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2. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Dans les autres hommes, cette passion déplorable n’exerce jamais qu’à demi son empire : les obstacles la traversent ; la crainte des discours publics la retient ; l’amour de la fortune la partage. […] quels obstacles a jamais trouvés là-dessus la volonté de ceux qui tiennent en leurs mains la fortune publique ? Les occasions préviennent presque leurs désirs : leurs regards, si j’ose parler ainsi, trouvent partout des crimes qui les attendent : l’indécence du siècle et l’avilissement des cours honorent même d’éloges publics les attraits qui réûssissent à les séduire : on rend des hommages indignes à l’effronterie la plus honteuse : un bonheur si honteux est regardé avec envie, au lieu de l’être avec exécration ; et l’adulation publique couvre l’infamie du crime publie. […] La crainte du public est un autre frein pour la licence du commun des hommes. […] Les hommages publics qu’on leur rend les rassurent sur le mépris secret qu’on a pour eux.

3. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Lacordaire 1802-1861 » pp. 279-285

Huit ans après, porté à l’Assemblée nationale par les suffrages de l’admiration publique, il se démit de son mandat après la journée orageuse du 15 mai. […] Là où la vie publique est établie, tout homme riche est patricien, ou peut le devenir. […] Dès ses jeunes années, le fils du patricien, c’est-à-dire de l’homme public, envisage avec passion l’avenir qui l’attend en face de ses concitoyens. […] Le droit est la seconde initiation à la vie publique. […] La chambre publique, c’est-à-dire la boutique.

4. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XVI. Genre du roman. »

L’histoire de l’homme ne consiste pas seulement dans les événements extérieurs et publics, qui ne nous montrent guère que des princes, des héros, et les actions mémorables des grands hommes ; l’humanité a encore une autre face : c’est la vie privée, c’est la multitude, ce sont les passions, les intérêts, les accidents de tous les jours, les vertus, les vices, les mœurs, les usages, les caractères de la vie commune ; c’est l’histoire de chacun et l’histoire de tous : tels sont les éléments variés et féconds où le roman puise ses peintures et ses récits. […] Voyant le public blasé sur les jouissances pures et délicates, ils cherchent à réveiller cette sensibilité émoussée en recourant au laid et en forçant la nature ; ils jettent en pâture au public des sentiments raffinés, des situations fausses, extravagantes, invraisemblables, des passions exagérées. […] Remarquons d’ailleurs combien tout était public et occupé dans la vie de ces petites et glorieuses nations de la Grèce : il n’y avait pour personne de distraction privée ni de solitude ; l’État se chargeait pour ainsi dire d’amuser les citoyens. […] Nous ne suivrons pas toutes les nuances de transformations qu’il a subies, autant par le caprice des auteurs que par les exigences d’un public avide d’émotions et d’histoires. […] La position élevée des femmes dans la société moderne, leur action puissante dans la vie privée et publique, entrent pour beaucoup dans cette importance qu’a prise le roman dans nos mœurs actuelles.

5. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre IV. Analyse et Extraits du plaidoyer de Cicéron pour Sextius. »

Le combat s’engagea sur la place publique, et le sang coula en abondance. Dix mois environ après le retour de Cicéron dans sa patrie, la faction de Clodius accusa Sextius de violence publique, d’après la loi Lutatia. […] C’est donc la religion qu’il faut respecter d’abord et faire respecter aux autres, si l’on veut contribuer efficacement au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique ; c’est donc la religion qui est la base et la garantie du bonheur public et particulier. […] Faut-il vous retracer le Tibre rempli des corps de vos concitoyens, les égouts qui en regorgeaient, et le sang étanché sur la place publique avec des éponges ? […] Alors s’établit, pour l’utilitè de tous, ce que nous appelons la chose publique ; alors il se forma des associations d’hommes, qui furent nommées des cités ; alors on bâtit l’une près de l’autre des maisons que l’on appela des villes, qui, entourées de murs, reconnurent des lois et un culte religieux.

6. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Né dans les premiers rangs de la société coloniale, élevé dans les écoles publiques, au milieu de ses compatriotes, il arrivait naturellement à leur tête ; car il était à la fois leur supérieur et leur pareil, formé aux mêmes études, habile aux mêmes exercices, étranger, comme eux, à toute instruction élégante, à toute prétention savante, ne demandant rien pour lui-même, et ne déployant que pour le service public cet ascendant qu’un esprit pénétrant et sensé, un caractère énergique et calme assurent toujours dans une situation désintéressée. […] Les obstacles, les revers, les inimitiés, les trahisons, les erreurs et les langueurs publiques, les dégoûts personnels abondèrent, ainsi qu’il arrive, sous les pas de Washington, dans cette longue carrière. […] Sans doute, il portait sur les droits et les intérêts de l’Angleterre un jugement bien moins pur, bien moins juste que Falkland et Hampden1 ; cependant il ne faut pas croire que tout fût erreur dans sa pensée politique : bien des choses, et de très-importantes, le frappaient, qui échappaient à ses rivaux ; il connaissait des besoins publics, des conditions de liberté publique dont Hollis et Pym2 avaient tort de ne point tenir compte ; il prévoyait, au train de la révolution, mille conséquences dont ils ne voulaient pas plus que lui, mais qu’ils ne savaient point démêler. […] Il disait : Si quelque pouvoir sur la terre pouvait, ou si le grand pouvoir au-dessus de la terre voulait élever le drapeau de l’infaillibilité en fait d’opinions politiques, il n’y a, parmi les habitants de ce globe, pas un être qui fût plus empressé que moi d’y recourir, aussi longtemps que je resterai le serviteur du public. […] Guizot était alors ministre de l’instruction publique : ce passage est extrait d’un discours prononcé à la distribution des prix du Concours général. — 17 août 1835. — Didier.

7. (1863) Discours choisis ; traduction française par W. Rinn et B. Villefore. Première partie.

Mais je m’y refuse, protestant que, puisque cette affaire intéressait le salut public, je me garderais bien de n’en pas réserver au conseil public la connaissance tout entière. […] Mais cependant mes dangers personnels ne sauraient l’emporter sur l’intérêt public. […] La ville de Messine ne me fit point d’invitation publique et solennelle. […] Vous chercheriez donc à vous délivrer du danger aux risques du public ? […] Plein de fureur, et ne respirant que le crime, il vient sur la place publique.

8. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XVII. Genre épistolaire. »

Le genre épistolaire est très borné ; il ne contient réellement que les lettres simples et familières, écrites avec un talent remarquable, et que l’on a jugées dignes d’intéresser le public ou d’être proposées comme modèles. Car nous nous garderons de confondre avec les lettres véritables des ouvrages complets, soit traités philosophiques ou didactiques, soit romans, qui se présentent sous la forme épistolaire ; à peine a-t-on commencé à lire ces prétendues lettres, qu’on voit apparaître un auteur qui parle, non à un ami, mais au public. […] Une lettre écrite avec abandon est pleine de ces surprises de l’âme et de ces mouvements naturels qui ont été dérobés au public ; c’est souvent le portrait le plus ressemblant de l’auteur. […] Parmi les écrivains dont la correspondance, tombée dans le domaine public, a de la célébrité, citons Cicéron, Pline le Jeune, Henri IV, Balzac, Voiture, Bossuet, Fénelon, Racine, madame de Sévigné, madame de Maintenon, Voltaire, Paul-Louis Courier.

9. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre V. Ouvrages historiques. »

S’il rapporte des choses fausses ou qu’il donne pour vérités de simples conjectures, il trompe le public, il en impose aux nations pour lesquelles il écrit. […] Ainsi, pendant qu’à Rome les emplois publics ne s’obtenaient que par la vertu et ne donnaient que l’honneur et une préférence aux fatigues, tout ce que le public peut donner aux particuliers se vendait à Carthage, et tout service rendu par les particuliers y était payé par le public. […] Dans une biographie, l’historien ne doit rapporter des événements publics que ceux où son héros a joué un rôle considérable. […] Elles peuvent joindre alors au récit des événements publics et généraux, les particularités de leur vie ou de leurs principales actions. […] Il a exprimé d’une manière bien vraie et bien naïve sa soumission pour le public, à l’occasion d’une de ses pièces qui avait pour titre : l’Île de la raison ou les Petits hommes, et qui fut traitée par le parterre avec la rigueur la plus inexorable.

10. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

Dans la bouche d’hommes éclairés, intègres et dévoués au bien public, l’éloquence de la tribune a quelque chose de solennel et d’imposant, parce qu’elle est l’instrument de la justice, de la vérité et de la vertu ; elle parle le langage du bon sens et de la sagesse ; elle contribue au bien général. […] S’il s’agit de quelque question importante, d’une circonstance qui intéresse vivement le bien public ou le salut de la patrie, elle pourra s’élever, s’animer, devenir vive, impétueuse, passionnée ; l’argumentation prendra plus de nerf, plus de puissance, et, soutenue par l’émotion de l’orateur, elle entraînera la conviction de l’auditoire. […] Un avocat ne peut donc soutenir comme juste une cause qu’il sait être mauvaise ; il mentirait à sa conscience, à la conscience publique ; il ne serait pas honnête homme. […] Le rôle de l’avocat est de défendre un accusé ; celui du magistrat public, président ou procureur, est de poursuivre le coupable pour venger la loi et la société outragées. […] C’est une heureuse pensée qui excite l’émulation des écrivains, l’intérêt du public, et agrandit le domaine de l’éloquence.

11. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Beaumarchais, 1732-1799 » pp. 344-356

Plaideur par nécessité dans un procès contre les héritiers de Paris Duverney, il y trouve prétexte à jouer un rôle retentissant : cette mince affaire de quelques louis devient par son adresse une question de liberté publique et d’intérêt général. […] « Fais qu’aveuglé par la haine, il s’égare assez pour me supposer tous les crimes ; et que, m’accusant faussement, au tribunal du public, d’avoir osé compromettre les noms les plus sacrés, il sorte enfin couvert de honte, quand la nécessité de me justifier m’arrachera au silence le plus respectueux. […] Avouons-le de bonne foi, force n’est pas bonheur : il faut une vertu plus qu’humaine pour être heureux étant mésestimé ; mais je n’en ai que mieux goûté depuis combien l’estime publique est douce à recueillir. […] J’ai donné ma pièce au public pour l’amuser et pour l’instruire, mais non pour offrir à Arsinoë le plaisir d’en aller penser du bien en petite loge, à condition d’en dire du mal en société. […] d’éprouver sans cesse l’ennui de l’importunité, le dégoût des sollicitations, le bavardage des plaideurs, la monotonie des audiences, la fatigue des délibérations, et la contention d’esprit nécessaire aux prononcés des arrêts, s’il ne se croyait pas payé de cette vie laborieuse et pénible par l’estime et la considération publiques ?

12. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

L’ombre des écoles produit des sophistes ; c’est au soleil de la place publique que naissent les orateurs. […] Ce n’est pas le plaisir qui les réunit, c’est l’intérêt public. […] C’est tout simplement un homme qui aime sa patrie et qui essaye de persuader ses concitoyens en leur parlant des intérêts publics. […] Il put reprocher aux Athéniens leurs vices, leur paresse, leur insouciance du bien public, leurs plaisirs dispendieux et inutiles. […] Discours sur les réformes publiques.

13. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre IV. De l’Éloquence chez les modernes. »

Il est une vérité incontestable, c’est qu’aucune des nations de l’Europe n’a attaché, jusqu’ici, autant d’importance aux discours publics, n’a accordé autant de considération aux orateurs, que les Grecs et les Romains. […] Mais la vraie éloquence, l’éloquence politique, celle qui, dans les tribunes d’Athènes et de Rome, avait exercé la censure de l’administration publique, cette éloquence, gardienne et protectrice du bien public, était destinée à ne reparaître jamais, ou à faire payer bien cher sa résurrection momentanée. […] Mais elle est loin d’être riche en orateurs publics, et l’on trouverait difficilement des monuments de leur génie.

14. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Mais cette noble étude est indispensable à ceux qui, par état, doivent parler en public. […] J’ose espérer que ce Résumé, quelque imparfait qu’il soit, ne sera pas sans utilité pour ceux qui se destinent à parler en public. […] Une remarque importante de Suidas, c’est qu’il fut le premier qui écrivit un discours destiné à être prononcé en public. […] Il ne s’engagea jamais dans les affaires publiques. […] Peut-être n’existe-t-il pas de scène publique où l’éloquence soit plus nécessaire.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mirabeau, 1749-1791 » pp. 368-376

Mirabeau 1749-1791 [Notice] Pour un homme public, rien ne remplace l’ascendant d’une bonne renommée. […] si les déclarations les plus solennelles ne garantissaient pas notre respect pour la foi publique, notre horreur pour l’infâme mot de banqueroute, j’oserais scruter les motifs secrets, et peut-être, hélas ! ignorés de nous-mêmes, qui nous font si imprudemment reculer, au moment de proclamer l’acte du plus grand dévouement, certainement inefficace, s’il n’est pas rapide et vraiment abandonné ; je dirais à ceux qui se familiarisent peut-être à l’idée de manquer aux engagements publics par la crainte de l’excès des sacrifices, par la terreur de l’impôt, je leur dirais : Qu’est-ce donc que la banqueroute, si ce n’est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts ? […] Je ne vous dis plus comme autrefois : Donnerez-vous les premiers aux nations le spectacle d’un peuple assemblé pour manquer à la foi publique ? […] Votez-le, parce que, si vous avez des doutes sur les moyens, doutes vagues et non éclaircis, vous n’en avez pas sur sa nécessité et sur notre impuissance à le remplacer ; votez-le, parce que les circonstances publiques ne souffrent aucun retard, et que vous seriez comptables de tout délai.

16. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « PRÉFACE. » pp. -12

Il me semblait que mon intention, en le composant, s’expliquait assez d’elle-même, et je voulais que le public et ceux surtout auxquels l’ouvrage est plus spécialement destiné pussent se prononcer sur sa valeur sans apologie ni commentaire préalable. […] Une remarque m’a frappé, et j’en appelle ici aux souvenirs de tous ceux qui ont passé par les écoles publiques, c’est que l’immense majorité de ces jeunes gens éprouve une invincible répugnance pour les Manuels, Traités, Cours, et en général pour tous les écrits élémentaires sur l’art qu’ils apprennent. […] On trouvera dans ce livre, à côté des noms de Platon, de Cicéron, de Pascal, de Bossuet, de Massillon, de Fléchier, ceux d’Aristophane, de Catulle, de Molière, de Voltaire, de Jean Jacques, de Béranger et de bien d’autres ; parce que, selon moi, il est ridicule pour un homme bien élevé d’ignorer et de blâmer ce que ces derniers ont de bien, comme il lui serait honteux de rechercher et de louer ce qu’ils ont de mal ; parce qu’il vaut mieux que l’élève voie de telles choses avec le professeur qui saisira l’occasion de lui apprendre ce qui est à fuir et ce qui est à suivre, que de les voir seul ; parce qu’un système absolu de réticence, de dissimulation et de mensonge est, dans l’éducation publique, le plus pernicieux, à mon gré, de tous les systèmes. […] La dernière feuille encore humide de la presse, on se hâte de la jeter au public ; le public de demain sera-t-il celui d’aujourd’hui ?

17. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre III. Analyse et extraits des Harangues d’Eschine et de Démosthène, pour et contre Ctésiphon. »

« Vous avez vu, Athéniens, les cabales et les intrigues de mes adversaires, cette armée de factieux rangés en bataille, les sollicitations employées dans la place publique, à dessein d’abolir nos règles et nos usages. […] Voilà sans doute les esprits suffisamment aigris, et disposés avec tout l’art possible à regarder et à traiter comme ennemi déclaré du bien public un infracteur quelconque de la loi. […] Mais il avait pour lui le plus grand de tous les avantages, celui d’appuyer de preuves sans réplique tous les faits qu’il rapporte, et toutes ses assertions de la lecture d’un acte public, qui les confirmait authentiquement. […] La première renferme la guerre contre Philippe jusqu’à la paix, et à l’alliance décrétée par Philocrate ; et Eschine prouve que Démosthène a rendu, de concert avec Philocrate, une foule de décrets contraires au bien public, et qu’il a lâchement vendu et livré ses concitoyens au roi de Macédoine. […] j’en jure et par les mânes de vos ancêtres qui ont péri dans les champs de Marathon, et par ceux qui ont combattu à Platée, à Salamine, à Artémise ; j’en jure par cette foule de grands citoyens, dont les cendres reposent dans des monuments publics.

18. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre II. De l’Éloquence chez les Grecs. »

De tels peuples ne pouvaient donc avoir aucun de ces grands motifs d’utilité politique ou d’amélioration sociale, qui donnent tant de poids et d’importance aux discours publics. […] Ce n’étaient point des orateurs de profession : ce n’est point dans les écoles des rhéteurs qu’ils s’étaient formés à l’art de bien dire ; mais l’habitude et la nécessité de parler souvent en public, et surtout la disposition naturelle de ces âmes ardentes au grand et au sublime, en faisaient des hommes éloquents, dont Thucydide a recueilli des traits infiniment précieux. […] Ces beaux discours doivent, sans doute, une partie de leur mérite à l’importance du sujet et à l’intégrité de l’esprit public qui y respire d’un bout à l’autre. […] Est-il étonnant que de pareilles harangues soient devenues, entre ses mains, des chefs-d’œuvre de force et de cette véritable énergie que donne et que soutient l’esprit public ?

19. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VI. Des éloges funèbres. »

Voici le début de l’orateur : « Plusieurs des orateurs que vous venez d’entendre à cette tribune, n’ont pas manqué de préconiser le législateur qui, en consacrant l’ancienne loi sur la sépulture des citoyens moissonnés dans les combats, crut devoir y ajouter celle qui ordonne de prononcer leur éloge : sans doute ils pensaient que c’est une belle institution de louer en public les héros morts pour la patrie. […] combien l’avilissement qui suivrait un moment de faiblesse, est-il plus insupportable à des cœurs généreux qu’une mort, oserai-je dire, insensible, qui surprend le guerrier à l’instant où il n’est pénétré que de la conscience de ses forces et du sentiment de la félicité publique ? […] Ceux en effet qui, n’ayant point d’enfants à offrir à la patrie, n’ont pas les mêmes risques à courir, peuvent-ils apporter la même justice, la même égalité d’âme aux délibérations publiques ? […] Une partie de la dette publique est déjà réellement acquittée par les honneurs rendus à la tombe des héros que nous pleurons.

20. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

Comme tous ces sujets étaient extrêmement odieux au public, parce qu’ils étaient tous créatures de M. le cardinal de Richelieu, ils furent sifflés par tous les laquais dans la cour de Saint-Germain, aussitôt que le roi eut expiré ; et si M. de Beaufort eût eu le sens commun, ou si M. de Beauvais4 n’eût pas été une bête mitrée, ou s’il eût plu à mon père5 d’entrer dans les affaires, ces collatéraux de la régence auraient été infailliblement chassés avec honte, et la mémoire du cardinal de Richelieu aurait été sûrement condamnée par le parlement avec une joie publique. […] La félicité des particuliers paraissait pleinement assurée par le bonheur public. […] et il donna arrêt par lequel il fut ordonné que l’on irait en corps et en habit au Palais-Royal redemander les prisonniers ; qu’il serait décrété contre Comminges, lieutenant des gardes de la reine ; qu’il serait défendu à tous gens de guerre, sous peine de la vie, de prendre des commissions pareilles, et qu’il serait informé contre ceux qui avaient donné ce conseil comme contre des perturbateurs du repos public. […] Il lui représenta au naturel le jeu que l’on avait fait en toutes occasions de la parole royale ; les illusions honteuses, et même puériles, par lesquelles on avait éludé mille et mille fois les résolutions les plus utiles et même les plus nécessaires à l’Etat ; il exagéra avec force le péril où le public se trouvait par la prise tumultuaire et générale des armes.

21. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fontenelle. (1657-1757). » pp. 110-119

Entretenir perpétuellement dans une ville telle que Paris une consommation immense dont une infinité d’accidents peuvent toujours tarir quelques sources ; réprimer la tyrannie des marchands à l’égard du public, et en même temps animer leur commerce ; empêcher les usurpations mutuelles des uns sur les autres, souvent difficiles à démêler ; reconnaître dans une foule infinie tous ceux qui peuvent si aisément y cacher une industrie pernicieuse et en purger la société ; ignorer ce qu’il vaut mieux ignorer que punir, et ne punir que rarement et utilement ; être présent partout sans être vu ; enfin mouvoir ou arrêter à son gré une multitude immense et tumultueuse, et être l’âme toujours agissante et presque inconnue de ce grand corps : voilà quelles sont en général les fonctions du magistrat de la police. Il ne semble pas qu’un homme seul y puisse suffire, ni par la quantité des choses dont il faut être instruit, ni par celles des vues qu’il faut suivre, ni par l’application qu’il faut apporter, ni par la variété des conduites qu’il faut tenir et des caractères qu’il faut prendre : mais la voix publique répondra si M. d’Argenson a suffi à tout. […] Environné et accablé dans ses audiences d’une foule de gens, du menu peuple pour la plus grande partie, peu instruits même de ce qui les amenait, vivement agités d’intérêts très-légers et souvent très-mal entendus, accoutumés à mettre à la place du discours un bruit insensé, il n’avait ni l’inattention ni le dédain qu’auraient pu s’attirer les personnes ou les matières ; il se donnait tout entier aux détails les plus vils, ennoblis à ses yeux par leur liaison nécessaire avec le bien public ; il se conformait aux façons de penser les plus basses et les plus grossières ; il parlait à chacun sa langue, quelque étrangère qu’elle lui fût ; il accommodait la raison à l’usage de ceux qui la connaissaient le moins ; il conciliait avec bonté des esprits farouches, et n’employait la décision d’autorité qu’au défaut de la conciliation. […] Le petit-fils de Marc-René possédait notamment une bibliothèque admirable, que le comte d’Artois acheta en 1781, et qui est devenue publique aujourd’hui : c’est la Bibliothèque de l’Arsenal. […] On peut voir à ces années, dans les Mémoires de Saint-Simon, quelle fut la détresse publique.

22. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Voltaire, 1694-1778 » pp. 253-281

Les libraires de ces journaux ont intérêt qu’ils soient satiriques ; ceux qui y travaillent servent aisément l’avarice du libraire et la malignité du public. […] Vous lui répondez, il réplique : vous avez un procès par écrit devant le public, qui condamne les deux parties au ridicule. […] Vous savez que je ne me déclarai pour vous que quand vous m’envoyâtes votre Appel au public. […] Il faut, en mourant, laisser des marques d’amitié à ses amis, le repentir à ses ennemis, et sa réputation entre les mains du public. […] Gazetier perpétuel, il entretenait chaque jour le public des événements de la veille.

23. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

Ceux qui parlent dans les délibérations soit publiques, soit particulières, se proposent toujours l’un ou l’autre de ces objets. […] Son corps fut exposé dans la place publique, par ordre de Valérius Publicola, son collègue, qui, étant monté à la tribune aux harangues, fit un récit touchant des belles actions de sa vie. […] Verrès remercie son indigne client ; transporté de rage, il se rend sur la place publique. […] Cicéron continue : On voyait, courbé sous les coups de fouet, au milieu de la place publique de Messine, un citoyen romain. […] Elle ne s’est arrêtée que lorsqu’elle a cru que cinq ou six volumes de sermons donnés au public étaient plus que suffisants pour remplir les vœux du fondateur ; et que les mânes mêmes de Balzac n’en demandaient pas davantage.

