« La clarté, dit très-bien Vauvenargues, orne les pensées profondes. » Certains écrivains allemands ont une prédilection toute particulière pour les ténèbres du langage ; les intelligences les plus obstinées s’usent à vouloir les pénétrer. […] Il en est qui ne se contentent pas, comme Salluste et Tacite chez les auciens ; de ressusciter quelques mots surannés, et de chercher des perles dans le fumier d’Ennius ; ils vont plus loin, ils écrivent des volumes tout entiers en vieux langage ; ainsi Voiture, Naudé, Pellisson, au xviie siècle ; J. […] Les révolutions du langage ne sont-elles pas une fatalité qu’il faut subir, comme les révolutions politiques ? […] De tout temps, il fut permis à la comédie, au roman même, de reproduire ce langage corrompu, sans doute, mais du moins généralement intelligible. […] Et il ajoute avec raison : « L’ingénuité, le naturel, la simplicité même n’ont rien qui se refuse à la correction du langage. » Quant à la seconde catégorie de jargons, ceux dont ou convient pour se parler sans être entendus, on conçoit que la rhétorique ne les admette nulle part.
Origine et progrès du langage. […] Telle est la situation où nous trouvons aujourd’hui le langage. […] Origine et progrès du langage et de l’écriture. […] De la structure du langage. […] Structure du langage. — Langue anglaise.
Le style est la manière dont on exprime, par le moyen du langage, ce que l’on a conçu par le raisonnement : c’est le tableau fidèle de nos idées et de l’ordre dans lequel elles se sont liées dans notre entendement. […] Le grand art de l’écrivain est de les concilier, et l’on n’y parvient qu’au moyen de la pureté et de la justesse du langage. […] L’auteur qui adopte le style concis, ne dédaigne pas les beautés du langage ; mais il les fait consister seulement dans le choix et dans l’arrangement des mots. […] Delille : Des couleurs du sujet je teindrai mon langage, et s’efforcer surtout de remplir, comme lui, l’étendue de la promesse. […] De là, Σολοικοι les habitants de Σολοι et σολοικειν parler un mauvais langage, d’où l’on a fait solécisme.
D’autres, au contraire, redoutant par-dessus tout le reproche de pédantisme, affectent le langage badin dans les plus graves questions, croient de bon ton de traiter toutes choses d’une façon leste et dégagée, ou sèment les fleurs et les paillettes sur la pourpre et les robes de deuil. […] Etymologiquement, il ne peut signifier que le langage des nobles ; mais quel est le langage des nobles, et en quoi diffère-t-il de celui du peuple ? […] Je veux que les écrivains respectent leurs lecteurs en se respectant eux-mêmes ; qu’ils ne s’imaginent pas, et aujourd’hui moins que jamais, qu’on ne puisse parler dans le sens populaire sans emprunter le langage de la populaire, et que la bassesse du style en augmente l’énergie. […] Souvent le sujet, pour être dignement traité, demande avec la noblesse de l’expression les images les plus vives et les figures les plus brillantes ; parfois le grandiose des idées et la hauteur des vues exigent que le langage, pour y répondre, s’élève et s’agrandisse comme la pensée. […] L’énergie et la véhémence sont plutôt le langage de la passion, de la spontanéité, du besoin d’entraîner, dût-on ne pas savoir jusqu’où l’on ira, de frapper fort, dût-on frapper moins juste.
Le langage peint l’homme : il vient de l’abondance du cœur. […] Ainsi, Fénelon et Massillon plaisent toujours par l’harmonie de leur langage. […] La comédie emploie ce style avec succès, pour reproduire la vérité des mœurs et du langage de la vie ordinaire. […] Les Orientaux ont souvent employé le langage allégorique dans leurs fables et leurs paraboles. […] Quel est ce langage étranger ?
