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2. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Bourdaloue, 1632-1704 » pp. 133-137

C’est que, pour parvenir à cet état où l’ambition se figure tant d’agréments, il faut prendre mille mesures toutes également gênantes, et toutes contraires à ses inclinations ; qu’il faut se miner1 de réflexions et d’étude ; rouler pensées sur pensées, desseins sur desseins, compter toutes ses paroles, composer toutes ses démarches ; avoir une attention perpétuelle et sans relâche, soit sur soi-même, soit sur les autres. C’est que, pour contenter une seule passion, qui est de s’élever à cet état, il faut s’exposer à devenir la proie de toutes les passions ; car y en a-t-il une en nous que l’ambition ne suscite contre nous ? […] C’est que, dans l’attente de cet état, où l’on n’arrive pas tout d’un coup, il faut supporter des retardements capables non-seulement d’exercer, mais d’épuiser toute la patience ; que, durant de longues années, il faut languir dans l’incertitude du succès, toujours flottant entre l’espérance et la crainte, et souvent, après des délais presque infinis, ayant encore l’affreux déboire de voir toutes ses prétentions échouer, et ne remportant, pour récompense de tant de pas malheureusement perdus, que la rage dans le cœur et la honte devant les hommes. […] C’est que, pour troubler toute la douceur de cet état, il ne faut souvent que la moindre circonstance et le sujet le plus léger, qu’un esprit ambitieux grossit, et dont il se fait un monstre1 (Sermon sur l’ambition.) […] Mais, en second lieu, capable de tout, parce que, quelque dessein que la passion lui suggère, sa piété, ou plutôt l’estime où cette piété fastueuse l’établit, le met en état de réussir.

3. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Massillon, 1663-1742 » pp. 205-215

Choix d’un état Le choix d’un état est, de toutes les circonstances de la vie, celle où la méprise est plus ordinaire. […] Une démarche où la circonspection la plus attentive devrait encore craindre de se méprendre est toujours l’ouvrage des amusements et des goûts puérils de l’enfance : à peine commence-t-on à bégayer, qu’on décide déjà de l’affaire la plus sérieuse de la vie ; et ces paroles irrévocables qui prononcent sur notre destinée sont les premières qu’on nous apprend à former, avant même qu’on nous ait appris à les entendre ; on accoutume de loin notre esprit naissant à ces images suggérées ; le choix d’un état n’est plus qu’une impression portée de l’enfance ; ainsi, avant que nos penchants soient développés, et que nous sachions ce que nous sommes, nous nous formons des engagements éternels, et arrêtons ce que nous devons être pour toujours. Si l’on attend un âge, plus avancé pour se choisir un état, les attentions n’en sont pas pour cela plus sérieuses ; c’est le hasard et l’occasion qui en décident d’ordinaire. […] Enfin, de tous les choix, il n’en est point où la prudence chrétienne ait moins de part qu’à celui d’un état de vie ; et voilà pourquoi il n’en est point où la méprise soit plus ordinaire. […] La puissance de Dieu se fait sentir, en un instant, de l’extrémité du monde à l’autre ; la puissance royale agit, en même temps, dans tout le royaume ; elle tient tout le royaume en état, comme Dieu y tient tout le monde.

4. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Première partie. De la poésie en général — Chapitre II. Des qualités essentielles du poète » pp. 16-21

Or, quel est l’état où l’homme est disposé à prêter une âme, du mouvement et de la vie aux objets qui l’entourent, si ce n’est l’état d’émotion et de passion ? […] Dans cet état, le poète s’isole de tout ce qui l’environne ; il ne voit plus, il n’entend plus que les objets que lui présente son imagination. […] C’est comme un souffle divin, une vie supérieure que le poète reçoit d’en haut, comme une flamme divine qui le domine, le transporte, l’élève jusqu’au beau idéal, et produit dans les autres hommes cette espèce de vénération, ce sentiment inconnu d’une ravissante surprise ; c’est enfin l’état d’une âme qui prend son essor au-dessus des intelligences vulgaires, et qui semble recueillir, dans une sphère supérieure et dans la communication de quelque être surnaturel, des idées, des images, des sentiments plus grands et plus purs que ne le sont ceux des hommes dans leur état ordinaire.

5. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre IV. Analyse et Extraits du plaidoyer de Cicéron pour Sextius. »

Plus loin, Cicéron parle de la tranquillité des états et indique les moyens de la maintenir. […] Tels étaient son œil austère et son front nébuleux, que tout l’état semblait reposer sur le froncement de son sourcil, comme le ciel sur les épaules d’Atlas ». […] « Voici, dit-il, les fondements de cette tranquillité glorieuse ; voici les objets que les principaux de l’état doivent défendre, au péril même de leur vie : la religion, le pouvoir des magistrats, l’autorité du sénat, les usages de nos ancêtres, les lois, les tribunaux, les formes judiciaires, le crédit public, les provinces, les alliés, la gloire de cet empire, la discipline militaire, le trésor. […] Dans une si prodigieuse multitude de citoyens, il en est beaucoup, ou, qui se sentant coupables de crimes et appréhendant la peine qui les suit, ne soupirent qu’après les troubles et les révolutions ; ou qui, par un certain esprit naturellement fougueux, se repaissent de séditions et de discordes ; ou qui, dans le désastre de leur fortune, aiment mieux être ensevelis sous les ruines de l’état, que sous les leurs propres. Lorsque de tels hommes ont trouvé des chefs de leur parti, il se forme dans la république des orages, lesquels obligent ceux qui ont pris en main le gouvernail de la patrie, à se tenir sur leurs gardes, à employer tous leurs soins, à déployer toute leur habileté, pour conserver les grands objets dont je viens de parler, pour se mettre en état de naviguer sûrement, et d’arriver enfin au port d’une heureuse tranquillité ».

6. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre VIII. L’éloquence militaire. »

À son retour d’une expédition, dont l’idée seule annonçait un homme supérieur, il voit, juge et peint l’état de la France. « Dans quel état j’ai laissé la France ! Dans quel état je la retrouve ! […] Vos canons ont été vendus ; le vol a été érigé en système ; les ressources de l’état sont épuisées : on a eu recours à des moyens vexatoires, réprouvés par la justice et le bon sens : on a livré le soldat sans défense.

7. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre II. Application des principes à la première Philippique de Démosthène, et à la seconde Catilinaire de Cicéron. »

Après ce peu de mots, il aborde directement l’état de la question. […] Il ajoutait d’autres invectives, lorsque les clameurs du sénat, et les cris répétés de parricide, ennemi de l’état, le forcèrent enfin de s’arrêter. […] Voyez de votre état la chute épouvantable ; Ce que fut le sénat, ce qu’il est aujourd’hui, Et le profond mépris qu’il inspire pour lui. […] Un Tongillus à qui il s’était prostitué dès l’enfance ; un Publicius, un Munatius, dont les dettes contractées à la taverne, ne pouvaient certainement occasionner aucun trouble dans l’état. […] Après la défaite des Athéniens, les Lacédémoniens confièrent à trente citoyens le gouvernement de l’état.

8. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section deuxième. La Tribune du Barreau. — Chapitre III. Analyse et extraits des Harangues d’Eschine et de Démosthène, pour et contre Ctésiphon. »

