Ces exercices, qui sont très propres à former le style, ont reçu le nom de compositions secondaires, et peuvent se réduire à trois : la description, qui peint les objets ; la narration, qui raconte les faits ; la lettre, qui sert à converser par écrit. […] De plus, les faits qui méritent d’être racontés doivent être présentés et exprimés de manière à plaire et à persuader. […] La brièveté de la narration consiste, non pas précisément à raconter le fait en peu de mots, mais à ne rien dire d’inutile, et à commencer et à finir où il convient. […] Dans la narration, on entend par intérêt ce qui est propre à exciter l’attention, à charmer l’imagination, à toucher le cœur, à attacher l’âme aux faits que l’on raconte. […] Ce fait n’est point raconté dans ses détails suivant l’ordre des temps, comme dans la narration historique.
Il se présente naturellement trois manières de développer un sujet : 1° décrire, raconter des faits, ce qui s’adresse à l’imagination ; 2° émouvoir, en cherchant à exciter les passions ; 3° prouver, en s’adressant à l’esprit par le raisonnement. […] Quand on raconte une action, il faut observer avec soin toutes les circonstances qui l’accompagnent : c’est là le point important du sujet ; c’est là qu’il faut faire briller la vérité, la fidélité, la couleur locale. […] La mort de Turenne et la mort de Vatel, par madame de Sévigné, nous offrent des modèles parfaits de l’art de raconter, avec toutes les circonstances qui donnent de l’intérêt au récit.
Il ne s’est donc pas contenté de raconter : il peint, et souvent d’un seul trait. […] Voici, par exemple, l’apologue qu’il a mis, sous le titre la Fable et la Vérité, en tête de son recueil : peut-on rien trouver de plus vrai au fond, de plus à propos et de mieux raconté ? […] On peut, sous le titre qu’elle porte, louer, blâmer, raconter, philosopher, disserter, enseigner. […] Car, quand il ne s’agit que de ces ridicules qui ne portent aucune atteinte à la considération morale d’un homme, comme de faire de mauvais vers, ou de donner un repas mal ordonné, il n’y a pas plus de malice à le dire en vers qu’à le raconter comme on le fait tous les jours dans la conversation. […] La muse raconte et le poète écrit ; au lieu que, dans l’ode, son inspiration est prophétique.