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2. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Principes de rhétorique. — Chapitre IV. »

Des passions. […] Les passions tiennent essentiellement à notre nature ; on ne peut être homme sans passions ; elles n’ont en elles-mêmes rien de mauvais ; tout dépend de l’usage qu’on en fait. […] Il est impossible d’écrire sans employer une passion quelconque. […] Le théâtre n’est autre chose que le jeu des passions, c’est-à-dire la vie humaine avec ses combats divers. […] Les passions sont les orages du cœur.

3. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre IV. Genre dramatique. »

L’âme se fait un plaisir de l’agitation que lui donne le spectacle des passions humaines, et un plaisir d’autant plus doux, qu’elle sait que ces passions ne sont qu’une image et qu’une illusion qu’elle croit sans dangers. […] Des passions tragiques. […] Les passions. […] Cette exagération monstrueuse de l’effet tragique est un grave défaut ; elle change l’émotion en dégoût, et s’adresse aux sens plutôt qu’à l’esprit ; elle recherche, non plus les passions simples et naturelles, mais les passions bizarres, exceptionnelles, extravagantes : c’est la dégradation de l’art dramatique. L’amour, dans la tragédie moderne, est la passion dramatique par excellence : De cette passion la sensible peinture Est, pour aller au cœur, la route la plus sûre.

4. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Enfin, si tout cela est inutile ou insuffisant, il faut entraîner en excitant les passions. […] La passion, elle, donne des idées ; et si la rhétorique, comme nous ne le nions pas, ne donne point la passion, elle enseigne, en recommandant l’observation, à reproduire ses actes et à imiter son langage. […] Ce sont eux dont il faut observer et méditer les mœurs, les passions, la couleur locale. […] M’est-il permis d’appeler tout cela les passions de la nature ? […] Au xviiie  siècle, le théâtre s’essaya à représenter ainsi, au lieu des passions, les rapports de famille ou de société.

5. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

La tragédie ne met les passions enjeu que pour blâmer ce qu’elles ont d’extrême. […] Qu’entendez-vous par passions tragiques ? […] La tragédie est le domaine des passions. […] Quelles sont les passions les plus dramatiques ? […] L’ariette ne peut être chantée que dans les endroits où le personnage est agité de quelque passion.

6. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Deuxième partie. Rhétorique. — Chapitre II. — Division de la rhétorique : Invention, Disposition, Élocution »

Le Jugement est cette faculté qui nous fait connaître la nature et le caractère des passions. […] Filon, a su tracer le caractère de certaines passions avec autant de supériorité que d’éloquence. Les Passions. […] est-ce la passion qui nous entraîne ? C’est la raison énergique et brûlante comme la passion ; c’est la passion calme et pure comme la raison : nos devoirs les plus saints deviennent nos voluptés les plus douces, et tout l’homme est d’accord.

7. (1863) Principes de rhétorique et de littérature appliqués à l’étude du français

Elle n’a d’autre but que de toucher les passions quand et comme il lui plaît. […] C’est mutiler l’éloquence, en lui ôtant la passion. […] L’une s’exerce par les Mœurs, et l’autre par les Passions. […] C’est la passion qui inspire à nos poëtes dramatiques tant d’attaques et de répliques éloquentes. […] C’est encore une figure familière à la passion.

8. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

Bien souvent l’orateur, en faisant valoir une preuve, peint en même temps les mœurs, et excite les passions. […] Des Passions. […] Ajoutons que cet usage des passions est absolument nécessaire. […] L’orateur ne pouvait raconter ces tristes événements, sans se livrer à de grands mouvements, et sans remuer les passions. […] En effet, on doit présumer qu’ils sont remués par les mêmes passions, que le reste des hommes.

9. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre II. Les Oraisons ou discours prononcés. »

Passions. […] Ces passions sont l’effet des impressions que l’âme reçoit. […] Mais Cicéron connaît la passion dominante de ce juge ; c’en est assez pour le vaincre. […] Batteux, des Passions oratoires. […] Domairon, Rhét, des Passions.

10. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

C’est que les autres passions ne se développent qu’avec la raison ; celle-ci la prévient25. […] Dans les autres hommes, cette passion déplorable n’exerce jamais qu’à demi son empire : les obstacles la traversent ; la crainte des discours publics la retient ; l’amour de la fortune la partage. […] Non, Sire, les princes, dès qu’ils se livrent au vice, ne connaissent plus d’autre frein que leur volonté ; et leurs passions ne trouvent pas plus de résistance que leurs ordres. […] Rien ne coûte et rien ne s’oppose aux passions des grands : aussi la facilité des passions en devient un nouvel attrait ; devant eux toutes les voies du crime s’aplanissent et tout ce qui plaît est bientôt possible. […] Ils ne craignent pas un publie qui les craint et qui les respecte ; et, à la honte du siècle, ils se flattent avec raison qu’on a pour leurs passions les mêmes égards que pour leur personne.

11. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

La crainte, la surprise, l’admiration, étaient leurs passions habituelles. […] Aristote ne la permet que dans la colère et dans la passion. […] Cela ne manque jamais de glacer les passions. […] La nature a adapté à chaque émotion ou passion une série d’objets correspondants. […] Il y a évidemment dans les passions quelque chose de contagieux.

12. (1867) Rhétorique nouvelle « Troisième partie. la rhétorique » pp. 194-

Mais comment leur plaire, sans flatter leurs passions ? […] Vous serez les maîtres des passions. […] Pour achever par la passion l’œuvre du raisonnement. […] — Mais cette émotion nécessaire pour remuer les passions, où la chercher ?  […] La passion est un état violent dont l’âme se fatigue vite et qu’on doit craindre de prolonger.

13. (1866) Cours élémentaire de rhétorique et d’éloquence (5e éd.)

Il est d’ailleurs facile de remuer la foule quand on flatte les mauvaises passions. […] C’est par les passions que l’éloquence triomphe et qu’elle règne sur les cœurs. […] L’imagination est une faculté très importante dans celui qui veut agir sur les passions. […] Les principaux moyens à employer pour calmer les passions sont le sang-froid, les passions contraires et la plaisanterie. […] Pas une passion, dit Batteux, pas un mouvement de chaque passion, pas une seule partie de ce mouvement qui n’ait son geste et son ton particulier, ses degrés de gestes et de tons.

14. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Résumé. » pp. 388-408

Dans les passions, comme dans les mœurs, l’écrivain doit s’étudier d’abord ; mais comme il n’est pas absolument nécessaire, pour peindre ou inspirer la passion, de l’éprouver ou de l’avoir éprouvée soi-même, et qu’il suffit de la bien comprendre, il doit l’étudier aussi dans les autres, dans les assemblées publiques, dans la société intime, enfin, dans les écrivains qui ont su le mieux la traiter. […] Presque tous les sujets sont susceptibles de passion, mais il faut savoir préparer la passion, ne pas en abuser et l’éviter là où elle serait déplacée. […] Parfois on le supprime et l’on entre immédiatement dans le fait ou dans la passion. […] La passion, la spontanéité, le besoin d’entraîner demandent l’énergie et la véhémence. […] Le style figuré est dans la nature de l’homme, car il prend sa source dans des qualités et des besoins communs à tous, penchant à l’imitation, association d’idées, imagination, passion, etc.

15. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XIII. Genre oratoire, ou éloquence. »

L’émotion du cœur qui produit l’éloquence est le résultat d’une passion ; mais nous n’admettons comme bonnes et légitimes que les passions qui ont une noble aspiration vers le bien ; celles qui conduisent au mal peuvent avoir aussi une éloquence à elles ; mais cette éloquence, loin de pouvoir être proposée pour modèle, doit être combattue, comme tout ce qui a un principe vicieux et funeste. […] Ministre de la vérité et de la vertu, il a à combattre de puissants ennemis : d’un côté, les erreurs de l’esprit, où la faiblesse et l’orgueil entraînent les hommes ; de l’autre, les passions du cœur, jamais satisfaites, jamais calmées. […] La parole de Dieu est un glaive qui tranche au vif toutes les questions ; elle commande aux passions avec autorité ; elle impose à la raison, convaincue d’aveuglement et de faiblesse, des vérités surnaturelles enveloppées d’un nuage de mystère. […] Les apôtres, les Pères de l’Église, ne couraient pas après les fleurs du langage ni après les subtilités de la dialectique ; ils parlaient avec l’émotion et l’entraînement d’une âme convaincue, et les passions et l’erreur pliaient sous le souffle de leur parole inspirée. […] Mais dans la bouche de ces hommes turbulents et pervers, qui font de la tribune un piédestal pour leur vanité et leur ambition, cette éloquence oublie son but véritable, et dégénère en fléau ; elle soulève les passions avides et ignorantes, égare les esprits de la multitude et bouleverse l’ordre des sociétés.

16. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

A-t-il voulu vous faciliter le luxe, les passions et les plaisirs qu’il condamne ? […] Tout cela dépend des lumières, des passions, des préjugés de ceux à qui l’on s’adresse. […] Les passions, dans le sens moral, sont des qualités inhérentes ; les passions oratoires, des affections actuelles. […] Chacun se faisant une raison de sa passion, ce qui est un plaisir dans le cœur est une vérité dans l’esprit. […] IV) ; c’est pour purger les passions vicieuses par les passions nobles1.

17. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

C’est que les matières devinrent bientôt si intéressantes, les événements se pressèrent tellement, tous les intérêts, toutes les passions froissées se heurtèrent avec une telle impétuosité, qu’il devait résulter de grandes choses et de grandes fautes, de grandes vérités et de tristes erreurs, d’un choc d’autant plus violent, qu’il avait été plus longtemps comprimé. […] À la tête des uns, se distinguent ce fougueux Mirabeau, dont la vie entière n’avait été qu’un long combat contre tous les genres d’autorités, qui n’étaient pour lui que des variétés du despotisme ; contre toutes les lois, qui, pour peu qu’elles blessassent ses intérêts ou ses passions, n’étaient que le code de la tyrannie régularisée. […] Il n’eut jamais de système fixe, si ce n’est celui de servir son intérêt et sa passion, aux dépens de tous les partis. […] Tels sont, en effet, le caractère et le sort de cette portion de l’art oratoire, qu’il lui faut de grandes passions à émouvoir, de grands intérêts à démêler, pour qu’elle brille de tout son éclat, pour qu’elle déploie toute son énergie. Aussi, rentre-t-elle insensiblement dans le silence, à proportion que se calme l’effervescence des passions, que les choses rentrent dans l’ordre, et que les hommes reprennent leur place.

18. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

On peut dire qu’elle se borne à soulever les passions. […] Aussi l’éloquence n’est-elle, à vrai dire, que l’art de persuader en remuant les passions : art méprisable, si les passions auxquelles il s’adresse sont viles ; art sublime, si elles sont nobles. […] C’est à ces grandes passions que Démosthène s’adressa. […] Il faut enflammer les cœurs après avoir éclairé les esprits ; il faut achever par la passion l’œuvre du raisonnement. […] En effet le propre de la passion est de se répéter toujours, mais sans se copier jamais.

19. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Nicole, 1625-1695 » pp. 72-75

Si l’on n’y trouve ni la vivacité piquante de La Bruyère, ni l’énergie de Pascal, ni l’enjouement de Montaigne, on y goûte la chaleur sympathique d’une raison sereine qui tend à maîtriser les passions en affermissant les croyances. […] Ces maux de nos semblables, si nous pouvions les regarder d’une vue tranquille et charitable, nous seraient des instructions d’autant plus utiles, que nous en verrions bien mieux la difformité que des nôtres, dont l’amour-propre nous cache toujours une partie ; ils nous pourraient donner lieu de remarquer que les passions font d’ordinaire un effet tout contraire à celui que l’on prétend. […] Nous y pourrions voir aussi avec étonnement à quel point ces mêmes passions aveuglent ceux qui en sont possédés ; car ces effets, qui sont si sensibles aux autres, leur sont d’ordinaire inconnus, et il arrive souvent que, se rendant odieux, incommodes et ridicules à tout le monde, ils sont les seuls qui ne s’en aperçoivent pas. Et tout cela nous pourrait faire ressouvenir soit des fautes où nous sommes autrefois tombés par des passions semblables, soit de celles où nous tombons encore par d’autres passions qui ne sont peut-être pas moins dangereuses et dans lesquelles nous ne sommes pas moins aveugles ; par là toute notre application se portant à nos propres défauts, nous en deviendrions beaucoup plus disposés à supporter ceux des autres. […] Il y a même cela de plus déraisonnable en ce point, qu’en se mettant en colère contre les saisons on ne les rend ni plus ni moins incommodes, au lieu que l’aigreur que nous concevons contre les hommes les irrite contre nous et rend leurs passions plus vives ou plus agissantes1.

20. (1873) Principes de rhétorique française

Des passions. […] Des passions. — 2. […] Des autres passions. — 4. […] Des passions. […] Emploi des passions. — 4.

21. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Première section. Des genres secondaires de poésie — Chapitre II. Du genre pastoral » pp. 96-112

C’est le règne des plaisirs innocents, de la paix, de ces biens pour lesquels les hommes se sentent nés, quand leurs passions leur laissent quelques moments de silence pour se reconnaître. […] Les bergers peuvent avoir le désir de plaire, l’émulation dans les jeux, l’ambition d’entretenir un troupeau nombreux et fécond, des passions douces, tendres et modérées, mais jamais de ces passions violentes et cruelles qui sont le fléau de la société. […] Il faut que leurs passions, même les plus gaies ou les plus tristes, aient un caractère de modération. […] Si l’idylle exprime une passion, il faut que cette passion s’exhale en plaintes, en reproches modérés, si elle est triste, ou en expression joyeuses, mais toujours pleines de douceur, si elle est inspirée par la joie, la tendresse ou l’espérance. […] Enfin l’idylle, comme l’églogue, constitue un poème ; or, tout poème demande un plan ; il faut ici une image, une pensée, un sentiment ou une passion qui se développe dans de justes proportions.

