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154. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre I. — Défauts et qualités de la phrase »

Citons cette belle période de Fléchier, chef-d’œuvre d’harmonie et d’éloquence ; elle est tirée de l’exorde de l’Oraison funèbre de Turenne : Cet homme, qui portait la gloire de sa nation jusqu’aux extrémités de la terre, | qui couvrait son camp du bouclier et forçait celui des ennemis avec l’épée ; || qui donnait à des rois ligués contre lui des déplaisirs mortels, | et réjouissait Jacob par ses vertus et par ses exploits, dont la mémoire doit être éternelle ; || cet homme qui défendait les villes de Juda, qui domptait l’orgueil des enfants d’Ammon et d’Ésaü, qui revenait chargé des dépouilles de Samarie, après avoir brûlé sur leurs propres autels les dieux des nations étrangères ; || cet homme que Dieu avait mis autour d’Israël, comme un mur d’airain où se brisèrent tant de fois toutes les forces de l’Asie, | et qui, après avoir défait de nombreuses armées, déconcerté les plus fiers et les plus habiles généraux des rois de Syrie, venait tous les ans, comme le moindre des Israélites, réparer avec ses mains triomphantes les ruines du sanctuaire, et ne voulait d’autre récompense des services qu’il rendait à sa patrie, que l’honneur de l’avoir servie ; || ce vaillant homme poussant enfin, avec un courage invincible, les ennemis qu’il avait réduits à une fuite honteuse, recul le coup mortel et demeura comme enseveli dans son triomphe.

155. (1866) Morceaux choisis des classiques français, à l’usage des classes supérieures : chefs d’œuvre des prosateurs et des poètes du dix-septième et du dix-huitième siècle (nouvelle édition). Classe de seconde

Qui peut mettre dans l’esprit des peuples la gloire, la patience dans les travaux, la grandeur de la nation et l’amour de la patrie, peut se vanter d’avoir trouvé la constitution d’État la plus propre à produire de grands hommes. […] Ils ont prétendu, en fondant votre compagnie, fonder pour l’éloquence, qui a mérité d’être appelée la reine de l’univers, un domicile, une patrie, une citadelle assurée, afin qu’arrosée des sources de l’antiquité grecque et latine, elle n’admît jamais le mélange d’une nouveauté séduisante ; afin qu’élevée, pour ainsi dire, par vos mains dans le goût antique, et gardée sous une austère tutelle contre l’audace des corrupteurs, jamais elle ne se laissât altérer par le fard, par l’afféterie, ni par tous les ornements indignes de sa pureté. […] Aristide avait été juste avant que Socrate eût dit ce que c’était que la justice ; Léonidas était mort pour son pays avant que Socrate eût fait un devoir d’aimer la patrie ; Sparte était sobre avant que Socrate eût loué la sobriété ; avant qu’il eût défini la vertu, la Grèce abondait en hommes vertueux. […] Il est de tout son sang comptable à sa patrie, Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie487 : Chaque instant de sa vie, après ce lâche tour, Met d’autant plus ma honte avec la sienne au jour. […] Dreux, sa patrie, était ravagée par une de ces épidémies que l’on a longtemps confondues avec la peste.

156. (1865) Cours élémentaire de littérature : style et poétique, à l’usage des élèves de seconde (4e éd.)

S’il est bas et ignoble de se battre comme les gens grossiers dans un transport de colère, il est noble et glorieux de combattre pour venger la patrie et soutenir le bon droit. […] Dites la vérité sur tous, mais gardez-vous d’étouffer le sentiment qui vous attache à la patrie, à la morale, à la religion ; ce serait dépouiller votre œuvre de tout intérêt, de toute élévation ; ce serait méconnaître le but moral sans lequel l’histoire n’est qu’une série de dates et de faits, une vaine et froide compilation. […] Ce n’est plus un orateur qui parle, c’est un général, c’est un roi, c’est un prophète, c’est l’ange tutélaire de la patrie ; et quand il menace ses concitoyens de l’esclavage, on croit entendre dans le lointain, de distance en distance, le bruit des chaînes que leur apporte le tyran. […] D’ailleurs, il s’agit très souvent d’un événement heureux pour la patrie, et c’est alors un devoir pour le poète de mêler à ses transports de joie un sentiment de reconnaissance envers la Divinité. […] Horace ne puise d’inspiration que dans les impiétés et les malheurs de sa patrie : nous sommes moins émus de ses chants, parce que son âme est froide, sceptique et toujours vide du sentiment religieux : Parcus deorum cultor et infrequens.

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