Le voici : « Je commence, Athéniens, par conjurer tous les dieux et toutes les déesses de vous inspirer pour moi, dans cette circonstance, les sentiments de bienveillance dont je suis moi-même animé pour l’état : je leur demande aussi (et je parle ici pour votre propre gloire) qu’ils vous inspirent de consulter pour la manière dont vous devez m’entendre, non pas mon adversaire, l’injustice serait criante, mais les lois et votre serment ! […] Si, pour l’intérêt de ma cause, j’entre dans le détail de ce que j’ai fait pour l’état et pour les particuliers, je me vois réduit à la nécessité de parler souvent de moi. […] Mais, puisque vous n’avez point vu tous ces maux, que la pensée vous les représente : figurez-vous une ville prise d’assaut, des murs renversés, des maisons livrées aux flammes, des vieillards, des femmes âgées, condamnés à oublier désormais qu’ils ont été libres, justement indignés, moins contre les instruments que contre les auteurs de leur désastre, et vous conjurant avec larmes de ne point couronner le fléau de la Grèce, de ne vous point exposer à la fatalité malheureuse attachée à sa personne ; car ses conseils, quand on les a suivis, ont été aussi funestes aux simples particuliers qu’aux états qu’il a voulu diriger. […] vous avez porté une loi par laquelle un nautonnier de Salamine ne peut plus exercer sa profession, lorsqu’il a renversé sa barque dans le trajet, sans même qu’il y ait de sa faute, afin d’apprendre combien on doit ménager la vie des Grecs ; et vous ne rougissez pas de laisser au timon de l’état un homme qui a causé le naufrage général de la Grèce » ! […] j’ai secouru l’état de tout mon pouvoir ; et si mon accusation a répondu aux crimes qu’elle attaque, j’ai rempli mon objet : si je suis resté au-dessous de ma cause, j’ai tâché du moins de la remplir.

9. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Montesquieu, 1689-1755 » pp. 235-252

Comme vous devez rendre compte de votre état, c’est à vous de le choisir : dans la robe vous trouverez plus d’indépendance ; dans le parti de l’épée, de plus grandes espérances. […] Quand j’ai voyagé dans les pays étrangers, je m’y suis attaché comme au mien propre ; j’ai pris part à leur fortune, et j’aurais souhaité qu’ils fussent dans un état florissant. […] Je suis un bon citoyen, parce que j’ai toujours été content de l’état où je suis, que j’ai toujours approuvé ma fortune, que je n’ai jamais rougi d’elle ni envié celle des autres. […] Une république sage ne doit rien hasarder qui l’expose à la bonne où à la mauvaise fortune : le seul bien auquel elle doit aspirer, c’est à la perpétuité de son état. […] Il est certain que, si elle parvient jamais à l’état de grandeur où sa sagesse la destine, elle changera nécessairement ses lois ; et ce ne sera point l’ouvrage d’un législateur, mais celui de la corruption même.

10. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Lettre. A un ancien Elève de l’Ecole Militaire de Paris. » pp. 375-399

Nous observerons cette loi dans toute son étendue, si nous remplissons de la manière la plus convenable tous les devoirs de notre état, et ceux que nous commande la nature. […] L’homme privé a un intérêt réel à juger sainement des actions de ses semblables ; et c’est par la connoissance des hommes qu’il se met en état de le faire. […] Nous ne saurions donc trop nous prémunir contre le venin que renferment les écrits des impies, et nous mettre en état de découvrir toute l’absurdité de leurs principes, toute l’extravagance de leurs opinions, toutes les horribles conséquences de leurs systêmes. […] L’homme y est représenté comme un être capable de vertu et de bonheur, dans l’état même de corruption et de misère où il se trouve. […] Mais qu’on joigne sur-tout à ces qualités de l’homme du monde, les vertus du vrai chrétien ; et l’on aura l’homme parfait, autant qu’il peut l’être dans son état actuel de foiblesse et de corruption.

11. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section cinquième. La Tribune académique. — Chapitre II. Défense de Fouquet, par Pélisson. »

Fouquet était réellement coupable de malversations, et même de crime d’état ; il était difficile à l’éloquence même de pallier de semblables torts ; et ce n’est pas excuser un ministre dilapidateur, que de dire que nous aimons tous le bien, et que nous sommes capables de tout pour en acquérir. […] Nous n’étions pas nés dans la république de Platon, ni même sous les premières lois d’Athènes, écrites de sang, ni sous celles de Lacédémone, où l’argent et la politesse étaient un crime ; mais dans la corruption des temps, dans le luxe inséparable de la prospérité des états, dans l’indulgence française, dans la plus douce des monarchies, non seulement pleine de liberté, mais de licence. […] quelle autre puissance si grande et si redoutable dans les états de votre majesté, l’empêcherait de suivre et sa gloire et ses inclinations, toutes grandes et toutes royales, puisque sans leur faire violence et sans faire tort à ses sujets, elle peut exercer toutes ces vertus ensemble ?

12. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Madame de Maintenon, 1635-1719 » pp. 138-145

Si le recueillement est sans le travail journalier auquel votre état engage indispensablement, c’est une illusion dangereuse. […] En sanctifiant ainsi les deux principaux états de votre sexe, vous contribuerez à établir le vrai règne de Dieu dans les deux sexes, pour tous les états et pour toutes les conditions ; car on sait combien une mère de famille a de part à la bonne éducation de ses enfants, même des garçons ; combien une femme prudente et vertueuse peut insinuer la religion dans le cœur de son mari ; combien une bonne maîtresse de pensionnaires dans un couvent peut faire de bien sur2 les jeunes filles qu’elle gouverne. […] Dans un âge un peu plus avancé, j’ai passé des années dans le commerce de l’esprit ; je suis venue à la faveur, et je vous proteste, ma chère fille, que ces états laissent un vide affreux, une inquiétude, une lassitude, une envie de connaître autre chose, parce qu’en tout cela rien ne satisfait entièrement ; on n’est en repos que lorsqu’on s’est donné à Dieu, mais avec cette volonté déterminée dont je vous parle quelquefois ; alors on sent qu’il n’y a plus rien à chercher, qu’on est arrivé à ce qui seul est bon sur la terre ; on a des chagrins, mais on goûte une solide consolation et une paix profonde au milieu des plus grandes peines.

13. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Louis XIV, 1638-1715 » pp. 146-149

On doit forcer son inclination, et ne pas se mettre en état de se reprocher, dans quelque chose d’importance, qu’on pouvait faire mieux. […] Elle tient tout le royaume en état, comme Dieu y tient tout le monde. […] Je choisis le cardinal d’Estrées comme l’homme le plus éclairé que je puisse mettre auprès de vous ; il me sacrifie son repos, sa santé, peut-être sa vie, sans aucun dessein que celui de marquer sa reconnaissance ; et quand vous avez le plus besoin de ses talents ; quand il est le plus nécessaire de prendre de promptes résolutions pour votre sûreté et celle de votre royaume, vous faites voir en vous une malheureuse facilité à croire que tout d’un coup vous pouvez gouverner seul votre monarchie, que le plus habile de vos prédécesseurs aurait eu peine à conduire dans l’état où elle est présentement.

14. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre premier. »

Quel que soit l’objet du discours, celui qui parle doit commencer par une espèce d’introduction, qui prépare l’esprit des auditeurs : il établit ensuite l’état de la question, expose celui des faits, et les appuie de preuves propres à fortifier l’opinion qu’il a de la bonté de sa cause, et à détruire les raisons de son adversaire. […] Le grand point était d’en venir à l’objet même de la question : que de passions à faire taire, avant de mettre les esprits en état de voir et de sentir la vérité ! […] La correction du style et la justesse de l’expression, sont une des parties qu’il faut le plus soigner dans l’exorde, et cette précaution est fondée sur l’état où se trouve alors l’auditeur. […] Il ne peut y avoir lieu ici aux mouvements oratoires : un raisonnement pressé, mais lumineux, des conséquences justes et exactement déduites ; voilà tout le mérite de ces sortes de péroraisons, qui ont l’avantage de réunir, sous un seul et même point de vue, l’état général de la cause, les lois dont elle s’appuie, et les moyens que l’on a employés pour la défendre.

15. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — De Retz. (1614-1679.) » pp. 20-28

Je soutins à Nangis que celui des Importants était de cette nature ; et je vous marque cette circonstance pour avoir lieu de vous faire le plan de l’état où les choses se trouvèrent à la mort du feu roi. […] La valeur de M. le prince (le grand Condé), qui était M. le duc en ce temps-là, fit que celle du roi1 n’altéra point l’état des choses. […] Le premier président parla à la reine avec toute la liberté que l’état des choses lui donnait. […] Le cardinal, à qui un jeune conseiller des enquêtes avait dit en raillant qu’il serait assez à propos qu’il allât lui-même dans les rues voir l’état des choses, le cardinal, dis-je, se joignit au gros de la cour, et l’on tira enfin à toute peine cette parole de la bouche de la reine : « Hé bien !

16. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre quatrième. De la disposition oratoire, ou de l’Ordre mécanique du discours. — Chapitre II. Application du chapitre précédent au discours de Cicéron pour Milon. »

Tout ceci n était pas un vain étalage de phrases étudiées ; c’était le véritable état de l’âme de Cicéron ; et Plutarque rapporte que Milon, qui connaissait la timidité naturelle de son ami, lui avait conseillé de se faire apporter en litière dans le Forum, et d’y rester tranquille jusqu’à ce que les juges fussent assemblés. […] Dans un état tranquille et policé, dit La Harpe, ce meurtre n’aurait pas été excusable ; il ne l’est pas plus dans les temps d’anarchie ; et où en a-t-on été, grand Dieu ! […] « Je crains avec raison, Messieurs, qu’il n’y ait de la bonté pour moi à laisser entrevoir quelque crainte, en commençant de parler pour le plus courageux des hommes ; et quand Milon, tranquille sur son sort, n’est alarmé que pour celui de l’état, je devrais, je le sens, montrer en le défendant la même fermeté. […] « Prêtez-nous donc toute votre attention, Messieurs, et bannissez les craintes qui pourraient vous rester encore ; car si jamais, dans une seule cause, vous eûtes à prononcer sur tous les gens de bien à la fois, sur tous les hommes animés d’un zèle courageux pour la patrie ; si jamais des juges, choisis dans les premiers ordres de l’état, eurent occasion de manifester, par des actions et par des suffrages, l’affection que leurs visages et leurs discours témoignèrent si souvent aux bons citoyens, c’est aujourd’hui surtout qu’elle se présente, cette occasion ; aujourd’hui que vous allez décider si nous serons condamnés à des larmes éternelles, nous les partisans sincères et constants de votre autorité ; ou si, persécutés si longtemps par les citoyens les plus pervers, nous devrons enfin le repos et le bonheur à votre équité et à votre sagesse ». […] Que Milon, ce défenseur intrépide des bons, cet irréconciliable ennemi des méchants, ait été constamment en butte aux orages, aux tempêtes soulevées, dans ces assemblées tumultueuses, par le vent des différentes factions, c’est ce que j’avais facilement prévu ; mais j’étais bien loin de croire que dans un jugement, dans un tribunal où siégent les principaux personnages des premiers ordres de l’état, les ennemis de Milon pussent concevoir l’espérance, je ne dis pas de consommer sa ruine, mais de porter la plus légère atteinte à sa gloire, par le ministère de juges tels que vous ».

17. (1813) Principes généraux des belles-lettres. Tome III (3e éd.) « Notes. Pour l’intelligence des exemples cités dans ce troisième volume. — C — article » p. 409

Après la disgrace de Fouquet, Louis XIV le fit conseiller d’état, contrôleur général des finances, sur intendant des bâtimens, secrétaire et ministre d’état.

18. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section première. La Tribune politique. — Chapitre V. De l’Éloquence politique chez les Français. »

