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119. (1853) Exercices de composition et de style ou sujets de descriptions, de narrations de dialogues et de discours

Un bruit extraordinaire se fait entendre. […] Les conjurés s’étaient réunis, pendant la nuit, dans une église ; un prêtre les entendit et révéla le complot à l’empereur. […] Il se rappelle avec horreur ce qu’il vient de voir, d’entendre, de faire. […] Tout à coup, au milieu du morne silence qui régnait dans l’immense galerie, ou entend ce cri : « Léon ! […] Un ennemi l’entendit, et l’accusa devant l’aréopage, tribunal d’Athènes célèbre par son impartialité et par sa sagesse.

120. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XVII. les qualités essentielles du style. — propriété, précision, naturel  » pp. 230-239

. — propriété, précision, naturel « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, dit la Bruyère, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu’elle existe, que tout ce qui ne l’est point est faible, et ne satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire entendre. » La propriété consiste à rencontrer cette expression qui est la bonne ; c’est dire que la propriété contribue singulièrement à la clarté du style, en même temps qu’à son énergie, car toute expression vague est toujours faible et tout à la fois obscurcit la pensée. […] Mais sachons bien ce que l’on doit entendre par précision. […] « Quand un discours naturel, dit-il, peint une passion ou un effet, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu’on entend, qui y était sans qu’on le sût, et on se sent porté à aimer celui qui nous le fait sentir, car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre ; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable : outre que cette communauté d’intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l’aimer.

121. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre II. De l’emploi des figures dans les écrivains sacrés. »

138 … Celui qui fait sa demeure Dans les royaumes éternels ; Qui suit en tous lieux, à toute heure, Les pas incertains des mortels : Celui qui leur envoie un maître, Ce dieu qu’ils osent méconnaître, Ou qu’ils feignent de mépriser, Entend les blasphèmes frivoles Dont ils amusent les idoles Sur eux prêtes à s’écraser. […] Le prophète continue sa narration : 152Il dit ; et je répète à peine Les oracles de son pouvoir, Que j’entends partout dans la plaine Ces os avec bruit se mouvoir. […] Mais le Seigneur se fit entendre, Et je m’écriai plein d’ardeur : Esprit, hâtez-vous de descendre, 153Venez, esprit réparateur ; Soufflez des quatre vents du monde, Soufflez votre chaleur féconde Sur ces corps prêts d’ouvrir les yeux. […] « Les peuples les plus redoutables ont été pour moi comme un nid de petits oiseaux, qui s’est trouvé sous ma main : j’ai réuni sous ma puissance tous les peuples de la terre, comme on ramasse quelques œufs que la mère a ahandonnés ; et il ne s’est trouvé personne qui osât seulement agiter son aile, ou faire entendre un faible cri ».

122. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXVI. des figures. — figures par mutation et inversion  » pp. 370-387

Bien entendu que quand la réticence est affectée, quand l’interruption n’est point l’effet naturel de la passion, mais un dessein prémédité de faire entendre, par le peu qu’on a dit, ce qu’on affecte de supprimer, et même souvent beaucoup au delà, elle n’appartient plus alors aux figures dont nous traitons ici, et doit se ranger, à la suite de l’ironie, parmi celles qui font contraster la parole avec la pensée. […] Je n’entends donc parler ici ni de ce que les anciens appelaient anastrophe, qui consistait à transposer deux mots me cum pour cum me ; his accensa super ; ni de ce qu’ils nommaient tmèse, qui coupait un mot en deux : … hyperboreo septem subjecta trioni ; ni même de l’hypallage, figure par laquelle on attribue à certains mots d’una phrase des inflexions ou modifications qui appartiennent réellement à d’autres mots, sans cependant qu’il soit possible de se méprendre au sens : Ibant obscuri sola sub nocte per umbram, pour obscura soli ; Et caligantem nigra formidine lucum, pour et formidatum nigra caligine, etc. […] Honnêtes gens, bien entendu, est pris ici dans le sens du xviiie  siècle, les personnes que la condition, la fortune on le mérite élèvent au-dessus du vulgaire, et qui ont l’esprit cultivé par la lecture, par la réflexion et par le commerce avec les personnes qui ont les mêmes avantages.

123. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Chefs-d’œuvre de poésie. — J. Racine. (1639-1699.) » pp. 226-241

Pyrrhus vous l’a promis : vous venez de l’entendre, Madame ; il n’attendait qu’un mot pour vous le rendre. […] Et que viens-je d’entendre ? […] qu’entends-je ! […] Mais quand elle s’entend attribuer ce meurtre, c’est alors qu’elle est hors d’elle-même, et qu’elle punit Oreste des crimes qu’elle lui a fait commettre. » 2.

124. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Fénelon, 1651-1715 » pp. 178-204

Demandez-lui ce qu’il a fait de sa matinée : il n’en sait rien, car il a vécu sans songer s’il vivait ; il a dormi le plus tard qu’il a pu, s’est habillé fort lentement, a parlé au premier venu, a fait plusieurs tours dans sa chambre, a entendu nonchalamment la messe. […] Ce maître est partout ; et sa voix se fait entendre d’un bout de l’univers à l’autre à tous les hommes comme à moi. […] Où est-elle cette raison qu’on a sans cesse besoin de consulter, et qui nous prévient pour nous inspirer le désir d’entendre sa voix ? […] Ce sermon qui fut prononcé dans l’église des Missions étrangères par l’abbé de Fénelon, alors âgé de trente-quatre ans, fut remis en lumière par l’abbé Maury, qui le présenta à plusieurs gens de lettres, en les conviant à entendre un très-beau sermon de Bossuet. […] Il faut pour l’entendre du silence intérieur ; il faut, pour apercevoir sa lumière, fermer nos sens et ne regarder que dans nous.

125. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre IV. Éloge de Trajan, par Pline le jeune. »

On a dit et répété longtemps, que pour mériter un tel panégyrique, il n’avait manqué à Trajan que de ne le pas entendre. […] « Avec quelle bonté vous accueillez, vous entendez tout le monde !

126. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Henri IV, 1553-1610 » pp. -

Un politique A Monsieur de Batz 5 Monsieur de Batz, j’ay entendu avecque plaisir les services que vous et Monsieur de Roquelaure1 avés faict à ceulx de la Religion, et la sauveté que vous particulierement avez donnee en vostre chasteau de Suberbie à ceulx de mon pays de Bearn, et aussy l’offre que je accepte pour ce temps de vostre dict chasteau. […] C’est pourquoy je veulx que vous le faciés et que vous luy faciés entendre.

127. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Préface » pp. -

Le souhait du judicieux critique, qui peut s’étendre à toutes les parties de la littérature et par conséquent à la poétique aussi bien qu’à la rhétorique, a été depuis longtemps entendu. […] Les poètes chrétiens, considérés sans prévention, ne nous ont point paru indignes de faire entendre leurs accents sous les voûtes séculaires de nos temples ; et leur inspiration nous a semblé de nature à fixer l’attention des jeunes littérateurs.

128. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Mais aussi qu’elle doit être imposante et majestueuse, la voix qui se fait entendre aux hommes, entre la tombe de l’homme et l’autel du Dieu qui juge et le héros et le panégyriste ! […] Pouvons-nous encore entendre ces noms, dans ce triomphe de la mort ? […] Partout on entend des cris ; partout on voit la douleur, et le désespoir, et l’image de la mort.

129. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre premier. de la rhétorique en général  » pp. 13-23

L’œil s’exerce à connaître l’étendue et la distance dans les corps, l’alliance et les contrastes dans les couleurs ; l’oreille, à distinguer le plus ou moins d’éloignement, d’intensité, d’harmonie ou de discordance des sons ; le goût et le tact, à apprécier la nature et les degrés de la saveur, l’aspérité ou le mœlleux des surfaces ; tout le monde convient qu’il faut longtemps regarder pour voir, et écouter pour entendre. […] Aujourd’hui, en effet, il a pour juge le tribunal, demain il aura peut-être la nation ; aujourd’hui sa parole n’est entendue que de quelques centaines d’individus, demain elle sera lue par l’Europe entière. […] N’avez-vous jamais entendu les jeunes oiseaux gazouiller d’une voix incertaine et s’essayer difficilement à leurs premiers airs ?

130. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Delille 1738-1813 » pp. 464-472

Même absent, on le craint : il voit, il entend tout ; Un invisible oiseau lui dit tout à l’oreille ; Il sait celui qui rit, qui cause, qui sommeille, Qui néglige sa tâche, et quel doigt polisson D’une adroite boulette a visé son menton. […] J’entends ce jeux bruyant où, le cornet en main, L’adroit joueur calcule un hasard incertain. […] J’entends, la nuit, et de mon lit, le bruit des vagues ; et ce son monotone et sourd m’invite doucement au sommeil.

131. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Staël, 1766-1817 » pp. 399-408

Il ne va jamais au jeu de la reine, il chasse et il lit ; mais c’est assez plaisant d’entendre dire, quand il ne chasse pas ou qu’il ne va pas au spectacle : « Le roi ne fait rien aujourd’hui. » C’est-à-dire qu’il travaille toute la soirée avec ses ministres. […] M. de Saint-Lambert a répondu par un discours assez froid ; il s’est cru obligé de peser exactement chaque terme d’éloge ; et comme on a l’habitude de rabattre toujours une partie de ce qu’on entend, celui qui ne dit que ce qu’il faut ne produit pas l’effet qu’il faut. […] Comment aimer son fils sans se flatter qu’il sera noble et fier, sans souhaiter pour lui la gloire qui multiplierait sa vie, qui nous ferait entendre de toutes parts le nom que notre cœur répète ?

132. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « XVIe siècle — Prose — Michel de L’Hospital, 1505-1573 » pp. -

Ses conseils de modération chrétienne eussent sauvé la France s’ils avaient pu être entendus. […] Entendrez.

133. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Ces courtes observations nous suffiront, j’espère, pour faire comprendre ce que l’on entend par sublime de diction. […] On entend généralement par ces expressions tous les mouvements qu’on peut donner à la phrase, toutes les attitudes du style. […] La sympathie est un principe puissant et étendu de notre nature, qui nous dispose à participer aux sentiments et aux passions que nous entendons exprimer par d’autres hommes. […] Mais il est peu de beaux jours sans nuages ; la tempête est calmée, mais on entend encore le mugissement lointain des flots. […] Peut-être que, parmi ceux qui m’entendent, il ne se trouvera pas dix justes ; peut-être s’en trouvera-t-il encore moins.

134. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre II. Des petits Poèmes. »

Assurément il veut faire entendre que deux cœurs unis par le sentiment, cessent bientôt de l’être, après qu’ils se sont liés par le mariage. […] Si le sens moral peut être deviné sans peine, et bien clairement entendu, on doit se dispenser de l’exprimer. […] On n’y voit plutôt, on n’y entend que des petits-maîtres, des courtisans spirituels et galants, déguisés sous l’habit de berger. […] Qui se fait entendre aux yeux. […] Les odes qu’il fit à la gloire des vainqueurs dans les jeux olympiques, sont les seules qui nous soient parvenues, et sont très difficiles à entendre.

135. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — Seconde partie. Moyens de former le style. — Chapitre II. De l’exercice du style ou de la composition » pp. 225-318

Qu’entend-on par invention en littérature ? […] Qu’entend-on par description en littérature ? […] Que faut-il entendre par description oratoire ? […] Qu’entend-on par épisodes ? […] Dans certains cas, on peut être autorisé à faire entendre des paroles sévères.

136. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre IV. Du genre dramatique. » pp. 252-332

Que faut-il entendre par unité de lieu ? […] Que faut-il entendre par la conduite de l’action dramatique ? […] Que faut-il entendre par achèvement ? […] Qu’entendez-vous par passions tragiques ? […] Bossuet et Fénelon ont fait entendre des paroles sévères contre les spectacles.

137. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome I (3e éd.) « Première partie. De l’Art de bien écrire. — Section II. De l’Art d’écrire agréablement. — Chapitre II. Des différentes Espèces de Style, et des Figures de Pensées. » pp. 238-278

Arbitre de leur sort, sans craindre de reproche, Je les tourne, retourne, et règle entr’eux les rangs ;             Je les écarte ou les rapproche, Je les hausse, les baisse ainsi que je l’entends. […] L’un plus pur, l’autre plus sublime, Tous deux partagent notre estime Par un mérite différent : Tour à tour ils nous font entendre Ce que le cœur a de plus tendre, Ce que l’esprit a de plus grand. […] Le bruissement des flots mollement agités, qui seul trouble en ce moment le calme profond de la nature, n’aura peut-être rien d’extrêmement doux et flatteur pour nous, qui aurons entendu le bruit d’une rivière tranquille, ou le murmure d’un ruisseau qui serpente dans un bocage. […] « J’entends Théodecte de l’antichambre. […] Là, on n’entendait jamais que le chant des oiseaux ou le bruit d’un ruisseau qui se précipitant du haut d’un rocher, tombait à gros bouillons pleins d’écume, et s’enfuyait au travers de la prairie.

138. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

Toutes les sciences le passionnaient, « et il ne voulait pas, dit-il, qu’un autre pût entendre ce qu’il n’aurait pas entendu lui-même ». […] Ils n’ont point d’autre voix qu’un petit cri, screp, screp, fréquent et répété ; ils le font entendre dans les bois dès l’aurore, jusqu’à ce qu’aux premiers rayons du soleil tous prennent l’essor et se dispersent dans les campagnes2. […] Avoir parcouru l’un et l’autre hémisphère, traversé les continents et les mers, surmonté les sommets sourcilleux de ces montagnes embrasées où des glaces éternelles bravent également et les feux souterrains et les ardeurs du midi ; s’être livré à la pente précipitée de ces cataractes écumantes, dont les eaux suspendues semblent moins rouler sur la terre que descendre des nues ; avoir pénétré dans ces vastes déserts, dans ces solitudes immenses, où l’on trouve à peine quelques vestiges de l’homme, où la nature, accoutumée au plus profond silence, dut être étonnée de s’entendre interroger pour la première fois ; avoir plus fait, en un mot, par le seul motif de la gloire des lettres, que l’on ne fit jamais par la soif de l’or : voilà ce que connaît de vous l’Europe, et ce que dira la postérité. […] Comparez ces vers de Delille sur le colibri : Enfin, pour achever ces nombreux parallèles, Avec la lourde autruche et ses mesquines ailes, Comparez cet oiseau qui, moins vu qu’entendu, Ainsi qu’un trait agile à nos yeux est perdu ; Du peuple ailé des airs brillante miniature, Où le ciel des couleurs épuisa la parure ; Et, pour tout dire enfin, le charmant colibri Qui, de fleurs, de rosée et de vapeurs nourri, Jamais sur une tige un instant ne demeure, Glisse et ne pose pas, suce moins qu’il n’effleure : Phénomène léger, chef-d’œuvre aérien.

139. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre premier. »

Qu’il songe et qu’il se rappelle à chaque instant que ce peuple qui va l’entendre, est un torrent qu’il n’est plus possible d’arrêter, une fois que l’on a rompu la digue qui le retenait, et que des regrets tardifs ne répareront point le mal dont il aura été la cause imprudente. […] Il vaut mieux placer sa pensée sous un jour frappant, et l’y laisser, que de la retourner, de la représenter de vingt manières différentes, et d’entasser une vaine profusion de mots au hasard, de fatiguer et d’épuiser enfin l’attention de ceux qui nous écoutent, et qui ont un intérêt réel à nous entendre.

140. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Joubert 1754-1824 » pp. 214-217

Et il se fit un silence pendant lequel le petit jeune homme s’avise d’improviser un distique latin à la louange de l’Empereur, qui, prenant son parti en habile homme, se mit à dire en souriant : « C’est bon, c’est bon, je t’entends, je t’entends. » Et puis, étendant gravement la main : — « Va, tu seras content de moi.

141. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre X. Petits poèmes. »

— N’entends-tu pas, dit le ruisseau, À l’autre bord de ce coteau Gémir la moitié de moi-même ? […] Entendrons-nous par poètes élégiaques ceux qui ont fait une ou deux élégies ? […] Si, au contraire, nous entendons par poètes élégiaques ceux qui se sont surtout distingués dans ce genre, ou qui n’ont réussi que là, c’est tout autre chose. […]         Fait-il entendre sa parole ? […] Elles sont difficiles à entendre par plusieurs raisons, dont la première est la grandeur même des idées qu’elles renferment ; la seconde, la hardiesse des tours ; la troisième, la nouveauté des mots qu’il fabrique souvent pour l’endroit même où il les place.

142. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre IV. — Du Style. »

La Bruyère, à ce sujet, donne le conseil suivant : « Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs, examiner son propre ouvrage comme quelque chose qui lui est nouveau, qu’il lit pour la première fois, où il n’a nulle part, et que l’auteur aurait soumis à sa critique ; et se persuader ensuite qu’on n’est pas entendu seulement à cause que l’on s’entend soi-même, mais parce qu’on est en effet intelligible. » Voici le résumé des qualités nécessaires à la clarté : idée claire et nette du sujet, bon choix d’expressions, ordre et enchaînement des idées, juste mesure des phrases et des périodes. […] Équipé de la sorte, au mois de juillet, il attendit dans sa chambre, et non sans impatience, l’arrivée de la compagnie : aussitôt qu’il entendit des voitures dans la cour, il descendit fort lestement, malgré l’étonnante lourdeur de sa parure, et il s’élança sur le perron, afin de donner la main aux dames, ce qu’il fit sérieusement, et de l’air du monde le plus simple et le plus naturel. […] Vous y pouvez marcher une heure sans entendre d’autre bruit que le vol d’un merle effarouché à votre approche, ou le saut d’une petite grenouille verte et brillante comme une émeraude, qui dormait dans son hamac de joncs entrelacés. […]  » Alors on entendit tout à coup un cri de douleur ; Jacques était tombé sur le sol froid de l’église, au pied de la croix voilée, tout à côté d’une tombe relevée par quelques débris d’armoiries, vanité mondaine sur la poussière et la mort. Le roi restait sans connaissance, et la paralysie avait atteint un de ses membres ; les gémissements de sa famille vinrent se mêler aux chants de deuil, et l’on entendait les pleurs d’une femme et d’un fils se mêler aux hymnes du Christ sur la croix.

143. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXII. des figures. — figures par rapprochement d’idées semblables  » pp. 301-322

La science beaucoup plus répandue de nos jours, les découvertes entrées rapidement dans le domaine public ont enrichi la langue d’une foule de métaphores dont les écrivains des deux derniers siècles, les eussent-ils connues, se seraient soigneusement gardés, parce que leurs lecteurs ne les auraient point comprises, et qu’en définitive, il ne faut pas l’oublier, le premier mérite, quand on parle, est d’être entendu. […] La personnification, disent-ils, consiste à faire d’un être abstrait un être réel par une simple façon de parler, par une fiction toute verbale, en quelque sorte ; et la subjectification, à dire d’une partie ou d’un attribut de l’individu ce qui ne peut s’entendre que de l’individu lui-même. […] Je crois voir l’Amour dans les airs rire et battre des ailes ; je crois l’entendre pousser des cris d’allégresse et dire : Hercule est vengé !  […] Chacun, à charge de revanche, bien entendu, y fait allusion à une foule de belles pensées et de fines reparties profondément ignorées de tout ce qui vit et se meut en dehors de la coterie.

144. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Pascal, 1623-1662 » pp. 56-71

Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers5, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix. […] L’éloquence est un art de dire les choses de telle façon que ceux à qui l’on parle puissent les entendre sans peine et avec plaisir, ou qu’ils s’y sentent intéressés, en sorte que l’amour-propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. […] Il faut se mettre à la place de ceux qui veulent nous entendre, et faire essai sur son propre cœur du tour qu’on donne à son discours, afin de voir si l’un est fait pour l’autre, et si l’on peut s’assurer que l’auditeur sera comme forcé de se rendre1. […] Je rencontre encore cette pensée : « Certain style a l’inconvénient de ces opéras dont la musique empêche d’entendre les paroles : ici les paroles empêchent de voir les pensées.

145. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Casimir Delavigne 1794-1843 » pp. 524-529

Ses premières Messéniennes qui réussirent au delà de ses espérances firent entendre, comme un signal, les accents d’une inspiration libérale, après le long silence de l’opinion. […] Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre.

146. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Précis des quatre âges de la Littérature. »

Des ambassadeurs Athéniens s’y étant rendus pour une affaire particulière, tous les jeunes Romains qui les entendirent, furent ravis de leur éloquence. […] Au milieu de ces ténèbres, les Troubadours, ou poètes Provençaux, firent entendre dans nos Provinces méridionales leurs naïves chansons.

147. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XIV. de la fin  » pp. 189-202

A leur dernière ligne, vous êtes tenté de tourner la page pour chercher la suite ; l’esprit est dérouté, désappointé, comme le serait l’oreille, si un compositeur s’avisait de s’arrêter sur un accord dissonant dont il n’aurait pas fait entendre la résolution. […] « En ce jour, Sire, avant que Votre Majesté reçût cette onetion divine, avant qu’elle eût revêtu ce manteau royal qui ornait bien moins Votre Majesté qu’il n’était orné de Votre Majesté même, avant qu’elle eût pris de l’autel, c’est-à-dire de la propre main de Dieu, cette couronne, ce seeptre, cette main de justice, cet anneau qui faisait l’indissoluble mariage de Votre Majesté et de son royaume, cette épée nue et flamboyante, toute victorieuse sur les ennemis, toute-puissante sur les sujets, nous vîmes, nous entendîmes Votre Majesté, environnée des pairs et des premières dignités de l’Etat, au milieu des prières, entre les bénédictions et les cantiques, à la face des autels, devant le ciel et la terre, les hommes et les anges, proférer de sa bouche sacrée ces belles et magnifiques paroles, dignes d’être gravées sur le bronze, mais plus encore dans le cœur d’un si grand roi : Je jure et promets de garder et faire garder l’équité et miséricorde en tous jugements, afin que Dieu, clément et miséricordieux, répande sur moi et sur vous sa miséricorde. » Mais où l’orateur rencontre souvent les accents les plus pathétiques, c’est lorsqu’il se met lui-même en scène, et qu’il communique à l’auditoire cette énergie de la personnalité qui met, non plus les opinions et les sentiments, mais l’homme lui-même en contact avec l’homme. […] Courbé, comme je le suis, par la main de la douleur, je suis peu capable d’assister mon pays dans cette périlleuse conjoncture ; mais, milords, tant que je garderai le sentiment et la mémoire, je ne consentirai jamais à priver la royale postérité de la maison de Brunswick et les descendants de la princesse Sophie de leur plus bel héritage. » N’est-ce pas dans l’intervention personnelle de l’orateur que consiste en grande partie le triomphe de Bossuet, dans la péroraison de l’Oraison funèbre de Condé, « lorsqu’après avoir mis Coudé au cercueil, comme parle Chateaubriand, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsqu’en s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe, et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité ? 

148. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Massillon, 1663-1742 » pp. 205-215

Son Avent (1699) et son Carème (1701-1704), prêchés devant Louis XIV, opérèrent de soudaines conversions, et le roi disait de lui : « Mon père, j’ai entendu plusieurs grands orateurs, j’en ai été fort content ; mais toutes les fois que je vous ai entendu, j’ai été mécontent de moi-même. » Nommé évêque de Clermont en 1717, il composa en six semaines son Petit Carème pour Louis XV enfant. […] Une démarche où la circonspection la plus attentive devrait encore craindre de se méprendre est toujours l’ouvrage des amusements et des goûts puérils de l’enfance : à peine commence-t-on à bégayer, qu’on décide déjà de l’affaire la plus sérieuse de la vie ; et ces paroles irrévocables qui prononcent sur notre destinée sont les premières qu’on nous apprend à former, avant même qu’on nous ait appris à les entendre ; on accoutume de loin notre esprit naissant à ces images suggérées ; le choix d’un état n’est plus qu’une impression portée de l’enfance ; ainsi, avant que nos penchants soient développés, et que nous sachions ce que nous sommes, nous nous formons des engagements éternels, et arrêtons ce que nous devons être pour toujours.

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