24. (1867) Rhétorique nouvelle « Deuxième partie. L’éloquence du barreau » pp. 146-

Habitués à vivre dès l’enfance sous les yeux de leurs concitoyens, ces hommes regardaient la place publique comme leur maison et ne craignaient pas de s’y donner en spectacle. […] C’est au choc des passions de la place publique qu’elle allume toutes ses foudres et lance tous ses éclairs. […] De même les orateurs de la vieille Rome s’étaient formés à la seule école de la vie publique et de l’expérience : ils étaient éloquents comme Fabricius était vertueux, sans le savoir. […] Il aime à paraître, à se mettre en scène, tantôt pour attendrir le public sur son sort, tantôt pour s’excuser avec une feinte modestie de son peu d’éloquence. […] Tantôt, selon les besoins de la défense, la cause qu’il va plaider est la plus importante, la plus grave qui ait jamais été plaidée devant les tribunaux ; tantôt elle est si simple, qu’il s’étonne qu’elle ait pu occuper l’attention publique.

25. (1885) Morceaux choisis des classiques français, prose et vers, … pour la classe de rhétorique

À la moindre ouverture gracieuse de Louis XVI, la confiance publique volait au-devant de lui. […] Aucune distinction n’appelait aux emplois publics une classe de citoyens préférablement aux autres. […] Les détails de cet élan d’estime publique sont partout. […] Casimir Périer les sentiments des juges les plus difficiles, comme du public français et européen. […] La raison en est qu’alors c’est l’auteur qui paraît, et que le public ne veut voir que le héros.

26. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre II. Application du chapitre précédent au discours de Cicéron pour Milon. »

Son corps est porté à Rome par ses partisans, qui le présentent au peuple, dans la place publique. On dresse à la hâte un bûcher près de la salle où le sénat s’assemblait : la flamme se communique à cette salle, et la consume avec d’autres édifices publics. […] Le peuple était monté jusque sur les toits, pour assister à ce jugement : Pompée lui-même y parut, environné d’une garde publique, et après avoir fait placer des soldats autour du tribunal et en divers endroits du Forum. […] Il est trop juste pour abandonner au fer des soldats un accusé remis à la décision des tribunaux, et trop sage pour armer de l’autorité publique l’audace d’une multitude effrénée ». […] Entraînés dans le torrent des aflaires publiques par l’espoir des plus grandes récompenses, nous sommes réduits aujourd’hui à redouter les plus cruels supplices.

27. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

L’épopée est morte ; la tragédie antique, hôtesse des palais et des cours, est descendue dans la rue, elle a échangé sa pourpre pour les haillons du drame populaire ; la chanson a pris les ailes de l’ode ; la fable, cessant d’être une simple leçon de morale, s’est armée de l’aiguillon de l’abeille et s’est transformée en drame satirique ; le roman, fleur obscure chez les anciens et presque inaperçue, est devenu chez nous un arbre immense qui couvre tout de son ombre, mœurs, histoire, politique, sciences, arts, et qui menace d’absorber tous les autres genres ; l’éloquence a quitté l’ample toge, la vaste tribune, les horizons de la place publique, les grands mouvements des grandes multitudes ; elle s’est enfermée dans d’étroites enceintes, elle a pris le frac noir, les gestes sobres et mesurés, la convenance digne et froide des . […] Chargé des imprécations publiques, déshonoré à jamais, il subit les horreurs de la prison préventive, l’infamie de la sellette et d’un jugement public. Enfin, je montre sa famille dans les larmes, dans le désespoir, ses enfants implorant la pitié publique et ne recevant que l’outrage. […] Vous gagnez l’estime de la cour, l’admiration des dames, la sympathie du public, mais vous perdez votre péroraison, votre pathétique et votre procès.

28. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Mais souvenez-vous qu’en public, comme dans la conversation, on peut fatiguer en parlant trop haut. […] Aussi, celui qui veut avec succès parler en public doit étudier avec soin le langage et la juste expression des tons. […] Peu de personnes sont capables de parler parfaitement bien en public, tant il faut pour cela réunir de talents naturels. […] Combien ces témoignages de l’admiration publique l’emportaient sur ceux que les mœurs des temps modernes permettent d’accorder au génie ! […] Dans d’autres États, le pouvoir des communes exerça pendant un certain temps une influence considérable sur les affaires publiques.

29. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Respectée dans les cœurs, avant même d’être victorieuse par la parole, elle avait ses racines dans les mœurs publiques. […] Dans tout genre de littérature, toute célébrité durable est un grand titre académique ; et il n’est donné à personne d’amuser impunément le public pendant vingt ans de suite. […] Loin donc de partager l’opinion que vous venez de soutenir, loin de croire, comme vous, que le théâtre est par état en opposition avec les mœurs, qu’il est le contre-pied de la société, et que, pour plaire au public, il ne doit pas du tout lui ressembler, je m’en tiens, je l’avoue, à l’ancienne opinion, et je chargerai vos comédies de réfuter en partie votre discours. […] Mais en écrivant ainsi sous la dictée du public, et lui rendant ce qu’il vous donnait, que de vues heureuses et fines, que d’intentions comiques, quel vif et piquant dialogue marquaient votre part dans ce travail commun ! […] Elle est légitime, puisque c’est un droit naturel du public de juger des écrits qu’on lui expose ; et elle est utile, puisqu’elle ne tend qu’à faire voir par un raisonnement sérieux et détaillé les défauts et les beautés des ouvrages.

30. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Silvestre de Sacy. Né en 1801. » pp. 522-533

Devenu membre de l’Académie française en 1854, il a réuni quelques-uns de ses articles en deux volumes, longtemps désirés par un public choisi, et qui sont le régal des gourmets1. […] Ce ne sont plus des salons, une cour, un public de cordons bleus, de financiers et de grandes dames, des coteries littéraires ou philosophiques qu’il faut contenter ; c’est la foule, un peuple de quarante millions d’hommes ; encore n’est-ce pas assez dire. […] Le public est pressé, le consommateur exigeant ; il lit, il ne relit pas. […] La gloire, l’estime publique, leur propre estime, voilà la récompense qu’ils ambitionnent avant tout. […] Duruy, ministre de l’instruction publique.

31. (1854) Éléments de rhétorique française

C’est un recueil de conseils sur le discours public, le style épistolaire et la conversation. […] » La Rhétorique n’est donc pas seulement l’art de parler en public ; c’est l’art de bien dire, en quelque circonstance que ce soit. […] Pour Gracchus, il n’a pas l’air de se plaindre, d’invoquer l’indignation publique ; il raconte : « Un poteau, dit-il, fut dressé sur la place publique ; le condamné fut dépouillé de ses vêtements et battu de verges. […] mais vos passions souffrent-elles de la misère publique ? […] Oswald profite d’un moment d’obscurité pour se dérober à la reconnaissance publique, et disparaît avec le comte d’Erfeuil.

32. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

Ces leçons, suivies par un public d’élite, ne furent que le prélude de travaux considérables qui devaient être des événements littéraires. […] Leur forte culture est devenue plus nécessaire encore aujourd’hui qu’autrefois, aux hommes publics obligés de faire prévaloir leurs pensées par la parole et de donner les raisons de leurs actes. […] Peu de carrières ont été aussi pleinement, aussi vertueusement, aussi glorieusement remplies que celle de ce fils d’un teinturier de Boston, qui commença par couler du suif dans des moules de chandelles, se fit ensuite imprimeur, rédigea les premiers journaux américains, fonda les premières manufactures de papier dans ces colonies, dont il accrut la civilisation matérielle et les lumières ; découvrit l’identité du fluide électrique et de la foudre ; devint membre de l’Académie des sciences de Paris et de presque tous les corps savants de l’Europe ; fut auprès de la métropole le courageux agent des colonies soumises ; auprès de la France et de l’Espagne le négociateur heureux des colonies insurgées, et se plaça à côté de Georges Washington comme fondateur de leur indépendance ; enfin, après avoir fait le bien pendant quatre-vingts ans, mourut environné des respects des deux mondes comme un sage qui avait étendu la connaissance des lois de l’univers, comme un grand homme qui avait contribué à l’affranchissement et à la prospérité de sa patrie, et mérita non-seulement que l’Amérique tout entière portât son deuil, mais que l’Assemblée constituante de France s’y associât par un décret public. […] C’est un théâtre, un spectacle nouveau, Où tous les morts, sortant de leur tombeau Viennent encor, sur une scène illustre, Se présenter à nous dans leur vrai lustra, Et du public, dépouillé d’intérêt, Humbles acteurs, attendre leur arrêt.

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