La passion, elle, donne des idées ; et si la rhétorique, comme nous ne le nions pas, ne donne point la passion, elle enseigne, en recommandant l’observation, à reproduire ses actes et à imiter son langage. […] On comprend que, pour exercer sur un individu l’influence de la parole, ou le mettre convenablement en scène, le langage qu’on lui adresse ou qu’on lui prête doit subir certaines modifications sous le point de vue du tempérament. […] Croyez-vous, par exemple, que l’homme que consument les feux de la zone torride ait les mêmes passions, les mêmes mœurs, et par conséquent le même langage que celui qui habite les déserts glacés de la Sibérie ? […] Mais les trois orateurs, par là même qu’ils étaient de grands capitaines, étaient de profonds rhétoriciens ; le génie, auquel ils devaient le secret du commandement et de la victoire, leur donnait aussi celui du langage qui convient et qui persuade. […] Et le langage, pour le même motif, était ici précis et palpable ; là, énergique et animé ; plus loin, trivial et pittoresque.
Considérons maintenant le style du langage dans son état primitif et ses progrès. […] C’est surtout là qu’on aperçoit la profonde subtilité métaphysique du langage. […] Mais cette cause ne fut pas la seule qui donna naissance au langage métaphorique, l’influence qu’exerce l’imagination sur le langage fut aussi une cause puissante de l’accroissement des tropes. […] Quiconque n’a pas le génie du langage figuré ne doit pas en faire usage. […] La quatrième : qu’il est nécessaire d’étudier le langage des passions.
Les Mots Si nous remontons par la pensée jusqu’aux premiers âges du monde, vers ces temps antiques où les hommes affectionnaient une vie simple, nous serons fondés à penser que le langage humain a dû se ressentir de cette simplicité primitive. Vivant sous la tente patriarcale, éprouvant peu de besoins, trouvant la terre docile à leurs désirs et produisant sans culture les fruits les plus délicieux, entourés de nombreux troupeaux qui leur assuraient une existence facile, exempte de soucis, ne soupçonnant pas l’existence des honneurs et des richesses, n’abandonnant leurs cœurs qu’à des passions douces et innocentes, les hommes durent nécessairement se contenter d’un langage fort limité pour l’expansion de leurs sentiments et l’expression de leurs idées. Rendre hommage au Créateur, affectionner leur famille, veiller à l’instruction et à la conservation de leurs troupeaux dans les belles plaines voisines du Tigre et de l’Euphrate, recueillir les fruits de la terre complaisante : telles furent leurs principales occupations, et presque les seules idées qu’ils durent transmettre à leurs fils ; aussi n’eurent-ils besoin pour ce travail que d’un très petit nombre d’expressions ou de mots, et la nomenclature du premier langage dut être, sans contredit, fort restreinte. […] De nouvelles idées donnèrent naissance à de nouvelles expressions ; le langage s’étendit et les langues naquirent, Leur berceau fut, comme on le sait, la tour de Babel. […] Les hommes séparés en nations distinctes adoptèrent des langages de prédilection, et bientôt on parla l’hébreu, le syriaque, le chaldéen, le phénicien, l’arabe et beaucoup d’autres langues encore.
Formes du langage. — Division des ouvrages de littérature. Il y a deux formes générales du langage : le discours libre, ou la prose, et le discours mesuré, ou les vers, dont nous parlerons plus tard. […] Les poètes sont les auteurs de poèmes : eu égard à la forme de langage qu’ils emploient, c’est-à-dire à ce qu’ils s’expriment en vers, ce sont des versificateurs ; mais ce mot est souvent pris en mauvaise part, pour désigner l’homme qui a le talent de bien tourner des vers, mais qui n’a ni l’invention nécessaire, ni le génie propre à composer des poèmes durables. Les auteurs de discours prononcés s’appellent des orateurs ; les auteurs d’écrits sont des écrivains : les uns et les autres, eu égard à la forme de langage qu’ils emploient, sont des prosateurs. […] C’est dans ce sens qu’on dit qu’il n’y a pas de littérature plus riche que la nôtre ; c’est dans le même sens que nous prenons nous-mêmes ce mot quand nous annonçons ici des notions de littérature ; et nous remarquons que, alors, la littérature se distingue nettement de la grammaire, et qu’elle commence où celle-ci finit ; c’est-à-dire que quand la grammaire s’est occupée du langage, de ses formes, de ses qualités et de ses défauts, la littérature classe et étudie les ouvrages où toutes ces parties déjà connues doivent se retrouver.