22. (1839) Manuel pratique de rhétorique

On a demandé s’il est permis à l’orateur d’employer les mouvements, les passions : la réponse est simple. […] Il est donc permis, souvent même nécessaire d’employer les passions. […] Il doit d’abord examiner si le sujet prête aux passions, quelle espèce de passion il lui convient d’exciter. […] — Définissez le mot passion. — Quelles sont les deux passions principales ? […] — Où l’orateur cherchera-t-il les passions ?

23. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section troisième. La Tribune sacrée. — Chapitre premier. Objet de l’Éloquence de la chaire. »

Ce n’est pas qu’il doive jamais composer avec les passions, ou ménager les faiblesses ; il doit tonner contre les unes, et exposer avec force les conséquences funestes des autres. […] Que l’on se transporte maintenant dans un temple, au pied des autels, sous les yeux de Dieu même, et en présence de tout un peuple ; que l’on se figure une lice ouverte où l’éloquence et le zèle divin, aux prises avec les passions, les vices, les faiblesses, les erreurs de l’humanité, les provoquent les unes après les autres, quelquefois toutes ensemble, les attaquent, les combattent, les terrassent avec les armes de la foi, du sentiment et de la raison. […] Au barreau, l’orateur peut recourir à tous les moyens capables d’émouvoir ceux qui l’écoutent, intéresser toutes leurs passions au succès de sa cause, entrer dans leurs sentiments, leur accorder même quelquefois en apparence plus qu’ils ne semblent exiger, afin d’en triompher plus sûrement encore le moment d’après. […] Comme celle du barreau, elle peut, à la vérité, employer une action variée et véhémente, pleine de chaleur, d’enthousiasme et de sensibilité ; mais il est indigne d’elle et de la majesté de son objet, d’opposer le vice au vice, les passions aux passions ; de faire agir en sa faveur la vanité, l’orgueil, l’ambition, l’envie, la colère ou la vengeance.

24. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre XVI. Genre du roman. »

L’histoire de l’homme ne consiste pas seulement dans les événements extérieurs et publics, qui ne nous montrent guère que des princes, des héros, et les actions mémorables des grands hommes ; l’humanité a encore une autre face : c’est la vie privée, c’est la multitude, ce sont les passions, les intérêts, les accidents de tous les jours, les vertus, les vices, les mœurs, les usages, les caractères de la vie commune ; c’est l’histoire de chacun et l’histoire de tous : tels sont les éléments variés et féconds où le roman puise ses peintures et ses récits. […] Il ne suffit pas, en effet, que le roman soit bien ordonné, que le récit en soit vif, intéressant, les peintures variées, les passions peintes avec naturel ; que les évènements s’enchaînent, que les caractères soient bien tracés et bien soutenus, qualités qui appartiennent aussi au poème épique ; il faut encore que le roman soit moral et instructif. […] Trop souvent il peint les passions sous des couleurs vives et attrayantes ; trop souvent, dans les caprices ou le délire de l’imagination, il porte atteinte au bon goût, à la vérité, à la vertu. […] Voyant le public blasé sur les jouissances pures et délicates, ils cherchent à réveiller cette sensibilité émoussée en recourant au laid et en forçant la nature ; ils jettent en pâture au public des sentiments raffinés, des situations fausses, extravagantes, invraisemblables, des passions exagérées. […] C’est là qu’il trouve le principe de l’Individualité ; il le puise à la fois dans l’indépendance germanique et dans la réflexion intérieure ; il s’y empreint fortement de l’esprit d’observation et d’analyse intime ; il peint le cœur humain en pénétrant dans tous ses replis les plus cachés ; il affectionne les tableaux de famille, il entre dans tous les détails et les effets des passions.

25. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre premier. Des caractères essentiels de la poésie » pp. 9-15

On peut encore les considérer dans leurs rapports avec notre âme, nos idées, nos sentiments et nos passions, en un mot, avec notre vie intellectuelle et morale : c’est le point de vue moral qui laisse apercevoir le côté mystérieux des objets, et les liens qui les unissent au monde invisible ; c’est la manière poétique. Un anatomiste pourra ne voir que des os, des muscles, des nerfs et du sang dans un visage humain, où nous apercevons des sentiments, des passions, une intelligence, une âme. […] De là, cette disposition du poète à animer la nature physique, à lui prêter des sentiments et des passions analogues aux sentiments et aux passions qu’il éprouve lui-même. […] La poésie antique alla jusqu’à personnifier, diviniser et adorer les passions.

26. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Il n’est personne qui ne sache que pour persuader les hommes, il faut s’adresser plus ou moins à leurs passions, parce que les passions sont la source de toutes les actions humaines. […] Les passions se communiquent évidemment par contagion. […] Il faut s’élever jusqu’au véritable langage de la passion. […] C’est porter trop loin le langage de la passion. […] Les préjugés, les désirs, les passions s’exprimaient sans contrainte.

27. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bourdaloue, 1632-1704 » pp. 133-137

C’est que, pour contenter une seule passion, qui est de s’élever à cet état, il faut s’exposer à devenir la proie de toutes les passions ; car y en a-t-il une en nous que l’ambition ne suscite contre nous ? […] Mais, en second lieu, capable de tout, parce que, quelque dessein que la passion lui suggère, sa piété, ou plutôt l’estime où cette piété fastueuse l’établit, le met en état de réussir. […] Massillon a dit : « L’ambition, ce désir insatiable de s’élever au-dessus et sur les ruines même des autres ; ce ver qui pique le cœur et ne le laisse jamais tranquille ; cette passion qui est le grand ressort des intrigues et de toutes les agitations des cours, qui forme les révolutions des États, et qui donne tous les jours à l’univers de nouveaux spectacles ; cette passion qui ose tout, et à laquelle rien ne coûte, rend malheureux celui qui en est possédé.

28. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre premier. De l’invention. »

Si je veux prouver à un jeune homme qu’il faut éviter le jeu, je lui dirai que la passion du jeu est irrésistible, qu’elle entraîne avec elle la ruine, le déshonneur, le crime même, et qu’elle peut conduire à l'échafaud : les moyens seront intrinsèques. […] Passions. […] Il y a peut-être un troisième sentiment, assez rare, il est vrai, qui est l’absence de toute passion, c’est l’indifférence. […] Pour trouver le pathétique, il faut descendre dans son propre cœur et étudier avec ce maître par excellence les caprices des passions humaines. […] Doit-on se servir dans tout discours des trois parties de l’invention, les preuves, les mœurs et les passions ?

29. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Principes généraux des belles-lettres. » pp. 1-374

Phèdre elle-même découvre à sa confidente la passion qu’elle a pour Hippolyte. […] Il s’agit de savoir quelles suites aura la passion de Phèdre pour Hippolyte. […] Cette passion est donc nécessaire dans la tragédie. […] Cette passion ne peut pas alors les rendre méconnoissables sur notre théâtre. […] La passion et le sentiment qui les animent, doivent toujours percer à travers le raisonnement ; ou, pour mieux dire, le raisonnement doit toujours être tiré du fond de la passion et de la nature du sentiment.

30. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Première partie. Règles générales du style. — Chapitre III. Des ornements du style » pp. 119-206

D’autres figures sont employées par les passions ou par l’imagination, pour ajouter de la force au discours. […] L’écrivain en fait usage pour toucher, pour émouvoir, pour maîtriser notre âme, et la mener, pour ainsi dire, au but qu’il se propose : ces figures sont propres aux passions, et sont appelées figures de mouvement ou de passion. […] Quelles sont les principales figures de mouvement ou de passion ? […] La première de ces règles, qui s’applique aussi à l’apostrophe, est de ne faire usage de cette figure que lorsqu’elle est suggérée par une forte passion, et de ne jamais la prolonger lorsque la passion se calme. […] La troisième espèce d’objets que les mots peuvent imiter par le son, comprend les sentiments, les émotions et les passions de l’âme.

31. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre premier. Idée générale de l’Éloquence. »

L’éloquence a non seulement l’opinion, mais les affections, les passions à combattre et à subjuguer. […] Le troisième et le plus haut degré de la composition oratoire, est celui qui s’empare irrésistiblement de l’auditoire, qui porte la conviction dans les esprits, le trouble et l’agitation dans les âmes, et qui les entraîne au gré de l’orateur ; qui nous fait partager ses passions, ses sentiments, aimer ou haïr avec lui, prendre les résolutions qu’il nous dicte, vouloir ce qu’il veut, et exécuter sans délai ce qu’il a voulu. […] Nous observerons que ce dernier genre est du ressort immédiat de la passion ; et nous définirons la passion, cet état de l’âme fortement agitée par un objet qui l’occupe tout entière.

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