Trop d’avidité d’une part à tout détruire, trop d’obstination peut-être de l’autre à vouloir tout conserver, firent éclore, entre les deux premiers ordres de l’état et les représentants des communes, une lutte qui affligea sensiblement le monarque, et déconcerta, dès cet instant, toutes les espérances d’amélioration que l’on avait cru pouvoir raisonnablement fonder sur cette célèbre convocation. Mais cette lutte même, quelque affligeante qu’elle fût pour les vrais amis de l’ordre et du repos des états, n’en servit que mieux la cause de l’éloquence, en mettant toutes les passions, tous les intérêts aux prises, dans le sein d’une assemblée, qui n’offrit plus qu’un champ de bataille, et dont chaque séance était un combat opiniâtre, au lieu d’une discussion sage et paisible des opinions contraires ; et la nation vit avec douleur ses représentants partagés en deux corps d’armée, également décidés à ne rien rabattre de leurs prétentions, à ne rien abandonner de leurs droits. […] Telles furent constamment les armes dont se servit M. le cardinal Maury, heureusement secondé d’un petit nombre d’hommes demeurés fidèles à la cause de l’état, et restés debout, au milieu des ruines que chaque jour entassait autour d’eux.

19. (1881) Cours complet de littérature. Poétique (3e éd.) « Poétique — Deuxième partie. De la poésie en particulier ou des différents genres de poésie — Première section. Des genres secondaires de poésie — Chapitre II. Du genre pastoral » pp. 96-112

On peut ensuite la voir telle qu’elle est de nos jours : l’état des bergers est bas, servile, laborieux ; leurs occupations sont devenues pénibles et désagréables, leurs idées tristes et grossières. […] Dans quel état le poète doit-il placer ses personnages ? Des trois états que nous venons d’indiquer, le second est trop bas et trop triste, le dernier trop raffiné et trop étranger à la simplicité de la nature, pour qu’on puisse en faire la base de la poésie pastorale. […] C’est assez vanter un état que de le présenter comme n’ayant que de tels malheurs à déplorer.

20. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — La Rochefoucauld, 1613-1680 » pp. 32-37

Il est dans tous les états de la vie et dans toutes les conditions ; il vit partout et il vit de tout ; il vit de rien ; il s’accommode des choses et de leur privation ; il passe même dans le parti des gens qui lui font la guerre, il entre dans leurs desseins, et, ce qui est admirable, il se hait lui-même avec eux, il conjure sa perte, il travaille lui-même à sa ruine ; enfin il ne se soucie que d’être, et pourvu qu’il soit il veut bien être son ennemi. […] je croyois que vous étiez au milieu des pompes et des félicités de la cour, et je n’ai rien su de l’état où vous avez été ; personne assurément n’a osé me l’apprendre ; cette excuse est bonne pour me justifier auprès de vous, mais elle ne me justifie pas auprès de moi ; et mon cœur, qui me dit tant de belles choses de vous, devroit bien aussi me dire quand vous êtes malade. […] Après tout, je serai dans trois semaines à l’Isle ; vous ne vous aviserez jamais de m’écrire avant que je parte, mais au moins mandez-y l’état de votre santé.

21. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Je suis sensible à votre invitation ; et si cet hiver me laisse en état d’aller, au printemps, habiter ma patrie, j’y profiterai de vos bontés. […] Mais, monsieur, comparez ces pages avec celles qui datent de ma solitude : ou je suis trompé, ou vous sentirez dans ces dernières une certaine sérénité d’âme qui ne se joue point, et d’après laquelle on peut juger avec une entière assurance l’état intérieur de l’auteur. […] On l’est quand, dans ses désirs insensés, on met au rang du possible ce qui ne l’est pas ; on l’est quand on oublie son état d’homme, pour s’en forger d’imaginaires, desquels on retombe toujours dans le sien. […] « C’est une chose bien singulière que mon imagination ne se monte jamais plus agréablement que quand mon état est le moins agréable, et qu’au contraire elle est moins riante lorsque tout rit autour de moi. […] Il y a telle de mes périodes que j’ai tournée et retournée cinq ou six nuits dans ma tête avant qu’elle fût en état d’être mise sur le papier.

22. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Voltaire, 1694-1778 » pp. 158-174

Je ne suis, Mademoiselle, qu’un vieux malade, et il faut que mon état soit bien douloureux, puisque je n’ai pu répondre plus tôt à la lettre dont vous m’honorez, et que je ne vous envoie que de la prose pour vos jolis vers. […] Cela posé, songez donc à vous, et puis à vos amis ; buvez du vin de Champagne avec des gens aimables, mais faites quelque chose qui vous mette en état de boire un jour du vin qui soit à vous. […] On n’a jamais sculpté un pauvre homme dans cet état ; M. […] Mon triste état m’interdit tout commerce avec les humains ; mais, quoique vous n’ayez point traduit les Géorgiques 1, hasardez de venir à Ferney quand il vous plaira. […] Voilà mon triste état, je n’ai pas honte de vous le montrer. » 3.

23. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Madame de Sévigné 1626-1696 » pp. 52-64

Il m’est impossible de me représenter l’état où vous avez été, ma chère enfant, sans une extrême émotion ; et, quoique je sache que vous en êtes quitte, Dieu merci ! […] Le péril extrême où se trouve mon fils, la guerre qui s’échauffe5 tous les jours, les courriers qui n’apportent plus que la mort de quelqu’un de nos amis ou de nos connaissances, et qui peuvent apporter pis ; la crainte que l’on a des mauvaises nouvelles, et la curiosité qu’on a de les apprendre ; la désolation de ceux qui sont outrés1 de douleur, et avec qui je passe une partie de ma vie ; l’inconcevable état de ma tante2, et l’envie que j’ai de vous voir, tout cela me déchire, me tue et me fait mener une vie si contraire à mon humeur et à mon tempérament, qu’en vérité il faut que j’aie une bonne santé pour y résister. […] Le premier qui fut en état de parler répondit à nos tristes questions : nous fîmes raconter sa mort. […] Ses deux neveux étaient à cette pompe, dans l’état que vous pouvez penser.

24. (1825) Rhétorique française, extraite des meilleurs auteurs anciens et modernes pp. -433

Le but du genre démonstratif était la louange ou le blâme ; ce genre embrassait les panégyriques, les accusations de crimes contre l’état, les félicitations, les oraisons funèbres, etc. […] Cette division est raisonnable ; elle est bonne en tout état de cause. […] A Athènes et à Rome, l’éloquence du barreau se rapprochait plus de celle des assemblées populaires que ne peuvent le permettre l’institution de nos tribunaux et l’état de notre législation. […] L’état de la cause est ce qui constitue l’essence de la contestation. […] L’état de la cause comprend les questions de fait et les questions de droit.

25. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section I. Des Ouvrages en Prose. — Chapitre I. Du Discours oratoire. »

« Le mondain croit qu’un état ne peut être bien gouverné que par la sagesse et le conseil d’un prince. […] Nous nous bornerons donc aux principales, qui sont la noblesse, l’opulence, la grandeur et la prospérité ; d’autant mieux que par ces quatre sortes d’états, on pourra juger des conditions opposées. […] Comme ils ont occasion d’acquérir et de montrer plus de vertus, ils aiment à faire de grandes choses que leur puissance les met en état d’accomplir. […] » La prospérité participe de la richesse et de la puissance : ainsi son caractère est mêlé de ceux qui sont propres à ces deux états. […] l’état où nous sommes n’en est-il pas une ?

26. (1827) Résumé de rhétorique et d’art oratoire

Mais cette noble étude est indispensable à ceux qui, par état, doivent parler en public. […] Il faut donc ouvrir à l’étudiant la voie qui conduit jusqu’à lui ; et d’ailleurs compléter sa doctrine suivant l’état actuel de la science. […] Cet état d’imperfection peut être attribué à la subtilité des matières qui entrent dans le domaine des sensations du goût. […] Il retombe bientôt dans son état normal. […] Considérons maintenant le style du langage dans son état primitif et ses progrès.

27. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Mignet. Né en 1796. » pp. 504-512

Pour y exceller, il faut être en mesure de bien savoir, en état de pleinement comprendre, en droit de tout juger. […] Enseignements qu’offre la vie de Franklin « Né dans l’indigence et dans l’obscurité, dit Franklin en écrivant ses Mémoires, et y ayant passé mes premières années, je me suis élevé dans le monde à un état d’opulence, et j’y ai acquis quelque célébrité. […] Là, retraçant leurs faiblesses passées, Leurs actions, leurs discours, leurs pensées, À chaque état ils reviennent dicter Ce qu’il faut fuir, ce qu’il faut imiter ; Ce que chacun, suivant ce qu’il peut être, Doit pratiquer, voir, entendre, connaître ; Et, leur exemple en diverses façons Donnant à tous les plus nobles leçons, Rois, magistrats, législateurs suprêmes, Princes, guerriers, simples citoyens mêmes, Dans ce sincère et fidèle miroir Peuvent apprendre et lire leur devoir.

28. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre troisième. Des Trois Genres principaux d’Éloquence. — Section quatrième. Genre Démonstratif. Les Panéryriques. — Chapitre VIII. De l’Oraison funèbre. »

Les choses cependant restèrent dans leur état ordinaire, et les éloges funèbres continuèrent de se renfermer dans l’enceinte des temples, où la religion les avait consacrés, et où Bossuet, Fléchier et d’autres orateurs venaient d’en faire une des parties les plus brillantes de notre littérature. […] De là, ces éternelles et fastidieuses déclamations contre la distinction indispensable des rangs dans un état monarchique, et en faveur d’un système d’égalité prétendue, qui n’a pu tenir contre l’expérience Mais dans le temps même où l’on accordait trop peut-être au rang et à la dignité, on comptait déjà quelques exemples d’oraisons funèbres, consacrées par la piété reconnaissante à des vertus qui n’avaient pas pour elles l’éclat du nom ou la splendeur de la dignité. […] Ce texte, qui convient à tous les états, à tous les événements de notre vie, par une raison particulière devient propre à mon lamentable sujet, puisque jamais les vanités de la terre n’ont été si clairement découvertes, et si hautement confondues.

29. (1865) Morceaux choisis des classiques français à l’usage des classes supérieures : chefs-d’oeuvre des prosateurs et des poëtes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouv. éd.). Classe de troisième « Morceaux choisis des classiques français à l’usage de la classe de troisième. Chefs-d’œuvre de prose. — Fontenelle. (1657-1757). » pp. 110-119

Ancien état de l’Amérique. Remettez-vous dans l’esprit l’état où était l’Amérique avant qu’elle eût été découverte par Christophe Colomb1. […] Il avait mérité que, dans certaines occasions importantes, l’autorité souveraine et indépendante des formalités appuyât ses démarches ; car la justice serait quelquefois hors d’état d’agir, si elle n’osait jamais se débarrasser de tant de sages liens dont elle s’est chargée elle-même.

30. (1811) Cours complet de rhétorique « Livre second. Définition et devoir de la Rhétorique. — Histoire abrégée de l’Éloquence chez les anciens et chez les modernes. — Chapitre IV. De l’Éloquence chez les modernes. »

Aussi des débris épars de la tyrannie qui venait de succomber, vit-on se former, sur tous les points de l’Europe, une foule de petits états, tous gouvernés par de petits despotes, uniquement occupés du soin de se détruire mutuellement, et d’opprimer des peuples devenus assez stupides pour ne pas même s’apercevoir qu’ils avaient changé de joug et de maître. […] Il est triste, sans doute, pour les amis des lettres, d’être obligés d’avouer que ce qui trouble les états est ce qui favorise le plus, ou la seule chose plutôt qui favorise l’éloquence.

31. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — La Rochefoucauld 1613-1680 » pp. 18-21

je croyais que vous étiez au milieu des pompes et des félicités de la cour, et je n’ai rien su de l’état où vous avez été ; personne assurément n’a osé me l’apprendre ; cette excuse est bonne pour me justifier auprès de vous ; mais elle ne me justifie pas auprès de moi, et mon cœur, qui me dit tant de belles choses de vous, devrait bien aussi me dire quand vous êtes malade. […] Après tout, je serai dans trois semaines à l’Isle ; vous ne vous aviserez jamais de m’écrire avant que je parte, mais au moins mandez-y l’état de votre santé.

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