C’est dans une histoire de la Grammaire qu’il convient de relever et de discuter en détail tant d’assertions, souvent obscures, et qui témoignent de l’état d’enfance où était encore, au temps d’Aristote, la théorie du langage. […] Aristote, Du Langage, chap. […] On trouve chez Aristote des observations semblables dans le traité Du Langage, chap. […] C’est exactement la doctrine qu’on retrouve dans le traité Du Langage, et que commente Ammonius dans un passage d’où Ritter conclut à tort contre l’authenticité de ce chapitre. — La comparaison de l’Iliade avec la définition de l’homme est aussi un exemple familier à Aristote voir Analytiques post.
Origine et progrès du langage. […] Le langage des peuples encore sauvages est plein d’hyperboles et d’expressions figurées. […] La règle n’existait nulle part, et le caprice de quelques hommes suffisait quelquefois pour bouleverser le langage. […] Le latin corrompu dominait dans ce nouveau langage. […] Il en fut de même quand le langage des Francs se combina avec les débris du latin.
La poésie, revêtue d’un langage mesuré, précède partout la prose, comme l’art précède l’industrie : la cause en est que l’imagination et le sentiment parlent chez l’homme avant la raison. […] La prose est le langage libre, sans règle ni mesure fixe : on l’emploie surtout dans les genres de composition où domine la raison positive. Les vers sont le langage soumis à des règles déterminées, et à une certaine mesure qu’on appelle rythme. […] La poésie adopte ordinairement le langage mesuré ; de là vient que les mots vers et poésie sont souvent pris comme synonymes. […] Poésie du langage.
Il y a plus, ajoute-t-il, bien loin que les figures soient des manières de parler éloignées du langage ordinaire, il n’y a rien de si naturel, de si commun dans le discours des hommes. […] Marmontel s’est amusé à le prouver, en rassemblant à dessein, et sans s’écarter cependant du langage de la nature, toutes les figures possibles de diction et de pensées dans le discours d’un homme du peuple, en querelle avec sa femme. À mesure que les langues se sont perfectionnées, les esprits observateurs ont remarqué quel avantage on pouvait tirer du langage figuré, si commun dans les premiers temps. […] Cette figure est tellement dans le langage de la nature, qu’il n’est point de genre de poésie qui ne lui doive beaucoup : la prose l’admet fréquemment, et elle n’est point exclue de la simple conversation. […] C’est ce qu’a fait Voltaire à l’égard de Shakespeare, lorsque, lassé de l’avoir admiré pendant soixante ans comme un génie, il jugea à propos de ne plus voir en lui qu’un Gille de foire, et de lui en prêter le langage.
La poésie a un langage qui lui est propre, et qui est très différent du langage ordinaire. […] Il va sans dire que ces couleurs varieront selon les sujets, et que le monarque et le héros n’auront ni le même ton, mi le même langage que le simple citoyen et le berger. […] Aussi emploie-t-elle un langage extraordinaire, qu’on a appelé le langage des dieux, et donne-t-elle à tous les objets qu’elle offre à nos regards l’empreinte d’une imagination brûlante, d’un génie de feu, mais toujours dirigé par le goût. […] Combien y a-t-il de sortes de langage dans une même langue ? Il y a deux sortes de langage dans une même langue : l’un qui se nomme prose, et l’autre vers.
Ce mot indique seulement que l’orateur expose la vérité dans un langage digne d’elle. […] Vous voulez les traiter d’un semblable langage ? […] Le style des sciences ou des affaires n’est pas le style des lettres ; mais pourquoi en bannir la facilité, l’élégance, la pureté du langage ? […] Une autre influence, pour n’être que littéraire, n’en a pas été moins funeste à la clarté du langage et du style. […] Enfin, les révolutions bouleversent le langage comme la société, forgent les mots, ou tout au moins les dénaturent, pour servir les passions et les intérêts.
« — Mais, direz-vous, peut-on appeler éloquence le langage barbare de quelques chefs grossiers à des hordes plus grossières encore ? […] C’est le langage d’un homme d’action à des hommes d’action, trop instruits de leurs intérêts pour se laisser éblouir par des sophismes. Je dis plus, c’est le seul langage digne d’un orateur et d’un peuple libre. […] Ne lui diraient-ils pas que toute l’éloquence d’un bon administrateur est dans les chiffres, et n’auraient-ils pas raison de lui tenir ce langage ? […] Ils ont beau prodiguer les grandes maximes et les lieux communs de la vertu, ils se trahissent toujours par quelque contradiction de langage.
