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2. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Notions préliminaires » pp. 2-15

Sobre et retenu au milieu de l’abondance et des richesses, il dispense avec mesure et avec sagesse les beautés et les grâces du discours. […] Non seulement les beautés morales sont en elles-mêmes supérieures à toutes les autres, mais elles exercent une influence prochaine ou éloignée sur plusieurs autres objets du goût. […] C’est cette qualité qui fait apercevoir les moindres nuances, et saisir les beautés les moins apparentes ainsi que les plus légers défauts. […] Un homme d’un goût pur est celui qui ne se laisse jamais séduire par des beautés fausses, qui estime avec justesse, qui compare avec équité les beautés des divers genres, et qui distingue pourquoi elles ont la faculté de plaire. […] Dans les belles-lettres, la critique n’est autre chose que l’art de juger un ouvrage d’esprit, pour en connaître les beautés et en signaler les défauts.

3. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre premier. Du Goût. »

On peut définir le Goût, la faculté de recevoir une impression de plaisir ou de peine, des beautés ou des difformités de la nature. […] Quoiqu’il n’y ait personne d’entièrement privé de cette heureuse faculté, tous ne la possèdent cependant pas au même degré ; dans les uns, le goût ne laisse échapper que de légères étincelles : les beautés les plus communes sont celles qui les affectent le plus agréablement ; encore n’en conservent-ils qu’une impression légère, une idée confuse : dans les autres, au contraire, le goût s’élève au discernement le plus fin, et sa délicatesse n’est pleinement satisfaite, que de ce genre de beauté qui ne laisse rien à désirer. […] Celui dont le goût est sur, ne s’en laisse jamais imposer par des beautés factices ; il a sans cesse devant les yeux la règle invariable du bon sens, qui doit le guider dans tout ce qu’il veut juger ; il apprécie exactement le mérite relatif des diverses beautés que lui offrent les ouvrages du génie ; il les classe avec ordre, assigne, autant qu’il est possible de le faire, les sources d’où elles tirent le pouvoir de nous charmer, et n’en est lui-même touché que précisément autant qu’il le doit être. […] Ce sont ces grands poètes qui nous ont recueillis, dans l’immensité des siècles, les preuves de ce goût général pour les beautés qui procurent à l’homme le plus grand plaisir dont il puisse jouir. […] Il donne à ces plaisirs trois sources principales : la beauté, la grandeur et la nouveauté.

4. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre III. Beautés de sentiment. »

Beautés de sentiment. […] Nous avons appelé sentimentales les beautés qui excitent ou réveillent en nous l’idée que nous nous sommes formée, et le sentiment que nous avons du beau : ainsi les beautés de tous les genres pourraient être des beautés sentimentales. […] Voilà pourquoi ces sortes de beautés sont plus fréquentes dans les poètes sacrés, qui, peignant des mœurs plus vraies et écrivant sous la dictée de l’auteur même de la nature, n’ont cédé qu’à l’impression de leur âme, sans chercher jamais à affaiblir par des beautés étudiées ce qui était essentiellement beau. […] Voilà, je crois, des beautés réelles, des beautés qui seront de tous les temps, mais dont il est juste de rapporter, en partie du moins, l’honneur aux sources qui les ont fournies. […] Cette pièce qui renferme, au milieu de ses incorrections, des beautés du premier ordre, est d’un religieux nommé D. 

5. (1811) Cours complet de rhétorique « Notes. »

Les défauts cependant, ainsi que les beautés, appartiennent dans M. de Chateaubriand à une seule et même cause, qui me paraît avoir échappé aux critiques qui m’ont précédé. […] Il est facile de voir combien M. de Chateaubriand s’est pénétré de la lecture de Bossuet et d’admiration pour ses beautés. […] On n’imitera que trop facilement les défauts de M. de Châteaubriand : mais aura-t-on son génie, pour les compenser comme lui par des beautés du premier ordre ? […] Mais quelle profusion de beautés, quelles richesses de détail couvrent et font pardonner ces fautes ! […] Jamais poète ne s’était élevé si haut pour retomber si bas l’instant d’après ; et peu de lecteurs français s’étaient senti le courage de chercher quelques beautés dans cet amas de folies dégoûtantes ou d’horreurs absurdes.

6. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Première partie. Principes de composition et de style. — Chapitre II. Moyens de se préparer à la composition. »

Ne perdons pas de vue un instant l’Être infini, puissant et bon, source éternelle de beauté, d’amour et d’intelligence ; c’est de lui que tout vient, c’est à lui que tout doit remonter par une aspiration naturelle d’adoration et de reconnaissance. […] La simplicité est le vrai caractère de la beauté. […] Une personne d’un goût sûr et délicat saisit vivement les beautés et les imperfections d’un ouvrage ; un instinct de l’âme les lui fait sentir ; la réflexion s’y mêle, et le jugement suit aussitôt. […] Il peut y avoir diversité dans le goût sans qu’il soit mauvais : ce qui dépend d’une faculté aussi mobile que le sentiment ne peut être soumis à une règle absolue, mathématique ; la beauté peut revêtir différents aspects, sans cesser d’être la beauté ; on ne la confondra jamais avec la laideur. […] Son devoir n’est pas seulement de blâmer les défauts, mais aussi de faire ressortir les beautés d’un ouvrage.

7. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Aussi, peu de mots ont un sens plus vague que celui de beauté. […] Elles nous offrent des beautés plus complexes et plus variées. Chez elles, la régularité est une première cause de beauté. […] Hogarth est véritablement une cause de beauté. […] Il faut ménager la beauté et l’harmonie des sons, quoique la beauté et l’harmonie ne soient pas tout ce qu’on doive se proposer.

8. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre premier. Éléments généraux du Goût et du Style. — Chapitre VII. De l’Harmonie imitative. »

C’est la nature qui avait appris à Homère que, pour peindre la beauté, il fallait choisir les voyelles les plus douces. […] Quelle profusion de beautés en si peu de vers ! […] C’est ce genre de beautés qui caractérise spécialement les grands génies de la Grèce et de Rome, et dont on trouve si fréquemment des exemples dans Horace. […] Delille a cherché à reproduire une partie de ces beautés dans les vers suivants : Oh ! […] Mais ce qui n’est, dans le poète italien, qu’une beauté de diction, qu’un simple ornement poétique, devient, dans Virgile, une beauté de sentiment, par ce contraste imposant et sublime du repos que la nuit donne à tout ce qui respire, avec la situation douloureuse de la reine de Carthage, qui veille et pleure, tandis que tout jouit autour d’elle des douceurs du sommeil.

9. (1853) Principes de composition et de style (2e éd.) « Seconde partie. Étude des genres de littérature, en vers et en prose. — Chapitre premier. Division générale. »

L’étude la rend plus vive en l’appliquant à la contemplation des beautés de la nature et de l’art ; elle se fixe et se pose des règles ; alors le goût la dirige, et elle devient, pour un esprit cultivé, la source de douces jouissances. […] La poésie de chacun de ces arts rejaillit ainsi sur les autres, et en relève le goût et la beauté. […] La difficulté même d’encadrer sa pensée dans la mesure étroite du vers, fait naître une lutte éminemment favorable à l’éclosion des beautés poétiques ; cette concentration fortifie la pensée, et prépare chez les hommes de talent ou de génie l’explosion des idées les plus heureuses, en même temps qu’elle comprimé les infructueuses tentatives de la médiocrité. […] Tel est le beau en général dans les arts ; tel il sera aussi dans la littérature, et principalement dans la poésie ; car la poésie, selon nous, c’est l’émanation même et le parfum de la beauté : il est impossible que ce qui est beau ne soit pas en même temps poétique, et que ce qui est poétique ne soit pas beau. […] Le sublime en général est une puissance de beauté qui dépasse les proportions habituelles de la nature, et qui touche à l’infini dont elle nous donne une vague révélation.

10. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre premier. Beautés de détail. »

Beautés de détail. […] On a pu relever, sans doute, quelques défauts dans ce bel ouvrage : pour nous, qui l’avons lu comme il a été composé, avec l’âme seulement,et qui n’avons pas le malheur de chercher à raisonner ce qui ne doit être que senti, nous y avons trouvé une imagination brillante, et plutôt au-delà qu’au-dessous de son sujet, une intarissable fécondité de sentiments tendres ou sublimes, de réflexions pieuses ou touchantes ; et quelques taches nous ont facilement échappé, perdues au milieu de tant de beautés d’un ordre si nouveau et d’un rang si supérieur. […] Or ce charme, le plus puissant, le plus sûr de tous, qui le possède à un plus haut degré que la Bible, qui seule nous offre le modèle de tous les genres de beautés poétiques, morales, sentimentales et philosophiques ? beautés qui n appartiennent point exclusivement, comme l’Iliade ou l’Énéide, à telle ou telle contrée, mais qui sont le patrimoine universel du genre humain, parce qu’Abraham, Jacob, Joseph, sont des hommes : au lieu qu’Achille, Hector, Priam, Ulysse, Agamemnon, sont des Grecs : beautés qui ne tiennent point absolument à l’idiome primitif, puisqu’elles sont belles et attachantes dans tous les idiomes ; au lieu qu’une grande partie du charme des poètes anciens dépend de l’harmonie du vers et du choix heureux de l’expression, mérite qui disparaît presque entièrement dans une traduction, quelque bien faite qu’elle soit d’ailleurs. […] Mais on conçoit que ces sortes de beautés ne peuvent être bien jugées, que vues à leur place ; et qu’il faut se transporter au milieu même des objets décrits, pour apprécier le mérite ou les défauts de la description.

11. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

L’homme dont le goût est correct ne se laisse jamais abuser par de fausses beautés. […] Le mot génie entraîne avec lui l’idée d’un pouvoir créateur qui ne réside que dans la pure sensibilité excitée par la perception d’une beauté, mais qui enfante de nouvelles beautés, et les produit au jour de manière à faire une vive impression. […] En fuyant la prolixité on imprime aux écrits un nouveau degré de force et de beauté. […] Les meilleurs écrivains offrent de fréquents exemples de ce genre de beauté. […] Outre la clarté, il recherche, dans son style, la propriété, la pureté, la précision, ce qui est une beauté, et une beauté importante.

12. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « SECONDE PARTIE. DE LA VERSIFICATION LATINE. — CHAPITRE IV. De la composition des vers. » pp. 295-331

Si, au lieu de dire avec Virgile : Hi summo in fluctu pendent, on disait : Hi summo in fluctu sistunt, l’image disparaîtrait, ainsi que la beauté du vers. […] Il faut admirer aussi la beauté naïve de cette seconde pensée, ore renidenti. […] Qu'il y a de beauté dans ces mots patriœ cecidêre manus ! […] La poésie aime à se parer de comparaisons riches, nobles, touchantes, afin de plaire à l’imagination et au sentiment, et d’ajouter au sujet de nouvelles beautés. […] Ces sortes de cadences forment une grande beauté dans la versification, et y répandent beaucoup d’agrément, pourvu qu’elles soient employées avec discernement, et qu’elles ne se rencontrent pas trop souvent. » (Rollin.)

