiens qu’on ne leur en peut trouver un qui soit plus innocent que la comédie. […] chevalier, est-ce que tu prétends soutenir cette pièce ? […] Oui, je prétends la soutenir. […] Mais, avec cela, je soutiens qu’elle ne pèche contre aucune des règles dont vous parlez.

12. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre IV. Continuation du même sujet. Historiens latins. »

On voit que, soutenu par un grand modèle, il a fait des efforts pour s’élever même au-dessus de lui, s’il était possible, et ses efforts n’ont pas été malheureux pour cette fois. […] Silius ne se soutient pas longtemps à la hauteur où nous venons de l’admirer ; et la fin de ce même discours, si nerveuse et si énergique dans Tite-Live, est faible et traînante dans son imitateur. […] et vous le soutiendriez, ce spectacle affreux pour les Albains eux-mêmes ! […] Ce front terrible qui jette l’épouvante dans des armées entières ; ce front que les Romains eux-mêmes ne peuvent soutenir, tu en pourras braver l’aspect ? […] « Mon épouse et mon fils ne me sont pas plus chers que mon père et la république ; mais sa propre grandeur soutiendra mon père, et les autres armées défendront la république.

13. (1872) Recueil de compositions françaises pour préparer au discours latin les candidats au baccalauréat ès-lettres. Première série

Quelles luttes pourra soutenir un Varus déjà vaincu tant de fois ? […] Nicias est le seul qui ait soutenu la cause des Syracusains, et qui ait dissuadé ses concitoyens de faire la guerre ! […] Tu n’as plus les moyens de soutenir ta famille : dernièrement, tu as succombé dans un jugement privé, vaincu par le crédit d’un affranchi ! […] Si nous essayons de pousser leurs alliés à la défection, il faudra les soutenir avec nos flottes, puisque la plupart habitent des îles. […] Une poignée de guerriers soutiendra le choc d’une invasion formidable.

14. (1839) Manuel pratique de rhétorique

Son caractère distinctif est une facilité toujours égale et soutenue. […] soutiendrez-vous le regard d’Annibal, ce regard redoutable que ne peuvent soutenir les armées entières et qui fait trembler le peuple romain ? […] Les poètes abondent en similitudes ; en éloquence rien de plus noble que celle par laquelle Bossuet compare la fermeté de la reine d’Angleterre aux colonnes qui soutiennent un temple ruineux ; le grand Condé à un fleuve majestueux ; la bonté des princes à une fontaine publique. […] Mais seule elle produirait peu d’effet ; elle n’est que le commencement d’un mouvement que d’autres figures doivent soutenir et augmenter. […] Vous avez assez soutenu l’État, qui est attaqué par une force invincible et divine : il ne reste plus désormais, sinon que vous teniez ferme parmi ses ruines.

15. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VIII. Des Figures en général. »

Si je dis, par exemple, en parlant d’un ministre, qu’il soutient l’état comme une colonne, je fais une similitude, parce que j’établis un rapport sensible entre le ministre et la colonne. […] Voilà Louis XIII pris métaphoriquement pour Jupiter ; et l’imagination s’attend à voir cette figure soutenue. […] Au mérite d’une métaphore parfaitement juste, soutenue, et graduée avec tout l’art possible. […] Était-il possible de caractériser par des images plus justes, par une métaphore mieux soutenue, les factions qui divisaient alors la république romaine ? […] Quel autre soutiendra vos tiges languissantes ?

16. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

« S’il est écrit que je dois être exercé par toutes les traverses que ta rigueur m’annonce, tu ne veux pas apparemment que je succombe à ces chagrins ; donne-moi la force de les repousser, d’en soutenir l’excès par des compensations ; et, malgré tant de maux, je ne cesserai de chanter tes louanges. […] Je demanderais surtout qu’infidèle à ses amis, ingrat envers ses protecteurs, odieux aux auteurs dans ses censures, nauséabond aux lecteurs dans ses écritures, terrible aux emprunteurs dans ses usures, colportant les livres défendus, espionnant les gens qui l’admettent, écorchant les étrangers dont il fait les affaires, désolant, pour s’enrichir, les malheureux libraires, il fût tel enfin dans l’opinion des hommes, qu’il suffît d’être accusé par lui pour être présumé honnête, d’être son protégé, pour devenir à bon droit suspect : donne-moi Marin 1 « Que si cet intrus doit former le projet d’affaiblir un jour ma cause en subornant un témoin dans cette affaire, j’oserais demander que cet autre argousin fût un cerveau fumeux, un capitan sans caractère, girouette tournant à tous les vents de la cupidité, pauvre hère qui, voulant jouer dix rôles à la fois, dénué de sens pour en soutenir un seul, allât, dans la nuit d’une intrigue obscure, se brûler à toutes les chandelles, en croyant s’approcher du soleil ; et qui, livré sur l’escarpolette de l’intérêt à un balancement perpétuel, en eût la tête et le cœur étourdis au point de ne savoir ce qu’il affirme, ni ce qu’il a dessein de nier : donne-moi Bertrand. […] Je soutiens, moi, que c’est la conjonction copulative ET qui lie les membres corrélatifs de la phrase ; je payerai la demoiselle, ET je l’épouserai. […] Je soutiens, moi, que c’est la conjonction alternative OU qui sépare lesdits membres ; je payerai la donzelle, OU je l’épouserai.

17. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Lacordaire, 1802-1861 » pp. 542-557

Son oraison funèbre du général Drouot se soutient dans le voisinage de Bossuet. […] La conscience dit à l’homme de bien qu’il est grand devant Dieu, parce qu’il est pur devant lui, et cette grandeur le soutient sans l’enorgueillir, parce que, étant fondée sur la vérité, elle retourne à Dieu bien plus qu’elle ne descend à l’homme. […] Il lui faudra parler, écrire, commander par son talent, et soutenir ce talent, quelque noble qu’il soit en lui-même, par cette autre puissance qui ne souffre jamais impunément d’éclipse, la vertu. […] La religion n’a pas besoin de triomphes ; elle peut se passer de ma parole à Notre-Dame : Dieu est là pour la soutenir et l’honorer dans l’opprobre ; mais elle a besoin que ses enfants ne l’humilient pas eux-mêmes et ne déshonorent pas ses épreuves. […] J’ai la certitude qu’aucun parti ne me soutiendra jamais, parce que jamais je ne donnerai de gages à un parti humain ; j’ai aussi cette autre certitude que, demeuré à une place trop visible, je prêterai toujours le flanc aux attaques de mes ennemis par la naïveté de mes impressions et la hardiesse de mon discours2.

18. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bossuet, 1627-1704 » pp. 89-123

Le carême du Louvre inaugura ces trente années, pendant lesquelles il se soutint dans la perfection par des coups d’éclat où son génie se renouvela sans cesse. […] Pour lui, il appuie sa famille sur des fondements plus certains, sur des charges considérables, sur des richesses immenses, qui soutiendront éternellement la fortune de sa maison. […] comme si ces soutiens magnifiques qu’il cherche contre la puissance de la fortune n’étaient pas encore de son ressort, et pour le moins aussi fragiles que l’édifice même qu’il croit chancelant ! […] Mais la guerre qui oblige Votre Majesté à de si grandes dépenses l’oblige en même temps à ne pas laisser accabler le peuple, par qui seul elle les peut soutenir. […] Quoique Votre Majesté sache bien, sans doute, combien en toutes ces choses il se commet d’injustices et de pilleries2, ce qui soutient vos peuples, c’est, Sire, qu’ils ne peuvent se persuader que Votre Majesté sache tout ; et ils espèrent que l’application qu’elle a fait paraître pour les choses de son salut3 l’obligera à approfondir une matière si nécessaire.

19. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre V. Barreau français. — Le Normant et Cochin. »

Que l’on cesse donc de s’étonner d’avoir vu et de voir tous les jours encore, insensiblement tomber des réputations, d’abord élevées si haut, mais qui manquaient de ce qui les devait soutenir à jamais. […] C’est que la faiblesse de ses ouvrages n’a pu soutenir l’analyse du temps, qui dévore tout ce qui n’est pas marqué au coin du génie.

20. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

La poésie en est toujours noble, brillante, vive et soutenue. […] L’un et l’autre événement sont possibles, et seroient vraisemblables : voilà ce qui soutient l’incertitude du spectateur : voilà ce qui soutient l’intérêt. […] vous la soutenez ? […] Nous leur devons même la première comédie de caractère qui se soit soutenue, et qui se soutiendra toujours avec distinction sur notre théâtre. […] Ce spectacle a été long-temps soutenu par ce seul poëte comique.

21. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XII. Poésie dramatique. »

Il y a des auteurs qui soutiennent que cette passion doit être entièrement bannie de nos tragédies ; il y en a d’autres qui prétendent qu’elle est absolument nécessaire. […] Ce sont les paroles mêmes de Voltaire dont je vais me servir : « Créer un sujet, inventer un nœud et un dénouement ; donner à chaque personnage son caractère et le soutenir ; faire en sorte qu’aucun d’eux ne paraisse et ne sorte sans une raison sentie de tous les spectateurs ; ne laisser jamais le théâtre vide ; faire dire à chacun ce qu’il doit dire, avec noblesse sans enflure, avec simplicité sans bassesse ; faire de beaux vers qui ne sentent point le poète et tels que le personnage aurait dû en faire s’il parlait en vers : c’est là une partie des devoirs que tout auteur d’une tragédie doit remplir. […] Quant au style de la comédie, il n’y a rien à ajouter à ce que nous avons déjà dit : qu’il soit simple, clair, familier sans pourtant être jamais ni bas, ni rampant, ni lâche ; assaisonné de pensées fines et délicates, d’expressions plus vives qu’éclatantes, sans grands mots, sans figures soutenues, sans tirades de morale ou de préceptes prétentieux : voilà certainement ce qu’il doit être en général. […] Les Espagnols connurent avant nous la bonne comédie ; nous leur devons même la première pièce de caractère qui se soit soutenue, et qui se soutiendra toujours avec distinction sur notre théâtre : c’est le Menteur que Corneille imita de Lopez de Véga, et qu’il fit représenter pour la première fois en 1642172. […] Un peu plus tard on pensa à varier le spectacle : on voulut représenter des personnages mythologiques ou surhumains : il fallut les faire voler dans l’air, y soutenir des monstres, y bâtir des palais enchantés, produire enfin toutes sortes de changements à vue.

22. (1863) Discours choisis ; traduction française par W. Rinn et B. Villefore. Première partie.

qui soutiendra donc la mémoire de Scipion ? […] Comment soutiendrai-je mon accusation ? […] Avancez-le donc hardiment, puisqu’il est important pour vous de le soutenir. […] quelle espérance les soutiendra dans le désir de vivre, si vous les abandonnez ? […] Oui ; je soutiens que ce citoyen romain fut, en votre présence, accablé de coups par vos licteurs.

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Ici l’orateur n’avait plus, pour soutenir et pour animer sa marche, le tableau toujours intéressant des troubles des nations, des révolutions des empires : ici, tout l’intérêt repose sur une princesse aimable, qui réunissait toutes les qualités du cœur aux talents de l’esprit le plus cultivé, et qui ne mit entre la santé la plus florissante et la mort la plus affreuse, que l’intervalle de quelques heures ! […] Non, messieurs ; je ne puis plus soutenir ces grandes paroles, par lesquelles l’arrogance humaine tâche de s’étourdir elle-même, pour ne pas s’apercevoir de son néant. […] Quand quelqu’un traitait avec, elle, il semblait qu’elle eût oublié son rang, pour ne se soutenir que par sa raison.

24. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bossuet. (1627-1704.) » pp. 54-68

Mais que, dans cette effroyable confusion de toutes choses, il est beau de considérer ce que la grande Henriette a entrepris pour le salut de ce royaume ; ses voyages, ses négociations, ses traités, tout ce que sa prudence et son courage opposaient à la fortune de l’Etat ; et enfin sa constance, par laquelle n’ayant pu vaincre la violence de la destinée, elle en a si noblement soutenu l’effort ! […] Aussitôt qu’il eut porté de rang en rang l’ardeur dont il était animé, on le vit presque en même temps pousser l’aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les Français à demi vaincus, mettre en fuite l’Espagnol victorieux, porter partout la terreur, et étonner1 de ses regards étincelants2 ceux qui échappaient à ses coups. […] Si les arbres poussent leurs racines autant qu’il est convenable pour les soutenir ; s’ils étendent leurs branches à proportion, et se couvrent d’une écorce si propre à les défendre contre les injures de l’air ; si la vigne, le lierre et les autres plantes qui sont faites pour s’attacher aux grands arbres ou aux rochers en choisissent si bien les petits creux, et s’entortillent si proprement aux endroits qui sont capables de les appuyer ; si les feuilles et les fruits de toutes les plantes se réduisent à des figures si régulières, et s’ils prennent au juste, avec la figure, le goût et les autres qualités qui suivent de la nature de la plante, tout cela se fait par raison : mais, certes, cette raison n’est pas dans les arbres. […] Ce trait est parfaitement historique : Condé avait le regard si vif et si perçant, comme l’attestent les contemporains, qu’on avait peine à en soutenir l’éclat.

25. (1867) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de rhétorique

Les gens heureux ne se corrigent guère : ils croient toujours avoir raison quand la fortune soutient leur mauvaise conduite. […] Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer98. […] Quatre Vertus soutenaient la première représentation : la Force, la Justice, la Tempérance et la Religion. […] Le mausolée était encore orné de plusieurs anges qui soutenaient une chapelle ardente, laquelle tenait à la voûte. […] S’ils cessaient de la soutenir, le Tout-Puissant la porterait lui-même.

26. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

L’imagination excitée s’élève avec l’auteur ; mais il doit la soutenir dans son essor. […] Là, il serait dangereux d’être diffus, parce qu’il est difficile de soutenir pendant longtemps le degré de chaleur nécessaire. […] Ses raisonnements sur la loi dont on s’occupait sont très subtils, mais ses attaques contre Démosthène sont mal soutenues. […] Nous apercevons partout les efforts perpétuels qu’il fait pour s’éloigner de la voie ordinaire de la pensée, et pour soutenir une élévation forcée. […] Ils peuvent alors soutenir l’isolement, qui augmente leur pouvoir en les plaçant dans tout leur jour.

27. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Bruyère 1646-1696 » pp. 100-117

Zénobie ou la vanité de la magnificence Ni les troubles, Zénobie 4, qui agitent votre empire, ni la guerre que vous soutenez virilement contre une nation puissante depuis la mort du roi votre époux, ne diminuent rien de votre magnificence : vous avez préféré à toute autre contrée les rives de l’Euphrate pour y élever un superbe édifice ; l’air y est sain et tempéré, la situation en est riante ; un bois sacré l’ombrage du côté du couchant ; les dieux de Syrie, qui habitent quelquefois la terre, n’y auraient pu choisir une plus belle demeure ; la campagne autour est couverte d’hommes qui taillent et qui coupent, qui vont et qui viennent, qui roulent ou qui charrient du bois du Liban, l’airain et le porphyre ; les grues5 et les machines gémissent dans l’air, et font espérer à ceux qui voyagent vers l’Arabie de revoir à leur retour en leurs foyers ce palais achevé, et dans cette splendeur où vous désirez le porter, avant de l’habiter vous, et les princes vos enfants. […] Vauvenargues dit : « Qui peut soutenir son esprit et son cœur au-dessus de sa condition ? […] Se soutenir, pour soutenir son crédit.

28. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre IX. de la disposition. — proportions, digressions, transitions, variété  » pp. 118-130

Loin de m’opposer aux développements donnés à certaines idées favorites, benjamins de la fantaisie, j’applaudis, surtout dans le poëme didactique et le roman, aux excursions même hors des limites du sujet, aux épisodes, aux digressions, qui divertissent l’attention trop longtemps soutenue et suspendent l’intérêt sans le détruire. […] La digression n’est donc point condamnable en soi ; placée à propos et bien ménagée, elle prévient la monotonie et soutient l’attention. […] L’antithèse est la forme la plus ordinaire de ces transitions ; continuez de feuilleter l’oraison funèbre de Condé : — Pendant que le prince se soutenait si hautement avec l’archiduc, il rendait au roi d’Angleterre tous les honneurs qui lui étaient dus… Nous avons parlé des qualités de l’âme, venons maintenant aux qualités de l’esprit… Si les autres conquérants ont reçu une récompense aussi vaine que leurs désirs, il n’en sera pas ainsi de notre grand prince, en effet,… etc. — C’est en étudiant les auteurs qui ont ainsi travaillé leurs transitions, Racine surtout et Massillon, que vous trouverez les modèles de ces mille artifices, et que vous vous habituerez à les employer vous-même à l’occasion.

29. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Ces deux qualités se retrouvent jusque dans la contexture de la phrase ample et abondante, où circule un souffle puissant qui en anime, en ordonne, en soutient toutes les parties. […] Voilà les maîtres vers lesquels il faut sans cesse porter ses regards, quand on a quelques sentiments de l’art véritable, et qu’on aime cette admirable langue française, fidèle image de l’esprit et du caractère national, qui ne peut se soutenir et durer que par le perpétuel renouvellement des causes qui l’ont formée et élevée, à savoir les grands sentiments et les grandes pensées, ces foyers immortels du génie des écrivains et des artistes, aussi bien que de la puissance des nations. […] Il y consacrait ses veilles, et, quand ses forces diminuaient, son âme soutenait encore son infatigable persévérance. » 1.

30. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — La Rochefoucauld. (1613-1680.) » pp. 15-19

Il y a une sorte de politesse qui est nécessaire dans le commerce des honnêtes gens2 : elle leur fait entendre raillerie, et elle les empêche d’être choqués et de choquer les autres par de certaines façons de parler trop sèches et trop dures, qui échappent souvent sans y penser quand on soutient son opinion avec chaleur. […] A la place de : pour ce qu’ils ont dit. — Il faut rapprocher de là cette pensée de Fénelon : « Il ne suffit pas d’avoir raison : c’est gâter et déshonorer la raison que de la soutenir d’une manière brusque et hautaine. » 2.

31. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Nisard Né en 1806 » pp. 296-300

C’est une œuvre de talent, de science et de volonté courageusement soutenue pendant vingt-cinq années d’études. […] Quand il s’agit du rang de la France dans les choses matérielles, l’émulation des peuples étrangers peut nous y servir, et nous faisons bien de la provoquer ; mais pour soutenir notre supériorité dans les choses de l’esprit, nous n’avons pas à compter sur le stimulant de la concurrence étrangère : il faut que toute l’émulation vienne de nous.

32. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

L’inversion, qui est un des privilèges et une des beautés de la poésie, ne s’emploie guère en prose que dans le style soutenu. […] 5° Les métaphores doivent être soutenues, et ne point présenter des idées incohérentes et qui ne peuvent se lier entre elles. […] Si l’allégorie doit être claire et juste, il faut encore qu’elle soit soutenue, c’est-à-dire qu’elle n’offre pas d’interruption ; mais que, dans tout son cours, elle suive l’idée qu’elle a présentée à son début, et soutienne jusqu’à la fin sa beauté et sa correction. […] Cette figure est un tour très propre à soutenir l’attention en donnant au sentiment de la force et de la chaleur. […] Lorsque ce grand édifice qu’elle soutenait fond sur elle sans l’abattre ; 3.

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