Cette figure se montre dans toute sa grâce dans une page de Chateaubriand, écrite sur l’Amour maternel : Cette femme si faible a tout à coup acquis des forces… etc.
Son discours, armé contre les passions qu’enfante l’égoïsme, doit s’animer de toutes celles que la loi morale autorise ; par elles il foudroie tout ce qui lui résiste, il impose à son gré la conviction, et tous ces milliers d’hommes qui se pressent silencieusement autour de lui, ou qui ont les yeux attachés sur les pages qu’il a tracées, ne vivent plus qu’en lui, et n’ont plus d’âme que la sienne. […] On trouve dans ce dernier des pages entières de ce genre : « On vit la duchesse d’Aiguillon souffrir, mais on ne l’entendit pas se plaindre ; elle fit des vœux pour son salut, et n’en fit pas pour sa santé. […] Molière en offre des modèles à chaque page ; il sait être familier, sans tomber dans l’écueil du genre, le bas et le burlesque.
En travaillant à décomposer une œuvre qu’on sait par cœur, on sera surpris d’avoir jusqu’alors laissé dans l’oubli des beautés surprenantes et lorsqu’on ouvrira un livre inconnu, on n’aura pas lu deux pages, qu’on aura porté sur son mérite un jugement raisonné: car tel est l’effet de l’exercice de la décomposition, c’est de nous initier avec une étonnante célérité à la connaissance du beau en littérature. […] Je ne pourrais en quatre pages d’écriture répondre aux lignes que je reçois de vous, Monsieur ; je n’ai rien vu de si joli. […] Ne mesurez donc point notre amitié sur l’écriture : je vous aimerai autant en ne vous écrivant qu’une page en un mois, que vous en m’en écrivant dix en huit jours.