13. (1879) L’art d’écrire enseigné par les grands maîtres

Comme on dit beauté poétique, on devrait aussi dire beauté géométrique et beauté médicinale. […] Ces deux genres, qui en embrassent tant d’autres, ont des beautés nécessaires qui leur sont également communes : ces beautés sont la justesse des idées, leur convenance, l’élégance, la propriété des expressions, la pureté du langage. […] Mais ces beautés ne s’enseignent pas ; il faut beaucoup d’esprit et de goût. […] Cette noble simplicité est très-fréquente dans Racine, et fait une des principales beautés. […] Le style élégant est si nécessaire, que sans lui la beauté des sentiments est perdue.

14. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Villemain. Né en 1790. » pp. 479-491

Quelques productions irrégulières et informes ont enlevé les suffrages ; elles ne plaisent point par la violation des principes, mais en dépit de cette violation ; et c’est, au contraire, le triomphe de la nature et du goût, que quelques beautés conformes à cet invariable modèle, répandues dans un ouvrage bizarrement mélangé, suffisent à son succès, et soient plus fortes que l’alliage qui les altère. […] Le bon goût sentira vivement les beautés naïves et sublimes dont Shakespeare étincelle ; il n’est pas exclusif. […] Le talent2 seul peut agrandir l’horizon du goût, lui faire prévoir confusément de nouveaux points de vue, et le disposer d’avance à juger des beautés qui n’existent pas encore. […] Dans les palais de Versailles, au milieu des fêtes triomphales de Louis XIV, ces accents de la muse hébraïque, ces graves enseignements de la religion retentissaient avec plus de terreur ; et lorsqu’une reine malheureuse, une princesse parée de jeunesse et de beauté, un héros longtemps vainqueur, un ministre vieilli dans l’égoïsme du pouvoir2, avaient cessé de vivre, ce mélange de splendeur et de néant, cette magnificence si triste, cette pompe si vaine consternaient les âmes avant même que l’orateur eût parlé. […] Elle est légitime, puisque c’est un droit naturel du public de juger des écrits qu’on lui expose ; et elle est utile, puisqu’elle ne tend qu’à faire voir par un raisonnement sérieux et détaillé les défauts et les beautés des ouvrages.

15. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

Au centre du lieu, trois grands hommes aimeraient souvent à se rencontrer devant le portique du principal temple (car il y en aurait plusieurs dans l’enceinte), et, quand ils seraient ensemble, pas un quatrième, si grand qu’il fût, n’aurait l’idée de venir se mêler à leur entretien, ou à leur silence, tant il paraîtrait en eux de beauté, de mesure dans la grandeur, et de cette harmonie parfaite qui ne se produisit qu’un jour dans la pleine jeunesse du monde. […] Mais c’est une raison de plus pour que notre fond de perspective ne cesse de nous montrer cette beauté première, cette excellence parfaite dans son cadre et en ses contours limités. […] Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse. […] J’ajouterai que le sentiment des beautés antiques exige une délicatesse littéraire qui est fort rare. […] Mais qu’il se rassure ; qu’il se persuade qu’ils sont excellents, et qu’il ne lui manque que le goût et la connaissance pour les mieux apprécier ; et bientôt chaque visite nouvelle lui ouvrira les yeux de plus en plus, jusqu’à ce qu’il ait appris à les admirer, jamais autant qu’ils le méritent, assez du moins pour enrichir et élargir sa propre intelligence par la compréhension de la parfaite beauté.

16. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Seconde section. Des grands genres de poésie — Chapitre premier. Du genre lyrique » pp. 114-160

Tout doit être sagement distribué dans l’ode, tout doit y tendre à une même fin, toutes ses parties bien enchaînées doivent s’y prêter des beautés mutuelles et former un tout parfait. […] Dans les chants consacrés à la gloire du vrai Dieu, on sent au fond même du sujet la vraie grandeur puisée dans sa source : ce sont de vraies beautés, de vraies vertus qu’on admire, et des sentiments solides qu’on exprime. […] Les hymnes romaines sont remarquables, dit Mgr Pallu du Parc, en ce qu’elles possèdent la vraie beauté de la prière, c’est-à-dire le principal ornement de l’hymne chrétienne. […] Peut-on rien ajouter à la beauté du tableau où le poète représente cette magicienne ayant recours aux secrets de son art pour rappeler Ulysse ? […] Son épithalame réel de Manlius et de Vinie se distingue par la fraîcheur et la beauté du coloris ; mais il est regrettable qu’il n’ait pas toujours assez respecté la décence.