Mais le sentiment de la justice n’était pas tellement éteint encore, qu’il ne se ranimât fréquemment dans les cœurs ; toutes les idées les plus simples n’étaient pas encore arrivées à ce point de renversement total, où rien de ce qui a été ne saurait plus être, où tout se confond, où il faut absolument un nouveau langage, pour exprimer des choses inouïes. […] Il ne nous serait que trop facile de le prouver par des citations ; mais nous en avons dit assez pour indiquer ce qu’étaient devenus alors le langage de la tribune, et l’éloquence des Mirabeau et des Maury ; nous nous hâtons d’arriver à une époque où l’importance de la cause et le talent de l’orateur ramenèrent, pour un moment, le langage de la raison et la véritable éloquence, dans une assemblée qui comptait encore quelques hommes capables d’entendre l’un et d’apprécier l’autre. […] Renfermée alors dans les paisibles fonctions de la magistrature, et réduite à ne plus se montrer que dans les jours d’apparat, elle ne parle plus qu’un langage étudié, étranger aux beaux mouvements de la véritable éloquence, et froidement subordonné aux convenances, qui glacent à tout moment son enthousiasme, et viennent arrêter son essor.
Mais dès que les sons prétendent représenter une pensée, une image, un sentiment, soit sous les formes vagues et souples de la musique, soit dans le langage plus strict et mieux défini de la littérature, l’oreille ne se contente plus de sa première jouissance, elle n’est pleinement satisfaite que par l’accord entre les sons et l’idée ou l’émotion à laquelle ils s’appliquent. […] Rappelez-vous ici ce que nous avons dit à propos de la pureté du langage. […] Quelle fut en Grèce la conséquence de cette heureuse nature de langage, à laquelle contribuaient d’ailleurs le climat, l’éducation, le libre essor de la vie extérieure et l’instinct général de l’art ? […] Le vice de langage, qu’on appelle vulgairement un cuir (ne vous récries pas trop, l’Académie s’est avisée de donner à ce mot le droit de bourgeoisie), le cuir donc prouve en faveur de la délicatesse de l’oreille française. […] Pour comprendre toute la vertu de l’harmonie, opposez l’un à l’autre deux écrivains qui aient traité la même pensée, l’un dans un langage harmonieux, l’autre avec des formes rudes et sifflantes, je dis tout mérite d’expression à part.
Les figures sont, d’après Cicéron et tous les rhéteurs, certains tours d’expressions et de pensées qui diffèrent du langage ordinaire, et qu’on emploie pour donner au style plus de force, de grâce, de vivacité ou de noblesse. — Blair définit les figures, une espèce de langage suggéré par l’imagination et par les passions, langage qui au lieu d’énoncer seulement l’idée comme le fait l’expression simple, y ajoute une parure, une espèce de vêtement qui la fait remarquer et qui la décore. […] Le langage figuré offre une classe d’ornements fort étendue. C’est le besoin qui l’a fait naître, par l’effet nécessaire de la pauvreté et des bornes du langage. […] Le langage figuré est d’ailleurs si naturel à l’homme, qu’on le trouve très souvent chez des personnes sans instruction, et même chez les nations sauvages les plus flegmatiques. […] Mais il faut toujours se souvenir que la grande règle est de les entremêler, et que leur mélange bien entendu constitue l’une des principales ressources du beau langage.
Il emprunte un langage ironique à l’homme et se sert de ce langage pour exprimer sa colère. […] En un mot, la correction est la pureté du langage, tandis que la pureté est le génie de la langue. […] Elle sert au langage des passions violentes, qui veulent opiniâtrement faire passer leurs mouvements dans l’âme des indifférents. […] La prétermission contient un artifice de langage par lequel on semble vouloir passer une chose sous silence, tout en l’énonçant avec force. […] Un trait héroïque a sa pensée profonde qui fait agir, et son langage n’a pas besoin de venir à nos oreilles ; le cœur entend tout.