17. (1881) Cours complet de littérature. Style (3e éd.) « Cours complet de littérature — Style — [Introduction] » pp. 18-20

Sans doute, pour bien écrire, il est indispensable de bien penser : scribendi recte, sapere est et principium et fons  ; sans doute, une forme vide, tant gracieuse qu’elle soit, ne peut tenir lieu de l’idée absente ; et des mots harmonieusement disposés et des phrases bien faites ne peuvent suffire à captiver l’esprit de l’homme ; l’art étant l’expression de la beauté, il faut sans doute que la beauté se trouve tout d’abord dans la chose exprimée, et la forme ne doit être qu’une enveloppe transparente qui laisse passer les splendeurs de la réalité qu’elle met en rapport avec nous ; mais il faut que cette forme soit belle aussi, et qu’elle ne masque point par ses propres taches les beautés qu’elle recouvre.

18. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome II (3e éd.)

Chez lui, à la vérité, le fond vaut mieux que la forme, et l’on ne peut vanter ni sa beauté ni son élégance. […] Parmi les anciens, on doit distinguer Platon pour la beauté de ses dialogues. […] Parnell, est surtout remarquable par la beauté des descriptions. […] Ici la nature n’a posé ni étendard ni limite, et la beauté peut s’y reproduire sous mille formes diverses. […] Le poète y a répandu les beautés les plus sublimes.

19. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre cinquième. De l’Éloquence des Livres saints. — Chapitre II. De l’emploi des figures dans les écrivains sacrés. »

Voici maintenant comment Moïse, plus grand poète encore qu’Homère, va rendre cette même pensée, et faire une beauté de sentiment de ce qui n’est, dans l’écrivain profane, qu’une simple beauté de diction. […] En supposant, ce qui n’est pas, ce qui ne saurait pas être, les beautés d’ailleurs égales, il y aurait toujours, en faveur des poètes sacrés, une raison constante de supériorité que les autres ne leur disputent que par intervalle : c’est ce ton de sentiment et d’onction qui se fait remarquer partout, et qui indique à chaque instant le génie divin qui a présidé à l’ouvrage, animé l’esprit et dirigé la plume de l’écrivain. […] Entrons dans le détail de tant de beautés réunies. […] Quant à ceux qui se prosterneraient devant ces sortes de beautés, si elles appartenaient à Homère, à Young ou à Ossian, mais qui ont bien formellement résolu de ne rien admirer dans les écrivains sacrés, nous n’avons rien à leur opposer : nous nous bornons à les plaindre, d’interdire à leur imagination le plaisir que lui procureraient de pareilles lectures ; et à leur âme, le charme consolant qu’elles ne manqueraient pas d’y répandre. […] « La Sagesse est pleine de lumière, et sa beauté ne se flétrit point.

20. (1850) Rhétorique appliquée ou recueil d’exercices littéraires. Préceptes « Première partie - Préceptes généraux ou De la composition littéraire. — Chapitre second. De la disposition. »

., présentent des beautés sévères et déjà grandioses. […] En descendant vous retrouvez les mêmes beautés dans un ordre différent. […] Elle se lie tellement à l’unité d’action, qu’on dit généralement que l’unité c’est l’ harmonie, C’est elle qui constitue invariablement la beauté, la supériorité, la perfection ; c’est en un mot l’absence de tout élément qui ne semblerait point faire partie d’un bel ensemble. […] Ainsi, pour m’expliquer par un exemple, le jeune poète qui aura de l’attrait pour la tragédie devra lire et relire Racine, qui est à peu près parfait ; et ce n’est que plus tard qu’il pourra lire Pierre Corneille, qui a mêlé à d’admirables beautés des défauts tels, qu’ils sont inconcevables dans ce grand homme. […] 8° II veille à ce qu’il n’y ait rien de disparate dans tous ses arrangements à ce que tout concoure à la beauté, à la perfection de son palais — C’est l’harmonie de la disposition, 9° Enfin, il pose ses ornements, taille avec élégance ses colonnes, sculpte ses statues et ses vases, il couvre les murs intérieurs de riches tentures, de peintures agréables ; l’œil s’y repose satisfait sur des tableaux magnifiques et sur des couleurs séduisantes. — C’est le style, ce sont les figures, c’est, en un mot l’élocution dont nous allons parler avec étendue, parce que c’est, à proprement parler, toute la rhétorique de la jeunesse.

21. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Pascal, 1622-1662 » pp. 44-51

Bien que cette querelle ait perdu son à-propos, la verve d’une ironie éloquente, des principes d’éternelle morale, la dialectique d’un bons sens convaincu, et les beautés d’un art supérieur assurent un intérêt durable à ce pamphlet, qui demeure comme une date impérissable de notre littérature. […] Quoique l’édifice n’ait pas été construit, ses matériaux ont la beauté de ruines imposantes. […] Pascal a passé vite sur la terre ; mais pendant cette courte apparition, il a entrevu la beauté parfaite, il s’y est attaché de toutes les puissances de son esprit et de son cœur, et il n’a rien laissé sortir de ses mains qui n’en portât la vive marque. […] Les Pensées ne sont que des fragments du grand ouvrage sur lequel il consuma les dernières années de sa vie ; mais ces fragments présentent quelquefois une beauté si accomplie, qu’on ne sait en vérité qu’y admirer davantage, ou la grandeur et la vigueur des sentiments et des idées, ou la délicatesse et la profondeur de l’art. » 1.

22. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre IV. Des Ouvrages Didactiques. »

Son objet est de faire connaître les beautés et les défauts d’un ou de plusieurs ouvrages, et de rendre raison du jugement qu’il en porte. Il lui est donc essentiel de savoir discerner ces beautés et ces défauts, et de les détailler avec précision. […] La critique en effet n’exige pas toujours impérieusement une étroite et rigoureuse observation de ces règles, parce qu’il arrive quelquefois que l’auteur s’en est un peu écarté pour donner à son ouvrage une beauté de plus. […] On ne serait pas moins répréhensible, si l’on s’appesantissait sur les plus petits défauts d’un ouvrage, en passant rapidement sur les grandes beautés dont il étincelle.

23. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Chapitre I. Des Poésies fugitives. »

On voit que cette épigramme tire toute sa beauté de la finesse de la pensée, qui laisse quelque chose à deviner. […] La précision et la justesse des pensées, l’élégance des expressions, l’harmonie des vers, la richesse des rimes n’y doivent rien laisser à désirer : en un mot, tout doit y être d’une beauté achevée. […] Mais la beauté de ce petit genre de poésie consiste dans l’application heureuse qu’on fait des deux premiers vers, et dans leur liaison avec celui qui les précède. […] Que d’images dans ce peu de mots ; et que de beautés dans ces images ! […] Si vous considérez sa naissance, c’est Junon ; ses écrits, c’est Minerve ; sa beauté, c’est la mère de l’Amour.

24. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Buffon, 1707-1788 » pp. 175-184

Le cygne 2 Les grâces de la figure et la beauté de la forme répondent dans le cygne à la douceur du naturel ; il plaît à tous les yeux ; il décore, embellit tous les lieux qu’il fréquente ; on l’aime, on l’applaudit, on l’admire. Nulle espèce ne le mérite mieux ; la nature en effet n’a répandu sur aucune autant de ces grâces nobles et douces qui nous rappellent l’idée de ses plus charmants ouvrages : coupe de corps élégante, formes arrondies, gracieux contours, blancheur éclatante et pure, mouvements flexibles et ressentis3, attitudes tantôt animées, tantôt laissées dans un mol abandon, tout dans le cygne respire la volupté, l’enchantement que nous font éprouver les grâces et la beauté ; tout nous l’annonce, tout le peint comme l’oiseau de l’amour ; tout justifie la spirituelle et riante mythologie d’avoir donné ce charmant oiseau pour père à la plus belle des mortelles. […] Fier de sa noblesse, jaloux de sa beauté, le cygne semble faire parade de tous ses avantages ; il a l’air de chercher à recueillir des suffrages, à captiver les regards, et il les captive, en effet, soit que, voguant en troupe, on voie de loin, au milieu des grandes eaux, cingler la flotte ailée ; soit que, s’en détachant, et s’approchant du rivage aux signaux qui l’appellent, il vienne se faire admirer de plus près en étalant ses beautés, et développant ses grâces par mille mouvements doux, ondulants et suaves.

25. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Delille 1738-1813 » pp. 464-472

La grace ……… L’univers enchanté Vit éclore un pouvoir plus sûr que la beauté, Qui toujours l’embellit, qui souvent la remplace, Qui nous plaît en tous lieux, en tout temps : c’est la grâce. […] L’imagination en secret la préfère A la froide beauté constamment régulière. Je ne sais quoi nous plaît dans ces traits indécis, Que la beauté n’a point dans ses contours précis1. […] La Fontaine a dit : Et la grâce plus belle encor que la beauté.

26. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Villemain 1790-1870 » pp. 251-256

Quelques productions irrégulières et informes ont enlevé les suffrages ; elles ne plaisent point par la violation des principes, mais en dépit de cette violation ; et c’est, au contraire, le triomphe de la nature et du goût, que quelques beautés conformes à cet invariable modèle, répandues dans un ouvrage bizarrement mélangé, suffisent à son succès, et soient plus fortes que l’alliage qui les altère. […] Le bon goût-sentira vivement les beautés naïves et sublimes dont Shakespeare étincelle ; il n’est pas exclusif. […] Le talent2 seul peut agrandir l’horizon du goût, lui faire prévoir confusément de nouveaux points de vue, et le disposer d’avance à juger des beautés qui n’existent pas encore.

27. (1853) Petit traité de rhétorique et de littérature « Chapitre XI. Grands poèmes. »

La beauté de l’élocution n’est pas moins nécessaire au poète didactique que l’ordre et la méthode. […] Outre la beauté continue du style, il y a des ornements spéciaux à la poésie didactique : ce sont les épisodes et les descriptions épisodiques. […] C’est une physique bien fausse, mais qui ne l’est pas plus que toute la physique ancienne ; et d’ailleurs il a mis dans son poème tant de grandeur, de beauté poétique, de pensées ingénieuses, de vigueur d’expression et d’harmonie de style, que l’ouvrage est regardé avec raison comme admirable par ceux qui l’ont lu et bien compris. […] Ce poème n’est pas moins admirable par la suite des raisonnements solides et lumineux que par la magnificence des morceaux où le poète rend les beautés des livres saints. […] Malgré ces défauts la fécondité, la force et la beauté d’imagination qui règnent dans tout cet ouvrage, font marcher l’auteur bien près d’Homère, de Virgile et de Tasse.

28. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Extraits des classiques français. Deuxième partie. Poésie — Corneille 1606-1684 » pp. 310-338

Il leur arrive d’être trop sentencieux, de disserter, disons le mot, de déclamer ; mais ces défauts, on les pardonne aux éclatantes beautés que nul n’avait soupçonnées avant Corneille. […] Je satisfais ensemble et peuple et courtisans, Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans ; Par leur seule beauté ma plume est estimée ; Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée, Et pense toutefois n’avoir point de rival A qui je fasse tort en le traitant d’égal. […] Je lis dans M. de Lamartine : Jeunesse, amour, plaisir, fugitive beauté ; Beauté, présent d’un jour que le ciel nous envie, Ainsi vous tomberez, si la main du génie   Ne vous rend l’immortalité ! Vois d’un œil de pitié la vulgaire jeunesse, Brillante de beauté, s’enivrant de plaisir : Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse, Que restera-t-il d’elle ? […] Venez au vieil Horace apporter votre offrande : Venez, jeunes beautés, Chimène la demande ; Accourez tous, Corneille à charmé vos loisirs ; Payez, en un seul jour, deux cents ans de plaisirs.

29. (1876) Traité de versification latine, à l'usage des classes supérieures (3e éd.) « PREMIÈRE PARTIE. DE L'ÉLÉGANCE LATINE. — CHAPITRE III. De la disposition des mots qui composent le discours. » pp. 78-143

Qu'on fasse subir le moindre changement à cette phrase, que l’on mette si au commencement, et illud après exspectabat, toute la beauté s’évanouira. […] Au commencement, parce que l’auditeur, prêtant une attention toute nouvelle, remarque mieux les beautés et les défauts des premières expressions. […] Qu'on prenne au hasard dans quelque orateur une phrase nombreuse et périodique, et qu’on essaye d’en déranger l’ordre et la structure ; on verra qu’aussitôt toute la grâce, toute l’harmonie, toute la beauté s’évanouira. […] C'est l’usage le plus naturel de ce genre de beauté. […] Quant aux deux comparaisons suivantes, l’une tirée de l’hyacinthe qui a été arrachée par la charrue, l’autre du pavot dont la tête chargée de pluie s’affaisse sur sa tige languissante, il suffit d’avoir une âme sensible et des oreilles délicates pour sentir combien elles sont belles d’harmonie et de sentiment, et combien cette beauté convient à la beauté mourante du jeune guerrier.

30. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Origine et principe des beaux-arts »

Le temps, l’expérience et le goût les ont élevés à ce point de grandeur et de beauté où nous les voyons. […] Supposons que ce jardin existant, ou ce jardin possible, offre, dans sa forme, la plus exacte régularité dans ses compartiments, l’arrangement le plus convenable et la plus juste proportion ; dans les ornements dont il est décoré, la plus riche variété : fleurs, fontaines, cascades, allées, berceaux, grottes, cabinets de verdure, sièges de mousse, etc., rien d’agréable n’y manque ; tout y est de la plus grande beauté ; tout s’y réunit pour tenir nos yeux dans une espèce d’enchantement. […] Si le versificateur décrit un objet avec cet art, ce coloris qui nous fait prendre l’image de l’objet pour l’objet même ; si, par exemple, en nous traçant les agréments de la campagne, il nous en fait une description si vive et si animée, que nous croyions être transportés au milieu des champs, voir de nos propres yeux les beautés que la nature y étale, et partager même, avec ceux qui les habitent, les plaisirs purs qu’ils y goûtent, ce versificateur sera vraiment poète.

31. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Bernardin de Saint-Pierre. (1737-1814.) » pp. 153-158

[Notice] Né au Havre le 19 janvier 1737, Bernardin de Saint-Pierre, d’un caractère tendre et rêveur, laissa bientôt percer sa prédilection exclusive pour le spectacle des beautés de la nature. […] Ils vous trouveraient, ô éternelle beauté, toujours ancienne et toujours nouvelle, ô vie pure et bienheureuse de tous ceux qui vivent véritablement, s’ils vous cherchaient seulement au dedans d’eux-mêmes ! […] L’ordre et la beauté même que vous avez répandus sur toutes vos créatures, comme des degrés pour élever l’homme à vous, sont devenus des voiles qui vous dérobent à leurs yeux malades.

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