Voilà bien le langage de l’admiration sentie et raisonnée ; et ce langage était vrai dans Racine. […] Homère exprime tout ce qui frappe les yeux : les Français, qui n’ont guère commencé à perfectionner la grande poésie qu’au théâtre, n’ont pu et n’ont dû exprimer alors que ce qui peut toucher l’âme. — Le langage du cœur et le style du théâtre ont entièrement prévalu : ils ont embelli la langue française, mais ils en ont resserré les agréments dans des bornes un peu trop étroites. […] De là, cette foule déjà prodigieuse et toujours croissante d’ouvrages, qui blessent à la fois l’ordre, la liaison des idées, les règles du langage et le coloris du style, et dont le moindre défaut est de ne rien ajouter à la masse générale des connaissances.
En effet, elle perfectionne et développe les dons de la nature, elle donné plus d’assurance et de fermeté à la pensée, au raisonnement, au langage. […] — Les arguments s’adressant à la raison, ils sont le langage de l’homme à l’homme, l’expression sincère et scrupuleuse de la vérité. […] Le langage des arguments honore à la fois celui qui l’accueille et celui qui s’en sert. […] Il faut opposer aux sophismes de mots la plus parfaite clarté de langage. […] Comme, elles forment le langage de l’imagination, elles sont très-familières aux êtres les plus passionnés, c’est-à-dire aux enfants et à la foule non moins qu’aux poëtes et aux orateurs.
Un homme vicieux et hypocrite, qui voudrait singer le langage de la vertu, se trahirait bien vite derrière son masque. […] Les apôtres, les Pères de l’Église, ne couraient pas après les fleurs du langage ni après les subtilités de la dialectique ; ils parlaient avec l’émotion et l’entraînement d’une âme convaincue, et les passions et l’erreur pliaient sous le souffle de leur parole inspirée. […] Dans la bouche d’hommes éclairés, intègres et dévoués au bien public, l’éloquence de la tribune a quelque chose de solennel et d’imposant, parce qu’elle est l’instrument de la justice, de la vérité et de la vertu ; elle parle le langage du bon sens et de la sagesse ; elle contribue au bien général. […] Mais l’orateur du barreau doit éviter les recherches du langage et les ornements fleuris de la rhétorique, la prolixité qui fatigue le juge et affaiblit la cause, les arguments étrangers au sujet, les citations inutiles et pédantesques, les mouvements passionnés hors de saison, les éclats, les contorsions qui annoncent moins de conviction que d’impuissance.
Au reste, on pardonnera au pauvre Hermann la barbarie inintelligible de son langage, si on en rapproche la traduction française des mêmes passages faite en 1671 par de Norville (p. 24, 25 et 28). […] Mais Aristote fait précisément honneur à Euripide d’avoir le premier introduit dans la tragédie des mots du langage familier (Rhétorique III, 2) ce langage ne pouvait donc être un caractère des anciens poëtes.
Il faut s’élever jusqu’au véritable langage de la passion. […] Sa composition refroidie parlera le langage de l’homme qui décrit, et non de celui qui sent. […] C’est porter trop loin le langage de la passion. […] Un langage précipité ne laisse bien entendre ni le son ni le sens. […] C’est qu’il faut établir une grande différence entre le langage écrit et la langue parlée.
Voilà, certes, pour le théâtre, une source intarissable d’émotions : si le poète sait peindre les passions avec vérité, et parler le langage de la nature-, il est sûr, en tous temps et en tous lieux, de remuer les cœurs. […] On aurait donc tort d’y employer les figures poétiques, les hyperboles, les fleurs du langage. […] Le langage mesuré donne au style plus de vigueur ; il satisfait davantage l’oreille et saisit mieux la mémoire. […] Ce drame se rapproche de la comédie par le ton simple du langage, il admet la prose aussi bien que les vers, et il mêle quelquefois le rire aux larmes qu’il fait répandre. […] Même liberté, dans le style : la noblesse, la correction sont pour le dramaturge des obstacles qu’il se plaît à braver, sous prétexte qu’il faut donner aux personnages un langage en harmonie avec leur position et leur éducation.
» Gardons-nous donc de nous attirer ce reproche de La Bruyère ; nous l’éviterons en surveillant sévèrement notre langage, en nous montrant difficiles envers centaures formes de verbes surtout qui manquent de grâce et d’élégance, et qui ne donnent l’expression que de la pesanteur, de l’embarras. […] Cette sévérité de langage est un travers où tombent quelques provinciaux, désireux de faire voir qu’ils parlent bien leur langue. […] Bannissons-le de notre langage, puisqu’il est l’ennemi du naturel et de la grâce. […] Ce langage laconique a souvent besoin d’explication, parce qu’il est voisin de l’obscurité. […] Toutes ces expressions sont si bien choisies et si bien arrangées qu’il est difficile de trouver de meilleurs modèles pour la mélodie du langage.
La Rhétorique est appelée art, parce qu’elle renferme les préceptes du langage et du style. […] La correction est la pureté du langage, la pureté est le génie de la langue. […] Il ne faut se servir que de synecdoques adoptées dans le langage, et ne pas en créer à volonté. […] Il y a donc deux sortes de prosopopée : la prosopopée de langage, et la prosopopée d’action. […] La simplicité de l’expression produit plutôt le sublime que le langage figuré.
Par conséquent, les habitants des villes, établis momentanément à la campagne, ne peuvent figurer, avec leurs aventures et leur langage, sur cette scène champêtre. […] Quel doit être le langage des bergers ? Le langage des bergers doit être toujours poli, mais jamais raffiné. […] Après tout ce que nous avons dit sur la nature de la pastorale, et sur les mœurs et le langage des bergers, il est facile de se former une idée juste du ton et du style que demande ce genre de poésie.
Si cette espèce de néologisme se bornait à dénaturer le langage seulement, la contagion serait moins rapide, et ses effets moins multipliés ; les esprits justes et les personnes instruites seraient à l’abri du ravage, ou échapperaient sans effort à la séduction. […] Nous ne serons obligés de recourir ni à des tournures bizarres, ni à des expressions nouvelles, parce que nous n’aurons jamais à rendre qu’une certaine suite d’idées, dans un ordre simple et lumineux ; et notre style sera clair, notre langage pur, parce que nos idées seront justes et nos sentiments vrais. […] Ainsi disparaîtra du langage ce vague où l’esprit se perd avant d’avoir pu saisir la pensée de celui qui parle ; les mots n’en imposeront plus, et l’on saura, par exemple, qu’une beauté est sentimentale, quand elle réunit tout ce qui est capable de réveiller en nous le sentiment du beau. […] Mais c’est aux âmes sensibles à nous dire si la vraie douleur s’exprime avec cette recherche élégante ; si ce style brillant et semé d’antithèses est bien son langage, et si enfin les derniers accents, où s’exhale l’âme entière d’un mourant, sont bien ceux que le poète prête ici à Ézéchias. […] Ce langage, qui serait même déplacé dans une pièce profane, est quelque chose de plus dans un morceau de la nature de celui-ci, et nous sommes étonnés que Florian se soit permis un tel écart.
La Flandre est conquise ; l’Océan et la Méditerranée sont réunis ; de vastes ports sont creusés : une enceinte de forteresses environne la France ; les colonnades du Louvre s’élèvent ; les jardins de Versailles se dessinent ; l’industrie des Pays-Bas et de la Hollande se voit surpassée par les ateliers de la France ; une émulation de travail, d’éclat, de grandeur, est partout répandue ; un langage sublime et nouveau célèbre toutes ces merveilles, et les agrandit pour l’avenir. […] C’était donc à la religion qu’il appartenait de faire entendre son langage ; et elle devenait le plus magnifique ornement de ce règne, dont elle était la seule barrière. […] Votre théâtre s’est rapproché de ces proverbes de salon, où la société se peint d’autant mieux qu’elle les fait elle-même, et qu’elle y met son langage. […] Sans vous louer autant, je puis remarquer l’art ingénieux et délicat de vos principaux ouvrages, le mouvement toujours vif et libre du drame, la vérité des impressions, lors même que le langage est parfois trop paré ou trop éphémère, l’habileté de l’auteur à suivre et à retourner en tous sens une donnée dramatique, la manière heureuse dont le dialogue a tour à tour de la grâce, de la simplicité, de l’émotion, et de l’esprit toujours1.